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en présentant la loi d'hérédité comme réglant l'un des priviléges formellement garantis par la charte de 1809. Cette prétention n'ayant pu être admise, l'ordre des nobles adressa au roi une pétition pour la supplier de refuser sa sanction à la loi. Les pétitionnaires exposaient à Sa Majesté que, si l'égalité du partage des successions pouvait être admise sans inconvénient pour les autres classes, la répartition inégale, telle que l'établissent les lois jusqu'ici en vigueur, est un droit inalienable et imprescriptible inhérent à la qualité de noble, et dont l'abolition léserait gravement les intérêts de la noblesse suédoise. Un membre de la minorité protesta solennellement contre cette résolution; il fit ressortir tout ce qu'une telle démarche avait d'inconstitutionnel et de blessant pour les trois autres ordres de l'État, et demanda que, si l'on persistait à remettre au roi la pétition, il y fût fait du moins mention de la protestation. Cette demande ne fut point accueillie.

Une autre proposition, présentée par le chef d'administration du revenu de l'État ( comptoir d'État), tendait à établir une égale répartition de l'impôt foncier auquel échappent, en Suède, toutes les propriétés possédées de temps immémorial par des particuliers, et transmises par héritage et par rente, ainsi que les apanages des familles nobles. Cette proposition fut renvoyée à la diète prochaine.

L'événement le plus remarquable de cette session fut la présentation à la diète, par le roi, d'un code général de la législation du royaume. Ce travail préparé depuis longtemps doit débrouiller et mettre au niveau des idées modernes le labyrinthe inextricable de la législation suédoise.

Le 24 mai, eut lieu à Stockholm la clôture de la diète, par un discours royal qui rappelait les différents résultats de la session législative.

Quant à la question d'une modification du système représentatif, le roi voyait dans la divergence des opinions émises un indice d'un besoin de changement. Mais, pour résoudre ce

grand problème dans l'intérêt général, il fallait des concessions réciproques.

Dans le courant de cette diète, avait été présenté un projet nouveau de code pénal et celui d'une loi sur les prisons. Les principes de ces deux projets avaient été adoptés par la diète. Il y avait là les bases d'un travail ultérieur qui resterait à discuter dans la réunion prochaine, et par rapport auquel Sa Majesté s'engageait à présenter, à cette époque, une proposition nouvelle.

A l'occasion du budget des recettes et des dépenses, le roi appelait l'attention de la diète sur la nécessité d'employer les moyens disponibles à des allocations pour l'enseignement public, les sciences et les beaux-arts, pour la régularisation d'un système de défense nationale, et pour des travaux publics dans l'intérêt de l'agriculture et de l'industrie.

Le roi rappelait avec plaisir les efforts de la diète pour garantir la solidité de la banque nationale et le maintien de la valeur du signe monétaire.

L'accroissement successif des revenus indirects de l'État, témoignant de l'extension du mouvement commercial et d'un bien-être progressif à l'intérieur, avait fourni la possibilité d'opérer une réduction de l'impôt personnel. En employant ces ressources imprévues en faveur de l'enseignement primaire, la diète n'avait fait qu'appliquer les vues si élevées du jeune et intelligent monarque auquel sont confiées désormais les destinées de la Suède et de la Norvége.

Le roi fit, le 10 février, l'ouverture solennelle du storthing de Norvége. S. M. prononça un discours dans lequel elle rappelait les efforts faits par le roi Charles-Jean, son père, pour former un lien indissoluble entre deux grands peuples unis pour leurs avantages et leur sûreté commune. Le roi continuait ainsi :

. Comme héritier de son trône ainsi que de ses vœux ardents pour le bonheur et l'indépendance de deux royaumes frères, je regarde comme mon premier devoir royal d'exécuter ce que le grand fondateur de l'union a été empêché par la mort seule d'accomplir, et de régler d'une manière satisfaisante pour les deux nations certaines relations de l'union d'après l'égalité des

droits politiques établie par l'acte d'union. Ce qui reste encore à faire en ce qui concerne les devoirs réciproques des deux royaumes pour affermir davantage une union qui est la garantie la plus sûre de sa liberté et de l'indépendance de la presqu'ile scandinave, sera réglé en temps opportun par la ccopération éclairée et patriotique des deux représentations nationales.

« De même que le droit et la vérité dirigeront toujours me's efforts dans l'accomplissement de ma mission royale, j'ai la conviction intime que je trouverai chez les députés de la Norvége un véritable esprit de patriotisme et de concorde, un appui éclairé et ferme qui est nécessaire non-seulement pour protéger notre pays, nos institutions, nos occupations pacifiques, maîs en outre pour étendre le bonheur et la prospérité à toutes les classes de la société. Notre avenir est riche d'espérance, et la tâche de développer nos heureux rapports, qui nous est venue du fondateur de l'union, exige nos efforts les plus énergiques.

« Les bienfaits de l'instruction, le développement des forces sociales et le maintien de la liberté, sont des avantages que nous devons laisser à ceux qui viendront après nous dans un état meilleur.

« Le triomphe des lumières et de la paix n'est pas aussi brillant, mais plus durable que celui du combat, et n'exige pas moins de courage et de dévouement.

« Aussi bien à mon avénement au trône que plus tard, j'ai reçu les témoignages les plus satisfaisants des dispositions bienveillantes et amicales des puissances étrangères.

