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ligence française; l'éloquent orateur demanda au gouvernement de présenter bientôt une nouvelle loi sur la propriété littéraire.

Proposition Daru pour réprimer la spéculation sur les chemins de fer.-M. le comte Daru, d'accord avec plusieurs de ses collègues, présenta, le 10 février, à la Chambre des pairs, une proposition dont le but était de contenir et de réprimer la spéculation effrénée qui s'exerçait depuis quelque temps sur les chemins de fer. D'après cette proposition il serait désormais interdit d'ouvrir une souscription pour toute entreprise de travaux publics dont la loi n'aurait pas encore ordonné ou autorisé la concession ou l'autorisation. La contravention à cette règle serait punie des peines portées par l'article 419 du Code pénal, contre les manœuvres de bourse, peines qui consistent en un emprisonnement accompagné d'amende. Le minimum du premier versement serait fixé à un cinquième, et l'on prendrait de sévères précautions pour garantir la sûreté du dépôt des fonds versés.

Voici le texte de la proposition de M. le comte Daru:

« Art. 1or. Il est interdit, sous les peines portées par l'article 419 du Code pénal (1), d'ouvrir et de recevoir des souscriptions pour l'exécution partielle et intégrale d'un chemin de fer, avant la promulgation de la loi ordonnant la mise en adjudication de la concession directe des travaux dudit chemin.

«Art. 2. Les fonds provenant des souscriptions ouvertes dans les délais prescrits par l'article précédent seront versés à la caisse des dépôts et consignations.

« Art. 3. Ce dépôt pourra être fait soit en espèces, soit en bons du trésor.

«Il sera effectué au fur et à mesure des versements, dans un délai de huit jours à partir de l'époque de la délivrance des récépissés.

Toute infraction à cette disposition sera punie des peines portées par l'article 408 du Code pénal.

«Art. 4. Le premier versement de chaque souscripteur ne pourra être inférieur au cinquième de la valeur nominale des actions souscrites.

Art. 5. Les fonds déposés et les intérêts que les fonds auront produits seront rendus aux souscripteurs après l'adjudication, dans le délai d'un mois, par toute compagnie soumissionnaire évincée, sauf déduction des

(1) L'emprisonnement d'un mois à un an.

frais, dont il sera justifié dans les formes prévues par les actes de la société.

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Art. 6. La compagnie demeurée concessionnaire de l'entreprise pourra retirer les fonds déposés par elle et les intérêts que ces fonds auront produits, dès qu'elle sera régulièrement constituée par ordonnance royale,»

M. le comte Daru développa sa proposition le 15 février. Il exposa que les entreprises de chemins de fer présentent déjà assez de chances aléatoires et d'incertitudes pour les capitaux qui s'y engagent, pour qu'on ne dût pas souffrir que l'esprit d'agiotage vint y en ajouter de nouvelles. Après les illusions, après les promesses, souvent viennent les mécomptes, les déceptions. Autant les capitaux avaient mis de précipitation à s'engager dans ces entreprises, autant ils en mettent à s'en retirer. Mais il était trop tard le mal était déjà fait, et le brusque déplacement de masses énormes de capitaux occasionnait dans le commerce industriel une perturbation dangereuse.

M. le ministre des travaux publics appuya la proposition et annonça que, dans le projet de concession du chemin de fer du Nord, il avait introduit des dispositions dont quelques-unes se rapportaient à celles contenues dans la proposition de M. le comte Daru.

La proposition fut prise en considération à l'unanimité (14 février).

La Chambre entendit, le 19 mars, le rapport de M. Teste sur la proposition. La commission avait complétement refondu le projet primitif. Tous les actes des compagnies se trouveraient désormais subordonnés à l'homologation des statuts par ordonnances royales. Les compagnies ne pourraient créer ni émettre des actions ou promesses d'actions avant l'époque où elles seraient constituées en société anonyme. Après la délivrance des actions, les premiers souscripteurs ne demeureraient garants et responsables envers la société qu'à la concurrence des cinq dixièmes du capital nominal des actions par eux souscrites.

Le 23, commença la discussion. M. le comte d'Argout combattit non- seulement la proposition primitive, mais encore les modifications qui y avaient été substituées. L'honorable

orateur pensait qu'à cette fièvre de spéculation qu'on voulait combattre, on voulait, par un remède extrême, substituer une fièvre de sévérité et de rigueur telle, qu'elle dépasserait le but sans l'atteindre. On porterait par là un coup mortel à l'esprit d'association; on atteindrait d'une manière non moins dangereuse la liberté des transactions et le droit des propriétés. On opérerait une véritable révolution dans l'usage de notre droit commercial en proscrivant et punissant des actes qui peuvent être parfaitement légitimes. A la place d'une législation répressive, on établirait un système de mesures préventives d'une rigueur extrême.

