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par la crainte de cette ignominie, à gouverner sagement leurs affaires, et à ne point s'exposer à être dans le cas de faire cession.

De là il suit que, s'il paraissait qu'un débiteur fût tombé dans l'indigence, et réduit à faire cession par des accidents qu'aucune prévoyance humaine n'eut pu éviter, il serait, en ce cas, de l'équité du juge de ne le pas assujettir à cet

affront.

Au reste, la qualité de la personne qui fait cession, n'est pas une raison suffisante pour dispenser de subir cette confusion. Brodeau sur Louet, lettre G, n° 56, rapporte deux arrêts; l'un du 4 mai 1609, qui a condamné un gentilhomme âgé de plus de soixante-dix ans à porter le bonnet vert, et le second du 10 mai 1622, qui a infirmé une sentence du juge de Châtillon-sur-Marne, qui avait dispensé le cessionnaire de porter le bonnet vert, en conséquence de sa qualité de gentilhomme.

S VI. De l'effet de la cession de biens.

14. La cession de biens que le débiteur fait en justice, ne donne aux créanciers que le droit de les vendre, pour se payer de leurs créances sur le prix (1).

La propriété demeure vers le débiteur qui a fait cession, jusqu'à ce qu'elle passe à ceux qui les achèteront des créanciers; il n'est dépouillé que de la jouissance des biens qui sont régis par un syndic, ou autre personne préposée par les créanciers.

De là il suit que, tant que les créanciers n'ont pas encore vendu les biens, le débiteur peut, en payant, y rentrer. L. 3 et 5, ff. de Cess. bon., L. 2 et 4, Cod. Qui bon. ced.

La cession n'a d'autre effet que de décharger le débiteur de la contrainte par corps (2): elle ne le libère point de ses dettes envers ses créanciers, si ce n'est jusqu'à concurrence seulement de ce qu'ils ont touché de ses biens, lorsqu'ils l'ont touché après la vente qu'ils en ont faite. L. 1, Cod. dicto tit. C'est pourquoi les créanciers, nonobstant la cession de biens, peuvent encore contraindre leur débiteur sur les biens qu'il pourrait acquérir par la suite. D. 4, ff. de Cessione bonorum.

Mais, en ce cas, ces contraintes ne doivent pas être exercées à la rigueur, et on doit laisser au débiteur, sur ses biens acquis depuis la cession, ce qui lui est nécessaire pour vivre (3). C'est la disposition des lois 6 et 7, ff. eod. lit.

(1) V. art. 1269, C. civ., et 904, C. proc.

Art. 1269, C. civ.: « La cession ju«diciaire ne confère point la propriété « aux créanciers; elle leur donne seu«lement le droit de faire vendre les « biens à leur profit, et d'en percevoir a les revenus jusqu'à la vente. »

« biteur légalement incarcéré obtien« dra son élargissement, 1°...; 3° par « le bénéfice de cession. »

(3) Nos lois, en consacrant le même principe, n'admettent plus ce tempérament équitable. V. art. 1270, C. civ., in fine.

Art. 1270: « Les créanciers ne pouArt. 904, C. proc. : « Le jugement vent refuser la cession judiciaire, si qui admettra au bénéfice de cession, « ce n'est dans les cas exceptés par la « vaudra pouvoir aux créanciers, à « loi. Elle opère la décharge de la a l'effet de faire vendre les biens meu-« contrainte par corps. Au surplus, «bles et immeubles du débiteur; et il « elle ne libère le débiteur que jus« sera procédé à cette vente dans les « qu'à concurrence de la valeur des formes prescrites pour les héritiers « biens abandonnés; et dans le cas où a sous bénéfice d'inventaire. » « ils auraient été insuffisants, s'il lui (2) V. art. 1268, C. civ., ci-dessus, « en survient d'autres, il est obligé de § 1, in ppio, 1270, § 2, note sui- « les abandonner jusqu'au parfait paievante, et 800, C. proc., no 3. « Le dé- ] « ment, »

La cession de biens n'emporte aucune infamie de droit; mais elle emporte une espèce d'infamie de fait.

C'est pour cet effet que l'ordonnance de 1673, tit. 9, art. 5, veut que ccux qui ont obtenu des lettres de répit (à plus forte raison ceux qui ont fait cession), ne puissent être élus maires, échevins, ni juges consuls, ni parvenir à d'autres fonctions publiques, et même qu'ils en soient exclus, s'ils étaient en charge (1). Elle veut aussi qu'ils soient interdits de toute voix active et passive dans les assemblées des marchands.

On trouve aussi des arrêts qui ont défendu, en pareil cas, à des officiers de judicature d'exercer leurs fonctions, et les ont obligés à se défaire de leurs charges, en donnant leur procuration ad resignandum.

