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TRAITÉ DE LA PROCÉDURE CIVILE. I partie. àcertain jour devant le juge qui en doit connaître, pour y répondre. C'est ce qu'on appelle ordinairement assignation.

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Par qui, en présence de qui l'ajournement doit-il être
fait, et de quelle autorité ?

§ Ier. Par qui?

4. L'ajournement doit être fait par un huissier ou sergent (1).

Ce sergent doit être compétent, c'est-à-dire, qu'il doit être reçu dans la justice du lieu où il donne l'assignation (2); au reste, il n'est pas nécessaire qu'il soit sergent de la justice en laquelle la partie est assignée (3).

Il y a certains huissiers royaux qui, par le titre de leurs charges, ont droit de faire des exploits hors le territoire de la juridiction où ils sont reçus, et peuvent exploiter par tout le royaume; mais, suivant la déclaration du 1er mars 1730, il ne suffit pas que ce droit leur soit accordé par leurs provisions, il faut qu'il leur soit attribué par l'édit de leur création dûment registré (').

Si l'huissier ou sergent, qui fait l'ajournement, était interdit de ses fonctions, l'ajournement serait nul, et il serait tenu des dommages et intérêts de la partie à la requête de qui il l'aurait fait (*).

5. Les huissiers ou sergents peuvent-ils faire ces actes d'ajournement pour leurs parents () ?

(1) F. art. 21, décret du 14 juin | la justice étant une, son observation est sans importance; il faut cependant 1813. remarquer que l'assignation doit être donnée par un huissier attaché à la juridiction du territoire dans lequel (*) Ces priviléges sont aujourd'hui l'assignation est remise. V. note 2. abolis.

Art. 24: « Toutes citations, notifications et significations requises pour a l'instruction des procès, ainsi que a tous actes et exploits nécessaires a pour l'exécution des ordonnances de justice, jugements et arrêts, seront « faits concurremment par les huisasiers audienciers et les huissiers ora dinaires, chacun dans l'étendue du • ressort du tribunal civil de première « instance de sa résidence, sauf les « restrictions portées par les articles « suivants. »

(5) V. art. 74, décret du 14 juin 1813.

Art. 74: « La suspension des huis« siers ne pourra être prononcée que « par les Cours et tribunaux auxquels V. aussi l'art. 1031, C. proc. ils seront respectivement attachés. »

«

Art. 1031 : « Les procédures et les (1) V. art. 2, 1er §, du même décret. Art. 2: « Ils (les huissiers) auront actes nuls ou frustratoires, et les a tous le même caractère, les mêmes « actes qui auront donné lieu à une a attributions, et le droit d'exploiter« condamnation d'amende, seront à a concurremment dans l'étendue du « la charge des officiers ministériels « ressort du tribunal civil d'arrondis- qui les auront faits, lesquels, suivant a sement de leur résidence. — Néan- « l'exigence des cas, seront en outre « moins nos Cours et tribunaux choi« passibles des dommages-intérêts de « la partie, et pourront même être a siront parmi ces huissiers, confor«mément au titre V de notre décret suspendus de leurs fonctions. » a du 30 mars 1808, ceux qu'ils juge«ront les plus dignes de leur cona fiance, pour le service intérieur de « leurs audiences. »>

(3) Probablement Pothier fait ici alfusion aux différentes justices qui existaient de son temps; mais aujourd'hui

Application de ce principe général est faite aux actes d'ajournement, par l'art. 71, C. proc. V. ci-après, p. 14,

note 2.

() V. art. 66, C. proc., qui tranche formellement la question.

Art. 66: « L'huissier ne pourra in

L'ordonnance ne le décide pas en termes formels. On prétend que cela se tire par induction de ce qui est dit au titre 22, art. 11, ordonnance de 1667 : « Que les parents et les alliés des parties, jusqu'aux enfants des cousins issus « de germain inclusivement, ne pourront être témoins »; or, l'ajournement contient un témoignage solennel de la dénonciation de la demande qui a été faite par le demandeur à la partie assignée, et de l'assignation qui lui a été donnée par-devant le juge; done l'huissier ou sergent, parent du demandeur, ne peut pas porter pour lui ce témoignage, ni par conséquent faire pour lui cet ajournement.

On tire aussi une induction du titre 2, art. 2: « Qui ne permet pas que les « recors, c'est-à-dire, les témoins qui assistent l'huissier, soients parents ou « alliés de la partie ». D'où on conclut que, puisque le témoignage des recors, qui ne fait que fortifier celui de l'huissier, est rejeté lorsqu'ils sont parents de la partie, celui de l'huissier, qui est le principal témoin de la vérité de l'ajournement, doit de même être rejeté.

