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ports pour lui, les quatre ministres et le commandant général, et qu'alors il évacuerait la place. Trouvant, sans doute, ces conditions inacceptables, le général Herrera força l'entrée du palais et saisit Canalizo, Salas, le ministre de la guerre et celui de l'intérieur.

Le 7, on organisa un nouveau gouvernement. Le général Herrera fut constitué président de la république, et son cabinet fut composé de MM. Pedro Echeverria, ministre de l'intérieur, Luis-G. Cuevas, ministre des affaires étrangères, Cariano Rivapalacio, ministre de la justice et de l'instruction publique, et le général Pedro Garcia-Conde, ministre de la guerre et de la marine.

Le peuple, délivré de la tyrannie de Santa-Anna, renversa ses statues, et alla jusqu'à déterrer, pour le traîner dans la boue, le membre mutilé de son ancien dictateur.

Arrivé à Ayosta, à quelques milles au sud-est de la capitale, Santa-Anna avait déjà perdu 2,000 hommes par la désertion. En même temps, le congrès publiait un décret dépouillant de leurs insignes tous les officiers de Santa-Anna qui n'adhéreraient pas au gouvernement actuel. Ces mesures augmentèrent le mauvais vouloir dans les troupes de Santa-Anna. Alors un nouveau décret fut lancé par le congrès, déclarant Santa-Anna traître et hors la loi, et autorisant tous ceux qui s'empareraient de lui à lui ôter la vie. On adopta en même temps des mesures pour empêcher sa fuite, en gardant les divers ports de mer et les autres issues.

Se voyant dans l'impossibilité d'agir contre la capitale, SantaAnna marcha sur Puebla, dans l'intention d'emporter cette place avant la jonction des 7,000 hommes du général Paredès et des mille hommes du général Guzman. Mais Puebla était sur le pied de guerre, et des troupes de cavalerie étaient organisées en d'autres villes pour s'emparer de Santa-Anna, s'il cherchait à s'échapper. L'ancien président était définitivement perdu.

La chute de Santa-Anna avait été inévitable; tombé au pouvoir des révoltés, il ne sut pas la rendre digne. A peine vaincu, il s'humilia pour conserver une vie qu'on ne pensait pas à iui

arracher. Dans une supplique adressée au congrès, il sollicita non pas un acte de justice, mais un acte de clémence. L'exil perpétuel, tout en satisfaisant la justice, serait, disait-il, un acte de généreuse magnanimité, et, pour obtenir cette grâce, SantaAnna représentait que ce serait une terrible peine que l'exil pour un vieillard mutilé, réduit à abandonner son pays, są famille, ses intérêts. Napoléon, après avoir ensanglanté l'Europe, avait été relégué à Sainte-Hélène, et la France s'était regardée comme suffisamment vengée par l'exil. Ainsi, ce lâche osait se comparer à Napoléon au moment où il mendiait la vie. (Voy. cette supplique aux Documents historiques).

La première affaire dont le gouvernement nouveau allait avoir à s'occuper était celle du Texas. On a vu plus haut quelles avaient été les diverses phases de cette question. A la nouvelle de l'annexion, le président ad interim du Mexique fit un appel aux armes à tous les citoyens de la république pour déclarer la guerre aux États-Unis. Dans l'état où se trouvait le Mexique, avec ses finances épuisées et ses dissensions intérieures, il était impossible d'accorder la moindre importance à cette déclaration. Le général don Manuel Rincon, gouverneur du département de Mexico, adressa aux Mexicains la proclamation suivante:

Le ministre des affaires étrangères m'a communiqué le décret suivant : José-Joaquin de Herrera, général de division et président ad interim de la république mexicaine, aux citoyens de ladite république,

Savoir faisons que le congrès général a décrété et le pouvoir exécutif sanctionné ce qui suit :

«Le congrès national de la république mexicaine, considérant que le congrès des États-Unis du Nord, par décret qui a sanctionné le pouvoir exécutif, a résolu d'incorporer le territoire du Texas dans l'Union américaine; que cette manière de s'approprier des territoires sur lesquels les autres nations ont des droits introduit une monstrueuse nouveauté compromettant la paix du monde et violant la souveraineté des nations; que cette usurpation consommée au préjudice du Mexique était depuis longtemps préparée perfidement, pendant que l'on proclamait bautement la plus cordiale amitié, et que, de la part de la république mexicaine, les traités existant entre elle et les États-Unis étaient scrupuleusement et légalement respectés ;

Que ladite annexion du Texas aux États-Unis foule aux pieds les principes conservateurs de la société, attaque tous les droits que le Mexique a sur le

territoire, est une insulte à sa dignité comme nation souveraine et menace son indépendance et son existence politique; que la loi des États-Unis en ce qui touche l'annexion du Texas aux États-Unis ne détruit pas du tout les droits du Mexique sur ce territoire, droits qu'il compte faire respecter ; que les États-Unis ont foulé aux pieds les principes qui servaient de base aux traités d'amitié, de commerce et de navigation, et plus spécialement aux délimitations fixées avec précision, même avant 1832, et qui sont violées par cet acte; et enfin que l'injuste spoliation dont les États-Unis veulent rendre victime le Mexique donne à celui-ci le droit d'employer toutes ses ressources et toute sa puissance à résister jusqu'à l'extrémité à ladite annexion;

Il est décrété: 1o La nation mexicaine appelle tous ses enfants à la défense de son indépendance nationale, menacée par l'usurpation du Texas, qui doit être réalisée aux termes du décret d'annexion adopté par le congrès et sanctionné par le président des États-Unis du Nord; 2o en conséquence, le gouvernement mexicain appellera aux armes toutes les forces de terre, suivant le pouvoir qui lui est accordé par les lois existantes et dans l'intérêt de la conservation de l'ordre public, pour la sanction de ses institutions, et au besoin pour servir de réserve à l'armée. Le gouvernement, aux termes des pouvoirs à lui accordés le 9 décembre 1844, mettra sur pied le corps spécifié par ledit décret, sous le titre de défenseurs de l'indépendance et des lois.