Lorsque celui qui a fait cession a acquitté par la suite toutes ses dettes, tant en principaux qu'intérêts, il purge cette espèce d'infamie (), et il peut être promu aux charges publiques.

CHAPITRE III.

pour

le

Des délais qu'on accorde quelquefois aux débiteurs paiement de leurs dettes; autrement, des répits.

715. Le mot répit, que quelques auteurs font dériver du mot latin respirare, signifie la même chose que délai. L'ordonnance du mois d'août 1669, tit. 6, l'emploie pour le terme, ou délai qui est accordé à des débiteurs qui se trouvant hors d'état de satisfaire leurs créanciers, n'ont besoin que d'un certain temps pour s'acquitter (3).

Les débiteurs qui veulent obtenir ce délai, doivent demander en grande chancellerie des lettres, qu'on appelle lettres de répit (4). Elles s'accordaient autrefois par les juges, et il était même défendu, par l'art. 61 de l'ordonnance d'Orléans, d'en expédier en chancellerie : mais l'ordonnance de 1669, art. 1 et 2 du tit. 6, a dérogé à cet usage, et avec raison, puisque ces lettres étant une grâce qui blesse le droit d'autrui, elles ne peuvent émaner que de la puissance souveraine.

C'est pourquoi, suivant l'art. 1er du tit. 6 de cette ordonnance, les juges, même les Cours, ne peuvent plus donner aucun terme, atermoiement, repit, ni délai de payer, qu'en conséquence de ces lettres, prises en chancellerie, à peine de nullité de leurs jugements, d'interdiction contre les juges, de dépens, dommages et intérêts des parties en leur nom, de 100 livres d'amende contre la partie, et de pareille somme contre le procureur qui aura présenté la requête.

(1) Ces interdictions ne sont pas | « position du débiteur, et en usant de « ce pouvoir avec une grande réserve, consacrées par des textes.

(2) Il n'est pas douteux que le paiement intégral des créances ne doive

«

« accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution effacer toutes les traces de la cession« des poursuites, toutes choses demeu<<< rant en état. » de biens.

(3) V. art. 1244, C. civ.

Art. 1244: « Le débiteur ne peut « point forcer le créancier à recevoir « en partie le paiement d'une dette, « même divisible.-Les juges peuvent « néanmoins, en considération de la

(*) On ne peut plus ni solliciter ni accorder de lettres de répit, le juge n'a d'autre droit que celui qui lui est attribué par le 2o de l'art. 1244, C. civ. précité. Ainsi, tout ce chapitre est aujourd'hui sans objet.

Ces termes de l'ordonnance sont trop précis, pour qu'on puisse s'adresser au Parlement pour avoir des défenses générales, et équipollentes à des lettres de répit.

Cependant Savary, part. 2, liv. 4, ch. 1, prétend qu'on peut, ou obtenir des lettres de répit du roi, ou demander au Parlement des défenses générales; et ce sentiment de Savary paraîtrait même fondé sur l'art. 1 du tit. 9 de l'ordonnance de 1673; mais ces défenses générales ne peuvent être accordées par les juges que lorsqu'il s'agit d'homologuer un contrat d'atermoiement passé entre le débiteur et la plus grande partie de ses créanciers, ou pendant le cours de l'instance, à fin d'entérinement des lettres de répit. Dans ces deux cas, les juges peuvent faire défenses d'attenter à la personne ou aux biens du débi

teur.

Au reste, les juges peuvent, en ordonnant le paiement de quelque somme, donner surséance à l'exécution de la condamnation, qui ne peut néanmoins être que de trois mois au plus, sans qu'elle puisse être renouvelée (1). Ordonnance de 1669, tit. 6, art. 1, in fine.

Ces lettres ne s'accordent que pour cinq ans, et c'est ce qui les faisait appeler autrefois quinquenelle; terme dont se sert encore la coutume de Bourbonnais, art. 68.

§ 1. Pour quelles personnes et pour quelles delles on ne peut obtenir des

lettres de répit.

16. Les étrangers ne peuvent obtenir des lettres de répit, parce qu'elles contiennent une faveur accordée aux citoyens; ceux-ci même en sont exclus dans quelques cas où les lois les en réputent indignes.

Ainsi, on n'accorde pas de lettres de répit :

1° Pour pensions, aliments, médicaments, loyers de maison et moisson do grains. Ordonnance de 1669, tit. 6, art. 11.

Ce mot moisson s'entend ici du paiement qu'un fermier doit faire du prix de sa ferme en blé ou autres grains c'est ce qu'on appelle moissons dans plusieurs provinces.