C'est l'avis de M. Jousse. Voy. son Commentaire.

6. Ces inductions ne me paraissent pas concluantes; le témoignage de l'huissier, contenu dans les exploits qu'il fait, est différent de celui des témoins ordinaires; cet huissier est un officier public, qui a un caractère que n'ont pas les témoins ordinaires, lequel doit faire ajouter foi à ses actes, nonobstant la parenté qu'il a avec les parties.

Il y a un arrêt du Parlement de Paris, rendu en forme de règlement, en 1721, qui déclare nul un exploit de demande en retrait lignager, pour avoir été fait par un huissier, parent au troisième degré du demandeur; mais dans d'autres matières qui ne seraient pas de rigueur, comme le sont les demandes en retrait lignager, j'aurais de la peine à croire que la parenté de l'huissier fft une nullité dans l'ajournement.

Je crois qu'on n'y devrait surtout pas avoir égard, si la partie assignée avait comparu sur l'assignation, et convenait de la copie qui lui en a été donnée (1).

5 II. En présence de qui?

7. Suivant l'ordonnance de 1667, tit. 2, art, 2, l'huissier devait faire l'exploit d'ajournement, ainsi que tous autres exploits, en présence de deux témoins, qu'on appelle recors; mais par l'édit du mois d'août 1669, portant établissement du contrôle, les exploits d'ajournement, comme tous les autres exploits de sergent, ont été dispensés de l'assistance de témoins, dont la nécessité n'a été conservée, par la déclaration du 21 mars 1671, que dans les exploits de saisies féodales, saisies réelles, criées et appositions d'affiches (*).

« strumenter pour ses parents et alliés, « et ceux de sa femme, en ligne di« recte à l'infini, ni pour ses parents « et alliés collatéraux, jusqu'au degré « de cousin issu de germain inclusive«ment; le tout à peine de nullité. »

(1) La nullité serait alors couverte, à moins que la partie assignée ne se fût présentée uniquement pour demander la nullité de l'acte d'ajournement. V. art. 173, C. proc., ci-après, p. 14, note 5.

(*) Le même principe est maintenu; en règle générale, l'huissier n'a pas

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§ III. De quelle autorité ?

8. L'huissier ou sergent fait les ajournements devant les juges des justices seigneuriales, et même devant les juges royaux inférieurs, en vertu du pouvoir général et de l'autorité qui lui est donnée par ses provisions et la réception en son office (1).

Mais un huissier ne peut assigner devant les Cours souveraines et les présidiaux, qu'en vertu de commissions prises au greffe, par lesquelles, sur la requête du demandeur, il est mandé à tout huissier ou sergent d'ajourner aux fins de la requête du demandeur, les parties contre lesquelles il entend jntenter la demande (2); tit. 2, art. 12.

Néanmoins les ducs et pairs, les hôpitaux de Paris et autres, qui ont droit

« professions et demeures: les témoins «signeront l'original et les copies. La « partie poursuivante ne pourra être présente à la saisie. »

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nes, ont des porteurs de contraintes;
et pour la juridiction criminelle ordi-
naire, les significations, citations, as-
signations et ajournements, peuvent

Art. 783: « Le procès-verbal d'em-être indistinctement donnés soit par «prisonnement contiendra, outre les « formalités ordinaires des exploits: «1° itératif commandement;

les huissiers ordinaires, soit par tout
agent de la police judiciaire.

A l'égard des huissiers audienciers, « 2° élection de domicile dans la com- V. le 2e de l'art. 2 du décret du 14 «mune où le débiteur sera détenu, sijuin 1813, ci-dessus, p. 2, note 2.

« le créancier n'y demeure pas: l'huis-
« sier sera assisté de deux recors. >>
Les protêts sont également faits par«
un huissier et deux témoins (art. 173,
C. comm.).

