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comme par le passé, il caresserait et menacerait alternativement tous les partis, offensant, tour-à-tour, les uns par les concessions qu'il ferait aux autres. Je vous disais aussi que les nominations qu'il ferait dans l'ordre judiciaire et dans l'ordre administratif serviraient à montrer tout ce qu'il y a de vague dans la ligne de conduite qu'il s'est tracée.

Les faits sont venus promptement confirmer mes conjectures. Tandis que M. Hua, qui, dans l'affaire de M. de Lavalette, a conclu à mort, en qualité d'avocat-général à la Cour royale, était appelé à la Cour de cassation, pour y remplir les mêmes fonctions, et qu'on choisissait, pour le remplacer, M. de Marchangy, substitut du procureur du Roi, qui a montré un zèle si hostile contre les écrivains politiques, M. Freteau était rappelé à la Cour de cassation, dont il avait été éloigné à la fin de 1815, à cause des opinions qu'on lui attribuait. En même tems on chargeait M. Colomb de remplir les fonctions du ministère public à la chambre d'appel de police correctionnelle, qui juge en dernier ressort les délits de la presse. M. Colomb était un des membres les plus courageux de cette minorité de la Chambre de 1815, qui a été si utile par le mal qu'elle a empêché. Le choix qu'on a fait de lui dans le moment où on récompensait les services de MM. Hua et Marchangy, rentre donc dans ce système de bascule suivi depuis

ans avec une si déplorable obstination; ce choix paraît être aussi le résultat d'un calcul particulier. Les ministres comptent tellement sur l'inflexibilité des juges, qu'ils croyent pouvoir laisser les fonctions du ministère public à des hommes du caractère et de la modération de M. Colomb.

Lorsqu'à la session prochaine on se plaindra de la sévérité des jugemens rendus contre les écrivains politiques,

les ministres feront valoir, pour leur défense personnelle, la modération des conclusions du ministère public, et de cette manière ils chercheront à se menager les bénéfices des condamnations et les honneurs de la popularité. Pitoyable combinaisou, qui leur manquerà, comme tant d'autres; ils oublient toujours que des adversaires attentifs et pénétrans les regardent.

Pour échapper aux dangers qu'ils aperçoivent, et dégoûtter les électeurs de choisir des députés indépendans, ils sont dans l'intention de refuser toutes les demandes qui leur seront adressées par ceux-ci, générales ou particulières, fondées ou non, n'importe. Cette résolution n'est pas toutà-fait conforme aux intérêts de la justice, ni même aux leurs; mais il ne faut pas en concevoir de trop grandes alarmes, car ils sont incapables de rester long-temps dans un systême décidé, quel qu'il soit : ils ont cependant commencé à le mettre à exécution. M. de Cases et son secrêtaire-général, M. de Mirbel, cherchent, en toute occasion, à persuader aux familles des exilés qu'elles échoueront dans leurs démarches tant qu'elles s'adresseront aux indépendans pour obtenir la fin des infortunes de leurs parens, attendu que le Roi a des préjugés opiniâtres contre tous ceux qui se mettent sous la protection des députés qui siégent au côté gauche de la Chambre.

Vous voyez par ce fait, que si le principe fondamental de votre droit public est que le Roi ne peut jamais mal faire (The king can do no wrong), certains ministres voudraient donner pour base à notre législation un principe tout opposé. Lorsqu'ils font un refus, ou qu'ils prennent une mesure impopulaire, ils ne manquent jamais d'assurer qu'ils y ont été contraints, et que la volonté du Roi les enchaîne.

Mais c'est toujours sur les modifications qu'ils se propo

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sent d'apporter à la loi des élections qu'ils fondent lear principal espoir. Il paraît constant qu'ils voudraient introduire deux degrés d'élection; le premier, composé de tous les électeurs payant 50 francs de contributions directes et au-dessus; et le second, de ceux qui paient 500 fr. et au-dessus. Ce plan éloignerait de fait de la seconde classe tous les patentés, dont on redoute l'esprit d'indépendance. Les électeurs du premier degré éliraient seulement des candidats; ceux du second choisiraient leurs députés pármi ces candidats. C'est, comme vous voyez, le projet présenté dans le Conservateur par M. de Châteaubriant, celui de faire réviser par la plus grande propriété les choix de la petite.

