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Situation du commerce après la révolution de 1789 et de l'industrie du coton au
commencement du XIXe siècle. Création à Roupy, près de Saint-Quentin, en
1803, de la première filature de coton du département de l'Aisne. Première
exposition des produits de l'industrie en 1798.- Ce que furent celles de 1801
et de 1802. - Création d'une Chambre consultative des manufactures à Saint-
Quentin. Exposition de 1806. -Les fabricants de Saint-Quentin s'y distin-
guent. Le département de l'Aisne en 1806. Evénements municipaux et
autres, de 1796 à 1802. — Séjour du premier consul Bonaparte à Saint-Quentin,
en 1802.
Etat comparatif du commerce de Saint-Quentin en 1761, 1789,
1800 et 1807. Le conseil municipal demande à l'empereur les terrains et les
matériaux des anciennes fortifications de la ville. Voyage et séjour de l'em-
pereur et de l'impératrice à Saint-Quentin. Décret de Cambrai du 28 avril
1810. Fabrication du sucre de betteraves. Son origine. Système conti-
Guerres d'Espagne et de

nental.
Russie.

Prospérité et puissance de l'empire.
Invasion de la France. Chute de l'empire.

Avant le grand mouvement politique de 1789 qui effaça en France jusqu'aux dernières traces de l'ancienne royauté, chaque province, chaque ville était régie par ses coutumes ou par ses institutions municipales, résultats de priviléges imposés lors de son incorporation à la monarchie, ou obtenus par des

TOME II.

1

services spéciaux envers la commune. Une ville différait presque toujours d'une autre ville, soit dans ses usages, dans sa forme, ou dans son administration. Chacune d'elles avait ses prérogatives, son histoire locale, comme elle avait son cachet particulier. Cette situation ne pouvait plus subsister après la révolution qui venait de s'accomplir.

Les grands principes qui en étaient ressortis devaient porter leurs fruits et se retrouver dans la législation chargée de les rappeler et de les faire pratiquer. Toutes les villes allaient être uniformément soumises au même régime civil et judiciaire, comme au même régime politique. Dès lors, les destinées de la ville de Saint-Quentin, de son commerce et de ses industries allaient se trouver liées aux événements plus ou moins prospères de l'histoire de la France.

Ce que la révolution d'Amérique avait été par ses conséquences directes ou indirectes pour le commerce maritime, la révolution française le devint pour les rapports intérieurs du commerce de l'Europe continentale. Après avoir accompli l'affranchissement de l'industrie, elle ne déploya pas moins de puissance en luttant contre les obstacles qui pouvaient encore s'opposer au triomphe de ses principes. Toutefois, lorsqu'une réforme est devenue nécessaire et que le moment de l'accomplir est arrivé, rien ne l'empêche, et tout la sert.

L'état d'hostilité permanente qui existait entre la France et l'Angleterre avait contribué à diminuer l'importance du commerce maritime de l'Europe, et

la marine française avait été désorganisée par la révolution.

Rien ne faisait plus obstacle à la suprématie de la Grande-Bretagne. Au blocus de toutes les côtes de la France, Napoléon avait répondu, en 1806 1, par l'un des actes les plus extraordinaires dont l'histoire fasse mention, par la proclamation du systême continental, qui était une représaille de l'abominable conduite de l'Angleterre; et, ce qui étonnera toujours, c'est que ce fut au milieu des rigueurs de cette guerre opiniâtre que cette nation parvint à fonder l'édifice de sa puissance industrielle 2.

La France, de son côté, ne déploya pas moins d'énergie et de valeur dans ses ateliers que sur ses champs de bataille; elle organisa toutes les branches. de ses industries, et dans cette lutte pacifique, mais glorieuse, peu de cités la secondèrent avec plus d'intelligence et de résultats que ne le fit la ville de SaintQuentin.

Nous avons fait connaître, dans la première partie de cette étude, ce qu'avait été le commerce de son district manufacturier, depuis les temps les plus reculés de son histoire; nous allons, dans cette seconde partie, le reprendre à l'époque où nous l'avons laissé, c'est-àdire au moment où la France révolutionnaire, pour conserver sa nationalité et ses libertés, fut obligée de lutter contre les armées de l'Europe entière.

1 Voir aux pièces justificatives la teneur du décret du 21 novembre 1806 2 Histoire de la Politique commerciale de la France, 2e volume.

En guerre avec tous les rois, la France perdit, en 1793, presque toutes ses relations, et elle fut forcée d'acheter à l'étranger, non-seulement ses denrées coloniales, mais encore toutes les marchandises que lui fournissait autrefois son commerce maritime 1. Quant à ses industries, elles ne furent ni plus heureuses, ni mieux favorisées. Au milieu de ses luttes sanglantes et de ses discordes civiles, beaucoup souffrirent, quelques-unes succombèrent; une seule résista, et ce fut celle du fer.

La république ayant proscrit les produits des autres monarchies, il fallut bien forger sur son territoire les armes de ses soldats; il fallut bien armer ces héros de la France qui se battaient si vaillamment pour sa gloire et pour la défense de ses frontières. La nécessité montra une fois de plus qu'elle savait au besoin forcer l'industrie aux progrès et aux surprises.

De 1791 à l'année 1800 la France fondit et forgea plus de fer qu'elle n'en avait peut-être forgé et fondu depuis un siècle 2. Un grand nombre d'établissements industriels suspendirent leurs travaux, plusieurs manufacturiers furent ruinés.

Le gouvernement qui décrétait la victoire aurait voulu aussi décréter le crédit, mais il ne le put pas. Il inventa le maximum, qui ne fit qu'augmenter la

1 En 1789, la France tirait de ses colonies une valeur de 250 millions par an, en sucre, café, coton, etc., elle en consommait de 80 à 100 millions et en réexportait 150 environ qu'elle versait dans toute l'Europe, principalement sous forme de sucre raftiné.

2 Ch. Gouraud, Histoire de la politique commerciale de la France, tome II. age 50.

misère générale. Il créa les assignats, et à SaintQuentin, cette création donna même un instant l'espérance d'une durée. Mais aux premiers signes de dépréciation de ce papier monnaie, « plusieurs de ses négo»ciants aperçurent aisément quel en serait définitive»ment le sort, et pour en réaliser la valeur, ils ache» tèrent, autant que les circonstances le permirent, » des marchandises qu'ils vendirent avec de grands » avantages1. >>

La confiance, qui est la condition absolue du travail et de la prospérité, manquait partout: Lyon était en ruines; la mitraille et l'incendie avaient décimé ou réduit à la plus affreuse misère ses commerçants et ses ouvriers; Sedan et les villes qui fabriquaient les draps, n'en faisaient plus que pour habiller les troupes ; Nantes était dévastée par la guerre civile, et l'argent avait disparu du marché. Heureusement que ces horreurs finirent avec le 9 thermidor, qui renversa la horde d'assassins qui avait noyé la liberté dans le sang français.

Après une si cruelle épreuve, après une si grande commotion, la société se reposa et le commerce commença à renaître.

La révolution, nous l'avons dit, avait épargné à la ville de Saint-Quentin la vue des horreurs qui se commirent dans d'autres parties de la France, et elle eut le bonheur de rester affranchie des horribles catastrophes et des excès sanguinaires de la Terreur.

1 Rapport de M. Delorme à la chambre consultative, en 1811.

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