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jurons de conserver ces priviléges intacts à Votre Majesté et à vos héritiers comme à nos enfants, ou de mourir pour leur défense. »

Un incident curieux de l'agitation irlandaise fut la situation. nouvelle faite aux prêtres catholiques qui jusqu'alors avaient pris part aux mouvements du repeal. Une lettre fut adressée par la propagande de Rome à l'archevêque catholique d'Armagh, par laquelle le saint-siége blåmait, de la manière la plus formelle, la conduite factieuse des prélats et des prêtres irlandais engagés dans l'agitation du repeal, et recommandait expressément la soumission en toute matière temporelle aux autorités établies.

Dans le synode tenu dans les derniers jours de l'année précédente, à Dublin, au sujet de l'acte des donations pieuses, la résolution pacifique des évêques avait été déterminée surtout par les conseils du saint-siége. Depuis que trois prélats avaient accepté les fonctions de commissaires de la couronne, M. O'Connell n'avait cessé d'organiser contre eux et contre la mesure dont ils étaient chargés une agitation des plus redoutables. Il avait publiquement déclaré que la lettre qu'on savait avoir été reçue de Rome par le primat catholique d'Irlande n'était pas un document canonique.

C'est à cette occasion que l'archevêque d'Armagh donna la publicité à la lettre de la congrégation. Une première communication avait déjà été faite, en 1839, par la cour de Rome, au primat catholique d'Irlande, sur le même sujet; mais les efforts du primat étant restés inutiles, le pape lui avait fait adresser une lettre plus expresse. C'était là un échec grave pour l'agitation. (Voyez la lettre aux Documents historiques, partie non officiele.)

Au reste, l'administration de sir Robert Peel avait pris, à l'égard de l'Irlande, une noble initiative. D'autres cabinets, avant celui-ci, avaient cherché à améliorer la situation matérielle de ce malheureux pays; aucun n'avait abordé aussi franchement la rénovation de l'Irlande par le côté intellectuel et moral. Aussi, le chef du ministère tory avait-il le droit de prononcer ces nobles paroles:

«Quelle est aujourd'hui la conduite de l'Irlande relativement à l'enseignement académique? Telle est la question qui doit dominer le débat. Il y a quelque temps, vous avez pourvu à l'éducation des classes pauvres en Irlande, et 400,000 âmes en Irlande ont reçu le bienfait de l'éducation sans qu'il fût question d'y comprendre l'enseignement religieux. Mais le baut enseignement est négligé; et vous n'avez en Irlande que l'Université de Dublin pour les études académiques des protestants, et le collège de Maynooth pour les catholiques. Maintenir l'Université de Dublin est assurément une bonne et sage pensée; mais vouloir que les institutions nouvelles, destinées à combler une lacune dans l'enseignement public, soient basées sur l'enseignement de la religion protestante, c'est neutraliser le bon effet de la mesure vis-à-vis des catholiques romains. Violons-nous la constitution anglaise et la religion réformée, parce que nous soutenons et nous relevons le collège de Maynooth? Non, il est injuste de nous reprocher l'athéisme et l'infidélité, parce que nous voulons fonder des colléges qui ne seront pas basés sur des constitutions théologiques. La question religieuse reste soumise aux parents des enfants, qui veilleront certainement à ce que les enfants soient élevés dans la religion établie. On nous dit que nous aurions dû consulter les prélats catholiques romains. Cela ne se pouvait pas faire sans consulter également les prélats de l'Église anglicane. Cette double consultation, suivie d'un résultat tout contradictoire, probablement eût rendu la mesure impossible.

Dans un pays comme l'Irlande, où la religion catholique est numériquement si supérieure à la religion réformée, il eût été inutile de chercher à améliorer le haut enseignement, en prescrivant des obligations religieuses qui eussent rendu les améliorations incapables pour les catholiques romains. Ce sont là des germes de bon vouloir amical que nous semons pour l'avenir, et qui produiront plus tard une moisson salutaire et féconde. Nous ne sommes pas des athées, nous dont le système d'enseignement repose sur ce grand principe de la religion chrétienne : Charité réciproque. »

CHAPITRE XIV.

GRANDE-BRETAGNE. — Extérieur.— Relations avec les États-Unis.- Question de l'Orégon. -Commerce en Chine. Édit de l'empereur accordant la libre pratique de la religion chrétienne. - INDE. Situation de l'insurrection mahraite. Victoires des Anglais. Royaumes d'Oudh et d'Hyderabad. Révolutions du Punjab. Lutte contre les boers au cap de Bonne-Espérance. NOUVELLE-ZÉLANDE.— Révoltes des naturels.

GRANDE-BRETAGNE.

EXTÉRIEUR.

La question de l'Orégon était toujours une question brulante entre les deux gouvernements de la Grande-Bretagne et des États-Unis. On verra plus loin (États-Unis) quelle attitude avait prise à ce sujet M. James Polk, le nouveau président de l'Union. Malgré la roideur de cette attitude, malgré l'invasion lente et sourdement ménagée du territoire contesté par les émigrants d'Amérique, il semblait que la Grande-Bretagne voulût ne pas s'exposer aux chances d'une lutte à ce sujet. Sir Robert Peel annonça, dans la Chambre des communes (6 avril), que, nonobstant le langage du président des États-Unis, le gouvernement britannique croyait de son devoir de ne pas désespérer d'un résultat favorable pour les négociations.

Lord d'Aberdeen déclarait en même temps à la Chambre des communes qu'il ferait tous ses efforts pour amener un règlement équitable et amical des droits des deux pays.