L'auteur de la proposition et M. le ministre des travaux publics répondirent à l'argumentation de M. le comte d'Argout. M. le comte Daru repoussa le reproche fait à la proposition d'entraver la liberté des transactions. Le savant orateur rappela qu'en Allemagne, des précautions analogues ont été prises pour mettre un frein à l'agiotage s'exerçant à l'occasion des entreprises de chemins de fer. En Angleterre, dans ce pays de liberté commerciale par excellence, il en a été de même, et, le 5 septembre 1844, un règlement d'administration a décidé qu'aucune souscription ne pourrait être reçue avant que la compagnie eût fait connaître officiellement à l'autorité le but qu'elle se proposait et ses statuts.

M. le comte Daru voulait qu'on déterminât l'époque à laquelle les compagnies pourraient faire appel au public pour obtenir les fonds nécessaires, et qu'on ne laissât qu'un trèscourt intervalle entre le moment où les souscriptions seraient ouvertes et celui où elles devraient être réalisées. M. le ministre des travaux publics voyait là un grave danger ; mais il était d'avis que des précautions devaient être prises pour donner des garanties soit à l'intérêt public, soit aux intérêts privés engagés dans ces entreprises. Il proposait, en conséquence, d'exiger que, de dix jours en dix jours, les fonds recueillis par les compagnies fussent versés dans une caisse publique. (27 mars.)

Le 29, la Chambre décida que les récépissés de versement ne pourraient être négociés que par acte authentique, sous peine d'une amende égale au montant de leur valeur. Elle imposa pour chaque contravention une amende de 500 à 5,000 francs.

La commission voulait qu'aucune adjudication ou concession de lignes de chemins de fer ne pût être définitivement approuvée par ordonnance royale, qu'autant que la société anonyme serait en même temps autorisée dans la forme prescrite par l'article 37 du Code de commerce. Malgré l'opposition de M. le comte d'Argout et de M. le ministre des travaux publics, cet amendement fut adopté (31 mars).

Au scrutin sur l'ensemble, la proposition de M. le comte Daru fut rejetée par 86 voix contre 51 (1er avril).

Proposition relative aux députés intéressés dans les marchés conclus avec l'État.-Une proposition de MM. Lanyer et Boissy d'Anglas, ayant pour but d'interdire aux députés de s'intéresser dans les marchés conclus avec l'État, fut présentée à la Chambre des députés le 7 avril. Elle fut prise en considération à l'unanimité. Quelques objections pourtant avaient été faites contre l'esprit de la proposition, qui, au reste, ne fut pas adoptée par la Chambre.

M. Berryer démontra que le principe qui suppose que l'intérêt personnel qu'un député peut avoir dans une question vicie son mandat n'est pas admissible. Cette proposition, selon l'honorable député, devait avoir pour conséquence rigoureuse de dépeupler la Chambre: il n'était pas, en effet, de question d'industrie, de commerce, d'agriculture, de douanes, de travaux publics, dans laquelle un certain nombre de députés ne se trouvassent intéressés personnellement. Et d'ailleurs, au moyen de prête-noms et de tiers interposés, n'était-il pas facile d'éluder une semblable loi?

Proposition relative à la réforme postale. — Une proposition relative à la réforme postale avait été faite, l'année dernière, par M. de Saint-Priest à la Chambre des députés. Elle Ann. hist. pour 1845.

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avait été renvoyée à une commission qui, cette année, en demandait l'ajournement (7 février). Elle n'en adoptait qu'une disposition secondaire relative aux envois d'argent, et à laquelle elle ajoutait la suppression du décime rural.

M. de Saint-Priest combattit les conclusions de la commission en reproduisant les calculs dont il avait déjà appuyé sa proposition. Il insista sur l'inégalité et l'injustice des tarifs actuels.

Un amendement fut proposé au premier paragraphe par MM. Muteau et Monnier de la Sizeranne. Cet amendement était ainsi conçu :

« A compter du 1er janvier 1846, toute lettre simple du poids de 7 grammes et demi, circulant dans l'intérieur de la France, de bureau en bureau de poste, sera soumise à une taxe uniforme de 20 centimes.

M. le ministre des finances combattit en vain cet amendement, qui avait réuni, au sein de la commission, quatre voix sur cinq après deux épreuves douteuses, il fut adopté au scrutin secret, à la majorité de 130 voix contre 129 (7 février).

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Mais l'ensemble de la proposition fut rejeté à la simple majorité, par 170 voix contre 170.

Dans la discussion qui précéda ce vote, M. le ministre des finances annonça son intention de supprimer le décime rural, quel que dut être le sort du projet de loi, mais seulement à partir du 1er janvier 1847.

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Proposition relative aux irrigations. Une proposition de M. d'Angeville, relative anx irrigations, était restée l'année dernière à l'état de rapport. La Chambre des députés la reprit le 11 février. Cette proposition se composait, dans l'origine, d'un seul article, ainsi conçu :

Les travaux d'irrigations des propriétés rurales, entrepris soit collectivement, soit individuellement, pourront être déclarés d'utilité publique. Cette utilité sera déclarée dans les formes voulues par la loi du 3 mai 1841..

La commission chargée d'examiner cette proposition y ap

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