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Le duc de Savoie eut encore à subir une humiliation plus poignante. Louis, son second fils, comte du Genevois, avait épousé, en 1459, à Nicosie, Charlotte, unique héritière du roi de Chypre. Il en avait pris le titre et avait emmené avec lui, dans son petit état, un grand nombre de gentilshommes de la Bresse, du Bugey, du pays de Gex et de la Savoie.

Jacques, frère bâtard de Charlotte, vint lui disputer cette possession. Soutenu par les Turcs, il battit le comte Louis et le chassa de l'île. Louis se réfugia à Ripaille, cherchant dans les pratiques religieuses quelques consolations à ses malheurs. Sa femme Charlotte, dépouillée de ses biens, alla mourir à Rome, où les papes lui avaient offert un asile et une pension.

Comme elle ne laissait pas d'héritier, elle fit cession de son royaume à Charles de Savoie, son neveu: de là l'origine des prétentions de la maison de Savoie sur le royaume de Chypre.

Pour comble de malheur, Philippe ou Philippon, le cinquième fils du duc Louis, fâché de n'être pas apanagé comme ses autres frères, souleva plusieurs seigneurs contre son père et troubla les états de Savoie, sous prétexte de les réformer.

En 1462, il se composa une petite armée d'ambitieux et de mécontents, fit arrêter le chancelier de Savoie, qui fut enfermé à Morge et condamné à être jeté dans le lac; heureusement il échappa par la fuite au supplice qui l'attendait,

Ce jeune prince, dans sa colère, alla jusqu'à poignarder de sa main Jean de Varax, maitre d'hôtel de sa mère, parce qu'il

par plusieurs paiements: la quittance finale fut donnée en 1470, par François, fils du comte de Dunois,

le supposait complice de la duchesse dans la dilapidation des finances de l'état. Il s'introduisit furtivement à Genève, résidence ordinaire de sa famille, et eut l'audace de vouloir se justifier devant son père, cherchant à lui prouver qu'il était trompé par ceux-mêmes auxquels il donnait sa confiance.

La duchesse Anne de Chypre ne put résister à l'étrange insulte de son fils: elle mourut à Genève le 11 novembre 1462.

Louis, dans sa douleur, quitta cette ville après y avoir nommé des commissaires pour informer contre son fils et ses complices. Effrayé du nombre des partisans de ce prince dénaturé, il se fit transporter à Lyon, vers la fin de 1463, pour invoquer le secours de son gendre Louis XI.

Le duc, souffreteux et podagre, se rendit de là à Paris avec son fils aîné, Amédée IX. Il fut convenu avec Louis XI, pour qui tous les moyens de succès étaient bons, qu'on attirerait le jeune Philippe en France. Il y vint avec défiance, en 1464, et, malgré le sauf-conduit du roi, il fut arrêté et renfermé plus de deux ans au château de Loches.

Le duc Louis de Savoie mourut à Lyon, à son retour de Paris, le 29 janvier 1465, peu regretté de ses sujets qu'il ne sut pas rendre heureux. Son corps fut transféré à Genève, et enterré près de sa femme Anne de Chypre.

CHAPITRE XV.

Amédée IX.

Régence disputée. Intervention de Louis XI. Philibert Ier. - Nouveaux troubles pour la régence. - Perfidie du duc de Bourgogne. -Enlèvement de la duchesse Yolande et de ses enfants. Nouvelle intervention de Louis XI. - Vou de Marguerite

de Bourbon.

Suite et fin des châtelains de Gex. Charles Ier.

Nouvelles prétentions de son oncle de Bresse. -François de Savoie, évêque de Genève. - Paix profonde des provinces de Savoie. Mort de Charles Ier.

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Charles II. L'évêché de Genève disputé
Maximilien, empereur.
Philippe II, comte de

-Philippe de Savoie, évêque de Genève.

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Bresse. Sa postérité. Philibert-le-Beau. l'Autriche. Disgrâce de Réné de Savoie. des empereurs sur la Savoie et le pays de Gex.