A D. Luis Cuevas.

«Signé, Miguell Artistan, président des députés ; Francisco CALDERON, président du sénat. Approuvé pour être imprimé et publié :

« Signé, José-Joaquin de Herrera.

Palais du gouvernement national, ville de Mexico, le 4 juin.»

Toutes ces démonstrations du Mexique contre les États-Unis n'étaient que ridicules aux yeux des gens sérieux. L'armée qui devait, traversant le Texas, venir mettre le siége sous Washington, n'existait que sur le papier. Les finances de l'État n'étaient pas plus réelles que l'armée elle-même. Le congrès avait, il est vrai, voté un emprunt de 75,000,000 de francs; mais serait-il possible de réaliser cet emprunt? Au dehors comme au dedans, le crédit était impossible.

Du côté des États-Unis, les manifestations sérieuses ne manquaient pas au contraire. Là, on désirait la guerre et on était en mesure de la soutenir. Le trésor fédéral avait des excédants de recettes considérables. La situation générale des affaires était telle que rien n'y devait être plus facile que de conclure

avec les capitalistes du pays un avantageux arrangement, si le gouvernement en avait besoin.

Quel rôle avait joué la diplomatie étrangère dans l'accomplissement du fait qui avait amené ces luttes, l'indépendance du Texas? Le message de M. Cuevas au congrès mexicain s'efforçait de démontrer que, si le gouvernement mexicain avait reconnu l'indépendance du Texas, il n'avait fait que céder aux vives instances de l'Angleterre et de la France. Il y était dit:

«Les gouvernements d'Angleterre et de France ont constamment recommandé à nos représentants, accrédités près d'eux, l'utilité de reconnaitre l'indépendance du Texas. Ces recommandations leur étaient faites de la manière la plus formelle et la plus explicite, dans l'intérêt de notre république et dans le but de prévoir les dommages sérieux dont elle était menacée. Les représentants des deux cours à Mexico nous ont donné les mêmes avis. >>

Ces explications justificatives données par M. Cuevas, pour se laver, aux yeux du congrès, de la part qu'il avait prise à l'acte de reconnaissance, prouvaient que le rôle de la diplomatie anglaise avait été de conseiller la reconnaissance du Texas, pour faire disparaître par ce moyen les causes d'une guerre qui ne devait profiter qu'aux États-Unis. La reconnaissance impliquait un renoncement à toute agression légitime.

Au reste, les menaces de guerre faites par le Mexique aux États-Unis, ainsi que les belliqueuses manifestations du pays, ne tardèrent pas à s'évanouir. Ce changement devait être attribué en partie à l'influence des sages conseils du président Herrera, qui avait vu dans cette déclaration de guerre une occasion pour les États-Unis de s'emparer d'une autre partie du territoire mexicain.

L'élection du nouveau président eut lieu, le 15 août, dans tous les départements. Les seuls candidats étaient le général Herrera et le général Almonte, précédemment ministre de la république à Washington. Le général Almonte ne réunit que

très-peu de voix; le général Herrera, au contraire, obtint une immense majorité.

Aussitôt que l'élection du président fut connue, le cabinet se retira en masse. Cette résolution était la conséquence non d'une mésintelligence entre le président et le ministère, mais d'un arrangement convenu après la révolution du 7 décembre et la formation du gouvernement provisoire. On supposait que les ministres démissionnaires pourraient entrer dans une nouvelle combinaison, mais ils étaient heureux d'échapper aux difficultés de la situation, et aucune sollicitation ne put les décider à reprendre leur portefeuille. Ce ne fut qu'après s'être inutilement adressé à toutes les personnes influentes, qu'on se résigna à former le cabinet de la manière suivante: affaires étrangères, M. Pena y Pena; finances, Fernando del Castillo; guerre, général Arraya; grâce et justice, M. Custo.

Le trésor, et l'armée remis aux mains du nouveau ministre étaient dans un état déplorable. Le ministre des finances était réduit à emprunter au jour le jour, pour faire face aux besoins les plus urgents, et le congrès avait autorisé l'emprunt de 15 millions de dollars à des conditions qui devaient rendre cet emprunt irréalisable, quand même le crédit du pays se serait trouvé dans de meilleures conditions.

Les relations du Mexique avec la France furent encore une fois compromises par une série d'incidents regrettables. Il a été dit ailleurs comment le représentant de la France au Mexique, M. Alleye de Cyprey, avait été insulté gravement en cherchant à sauvegarder quelques-uns de ses nationaux menacés et frappés dans un endroit public (voy. Histoire de France,Relations extérieures, p. 226). Peut-être y avait-il eu ducôté du ministre français une irritabilité peu justifiable? Peut-être la dignité de la France avait-elle été oubliée par lui dans une querelle subséquente entre M. de Cyprey et le rédacteur en chef du journal le Dixneuvième siècle, M. Mariano Otero. Une rixe personnelle, venant s'ajouter à des réclamations légitimes, n'était peut-être pas de nature à amener la solution des difficultés survenues. Mais,

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