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envoyèrent à Nantua un homme pour les informer de tout ce qui se passait dans le pays de Gex.

Le 24 janvier, les Genevois, poussés par la faim et le désespoir, confièrent une troupe d'hommes d'élite au commandant de Veray, seigneur de Montbel; il fit plusieurs sorties heureuses sur les terres de Savoie, et rencontra, entre Chesne et Cologny, à l'orient du lac, un parti de 600 hommes de cavalerie et d'infanterie. Les Genevois mirent en fuite les cavaliers, tuèrent une centaine d'hommes à pied qui n'étaient que des paysans et des laboureurs; le reste fut épargné, parce que le capitaine Veray criait à ses hommes: Hé! mes amis, laissez-en au moins pour labourer la terre!

De leur côté, les Savoyards s'étaient avancés dans le pays de Vaud, et, sous prétexte d'affamer les confédérés s'ils venaient défendre les Genevois, 700 Italiens, auxiliaires du duc Charles, pillèrent Nyon, Morges, et ravagèrent les bords du lac, quoique ces terres appartinssent à la Savoie.

Pendant ces dévastations qui amenèrent la famine, les réformés de Genève firent équiper une grande barque et plusieurs bateaux pour recevoir 80 hommes, sous la conduite du brave de Veray. Ils allèrent débarquer, le 29 janvier 1536, en traversant le lac, entre Genthod et Versoix, et ne trouvèrent que des femmes et des enfants. Ils pillèrent ces deux villages, emportant tout ce qui se trouva sous leurs mains, jusqu'aux cloches des églises.

A la fin de janvier de la même année, les Bernois, soutenus de quelques troupes de Neufchâtel, s'avançaient sous leur bannière leur armée, composée de 7,000 hommes, occupait

le pays de Vaud. Tout fut brûlé sur leur passage, châteaux, forteresses et abbayes: c'était la plus forte croisade des réformés contre les catholiques.

A peine en possession d'une bourgade, d'un village, ils faisaient peindre un ours sur les portes des églises, des couvents et des manoirs abandonnés, annonçant par ce signe qu'ils étaient les plus forts et les maîtres.

Les populations effrayées fuyaient devant ces rudes guerriers qui ne laissaient après eux que le pillage et l'incendie. Dix charriots emmenèrent à Berne les riches dépouilles de la cathédrale de Lausanne. La griffe de l'ours bernois s'étendit successivement sur Vevay, Moudon, Morges, Aubonne, Rolle, Nyon, Copet et jusqu'à Thonon, de l'autre côté du lac.

Dans le pays de Gex, Divonne, Sacconex, tombèrent entre les mains des vainqueurs chargés d'or, d'argent, de provisions, d'ornements d'église. Ils s'arrêtèrent aux portes de Genève, le 2 février 1536, dans un lieu qui porte encore aujourd'hui le nom de Camp des Bernois, entre Châtelaine et Genève.

L'armée savoyarde, à l'approche des confédérés, avait abandonné, le 30 janvier, Sacconex et le château de Peney. Les Genevois y mirent garnison et conduisirent à Genève une grande quantité de provisions qu'ils y trouvèrent. Ils firent sauter le château épiscopal de Peney, qui avait si long-temps servi de refuge à leurs ennemis.

La ville et le château de Gex ne pouvaient pas résister aux forces combinées des réformés de Berne et de Genève; il fallut se soumettre aux vainqueurs qu'exaltait leur facile victoire, car le duc de Savoie n'avait à leur opposer qu'une armée de

mercenaires qui faisait sur ses terres autant de mal que l'ennemi, tandis que François Ier s'avançait pour s'emparer de la Bresse, du Bugey et de la Savoie. Gex et son château se rendirent le 1er février 1536; dans le même temps, les Fribourgeois se mirent en possession du comté de Romont, et les Valaisans de la partie du Chablais qui touchait à leur pays. Charles de Savoie, pressé de toutes parts, fut obligé de fuir et d'abandonner sa capitale le 27 mars 1536.

Les Bernois, maîtres du pays de Gex, firent peindre leurs armoiries sur les portes de tous les édifices publics, pour marquer leur prise de possession et l'exercice de leur justice. Ils s'emparèrent non seulement de la souveraineté de cette contrée, mais de tout ce qui était du domaine public, des églises, des maisons curiales, des couvents, des dimes, des terres et des fonds possédés par le clergé.

Au lieu d'unir ces biens au domaine de leur république, les Bernois les mirent à l'encan, en publièrent des ventes et les délivrèrent aux plus offrants. Les citoyens de Genève achetèrent presque toutes les dimes qui formaient le revenu des curés de paroisses, et les adjudicataires protestants possédèrent long-temps ces biens ecclésiastiques.

Un cabaretier se fit adjuger le couvent des Carmes de Gex, et un sieur Rosey, les dimes de la paroisse de Challex. Lorsque, plus tard, cette acquisition leur fut contestée, le parlement de Dijon la leur maintint, par arrêt du 23 février 1623.

Le malheureux pays de Gex eut à supporter en même temps toutes les horreurs d'une conquête à main armée et la destruction totale de son culte. Les habitants de cette contrée,

victimes de ces spoliations matérielles et religieuses, supplièrent les magnifiques magistrats de Berne et de Genève de les dispenser des impôts qu'ils ne pouvaient plus payer, et de les exempter de subvenir aux traitements des ministres protestants qui avaient partout remplacé les curés: leur demande ne fut pas accueillie; il leur fallut subir la loi du plus fort.

Les Bernois restèrent maîtres de tout le pays de Gex jusqu'en 1564, époque où il fut remis à Emmanuel-Philibert de Savoie, par le traité de Lausanne : le souvenir des mauvais traitements exercés par les Bernois dans le pays de Gex a donné lieu à un proverbe encore en usage. Quand on veut exprimer une action injuste et violente, on dit : C'est de la justice de Berne.

Lausanne profita de la conquête des Bernois pour se soustraire, d'un seul coup, à la juridiction de son évêque et à l'autorité de Charles III. Les Bernois se saisirent du temporel de l'évêché, et prirent possession de la ville et de ses dépendances. En trois mois, Berne avait mis sous sa domination tout le pays de Vaud, l'ancienne baronnie de Gex et une grande partie du Chablais.

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CHAPITRE XVIII.

Attaque et prise du Fort-de-l'Ecluse.

Dévastation de la plaine de

Gex. - Effroi des populations de la Bresse et du Bugey. - Défense aux Bernois de franchir le Jura. Les Gessiens se réfugient au

château de la Corbière.

déclare la guerre à la Savoie.

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Exigence des Bernois. François Ier

Position désespérée de Charles III.

Irritantes discussions théologiques.

Calvin et Farel chassés

de Genève. Retour de Calvin. · · Son formulaire de foi. - Mort

de l'évêque Pierre de la Baume. réforme dans le pays de Gex.

- Henri II, roi de France. Mort de Charles III.

- La

Les confédérés protestants tinrent conseil à Genève; il fut décidé qu'on attaquerait le Fort-de-l'Ecluse, clé indispensable du pays de Gex au sud, entre la rive droite du Rhône et le revers du Jura.

Un corps d'armée, composé de Bernois, de Neufchâtelois et de Genevois, partit, en février 1536, pour cette expédition. Une partie passa par Saint-Julien en Savoie pour aller occuper le versant du Mont Wache, qui n'est séparé du fort que par le lit profond du Rhône. Leur intention était d'attaquer le fort en face avec le canon, tandis que l'autre partie grimperait

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