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l'exactitude et l'intérêt des nouvelles qu'il donne, car il tait ouil ignore les bruits dont, depuis plusieurs jours, tout Paris est préoccupé; il ne dit rien de cette ligue redoutable qu'on assure s'être formée entre certains ministres, une partie des députés qui, à la session précédente, siégeait au centre', et la totalité de ceux qui se plaçaient au côté droit, ligue dont le Conservateur, dans un de ses derniers numéros avait ouvertement posé les bases; qui a fait éprouver au crédit de nouveaux ébranlemens, lorsque le bruit s'en est répandu à la bourse, et dont l'existence semble être confirmée par les circonstances qui ont accompagné l'élection de quelques-uns des candidats présentés au Roi pour la présidence de la Chambre des députés. Inutilement on voudrait contester l'exactitude de ces bruits, en observant qu'aucun des chefs du parti qui siége au côté droit n'est au nombre de ces candidats, et même n'a obtenu les honneurs du baliotage; c'est au contraire ce qui les confirme. Les chefs du côté droit n'ont fait le sacrifice des suffrages de leurs amis à leurs nouveaux auxiliaires, que dans l'expectative des compensations dont on leur a donné l'espoir.

Si effectivement cette alliance inattendue a pour bases celles que M. de Frenilly a proposées dans le Conservateur, elle menacé alors la loi des élections et celle du recrutement; elle paraît menacer également le personnage qu'on regarde comme le directeur suprême de la Correspondance ministérielle; mais aussi il acquiert, par l'impopularité de ses adversaires, une popularité au moins momentanée. Ne doutons pas que la force de l'opinion publique, le bon sens, les vues droites et pures du plus grand nombre des députés ne préservent la patrie des nouveaux périls qui paraissent la menacer.

Dans ce moment, la Chambre des députés ressemble à ces vastes théâtres lorsque la scène va changer d'aspect. Au centré, aux ailes, tout est confus, tout est en mouve

ment; cependant il est facile d'apercevoir déjà que le centre tend à se dégarnir, et les deux aîles à s'accroître.

TIMES. M.

Paris, 30 novembre.

La faction ultra-royaliste continue à former des vœux ardens pour le renversement du ministère. Cette faction renferme quelques écrivains et quelques orateurs distingués, mais elle n'a pas un seul homme d'Etat, connu par son expérience des affaires. Il n'est pas d'usage de confier le gouvernail à des pilotes novices, lorsque l'horison se couvre de nuages. MM. de Villèle, de Corbières et de Bonald qui sont, à la tribune, les membres les plus distingués de ce parti, n'ont jamais été ministres, ni employés dans aucune place importante. Ils sont entièrement étrangers aux détails pratiques des affaires. Je ne dirai rien de M. de Chạteaubriand qui, de sa haute situation de pair de France, a consenti à descendre au rang de pamphlétaire, et à se mettre au même niveau que M. Fiévée. Un homme peut avoir quelque talent pour le style, faire des métaphores brillantes, écrire de la prose poétique, et faire preuve d'une imagination hardie, sans être propre à diriger les affaires d'un gouvernement.

A tout prendre, s'il se fait quelque modification dans le ministère, elles consisteront seulement dans l'introduction de quelques nouveaux membres et dans une meilleure distribution des attributions respectives. Il est vraisemblable qu'on réunira dans les mêmes mains, certaines branches de l'administration, qui ne pouvaient être séparées sans inconvénient, et l'on profitera probablement de ces combinaisons nouvelles pour supprimer un ministère dont les attributions sont à-peu-près nulles maintenant, et dont l'action ne peut se concilier avec nos institutions constitu

tionnelles; ces changemens ne pouvaient s'opérer, ainsi que d'autres moins importans, avant l'arrivée du duc de Richelieu, qui n'est de retour à Paris que depuis quelques jours.

TIMES. M.

Paris, le 3 décembre 1818.