Les écrits semi-périodiques qui ont fait tant de mal aux ministres, en exposant leurs fautes, n'ont pas échappé à leurs sollicitudes. Pendant six mois ils les ont fait poursuivre par les tribunaux, et maintenant ils lancent contre eux l'administration du Timbre : on voudrait les soumettre au même droit que les journaux. Les Editeurs de la Minerve et de la Bibliothèque historique sont déterminés à adresser une pétition aux Chambres, à l'ouverture de la session. Ils y trouveront pour appui, nou - seulement les Députés du côté gauche, mais aussi ceux du côté droit t, intéressés à défendre une cause commune aux Editeurs du Conservateur.

Mais, dans le cas même où, contrairement à toute probabilité, les Députés qui siégent aux deux aîles de la Chambre, ne pourraient obtenir la victoire en réunissant leurs efforts, les ministrés n'auraient pas lieu pour cela de se féliciter de leur succès. Sans doute ce succès entraînerait la chute des moins répandus de ces écrits; mais leurs lecteurs souscriraient à ceux qui sont le plus accrédités, et les Editeurs de ces feuilles compenseraient facilement, par l'accroissement de leurs abonnés, les charges que leur imposerait le timbre.

THE STAR. M.

Lettre particulière de Paris, 21 novembre.

La Minerve et la Bibliothèque historique continuent, avee un zèle ardent, à faire connaître les différentes violations de la Charte qui se commettent. Les préfets et les maires voient maintenant qu'il leur est impossible de se livrer impunément à des actes illégaux. Le clergé seul est toujours aveugle et incorrigible; il persiste à prêcher les dîmes et la restitution des biens nationaux (voulant parler de ceux de l'Eglise), et à peindre comme un péché mortel, la sépulture religieuse donnée aux philosophes.

NEW-TIMES. U. R.

Paris, le 23 novembre.

Les ministres auront, à la session prochaine, une lutte terrible à soutenir, quoiqu'on assure qu'ils sont disposés à faire de nombreuses concessious. Les trois premières lois : qui seront proposées, après le budget provisoire de 1819,

sont:

1o. La liberté de la presse et celle des journaux ;

2o. La responsabilité des ministres ;

3o. Les modifications à introduire à la loi du jury, qui, dans certains cas, sera investi de l'examen des causes civiles.

On parle beaucoup d'une disposition qui diminuera nécessairement le nombre des journaux existans, et empêchera de nouvelles entreprises de ce genre de se former.

L'éditeur de chaque journal devra obtenir un privilége, qui lui coûtera annuellement, 2,880 fr.

personnelle aux considérations puissantes que nous venons d'indiquer, et à des prétentions qu'il ne lui a pas

sible d'assurer.

été pos

N'attribuez donc à aucun calcul les visites qu'il fait dans ce moment, et les réconciliations qu'elles semblent indiquer, et n'ajoutez foi à aucun des bruits exagérés qui circulent à ce sujet.

Le prince Talleyrand est devenu le proche parent de M. Decaze, par le mariage de ce ministre; il était donc naturel que des rapports de famille fissent disparaître les sujets de plainte, bien ou mal fondés, qui existaieut de part et d'autre.

On rapporte qu'on les a vus causer ensemble au dernier cercie des Tuileries, de la manière la plus amicale. Il est certain qu'en défendant les actes des ministres à la Chambre des Pairs, comme il paraît que M. de Talleyrand a l'intention de le faire, il reudra des services plus réels à la chose publique, qu'en cherchant à se replacer à la tête des affaires.

Le comte de Palmela ei le marquis de Marialva se sont rendus à Bruxelles, afin de conférer avec les principaux ministres des Hautes-Puissances, sur la position singulière des cours d'Espagne et de Portugal. Des lettres récentes de Madrid assurent que Ferdinand VII est toujours aussi peu disposé à accepter les conditions du plan de médiation` conçu par les cinq Puissances.

On dit que l'amiral Tatischeff exerce plus d'influence que notre ambassadeur à la cour de Madrid.

Des lettres arrivées directement d'Aix-la-Chapelle éclaircissent l'affaire de Sainte-Hélène. Il paraît que ce complot se réduit à une correspondance équivoque, et que Napoléon, comme une autre Prométhée, est toujours enchainé sur son rocher : c'est lord Castelreagh qui en a donné luimeme l'assurance.

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