(1) Il n'y a plus aujourd'hui qu'une
seule classe d'huissiers, reçus et im-
matriculés devant les tribunaux civils
de première instance. C'est parmi eux
que sont choisis les huissiers chargés,
Sous le titre d'huissiers audienciers,
du service de l'audience, soit devant
les tribunaux de paix, les tribunaux
civils ou de commerce, les tribunaux
correctionnels, les Cours royales et
la Cour de cassation. Les huissiers
près le conseil d'Etat, et les huissiers
près les justices de paix, ont été sup-
primés récemment. Toutefois, les ju-
ridictions des conseils de guerre et
des conseils maritimes, des conseils de
discipline de garde nationale, des
conseils de préfecture, et en général
de tous les juges contentieux admi-
nistratifs, sauf le conseil d'Etat, ainsi
que la juridiction de la Chambre des
pairs et de la Chambre des députés,
font remettre leurs citations par des
agents administratifs. Certaines admi-
nistrations, telles que l'administration
des contributions directes et indi-
rectes, de l'enregistrement, des doua-

V. les art. 3 et 4 du même décret. Art. 3: « Les huissiers ainsi désignés par nos Cours et tribunaux « continueront de porter le titre « d'huissiers audienciers; ils auront, « pour ce service particulier, une in«demnité qui sera réglée par les art. 93, 94, 95, 96 et 103 ci-après. »

Art. 4: « Le tableau des huissiers << audienciers sera renouvelé au mois « de novembre de chaque année : tous « les membres en exercice seront rééligibles, ceux qui n'auront pas été « réélus rentreront dans la classe des « huissiers ordinaires. »>

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(2) Il n'est plus besoin d'autorisation pour introduire une demande judiciaire; tous ces anciens priviléges de juridiction ou de personne sont abolis d'une manière absolue, au moins en matière civile; car, en matière criminelle, le privilége subsiste à l'égard des poursuites contre les membres de la Chambre des députés, de la Chambre des pairs, et même contre les fonctionnaires publics, à raison des crimes ou délits qu'ils peuvent commettre dans l'exercice de leurs fonctions; ils ne peuvent être poursuivis sans autorisation, soit de la Chambre des députés, soit de la Chambre des pairs, soit du gouvernement.

de plaider en première instance par privilége au Parlement, peuvent y assigner sans commission (1); art. 12.

Depuis la réunion des prévôtés, on peut aussi assigner sans commission aux présidiaux, sur les demandes qui, avant la réunion des prévôtés auxdits présidiaux, avaient coutume de se porter auxdites prévôtés. Arrêt du conseil du 7 novembre 1749. (Il n'a été enregistré dans aucune juridiction, n'étant point revêtu de lettres patentes adressées au Parlement.)

9. Les demandes qui sont données par des privilégiés devant les juges de leurs priviléges, doivent être aussi données en vertu de lettres de commillimus, non surannées, ou de lettres de garde-gardienne, dont copie doit être donnée en tête de l'exploit, art. 11.

Il faut excepter, suivant le même article, les ajournements dans le cours des instances liées aux requêtes de l'hôtel, ou du palais (*).

Au conseil et aux requêtes de l'hôtel au souverain, les assignations ne peuvent être données qu'en vertu d'arrêt ou commission du grand sceau, art. 13.

ART. II. · Où l'ajournement doit-il être fait ?

10. L'ajournement peut se faire en quelque lieu que ce soit, où l'huissier rencontre la personne qu'il veut ajourner; il faut néanmoins que ce soit un lieu convenable, un lieu opportun (*), comme s'explique la coutume de Berri, tit. des Exécutions, art. 15.

Par exemple, un ajournement ne serait pas bien donné dans une église, la personne qu'on veut assigner ne serait pas tenue de le recevoir en ce lieu : pareillement un docteur ou un écolier ne pourraient pas être assignés dans les écoles pendant le temps des leçons ou exercices, encore moins un juge pourrait-il être assigné sur son siége, etc. Les marchands ne peuvent être assignés dans les lieux appelés bourses (4), édit des consuls de 1563, art. 15.

Il n'est pas nécessaires que l'ajournement soit fait à la personne même qu'on veut ajourner; mais quand il n'est pas fait à elle-même, il ne peut être fait ailleurs qu'à son vrai domicile (3); tit, 2, art. 3.

11. Cette règle souffre plusieurs exceptions.

(') Même observation; les priviléges du Berri; il faut que ce soit dans un des ducs et pairs, des hôpitaux de lieu opportun. (4) Toutes ces décisions doivent Paris et autres administrations, quant à la procédure civile, sont abolis; seu-être suivics; à l'égard des bourses de lement, à l'égard des demandes contre commerce en particulier la même dél'Etat il est nécessaire de se pourvoir, fense est maintenue. L'arrêté du 28 d'abord par mémoire auprès des pré-vendem. an IV, qui confie la police de fets, et pour les instances dirigées la bourse à l'autorité administrative, contre les communes et les établisse- déclare même qu'aucun pouvoir miliments publics, il faut recourir au con- taire n'exerce des fonctions dans l'inseil de préfecture afin que la com- térieur de la bourse. mune ou l'établissement public soit autorisé à ester en justice.

(*) Toutes ces juridictions spéciales sont abolies.