L'ordonnance ne parle point des fermages; mais il y a même raison de décider que pour les moissons; aussi notre coutume d'Orléans, art. 424, comprend-elle expressément les fermes tenues, et l'exploitation d'héritages, fruits el revenus d'iceux parmi les choses pour lesquelles le répit n'a pas lieu..

La coutume du Bourbonnais a une semblable disposition, art. 68; et Lange, en son Praticien françois, liv. 3, ch. 19, dit que l'usage est de ne point recevoir au répit les fermiers, soit que leur fermage soit dû en grains, ou en argent, comme tenant lieu d'aliment au propriétaire.

2o On n'accorde point pareillement de lettres de répit pour gages de domestiques, journées d'artisans ou mercenaires, reliquat de compte de tutelle (ordonnance de 1669, ibid ) : et notre coutume d'Orléans, dans le même art. 424, ajoute pour reliquat de l'administration et gouvernement, que les débiteurs ont eus des biens de l'église, chose publique, prodigues el insensés.

3° Le bénéfice de répit n'a lieu, ni pour dépôts nécessaires ou volontaires (déclaration du 23 décembre 1699, art. 10); ni pour maniement de deniers publics et lettres de change, qui participent de la nature du dépôt, ainsi qu'il a été jugé par arrêt du 4 mars 1672, rapporté au Journal du Palais, t. 1.

40 L'ordonnance de 1669 défend encore d'accorder des lettres de répit pour marchandises prises sur l'étape, foires, marchés, halles et port public; pour poisson de mer frais, sec et salé; et notre coutume d'Orléans, art. 428, décide la même chose pour le poisson d'eau douce; ce qui doit s'entendre, lorsqu'il

(1) V. art. 1244, C. civ. précité.

cst vendu sur la chaussée de l'étang dans le temps de la pêche, ou en autre lieu public.

5° La même ordonnance refuse le bénéfice de répit à l'égard des cautions judiciaires, des frais funéraires, des arrérages de rentes foncières et redevances de baux emphytéotiques; ce qui doit s'étendre à fortiori aux cens et droits de fief.

6o La déclaration de 1699, art. 23, ajoute les cas du stellionat, des réparations et dommages et intérêts en matière criminelle; et ces derniers mots sont compris dans ceux que notre coutume emploie, art. 424, en disant pour les dettes qui procèdent de crimes et délits, ce qui ne doit pas s'étendre aux dépens.

7 Les coobligés, cautions et certificateurs ne peuvent jouir du bénéfice des lettres de répit accordées au principal débiteur, à moins qu'ils n'y soient compris nommément (ordonnance de 1669, art. 10 du tit. 6): mais s'ils sont poursuivis, ils ont leurs recours contre le principal obligé, nonobstant ses lettres de répit, par les mêmes voies qu'on exerce contre eux. Déclaration du 23 décembre 1699, art. 10. Voy. les Règles du droit français, par Pocquet de Livon nière, liv. 5, ch. 6, n° 12.

Notre coutume, art. 429 et 439, exclut pareillement du bénéfice de répit les proxénètes, courtiers et autres qui s'entremettent de faire vendre ou acheter des blés, vins, chevaux et autres marchandises, et ceux qui achètent des biens vendus à l'encan, la solennité de justice gardée.

La coutume de Paris, art. 111, ajoute deux autres cas: savoir, celui où il s'agit de dettes contractées par des mineurs, avec eux, ou avec leurs tuteurs durant leur minorité, et celui où il s'agit de dettes adjugées par sentence définitive et contradictoire : mais, comme l'ordonnance de 1669 ni la déclaration de 1699 ne font aucune mention de ces deux cas, la disposition de la coutume de Paris ne peut être étendue aux autres coutumes.

D'ailleurs, quelques auteurs observent, sur le premier cas, que l'article 111 n'est pas indistinctement observé à Paris, et que, dans l'usage, on le restreint au seul cas où il s'agit de dettes contractées des deniers des mineurs, et non quand ces dettes proviennent des deniers de ceux auxquels ils ont succédé.

A l'égard du second cas, Ferrière prétend, dans son introduction à la pratique, que cela ne s'observe que pour des dettes privilégiées, V. G. pour des réparations pour crime, le jugement fût-il rendu en matière civile; car, autrement, dit-il, les lettres de répit n'auraient jamais lieu, puisqu'il est impossible qu'un homme, qui a mal fait ses affaires, n'ait été poursuivi par quelquesuns de ses créanciers, qui aient obtenu des jugements contre lui. Mais on peut facilement opposer Ferrière à lui-même; car, dans son commentaire sur la coutume, il dit, sans aucune distinction, que le répit ne peut avoir lieu contre une dette adjugée par sentence définitive et contradictoire, et ce, à cause de l'autorité des jugements, et parce que celui qui a contesté sa dette, est indigne du bénéfice du prince.

