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et prendre le commandement de leurs troupes. Voulant, dès son arrivée, justifier la haute opinion que l'on avait de sa bravoure et de son habileté, il fit embarquer trois compagnies d'infanterie pour aller surprendre la petite ville d'Evian, sur le lac il fut battu et repoussé, se contentant de rapporter quelque butin en signe de victoire.

Il fut plus heureux lorsque, au mois de septembre, il se mesura avec le baron d'Hermance sur la Menoge, petite rivière qui coule au-delà de Monthoux, sur la route du Faucigny.

Les Genevois, se fiant à l'expérience de leur chef, sortirent de Genève pour faire vendange, à une demi-lieue de Bonne. Ils étaient protégés par 150 hommes d'infanterie et 130 de cavalerie. Tout-à-coup ils furent entourés par des soldats de la Savoie, cachés dans les vignes et guidés par le baron d'Hermance.

Conforgien, qui avait inutilement prévenu les Genevois de leur imprudence, les sauva d'une mort certaine en les ralliant autour de lui. A leur tour, ils chargèrent les troupes savoyardes, et, après un combat de trois heures, ils avaient pris, tué ou blessé 500 hommes. Leur perte se réduisit à 10 fantassins, un cavalier et une quinzaine de soldats blessés.

Les deux partis qui désolaient le pays de Gex, excités par ces surprises perpétuelles et ces exécutions barbares, se déclarèrent une guerre à outrance. Ils prirent mutuellement l'atroce résolution de ne plus faire de prisonniers, parce que les prisons étaient encombrées.

L'armée de Savoie venait de recevoir dans ses rangs des soldats de Naples, d'Espagne et d'Italie ces auxiliaires se

montraient plus implacables envers les réformés genevois que les troupes savoyardes. Genève, de son côté, avait reçu des renforts de la Suisse et de la France pour lutter avec avantage contre un ennemi plus fort et aussi déterminé.

De Sancy, ambassadeur de France, arriva à Genève dans les derniers jours de l'année 1590. Il fut reçu avec toute la joic d'un petit peuple qui lui donnait sa confiance et lui livrait ses destinées.

L'hiver de 1591 se passa en projets et en préparatifs : dès la fin de janvier, les troupes confédérées de la France et de Genève, sous les ordres du baron de Conforgien, de Sancy et de Lurbigny, allèrent assiéger Buringe, place forte sur l'Arve. Trois cents Savoyards vinrent en vain s'y opposer: 50 à 60 d'entre eux furent tués et le reste mis en fuite; le fort fut pris et rasé.

Le 29 janvier 1591 arriva Guitry, gentilhomme français, que le roi envoyait à ses amis de Genève, avec 1,500 hommes d'infanterie et 300 chevaux. Malgré la rigueur de la saison, l'armée combinée quitta le bailliage de Gex, alla mettre le siége devant les villes et châteaux de Thonon et d'Evian, qui se rendirent, l'une le 6 et l'autre le 11 de février: les campagnes voisines, parcourues par les vainqueurs, furent pillées et dévastées.

Après ces ruineuses expéditions dans le Chablais, l'armée des confédérés vint camper autour de Monthoux, à une lieue de Genève, sur la route du Faucigny. L'intention des confédérés était, en concentrant leurs forces, d'attendre l'ennemi et de hasarder une bataille décisive.

L'armée combinée de Savoie, d'Espagne et d'Italie parut bientôt; elle comptait 6,000 hommes d'infanterie et environ 1,000 hommes de cavalerie, sous les ordres de don Amédée de Savoie, lieutenant du duc, de don Olivarez, brave et habile capitaine espagnol, de Sonas, du marquis de Treffort et du comte de Châteauneuf.

