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et le duc de Savoie sera remis au jugement du pape Clément VIII, pour être vidé et décidé dans l'espace d'un an. » (Le 2 mai 1599.)

Le légat, qui tenait à honneur de faire cette paix si nécessaire à la chrétienté, y fit ajouter la disposition suivante: «Que le duc serait compris dans ce traité, sans préjudice des droits du roi el de Son Altesse sur le marquisat, dont le pape serait l'arbitre. » Cette lacune était une faute grave; elle ralluma entre la France et la Savoie une guerre que l'on aurait pu éviter : c'est sous cette restriction que les Espagnols signèrent le traité de Vervins, le 2 de mai 1598.

C'est à cette époque que le duc de Savoie reçut à Thonon le cardinal de Médicis qui revenait de la France; à la suite de cette entrevue, Son Altesse, puissamment secondée par Claude de Granier, évêque de Genève, résidant à Annecy, saint François de Sales, prévôt de cette Eglise, et le père Chérubin, capucin de la Maurienne, rétablit le culte de la religion catholique dans le Chablais et le bailliage de Ternier, contrées long-temps occupées par les protestants de Berne.

Le pays de Gex, resté au pouvoir des Genevois, conserva la religion de Calvin; il ne fut rendu au catholicisme qu'après avoir été concédé à la France en 1601.

Les magistrats de Genève, inquiets de revoir le prince de Savoie si près des portes de leur ville, lui proposèrent un traité définitif de paix et de bon voisinage: des conférences eurent lieu à Yvoire, sur le lac, entre Thonon et Genève; on discuta beaucoup, mais on ne conclut rien.

Cependant le duc employait tous les moyens pour se rendre le pape favorable par ses ambassadeurs, par sa fidélité à

observer le traité de Vervins, et surtout par son zèle pour

la religion.

Le temps fixé par le compromis fait entre les mains du pape touchait à sa fin: Son Altesse, se doutant bien que sa décision ne lui serait pas favorable, avait recours à toutes sortes de manœuvres pour éluder les difficultés et gagner du temps. Il alla jusqu'à accuser Clément VIII de s'être laissé gagner par le roi de France; ce procédé ne lui réussit pas le pape, indigné, refusa son intervention et abandonna la Savoie à sa destinée.

Tout fut aussi mis en œuvre pour gagner les bonnes grâces du roi de France et de son ministre Sully, par les représentants de la Savoie à Paris. Dans leur impuissance à réussir, ils firent entendre au prince de Savoie la nécessité de venir lui-même trouver Henri IV. Il y arriva en septembre 1599, et conçut quelques espérances par les honneurs qu'on lui rendit. Trompé dans son attente, il s'attacha à quelques seigneurs mécontents, dans l'intention de susciter des embarras au roi ; il alla même jusqu'à se mettre en rapports secrets avec le maréchal de Biron, dont on connut plus tard les intrigues avec la cour de Savoie (1).

Les conférences commencèrent; les députés du duc de Savoie, le nonce du pape et Lucinge des Alymes, ambassadeur de Son Altesse à Paris, proposèrent plusieurs arrangements

(1) Sully rapporte que ce prince, pendant son séjour à Paris, alla jusqu'à dire: Je ne suis pas venu en France pour y recueillir, mais pour y semer. (Vol. III, liv. XI.)

qui ne furent pas acceptés. Sully leur rappela que le marquisat de Saluces était un ancien domaine de la couronne, que le duc de Savoie, profitant des troubles de la France, tenait de la libéralité de Henri III, à son retour de Pologne, et que Sa Majesté Henri IV tenait à honneur de le conserver.

Les commissaires n'obtinrent que trois mois pour se déterminer, c'est-à-dire jusqu'au mois de juin 1600.

Charles-Emmanuel quitta Paris fort mécontent: son dernier mot fut qu'il voyait bien que le marquisat de Saluces était la bague avec laquelle il lui fallait épouser l'amitié et le service de Sa Majesté; qu'il s'y résoudrait puisqu'on le voulait ainsi, mais qu'il suppliait le roi de permettre qu'on tirât raison de Genève. C'était là sa pensée dominante, son delenda Carthago.

A cette proposition, le roi montra tant de répugnance, que le duc changea de discours : il partit, suspect à Henri IV et plus encore à l'ambassadeur d'Espagne, qui lui reprocha d'exciter la guerre contre son jeune maître, Philippe III, qui venait de monter sur le trône.

Arrivé à Bourg, le 14 de mars de l'année 1600, Charles de Savoie, en bon courtisan, remercia Henri IV du bon accueil qu'il avait reçu dans les diverses provinces de son royaume. Arrivé à Chambéry, il convoqua son conseil qui ne savait quel parti prendre. Les plus sages essayèrent de lui faire comprendre l'énorme disproportion des deux parties belligérantes et les redoutables conséquences d'une lutte aussi inégale.

Cependant le terme fatal approchait; le duc, comptant encore sur l'Espagne, répondit aux envoyés de Henri qu'il ne pouvait pas accepter les conditions qu'on lui imposait.

Le roi apprit cette réponse à Lyon; il somma Son Altesse de tenir sa parole: le duc lui fit dire que si Sa Majesté lui déclarait la guerre, il lui donnerait de l'exercice pendant quarante

ans.

Henri, indigné de tant d'insolence, mais touché des supplications des envoyés de la Savoie, donna à Charles-Emmanuel jusqu'au 5 août pour se décider : pendant ces tergiversations, le roi faisait filer ses troupes vers les Alpes; Lesdiguières commandait celles qui devaient entrer en Savoie, et Biron, celles qui allaient envahir la Bresse et le pays de Gex.

Bourg fut pris sans résistance, moins sa citadelle, défendue par le brave de Bouvens; puis Pont-d'Ain, Poncin, les Alymes, Ambronay, Saint-Rambert, Belley, Pierre-Châtel, Seyssel, le Fort-de-l'Ecluse et tout le bailliage de Gex.

CHAPITRE XXIV.

La Savoie envahie par les Français.

Défiance de l'ambassadeur

espagnol.

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Théodore de Bèze. Destruction du fort Sainte-
Les Genevois

Catherine. Colère du légat. - Réponse de Henri.

demandent le pays de Gex. - Refus du roi. Traité de Lyon,

Jugé différemment. Les quatre premiers articles de ce traité. — Retenue de territoire français par le duc. Inconvénients qui s'ensuivent. Le chemin des Savoyards.

à la France, en 1760.

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Ce territoire revient

Changement de l'administration dans le

bailliage de Gex. Présidial de Bourg.

Bailliage de Gex.

Vente des biens ecclésiastiques par les Bernois. Les droits

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part pour Paris, se fait appuyer à la cour, est bien accueilli. entrevue avec Villeroi. Henri cherche à l'attirer en France.

- Son

Le roi s'avança en personne jusqu'à Grenoble, suivi d'une artillerie nombreuse sous les ordres de Sully.

Montmélian était au pouvoir de Créqui; Crillon occupait les faubourgs de Chambéry; le peuple lui en ouvrit les portes: toutes les places cédaient à l'impétuosité française. La Maurienne, la Tarentaise, la Savoie tout entière étaient soumises à la France.

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