Les lettres de répit ne peuvent encore être admises en faveur des comptables des deniers royaux, par la raison que le roi n'accorde jamais de privilége contre lui-même; ni dans les affaires où les hôpitaux de Paris ont intérêt (déclaration du 23 mars 1680, confirmée par celle de 1702, art. 25) : et Denizart, vo Repit, n° 7, assure qu'il a été jugé par un arrêt du conseil, du 17 octobre 1684, que des héritiers bénéficiaires n'étaient pas recevables à se servir de lettres de répit contre les créanciers de la succession.

717. Ceux qui ont obtenu des lettres de répit ne peuvent pas en obtenir de secondes, si ce n'est pour causes nouvelles et considérables, dont il y ait commencement de preuves (ordonnance de 1669, tit. 6, art. 14). Ce serait, en effet, favoriser l'abus des lettres du prince, et faire perdre indirectement aux créanciers ce qui leur est légitimement dû, si l'on accordait de pareilles lettres

à l'infini, et sans connaissance de cause. Aussi le même article porte ces térmes: Sans que, pour quelque cause et prétexte que ce soit, il en puisse être accordé d'autres.

§ II. Dans quels cas les lettres de répit doivent-elles être accordées, et que faut-il faire pour les obtenir?

718. Les lettres de répit ne peuvent être accordées que pour des considérations importantes (ordonnance de 1669, tit. 6, art. 2) V. G. Si le débiteur qui les demande a éprouvé des pertes considérables, soit par la faillite de ceux qui lui devaient, soit par un incendie ou autres cas fortuits, comme guerres, naufrages, etc., qui aient tellement altéré sa fortune, qu'il soit dans l'impuissance de payer ses dettes, quant à présent.

M. Jousse, en sa note 2 sur cet article, observe que ces lettres ne s'accordent aujourd'hui que très difficilement; et Lacombe, en son recueil de Jurisprudence civile, vo Lettres de répit, dit qu'on n'en obtient plus. Il prétend même que M. le chancelier a défendu aux secrétaires du roi d'en présenter

au sceau.

Ceux qui veulent obtenir ces lettres doivent rapporter des commencements de preuves, par actes authentiques, des causes qui les leur font solliciter : on les explique dans les lettres, et on les attache sous le contre-scel (ordonnance de 1669, ibid.). Ils doivent, en outre, joindre aux lettres un état certifié de leurs biens meubles et immeubles et de leurs dettes; ils sont tenus de remettre cet état au greffe avec leurs lettres et registres, s'ils sont négociants, marchands ou banquiers, et d'attacher le certificat sous le contre-scel des lettres de répit. Ordonnance de 1673, art. 1er du tit. 9.

La déclaration du 23 décembre 1699, art. 8, veut que ceux qui auront obtenu des lettres de répit, remettent, s'ils en sont requis par leurs créanciers, au lieu et ès mains de celui dont ils conviendront, ou qui sera nommé par le juge auquel les lettres auront été adressées, des titres et pièces justificatives des effets mentionnés dans l'état qu'ils auront certifié véritable, pour y demeurer jusqu'à la vente ou recouvrement desdits effets.

§ III. De la forme des lettres de répit.

719. L'adresse des lettres de répit se fait au plus prochain juge royal du domicile de l'impétrant, si ce n'est qu'il y eût instance par-devant un autre juge avec la plus grande partie des créanciers hypothécaires, auquel cas l'adresse lui doit être faite, et aucune des parties ne peut demander l'évocation ni le renvoi en vertu de son privilége. Ordonnance de 1669, ibid., art. 3.

Les juges-consuls sont incompétents pour cet entérinement; mais l'usage de presque toutes les juridictions consulaires est d'accorder sans lettres une surséance plus longue que celle permise par l'ordonnance, V. G. de six mois ou d'un an, en plusieurs paiements, soit par moitié, soit par tiers ou par quart, en donnant, par la partie condamnée, bonne et suffisante caution, et même quelquefois un certificateur.

Ces lettres, qui ne peuvent être expédiées qu'au grand scean, suivant l'article 2 de la même ordonnance, doivent porter un mandement au juge à qui elles sont adressées, qu'en procédant à l'entérinement, les créanciers appelés, il donne à celui qui les a obtenues tel délai qu'il jugera raisonnable pour payer ses dettes. Ce délai, néanmoins, ne peut être de plus long temps que cinq années, si ce n'est du consentement des deux tiers des créanciers hypothécai res. Ibid., art. 4.

Les lettres portent un délai de six mois, pour en poursuivre l'entérinement, et il est défendu pendant ce temps à tous huissiers et sergents d'attenter à la personne du débiteur; et de saisir les meubles qui servent à son usage, à peine de 100 liv. d'amende, et de dommages et intérêts envers les parties. Ibid.

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