Après quelques hésitations, les deux armées s'abordèrent résolument, le 12 mars 1591. Les Français et les Genevois s'étaient saisis d'un poste avantageux qui assurait, en cas de besoin, leur communication avec Genève les Espagnols les y attaquèrent avec ardeur. Au milieu du jour, l'armée franco-genevoise occupait le plateau de Monthoux; elle fut énergiquement attaquée par les mousquetaires de la Savoie, soutenus par 1,300 arquebusiers. L'armée des confédérés eût probablement succombé si les Savoyards eussent su profiter de leur avantage et mis plus de modération dans leur attaque. Sonas et le comte de Châteauneuf, voulant prendre part à une victoire qui leur semblait assurée, s'avancèrent trop dans la plaine à la tête de la cavalerie: Conforgien profita de cette faute, tomba sur eux et les mit en déroute sans qu'ils pussent rejoindre le gros de l'armée. Sonas y perdit la vie; 300 hommes, parmi lesquels on comptait plus de 100 gentilshommes, subirent le même sort.

Cette perte épouvanta tellement les Savoyards, qu'ils abandonnèrent le champ de bataille et se retirèrent précipitamment du côté de Bonneville, après avoir rompu le pont de Buringe, craignant d'être poursuivis dans leur fuite.

Cette désastreuse journée livra de nouveau aux alliés pro

testants tout le bailliage de Gex, déjà ruiné par les troupes de la Savoie. Cette contrée était devenue l'enjeu des parties belligérantes; c'était une proie destinée à la satisfaction du plus fort.

La déroute de Monthoux suspendit les hostilités pendant toute l'année; on se contenta, selon l'habitude, de courses. aventureuses, de surprises partielles, où les deux partis ruinaient les campagnes et brûlaient les villages.

C'est dans l'une de ces excursions que le baron d'Hermance fut fait prisonnier et conduit à Genève, d'où il ne sortit que l'année suivante, en payant 8,000 écus pour sa rançon.

De Sancy, se rendant compte de la position relative des forces opposées, conclut avec raison que les Savoyards ne pouvaient rien entreprendre de bien important contre les Genevois. Son Altesse, d'ailleurs, tout occupée à faire valoir ses prétentions sur le Dauphiné et la Provence, concentrait toutes ses ressources vers ces deux provinces et rappelait ses meilleurs généraux : par cette diversion, Genève était tranquille pour quelque temps.

Les troupes auxiliaires de France devenaient alors inutiles; elles étaient même à charge dans cette contrée appauvrie par les malheurs de la guerre. La France, toujours en fermentation, avait besoin de toutes ses forces; de Sancy jugea qu'il était utile de ramener les troupes dont il pouvait disposer au secours du roi de Navarre, pour l'aider à comprimer les derniers efforts de la Ligue.

CHAPITRE XXIII.

Inutile médiation des cantons suisses.

Genevois. Puissante diversion de Lesdiguières. — Abjuration de

Concession faite par les

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Il est ravagé pour la dernière fois par les Savoyards. - Suspension

d'armes. Autorité de Henri IV. pas exécuté.

Traité de Bourgoin; il n'est La question du marquisat de Saluces remise au

pape. Lesdiguières entre en Savoie. Conférence de Vervins.

Nouvelles difficultés.

Le catholicisme rétabli en Chablais.

pays de Gex reste calviniste.

- Il se rend à Paris.

Savoie. marquisat.

-

Le

Manœuvres secrètes du duc de

La France persiste à conserver le

Charles-Emmanuel s'obstine à s'emparer de Genève.
Embarras du conseil de Savoie. - Réponse

--

Le roi s'y oppose. insolente du duc. par les Français.

La Bresse, le Bugey et le pays de Gex envahis

Les cantons protestants qui s'intéressaient au sort de Genève, fatigués d'intervenir sans cesse dans une lutte sans fin, offrirent, en 1592, leur médiation : elle fut acceptée, et pendant trois ans on tint des conférences sans résultats, parce que CharlesEmmanuel persistait à vouloir faire valoir ses prétendus droits sur Genève.

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