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de la religion catholique rallumerait la guerre, et qu'il fallait attendre un temps plus favorable à un si grand dessein.

François de Sales répondit à toutes ces allégations, que c'était mettre en doute la puissance du roi s'il n'osait pas faire dans ses états ce que le duc de Savoie venait d'entreprendre avec tant de succès dans le Chablais et les bailliages de Terny et de Gaillard; que d'ailleurs les peuples du pays de Gex, goûtant une vie tranquille après les ravages de la guerre, n'étaient pas disposés à se soulever contre une puissance comme celle de la France, et que les Suisses, et surtout les Genevois, avaient trop d'intérêt à ménager le roi et à conserver son alliance.

François ajouta qu'il ne prétendait pas qu'il fallait user de contraintes, mais seulement qu'il était juste que les habitants du bailliage de Gex, réunis à la France, se soumissent aux édits qui permettaient le libre exercice de la religion réformée et de la religion catholique. Il le supplia d'obtenir de Sa Majesté de pouvoir travailler à la conversion d'un peuple qui avait été long-temps catholique et qui faisait encore partie du diocèse de Genève : il finit par demander l'autorisation d'y envoyer des missionnaires pour commencer cette œuvre.

Villeroi, enchanté des excellentes raisons de François de Sales, les lui demanda par écrit pour les soumettre au roi. En attendant sa réponse, M. de Genève (quoique non encore évêque de cette ville) prêcha avec succès à Paris et devant le roi qui l'affectionnait, parce qu'il ne l'avait jamais flatté. Ce prince tenta même de l'attirer en France par des pensions et des honneurs; François n'accepta pas, et répondit qu'il se contentait de l'évêché dont il était coadjuteur.

CHAPITRE XXV.

Requête importante de François de Sales au roi. Ses vœux sont

satisfaits. Il envoie des missionnaires dans le pays de Gex.

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Arrêt qui évince les détenteurs des biens et revenus du clergé.
Intervention du baron de Luz et du gouverneur de Bellegarde.
Don du clergé de France. Rachat des dimes de Chalex et des
Pères de la mission d'Ornex. Diverses restitutions de dîmes.
Diverses requêtes suivies d'arrêts.
commissaires à Gex.

toutes répétitions en 1658.

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Louis XIII envoie des
Ordonnances de pacification. Fin de

Arrivée de François de Sales à Gex.
Ses succès en onze

Danger qu'il court en traversant Genève.

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Le roi, quoique bien disposé à servir le zélé coadjuteur de Genève ou mieux d'Annecy, ne lui accorda qu'une partie de ce qu'il demandait. François de Sales partit aussitôt, et c'est après avoir quitté Paris qu'il apprit la mort de Claude de Granier, dont il fut le successeur en 1602.

A peine eut-il pris possession du siége épiscopal, qu'il adressa à Henri IV une requête renfermant deux parties principales, l'une avait pour but de faire assimiler le bailliage de Gex au reste du royaume où les deux cultes s'exerçaient librement, selon les termes et teneur de l'édit de Nantes; l'autre, que

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les biens ecclésiastiques aliénés par les Bernois et les Genevois fussent restitués, selon le même édit, en rendant les deniers qui avaient été donnés par les acheteurs.

Le 17 octobre 1602, le roi écrivit de Fontainebleau à l'évêque de Genève qu'il l'autorisait à envoyer dans le bailliage de Gex des ecclésiastiques irréprochables pour y rétablir la religion catholique; il ajoutait qu'il avait donné au baron de Luz, lieutenant de Sa Majesté en Bourgogne, l'ordre de faire exécuter sa royale volonté. (Lettre 192o.)

Le nouvel évêque de Genève, profitant de la bonne disposition du roi, écrivit aussitôt au baron de Luz, lui annonçant qu'il n'attendait que ses ordres pour commencer la conversion du bailliage de Gex. (Lettre 193.)