(5) La même solution résulte du principe posé par l'art. 68, C. proc. « Tous exploits seront faits à personne « ou domicile »; mais le Code n'ad(1) « Tous exploits seront faits à met pas en général les exceptions rap« personne ou domicile » porte l'art. pelées ci-après par Pothier, toutefois 68, C. proc. Mais le Code ne s'expli- | l'exploit peut être remis, en certaines que pas sur le lieu où doit être trou- circonstances, au domicile élu aussi vée la personnne; on doit suivre à cet bien qu'au vrai domicile ou domicile égard la règle posée par la coutume! réel.

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TRAITÉ DE LA PROCÉDURE CIVILE. I PARTIE.

1re Exception. La première, lorsque la personne que l'on vent assigner est un seigneur, ou un gentilhomme qui demeure dans un château ou maison-forte, il n'est pas nécessaire que l'ajournement lui soit fait à ce château, quoique ce soit son vrai domicile; il peut lui être fait au domicile par lui élu en la ville la plus voisine de son château; et s'il ne paraît point par un acte d'élection de domicile, qu'il doit à cet effet faire enregistrer au greffe du lieu, qu'il ait un domicile élu dans ladite ville la plus voisine, l'ajournement pourra lui être fait au domicile, ou aux personnes des fermiers ou receveurs des terres dépendantes de son château, ou aux domiciles et personnes de ses juges, procureurs d'office et greffiers. Ordonn. de 1667, tit. 2, art. 15.

Observez que, par arrêt rendu pour le duc de Bourgogne, en 1380, et rapporté par Papon (liv. 7, tit. 4. art. 10), il a été jugé que l'ajournement ne pourrait être fait aux officiers de justice du seigneur ('), que lorsqu'il s'agirait des droits du seigneur; autrement, ce n'est qu'à ses fermiers ou receveurs qu'il doit être fait.

12. 2o Exception. — Lorsqu'un vassal, en sa qualité de vassal, a une demande à intenter contre son seigneur, en sa qualité de seigneur, l'ajournement peut être fait au lieu du fief dominant, quant même le seigneur n'y aurait pas son domicile.

Vice versa. Quand le seigneur a une demande à intenter contre son vassal, en sa qualité de vassal, il peut la former au lieu du fief servant, quoique le vassal n'y ait pas son domicile.

13. 3 Exception. - Les ajournements sur les demandes formées contre un bénéficier, sur les droits dépendants de son bénéfice, peuvent être faits au principal manoir du bénéfice, quoique le bénéficier n'y ait pas son domicile (*); tit. 2, art. 3.

Il ne faut pas confondre les demandes sur les droits d'un bénéfice, avec celles qui auraient pour objet le bénéfice même, telle qu'est la demande sur la possession du bénéfice, qui est contestée entre deux parties, et que l'on appelle complainte possessoire ("); celle-ci ne peut être donnée qu'à personne ou domicile, lorsque celui qu'on veut ajourner est en possession actuelle du bénéfice, sinon elle peut se donner au lieu du bénéfice; tit. 15, art 3. Les ajournements sur les demandes formées contre 14. 4 Exception. un officier ou commissaire, pour raison des droits et fonctions de son office et commission, peuvent se donner au lieu où s'en fait l'exercice (*) (tit.2, art.3). On les fait au domicile du greffier.

15. 5 Exception. Les étrangers qui sont hors le royaume sont assignés à l'hôtel du procureur général du Parlement où ressortit la juridiction à laquelle ils sont assignés (3); tit. 2, art. 7.

(1) L'abolition du régime féodal a entraîné la suppression de toutes les justices seigneuriales et de tous les droits seigneuriaux, ainsi que des privileges de juridiction qui y étaient attachés.

séquemment, on rentre dans l'application de la règle générale; si l'office est amovible il emporte simple translation de résidence; mais, dans ce cas, la résidence peut être considérée comme attributive de juridiction pour toutes les actions qui se rapporteraient au fait de charge. Dans ce cas la résidence produit l'effet d'un domicile (3) Cette action particulière en com-élu; mais l'acte d'ajournement doit plainte possessoire à l'égard des bénéfices était une action toute spéciale, régie par les règles du droit canon.

(2) Même observation à l'égard des bénéfices ecclésiastiques et de tous les priviléges d'église.

(4) Si l'office est inamovible, il emporte translation de domicile, et con

toujours être remis soit à la personne, soit au domicile élu.

(5) V. art. 69, C. proc., no 9.

Art. 69: «Seront assignés, 1°..... «<9° Ceux qui habitent le territoire

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