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» envoyées par les Génois et les Vénitiens, au commen» cement du XIVe sièle, en ajoutant toutefois qu'à » cette époque, le coton n'y était employé que pour » faire des mèches à chandelles. » Un autre, au contraire, dans un ouvrage publié en 16411, où il fait mention de cette industrie, cite diverses marchandises qui étaient fabriquées à Manchester avec des cotons de Chypre et de Smyrne.

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L'un des honorables rapporteurs du x1 jury à l'exposition universelle de Londres2, a dit: « que la » première balle de coton arriva en Angleterre en » 1569; qu'en 1641, sa fabrication était définitivement » établie à Manchester; qu'en 1678, on en filait et » tissait manuellement 900,000 kilogrammes; et que » dès cette époque, ses manufacturiers demandèrent » la prohibition des tissus de coton étrangers, prohi>>bition que son gouvernement décréta. »

Des rapports authentiques font connaître qu'il existait dans un grand nombre de paroisses de plusieurs comtés de l'Angleterre une certaine quantité de métiers à filer et à tisser le coton, qui fournissaient de l'occupation à bon nombre de cultivateurs pendant l'interruption des travaux agricoles, et que, sous le règne de Georges III, l'industrie cotonnière occupait 40,000 travailleurs, qui manutentionnaient près de 15 à 16 millions de marchandises.

Mais c'est surtout dès le commencement du xvi

1 Le Trésor du Commerce, par Lowes Robert.

2 M. Mimerel, sénateur.

siècle qu'une augmentation se fit remarquer dans le chiffre de la valeur de ces produits. Les exportations des étoffes de coton faites par l'Angleterre, en 1701, atteignaient le chiffre de 583,750 livres, et, en 1764, celui de 5,008,750 1.

L'usage de l'ingénieuse machine à filer, connue sous le nom de Jenny (Spinning-Jenny), remonte aux années 1766 à 1768. Cette machine, inventée par Thomas Highs, fabricant de peignes à tisser à Leigh (Lancashire), perfectionnée ensuite par Richard Arkwright, a beaucoup contribué aux progrès de l'industrie cotonnière en Angleterre 2.

En 16883, il fut importé du Levant en France, par la voie de Marseille, 430,000 livres de coton en laine et 1,050,000 livres de coton filé. En 1750, cette importation s'était accrue dans une proportion bien autrement considérable; elle s'élevait à 3,831,620 livres et celle des filés à 2,014,978 livres. Cette augmentation prouve que les manufacturiers français avaient su mettre à profit l'art de filer le coton. Cependant, à cette époque, et beaucoup plus tard encore, le coton ne se filait qu'à la main.

En 1668, les cotons en laines de toutes sortes ne valaient que 28 livres 16 sous le cent pesant, tandis qu'en

1 Des Tissus anciens et modernes, par Bezon, 6e volume, page 73.

2 Dans d'autres documents, le nom de Arkwright est écrit Hargreawes. 3 Des Tissus anciens et modernes, par Bezon, 6o volume, page 220.

4 A cette époque, Saint-Quentin fabriquait des mousselines et faisait venir des cotons en laine de Marseille.

1750, les prix variaient de 70 à 90 livres tournois le cent, suivant la provenance et la qualité.

En 1765, une manufacture de velours fut créée à Amiens. En 1784, un arrêté du conseil d'état autorisait un autre industriel de la même ville1 à établir près d'Arpajon une fabrique de ce même tissu. L'autorisation donnée à ce manufacturier, à titre de premier importateur des machines à filer le coton, inventées en Angleterre, lui conférait un privilége exclusif de 12 années pour la construction et l'emploi des machines au moyen desquelles on pouvait préparer le coton et la laine, carder en ruban, étirer, filer en gros, filer en fin, doubler et retordre en même temps. Ces machines, les plus parfaites de celles qui avaient été présentées jusqu'alors au gouvernement, donnèrent naissance à la première filature continue établie en France.