Cet accord heureux s'est manifesté déjà dans les négociations entamées, mais non terminées, concernant le tribut que nous payons à un des Etats de l'Afrique du nord, et qui est en opposition avec nos intérêts commerciaux et notre dignité. Le rapport sur l'état du royaume vous fera voir quels progrés nous avons faits dans les trois dernières années dans l'adminis tration et dans l'économie publique. Par les propositions et communications qui seront faites au storthing, j'appellerai votre attention sur ce qu'il est nécessaire ou désirable de faire pendant la session actuelle. En déclarant la session du storthing ordinaire ouvertė, j'implore lå Providence de bénir vos travaux en vous donnant l'assurance de toute ma faveur et de må bienveillance royale.

Le ministre d'Etat donnà ensuite lecture d'un rapport sur l'état du royaume; puis le roi renouvela èn ces termes le serment, prêté déjà par écrit, de gouverner le royaume de Norvége conformément aux lois :

• Messieurs et hommes de Norvége, dans ce moment solennel où je me vois entouré pour la première fois, comme hier, des représentants du peuple norvégien, je renouvelle, conformément à la loi fondamentale, le serment que j'ai prété par écrit, et je jure de gouverner le royaume de Norvége conformément aux lois; aussi bien Dieu me soit en aide et sa sainte parole.

Après le vote des différents subsides demandés au nom dù gouvernement, la proposition fut faite au storthing norvégien, par son comité législatif, de rapporter le paragraphe de la charte qui interdit aux israélites le séjour dans le royaume. Cette proposition fut, dans le sein de cette assemblée, l'objet d'une discussion très-orageuse, qui occupa trois séances entières, et qui se termina par un scrutin auquel prirent part 81 députés, dont 58 votérent pour l'adoption, et 23 contre. Mais, malgré cette forte majorité en faveur de la proposition, elle se trouva rejetée, parce que, aux termes de la loi fondamentale, aucune modification ne peut y être faite sans le consentement des deux tiers du nombre total des membres du storthing. Or, ce nombre étant de 91, il aurait fallu au moins 62 votes en faveur de la mesure pour qu'elle pût être adoptée.

On remarquá avec satisfaction que tous les députés ecclésiastiques, sans exception, avaient appuyé la proposition. Trois d'entre eux, MM. Arup, Korne et Juell, dont les deux premiers remplissaient par intérim les fonctions d'évêques, prononcèrent d'éloquents discours dans lesquels ils s'attachèrent à prouver la nécessité de la liberté religieuse comme complément de la liberté politique.

La clôture du storthing eut lieu le 28 septembre. Dans le discours prononcé à cette occasion, S. M. rappela au storthing que la confiance royale lui avait permis de continuer ses travaux pendant cinq mois au delà de l'époque fixée par la loi fondamentale pour leur clôture.

Dans les concessions faites par le sthorthing, relativement à la défense du pays, le roi trouvait une nouvelle preuve des excellentes intentions du peuple norvégien. S. M. regrettait toutefois que le storthing n'eût pas cru pouvoir trouver dans cette session les moyens d'accorder les fonds nécessaires pour le développement de la marine.

Le discours royal annonçait à l'assemblée que les négociations entamées, de concert avec le Danemark, relativement au tribut annuel payé jusqu'alors au Maroc, avaient obtenu, grâce au

puissant appui des gouvernements de France et d'Angleterre, une solution satisfaisante pour les deux royaumes unis.

DANEMARK.

On sait que, depuis quelques années, une polémique s'était engagée entre les cours de Berlin et de Copenhague sur la question spéciale des droits du Sund. Depuis deux ans, le cabinet prussien entretenait près le gouvernement du Danemark un négociateur chargé d'y soutenir les réclamations de son gouvernement. Une conclusion provisoire de cette polémique eut lieu, au commencement de cette année, par le retrait du négociateur prussien, M. le comte de Bulow. Ainsi fut mis, au moins ostensiblement, un terme à une discussion impolitique et inopportune, et qui avait le double inconvénient d'inquiéter le gouvernement danois sur la stabilité du revenu fondé sur le péage du Sund, et de le forcer par là à chercher un refuge dans les bras de la Russie.

On connaît l'origine de cette négociation. De temps, pour ainsi dire, immémorial, le Danemark est en possession de prélever un péage au détroit du Sund. C'est principalement par le traité de Christianople, de 1645, par ceux de 1701 et de 1720, que ce droit a été consacré et réglé; mais, le cours du temps ayant amené de nouveaux besoins, des réclamations s'étaient élevées de divers côtés, et principalement de la part de la Suède. contre les abus dont la perception de ce droit était devenue la source. Il en résulta les conventions de Londres et d'Elseneur, de 1841, conclues sous la médiation du cabinet britannique.

Néanmoins, depuis lors, le cabinet de Berlin n'avait cessé de refuser d'accéder à ces conventions, et il avait fait valoir, avec une insistance croissante et quelquefois avec une vivacité intempestive, des réclamations contre cette perception, en ce qu'elle portait un dommage notable au commerce et à la navigation de ses provinces riveraines de la Baltique.

La solution temporaire apportée à la question par le renoncement momentané de la Prusse à ses protestations habituelles

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