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agissant dans l'exercice de leur pouvoir administratif, auraient concédé le fonds et le tréfonds d'un bras de rivière navigable; Trib. des confl., 19 juin 1850 (Hoppenot);

De l'interprétation des clauses des actes d'institution des majorats, relatives à l'étendue et à la valeur des biens qui les composent (décr. du 4 mai 1809, art. 5); en conséquence, les tribunaux civils sont incompétents pour connaître d'une action qui tendrait à leur déférer l'appréciation du sens et de la portée de décrets constitutifs de majorats, spécialement pour décider si des rentes, faisant partie d'un majorat et acquises en exécution de l'acte de ce majorat, au moyen de revenus en provenant, ont été acquises à titre gratuit ou à titre onéreux; Trib. des confl., 15 août 1851 (Do Camerata).

10. Dans tous ces cas et autres analogues, il s'agit d'actes particuliers émanés, à leur origine, de l'autorité libre et discrétionnaire du Gouvernement représentant l'administration publique, agissant comme telle, et non comme représentant l'Etat, propriétaire. L'Etat ne fait point ici de contrat commutatif; l'administration pourvoit aux intérêts généraux de la société sans se dépouiller de sa souveraineté ; elle ne revêt pas l'office d'une personne privée : conséquemment elle n'est pas présumée se soumettre au jugement des tribunaux pour apprécier l'étendue des droits qu'elle a concédés, parce que les actes de ce genre qu'elle fait sont toujours empreints d'une sorte de précarité. On comprend donc que l'autorité administrative soit présumée s'être reservé le droit d'interpréter ces actes, afin que ses concessions ne soient point tournées contre elle, qu'elles ne soient point étendues ni dénaturées; ce qui pourrait arriver si une autorité rivale ou subordonnée pouvait les interpréter.

11. Le droit exclusif d'interprétation que nous venons de reconnaître à l'administration sur les actes spéciaux de haute gestion administrative doit-il recevoir son application même

aux cas où les débats qu'ils font naître ont lieu entre le concessionnaire et les tiers? Supposons une contestation entre deux concessionnaires voisins de mines, de marais, de chemins de fer, de moulins sur rivière navigable; en admettant que la solution de la contestation dépende de l'interprétation de l'acte de concession, cette interprétation devra-t-elle être donnée par l'autorité administrative à l'exclusion de l'autorité judiciaire ?

Il semble que l'autorité administrative soit désintéressée dans la solution de la question, puisque le débat est engagé entre des droits individuels opposés; partant de là, on pourrait dire que l'autorité judiciaire est compétente pour interpréter l'acte, en supposant que le fond de la contestation soit placé dans ses attributions. A l'appui de cette opinion, on pour-. rait argumenter de la disposition finale de l'article 56 de la loi du 21 avril 1810, dont nous n'avons cité que le commencement. Cette dernière partie porte que, « à l'égard des contestations

qui auraient lieu entre des exploitants voisins, elles seront « jugées par les tribunaux et cours. » Ce texte semble établir une ligne de démarcation bien tranchée avec le § 1o du même article, qui réserve à l'administration les difficultés qui s'élèveraient entre l'administration et les exploitants.

Cependant je ne pense pas que cette opinion doive être adoptée. Quoique l'administration ne soit point partie dans la contestation que nous supposons engagée entre deux concessionnaires qui se prévalent respectivement d'un acte administratif qu'ils interprètent différemment, il n'est pas exact de dire qu'elle soit totalement désintéressée; elle a toujours intérêt à ce que l'acte de concession fait par elle soit exécuté selon sa lettre et son esprit, afin de remplir le but qu'elle s'est proposé en l'accomplissant. Si elle perdait son droit de juridiction ou d'interprétation en pareil cas, rien ne serait plus facile à un concessionnaire que d'étendre les limites de sa concession: il lui suffirait de s'entendre avec un tiers, et d'engager

un débat simulé, qu'ils porteraient devant les tribunaux et qu'ils feraient résoudre à leur gré, au préjudice de l'intérêt général; les tribunaux, accoutumés à ne se préoccuper que des droits individuels, et n'étant point appelés à défendre les intérêts généraux de la société, pourraient être entraînés à leur insu à rendre des décisions contraires aux vues de l'administration.