Les ultrà font tous les jours les demandes les plus humiliantes aux ministres, en proposant par forme de compensation, leur impuissant et dangereux appui. Jamais cependant le cynisme n'a été poussé plus loin que dans le dernier numéro du Conservateur, organe officiel du parti. Il y a dans ce numéro un article d'un nommé Frenilly, dans lequel on engage le ministère à s'attacher fortement aux débris de la Chambre introuvable, pour résister à la force du courant qui les pousse. On y demande en même tems la révocation

immédiate de la loi d'élection : à ces conditions, les ultrà veulent bien laisser à nos ministres les places qu'ils occupent. Dans le même numéro, M. Fiévée, qui écrit de sa prison, compare les ministres à « des acteurs sur le point » de quitter la scène; il les engage à ne pas faire un pas » en avant, sans quoi ils tomberaient dans un précipice » dans lequel ils entraîneraient la monarchie avec eux. » M. de Chateaubriand déclare qu'il voudrait que la France prit la croix blanche, comme elle la prit en 1451, lorsque, sous le règne de Charles VII, les Anglais se retirèrent; mais il craint que son desir ne se réalise pas, et que le tems des croisades ne soit passé. Il ne se flatte plus que le retour' du duc de Richelieu puisse amener un changement favorable aux ultrà; il assure au contraire « que tout restera dans sa >> situation actuelle. >>

Les ultrà sont convaincus que tout est perdu pour eux, s'ils n'empêchent pas la prochaine réunion des Chambres en 1819,

ou du moins s'ils ne parviennent pas à modifier et à changer même les élémens dont elles sont composées cette année, afin de renouveler la terreur de 1815. Ils s'efforcent surtout d'attirer à eux quelques-uns des membres du Cabinet, afin de troubler l'union et de rompre l'unité si nécessaire au ministère à l'ouverture d'une session.

Nos ministres se sont réunis tous les jours en conseil, ou du moins en conférences, depuis l'arrivée du duc de Richelieu. Jusques à présent, rien n'a transpiré au sujet de leurs délibérations. On croit cependant qu'ils sont occupés des projets de lois qui doivent être présentés à la Chambre, avant qu'elle n'entame la discussion du budjet. Soyez assuré qu'il n'est nullement question d'apporter aucun changement à fa Charte ni aux lois qui ont été rendues pour en assurer l'exécution.

TIMES. M.

5 décembre.

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Les ministres continuent à tenir la balance entre les in. dépendans et les ultrà qui les harassent. Ces deux partis ont pour organes des écrits semi-périodiques affranchis du joug de la censure, qui montrent une hardiesse toujours croissante. Le peuple français continue à faire des pas en avant dans la partie démocratique de la Cliarte.

Les ministres, comme je vous l'ai déjà dit, se regardent comme assurés de conserver leur puissance, et ils défendent leurs plans avec la plus gande énergie. Les colléges électoraux, afin de remplacer les députés qui ont été choisis dans deux départemens, seront convoqués après l'ouverture des Chambres dans le mois de janvier. Il est plus probable que Benjamin-Constant sera nommé à cette occasion.

Des personnes bien informées assurent qu'un article secret de la convention d'Aix la-Chapelle porte que les articies de ces conventions ne seront obligatoires qu'autant

la maison de Bourbon restera sur le trône de France; que mais quest malheureusemant elle en descendait, le traité de la quadruple alliance reprendrait sa pleine et entière exé

cution.

MORNING-CHRONICLE.

6 décembre.

Je vous disais, il y a quelque tems, que, selon toute apparence, le ministre des finances serait renvoyé avant l'ouverture de la prochaine session, attendu que les ministres trouveraient commode, lorsqu'on éleverait des plaintes dans les deux Chambres, sur la marche suivie dans la négociation des derniers emprunts, de rejeter tout le blame sur un de leurs anciens collègues en disgrâce, et probablement absent. La nouvelle de sa retraite excitera vraisemblablement plus de regrets à Gênes qu'à Paris : car il avait été très-utile à un grand nombre de ses compatriotes, qu'il avait fait placer en France; et depuis les embarras de notre place, il y avait perdu toute espèce de crédit. Il est remplacé par M. Roy, membre de la Chambre des Députés, qui, pendant les deux dernières sessions, a été chargé de faire le rapport sur le budjet des dépenses. M. Roy est incontestablement un homme d'esprit; il en a souvent fait preuve à la tribune; il est maintenant un des plus grands propriétaires de France; autrefois administrateur des biens de la maison de Bouillon, il en possède aujoud'hui les plus beaux domaines.

Il paraît que M. Corvetto n'était pas préparé au coup qui l'a frappé, malgré les avertissemens que certain ministre lui avait fait donner plusieurs fois dans les lettres de Paris insérées dans le Times. Déjà il avait envoyé à l'imprimerie royale le budjet de 1819; il est probable que M. Røy n'aura ni le tems, ni le loisir nécessaire pour en changer les bâses, et qu'il sera présenté à-peu-près tel que M. Cor

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