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Ce fut encore dans la capitale de la Picardie, dans la ville d'Amiens, que fonctionna de 1789 à 1790 le premier métier appelé Mull-Jenny. Deux de ses manufacturiers firent venir d'Angleterre des ouvriers intelligents, qui opérèrent dans leurs usines d'utiles modifications. Ils y construisirent un de ces nouveaux métiers qui avait 180 broches et qui réunissait toutes les perfections nécessaires pour produire un très-beau fil. Sur la demande du bureau d'encouragement de

1 M. Martin, manufacturier à Amiens.

2 MM. Morgan et Massey.

3 Rapport de M. Narcisse Ponche, Société industrielle d'Amiens, no 2. (Mars 1864.)

la ville d'Amiens, le ministre de l'intérieur accorda à ces manufacturiers une somme de 12,000 livres à titre d'indemnité des frais que leur avait occasionnés la construction de cette machine. En 1788, la navette volante avait été introduite dans leurs ateliers, et il est très-probable que si les circonstances leur eussent permis d'établir de suite les machines de préparation, avec les mêmes soins que ceux qui avaient été donnés à leur Mull-Jenny, la filature y aurait acquis, dès cette époque, un haut degré de perfection.

Dans la ville de Lille, avant l'introduction des mécaniques anglaises propres à filer le coton, la majeure partie de celui qui était employé par ses fabriques, par celles de Roubaix et de Tourcoing, était cardé et filé au grand rouet. On y produisait, par les mêmes moyens, le coton pour broder. Mais cette main-d'œuvre était très-coûteuse, et les tissus que l'on y fabriquait revenaient à des prix par trop élevés.

En 1791, une transformation s'opéra dans cette industrie. Un Anglais passant par la ville de Lille offrit à sa municipalité une mécanique qui avait le double avantage de carder le coton d'une manière préférable à celle qui y était usitée, et de le filer aussi parfaitement qu'en Angleterre. Le corps municipal, après avoir consulté la chambre de commerce, fit l'acquisition de cette machine, et c'est depuis cette réforme que la filature y prit une grande extension.

On filait aussi le coton à Rouen; mais, comme dans les autres villes manufacturières, on le filait à la main. Ce n'est que de 1785 à 1787 qu'on essaya de substituer

à de vieux procédés l'emploi de quelques machines importées d'Angleterre1. Le gouvernement, désirant encourager cette industrie dans la capitale de la Normandie, lui accorda une somme de 100,000 livres pour la construction de mécaniques façonnées sur les meilleurs modèles, et il décida qu'elles y seraient distribuées, soit à titre d'avance, soit gratuitement, à ceux qui n'avaient pas les moyens d'en acheter.

A Rouen2, comme à Lille, un grand nombre d'ouvriers se révoltèrent d'abord contre les nouveaux métiers à filer, mais ils ne tardèrent pas à en reconnaître les avantages, et, peu de temps après, plusieurs filatures hydrauliques et avec des manéges s'y montèrent avec succès.

Un manufacturier de Rouen, nommé Delarue, qui, vers l'an 1700, avait acheté une trop grande quantité de cotons en laine, dont il ne trouvait pas à se défaire. imagina de les faire filer et de confier ces filés à la communauté des toiliers. Ceux-ci cherchèrent à les employer le plus utilement possible, et ils essayèrent la fabrication de différentes espèces de petites étoffes dont la chaîne était en soie et la trame en coton; ces

1 En 1784, un brevet fut accordé, le 18 mai, pour l'établissement d'une filature continue. En 1785, le 8 octobre, le roi Louis XVI voulant accélérer l'emploi en France des machines qui avaient été inventées en Angleterre, en 1767, par Hargreawes, accorda particulièrement à un sieur Miln une autre somme de 60,000 livres, à titre d'encouragement, un traitement annuel de 6,000 livres, un local convenable et enfin une prime de 1,200 livres par chaque assortiment complet de machines livré à nos filatures.

Etudes sur les industries du colon et du lin dans les régions du Nord, par A. Cordier, page 79.

2 Ce fut à Rouen que la mise en œuvre du coton fut tentée pour la première fois.

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