Son alliance avec Fin de la suzeraineté

Mort de Philibert II.

Amédée IX, né à Thonon en 1435, avait trente ans quand il fut appelé au gouvernement des états de Savoie. Il était à Bourg, son séjour ordinaire, avec sa femme Yolande de France, quand il apprit la mort de son père. Il y reçut les hommages de toutes les provinces en-deçà des Alpes, et alla, au printemps de 1465, prendre possession de sa ville de Chambéry.

Ce prince, d'une complexion délicate, était atteint d'épilepsie; aussi ne se fit-il remarquer que par sa patience et son

inépuisable charité. Il sut résister aux pressantes sollicitations du duc de Bourbon et du puissant duc de Bourgogne, pour rester fidèle à Louis XI, son beau-frère. Il profita de ses bons rapports avec lui pour lui demander la liberté de son frère Philippe et celle des seigneurs qui étaient détenus comme lui. Louis y consentit en leur faisant promettre de ne pas se venger de leur captivité.

Philippe, comte de Bresse par la cession que venait de lui faire Amédée pour son apanage, resta ce qu'il était, violent et brouillon. Il s'unit secrètement, en 1468, avec le duc de Bourgogne contre Louis XI qui fit aussitôt ravager par ses troupes la Valbonne et la Bresse dont jouissait Philippe.

Amédée, incapable de gouverner, abandonna l'administration de ses états à sa femme Yolande, du consentement des principaux seigneurs du pays. Aussitôt le comte Philippe excita ses frères contre le malheureux duc de Savoie, et ils se préparèrent à s'emparer de la régence. On leva des troupes des deux côtés, et la guerre commença entre la régente et ses beaux-frères les comtes de Bresse, de Romont et du Genevois.

Ces trois frères effrayèrent toutes les provinces de la Savoie, entrèrent sans résistance à Chambéry, d'où ils allèrent assiéger le château de Montmélian où s'étaient retirés le duc et la duchesse. Le comte du Genevois, honteux de cette guerre de famille, obtint une trève que ses frères violèrent bientôt. Ils s'emparèrent du château de Montmélian, et conduisirent de force leur frère le duc de Savoie et Yolande, sa femme, à Chambéry: ils chassèrent les favoris de la cour et jusqu'aux domestiques du palais.

La duchesse s'échappa des mains de ses beaux-frères, se réfugia au château d'Apremont, à une lieue de Chambéry, et informa son frère Louis XI de sa triste position.

Louis, content d'apprendre à ses troupes le chemin de la Savoie qu'il aurait voulu ajouter à son royaume, envoya promptement des secours à sa sœur. Les révoltés furent obligés de céder; ils souscrivirent, en 1471, un traité par lequel le duc et sa femme, la régente, furent mis en liberté. Le conseil de Savoie fut modifié par l'adjonction de huit membres, avec permission aux princes d'y assister quand leurs intérêts personnels ne seraient pas en délibération : le roi Louis XI se réserva le droit de nommer le lieutenant-général du duché.

C'est en cette même année (1471) que Philippe, comte de Bresse, épousa Marguerite de Bourbon, fille de Charles Ier, duc de Bourbon et d'Auvergne.

Quand la paix fut rétablie, le duc Amédée IX alla du côté du Piémont chercher quelques distractions à ses douleurs; il mourut à Verceil, à trente-sept ans, l'an 1472, après un triste règne de sept ans.

A un prince atteint d'une maladie incurable, succéda un enfant de six ans, sous une régence longuement disputée. Philibert 1er ne vécut que pour être témoin des tristes divisions de sa famille. La tranquillité de ses provinces, celle du pays de Gex surtout, fut gravement compromise par l'astucieuse politique des princes de cette époque.

La duchesse Yolande, naturellement la tutrice de son fils Philibert, se déclara régente de ses états. Louis XI et le duc Charles de Bourgogne, ennemis implacables, employaient

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