L'année suivante, François de Sales fit un rapport au roi sur les moyens qu'il avait employés et les succès qu'il avait obtenus. « Sur le bon plaisir de Votre Majesté, j'ai visité le bailliage de Gex, et j'y ai établi des ecclésiastiques pour l'exercice de la religion catholique ès lieux que M. le baron de Luz m'a assignés, et qui ne sont que trois en nombre, Gex, Asserens et Farges; beaucoup moins que je n'avais conçu en mon espérance, laquelle n'aspirait à rien moins qu'au tout. »> (Lettre 194.)

En 1603, l'apôtre infatigable du pays de Gex obtint de la cour de France des lettres - patentes, non-seulement pour évincer les détenteurs des dimes et rétablir les cures, mais encore l'autorisation de racheter les biens aliénés par les Bernois: cette restitution ou mieux cette rentrée en possession devait se faire en payant aux détenteurs les sommes qu'ils

avaient déboursées pour acquérir et faire les réparations indispensables. Les calvinistes genevois qui avaient acheté les dimes furent dépossédés.

Cette décision amena bien des difficultés; l'évêque de Genève, jugeant que son autorité, d'ailleurs peu respectée par les calvinistes, ne suffirait pas, appela à son aide le duc de Bellegarde, gouverneur du pays de Gex, et le baron de Luz, qui commandait en Bourgogne : tous deux vinrent à Gex pour l'aider à faire exécuter les intentions formelles du roi.

Il ne s'agissait plus de prêcher, d'instruire les calvinistes, mais il fallait chasser des propriétaires, les dépouiller de leurs biens pour les remettre à leurs anciens possesseurs; la résistance fut vive, il y eut presque une révolte. François de Sales fut accusé d'avoir sollicité cet arrêt de spoliation : sa vie fut menacée; on savait qu'il avait obtenu du roi l'arrêt du parlement et son exécution; on tenta de l'empoisonner les médecins se doutèrent de cet attentat; ils lui firent prendre force contre-poisons, qui compromirent pour toujours sa santé et sa vie. Mais son zèle ne diminua pas: ses vœux étaient accomplis, il avait rétabli la religion catholique dans une petite partie du pays de Gex et assuré le sort de ses pasteurs.

Ses efforts furent efficacement soutenus par le clergé de France qui recueillit et lui envoya des sommes considérables pour le rétablissement du culte et l'entretien des églises. L'emploi de ces aumônes amena bien des discussions fâcheuses: M. de Genève fut obligé de faire nommer un agent ou chargé d'affaires, sous le titre d'économe, pour opérer la rentrée de tous les curés dans leurs biens.

Cette charge fut confiée d'abord à messire Claude Jacquier, curé de Gex, et, après lui, à Jean Gobet, curé de Versoix, son successeur. Un grand nombre d'arrêts furent rendus sur leur poursuite: les détenteurs des biens aliénés furent assignés, et, après que l'on avait constaté la possession et l'identité du possesseur, l'adjudication avait lieu moyennant le prix de l'acquisition.

C'est ainsi que le curé de Gex, ayant fait saisir les dimes et les terres de la cure de Challex, qui avaient été abergées moyennant 250 florins de Savoie et 25 écus d'or au soleil, non-seulement on remboursa le propriétaire, mais encore on lui paya le prix des réparations qu'il avait faites.

C'est au même titre que les Pères de la mission, établis à Ornex par l'autorité du pape, du roi et de l'évêque de Genève, se firent adjuger la grange de Jouy, à condition qu'ils rembourseraient au sieur de Sceu, de Genève, ce que cet abergeage avait coûté (1).

Il n'en fut pas de même pour les autres biens du clergé : le parlement de Dijon cassa les saisies des dimes que possédait à Challex le prieuré de Nantua, parce que le roi n'avait accordé que la révocation des biens des curés et non des moines.

(1) On appelle abergeage un contrat emphyteotique ou à longs termes, de certains droits d'usage, de pâturage, de glandage et autres de cette nature. Ce droit s'appelait alpage et arpage dans le pays de Gex: c'était la location de l'herbe qui croit sur les hautes montagnes du Jura, avec la faculté d'y construire des maisons pour la fabrication du fromage, et d'y faire paître de nombreux troupeaux de vaches, depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre. (Collet.)

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