M. le ministre des affaires étrangères terminait cette déclaration par ces remarquables paroles:

Milords, je regarde la guerre légèrement entreprise comme la plus grar de des folies, si elle n'est pas le plus grand des crimes qu'un pays puisse commettre. Je partage l'opinion d'un honorable écrivain qui a dit que, s'il fallait une preuve de la profonde corruption de la nature humaine, nous la trouverions dans ce fait que la guerre elle-même est quelquefois légitime. C'est le devoir, et, j'en suis sûr, le désir du gouvernement de la reine de conserver la paix. Cependant il est des limites qui ne

doivent pas être dépassées, et je fais cette déclaration sans attacher trop d'importance aux questions d'honneur, car je pense, heureusement pour l'Angleterre, que nous n'avons pas besoin d'être très-susceptibles à cet égard. Ce n'est pas à nous, Dieu le sait, à rechercher « la bruyante renommée à la bouche du canon» ni ailleurs. Notre puissance, notre consideration, notre position, sont de nature à nous permettre d'envisager avec indifférence ce dont d'autres pays pourraient être plus jaloux peut-être. Mais avec tout cela notre honneur est une propriété que nous ne pouvons jamais négliger; et assurément nous pourrions être teuus vis-à-vis de nousmêmes et de la postérité d'adopter une marche contraire à tous nos désirs, à tous nos penchants.»

Lord John Russell, de son côté, appelé à dire son avis sur la question, déclarait que, dans son opinion, la Grande-Bretagne avait sur le territoire contesté les droits les plus clairs et les plus incontestables. Toutefois le gouvernement désirait un arrangement amiable sur cette question. Mais, si l'on empiétait sur ces droits, il était décidé et préparé à les soutenir.

Le nouveau système de commerce produisait en Chine d'excelents résultats. Le commerce de Canton, en 1844, avait été beaucoup plus considérable que les autres années. La fabrication des cotons et des autres articles de produit anglais avait pris une grande extension. Le commerce d'importation du port, pendant l'année, avait occupé 306 navires d'un tonnage de 142,099. Sur ce nombre, 228 navires étaient arrivés portant pavillon anglais, y compris 22 de l'Inde anglaise et de ses colonies. Sur les autres 78, il y en avait eu 57 américains et 11 hollandais, ce qui faisait 10 pour les autres nations. Cela faisait une proportion entre le commerce anglais du port et celui des autres nations d'un peu plus de 9 à 1.

Le commerce d'exportation avait occupé 296 navires, dont 228 anglais. On peut se faire une idée de la nature des importations des États-Unis, lorsqu'on connaît leur valeur totale, estimée à 7,860,676 dollars, dont 4,722,000 doll. pour les cotons et 2,896,676 pour les laines, ne laissant que 200,000 doll. pour la valeur de tous les autres articles. Les importations de coton brut et d'autres produits indiens et orientaux forment un total de 8,645,564 dollars.

Le trafic de l'opium avait également augmenté; mais, comme il constitue la contrebande, on ne peut l'apprécier par des chiffres

positifs. Les importations de l'année 1843 avaient atteint, assuret-on, le chiffre énorme de 40,000 caisses, ce qui représente un capital de près de 20,000,000 de dollars.

Les exportations anglaises sont ainsi distribuées : aux ports du Royaume-Uni, 15,400,000 dollars; Inde anglaise, 2,100,000; autres lieux, 400,000. Total 18,900,000.

Les importations sont les articles coton et laine, et l'opium de l'Inde. Les exportations consistent en soies brutes, thé et casse. Malgré le chiffre peu important des droits, le commerce anglais, à Canton seul, avait produit, en 1844, un plus grand revenu qu'on n'en tirait jadis du commerce étranger tout entier.

Dans le port d'Amoy, les importations anglaises, pendant le trimestre de 1844, étaient de 12 navires de 3,415 tonneaux; les exportations, de 11 navires de 3,170 tonneaux.

Le commerce d'importation des autres pays occupait 7 navires de 1,001 tonneaux; le commerce d'exportation, 7 navires de 1173 tonneaux. La valeur des importations britanniques était estimée à 63,933 liv. sterl; celle des autres pays était estimée à 17,726. La proportion était donc partout énorme en faveur du commerce anglais.

L'événement le plus important de l'année fut l'autorisation accordée par l'empereur de la libre pratique de la religion chrétienne par ses sujets. Le rapport du haut commissaire chinois Ki-Yng stipulait également que les nations chrétiennes pourraient ériger des temples de leur religion dans les cinq ports ouverts au commerce. Voici ce rapport:

«Ki-Yng, premier ministre, commissaire impérial et vice-roi des provinces de Kwangtung et Kwangsi, présente humblement au trône ce mémoire dûment rédigé :

Moi, votre ministre, je trouve que la religion chrétienne est celle que les nations des mers occidentales vénèrent et adorent. Ses préceptes enseignent la vertu et la bonté et réprouvent la méchanceté et le vice. Elle a été introduite et propagée en Chine depuis les jours de la dynastie Ming, et dans un temps où aucune proscription ne s'élevait contre elle. Depuis, parce que des Chinois qui professaient ses maximes s'en servirent pour faire le mal, les autorités ont fait une enquête et out infligé des punitions, ainsi qu'il est rapporté. Or, il est constant que l'envoyé actuel Lagrené a demandé que les Chinois qui suivent cette religion, et sont d'ailleurs innocents aux yeux de Ann. hist. pour 1845. 30

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