Quant à l'argument tiré de l'article 56 de la loi du 21 avril 1810, il est facile d'y répondre en disant que ce texte ne pose que le principe de la compétence judiciaire à l'effet de prononcer sur les contestations qui naissent entre deux exploitants de mines voisines; mais qu'il ne se préoccupe point du cas où la solution de la question dépendrait d'une interprétation des actes respectifs de concession. Rien n'est plus conforme aux règles générales du droit que cette compétence judiciaire sur les contestations entre deux exploitants riverains; elle ne serait pas écrite dans la loi qu'elle devrait être observée; elle y a été insérée de peur qu'on ne voulût induire du premier paragraphe de l'article 56 précité, que l'administration serait compétente pour toutes les contestations qui s'élèveraient même entre exploitants voisins. Seulement il ne faut pas induire de la réserve faite aux tribunaux judiciaires de la juridiction entre les exploitants, qu'elle doit s'exercer contrairement aux règles ordinaires sur la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif; en d'autres termes, le principe seul de la compétence judiciaire est exprimé, mais il doit s'entendre positis ponendis; c'est-à-dire que l'exception est sous-entendue; donc il faut dire que le droit d'interpréter les actes de concession de mines, même entre les exploitants voisins, appartiendra à l'autorité administrative: c'est en ce sens que la jurisprudence a entendu cet article.-V. 15 septembre 1848 (Comp. des mines d'Anzin).

Il en est de même des contestations entre un concessionnaire

connaître, on placerait l'administration sous la possibilité d'un empiétement de la part de l'autorité judiciaire. La règle sur la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire conduit à réserver à chacune de ces autorités l'interprétation des actes spéciaux émanés d'elle. Supposez qu'il s'agisse d'interpréter un jugement judiciaire qui, par la force des choses, a toujours un caractère spécial; évidemment cette interprétation doit être réservée à l'autorité judiciaire; donc, réciproquement, quand il s'agit d'un acte spécial émané de l'autorité administrative, c'est à elle que doit appartenir exclusivement le droit de l'interpréter. Il y a même raison de décider que dans le cas formellement prévu par le décret précité du 4 mai 1809 sur les majorats.

9. Il en serait de même : Des arrêts de l'ancien Conseil d'état et des ordonnances royales relatifs au desséchement d'un marais; 12 août 1845 (Renouard); -id. (Monnet); - 25 novembre 1852 (Alloneau); — 12 janvier 1853 (Alloneau);

D'une ordonnance royale qui aurait imposé au successeur d'un notaire destitué l'obligation de verser à la caisse des consignations une certaine somme pour tenir lieu du prix de l'office, à l'effet de décider notamment si le montant des recouvrements de l'étude devait être compris dans cette somme; 30 août 1845 (Ducruet);

Des actes contenant concession de mines, conformément à la loi du 21 avril 1810, article 56, qui porte : « Les difficul«tés qui s'élèveraient entre l'administration et les exploitants << relativement à la limitation des mines, seront décidées par << l'acte de concession; » 19 juillet 1843 (Heudebert); 30 décembre 1843 (Comp. des mines d'Anzin);

Des ordonnances ou actes des princes souverains, portant autorisation de moulins ou usines sur les cours d'eau navigables ou flottables; 4 juillet 1840 (Gerspach);

Des lettres-patentes par lesquelles les anciens rois de France,

agissant dans l'exercice de leur pouvoir administratif, auraient concédé le fonds et le tréfonds d'un bras de rivière navigable; Trib. des confl., 19 juin 1850 (Hoppenot);

De l'interprétation des clauses des actes d'institution des majorats, relatives à l'étendue et à la valeur des biens qui les composent (décr. du 4 mai 1809, art. 5); en conséquence, les tribunaux civils sont incompétents pour connaître d'une action qui tendrait à leur déférer l'appréciation du sens et de la portée de décrets constitutifs de majorats, spécialement pour décider si des rentes, faisant partie d'un majorat et acquises en exécution de l'acte de ce majorat, au moyen de revenus en provenant, ont été acquises à titre gratuit ou à titre onéreux; Trib. des confl., 15 août 1851 (De Camerata).

10. Dans tous ces cas et autres analogues, il s'agit d'actes particuliers émanés, à leur origine, de l'autorité libre et discrétionnaire du Gouvernement représentant l'administration publique, agissant comme telle, et non comme représentant l'Etat, propriétaire. L'Etat ne fait point ici de contrat commutatif; l'administration pourvoit aux intérêts généraux de la société sans se dépouiller de sa souveraineté ; elle ne revêt pas l'office d'une personne privée : conséquemment elle n'est pas présumée se soumettre au jugement des tribunaux pour apprécier l'étendue des droits qu'elle a concédés, parce que les actes de ce genre qu'elle fait sont toujours empreints d'une sorte de précarité. On comprend donc que l'autorité administrative soit présumée s'être réservé le droit d'interpréter ces actes, afin que ses concessions ne soient point tournées contre elle, qu'elles ne soient point étendues ni dénaturées; ce qui pourrait arriver si une autorité rivale ou subordonnée pouvait les interpréter.

11. Le droit exclusif d'interprétation que nous venons de reconnaître à l'administration sur les actes spéciaux de haute gestion administrative doit-il recevoir son application même

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