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larisation du débit des cours d'eau. Mais on peut aller plus loin dans l'utilisation de ces lacs en faisant porter, comme je viens de le dire, la régularisation plutôt sur l'énergie à produire que sur le débit lui-même.

Supposons, en effet, un lac de haute altitude, comme il s'en rencontre de nombreux exemples tant dans les Alpes que dans les Pyrénées; si l'on veut s'en servir pour régulariser le débit d'une rivière en vue d'assurer le fonctionnement d'une ou plusieurs usines situées assez loin en aval ou de permettre des irrigations, on sera amené à créer des réserves considérables, ce qui sera très cher et souvent impossible. Ce n'est que grâce à des circonstances locales exceptionnellement favorables qu'on a pu créer les importantes réserves destinées à la régularisation du débit de la Neste et dont M. Lévy-Salvador a parlé dans son article précité. Là d'ailleurs, il n'y avait pas d'autre solution à envisager; on voulait, non de l'énergie, mais de l'eau.

Mais supposons, au contraire, que l'on veuille de l'énergie; si l'on équipe, comme il est rationnel et pour éviter de laisser perdre de l'eau, les usines pour le débit caractéristique moyen ou pour un débit légèrement inférieur, on sera amené, si l'on veut une production d'énergie à peu près constante chaque jour (1), et si l'on ne disposé pas de réservoirs très considérables, toujours très onéreux d'ailleurs dans de pareilles proportions, à créer des usines thermiques de secours qui ne seront utilisées qu'une partie de l'année; de même que, pendant le fonctionnement de ces usines thermiques, une fraction importante de l'équipement des usines hydrauliques sera immobilisée.

Si l'on peut créer, comme je le disais précédemment, un réservoir de très haute montagne, situé très au-dessus de la région des usines à créer, il pourra alors être avantageux de construire une usine utilisant directement les eaux du lac et les rendant

(1) Comme je l'ai dit plus haut, les considérations précédentes perdent de leur intérêt s'il s'agit d'usines pouvant admettre des variations importantes, comme, par exemple, celles où l'on fabrique des produits que l'on peut mettre en stock.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1918-IV.

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avant la prise de la première usine d'amont établie seulement au point où le débit du cours d'eau commence à devenir appréciable. Sa chute pourra être souvent très grande (j'ai eu à étudier deux cas semblables où la chute était voisine de 800 m.) et, en raison même de cette hauteur, un débit relativement faible donnera une grande puissance.

Au moment des étiages, on ouvrira les robinets du lac et l'usine haute remplissant le rôle d'usine de secours viendra fournir le supplément d'énergie nécessaire. On remarquera d'ailleurs que ce débit supplémentaire passant successivement dans les usines en échelons situées plus bas permettra, en même temps, une nouvelle production d'énergie et, par suite, une meilleure utilisation de leur équipement.

Ces réservoirs sont désignés sous le nom de réservoirs annuels ou saisonniers parce qu'ils régularisent la puissance pendant un temps portant sur une longue période. Il est évident qu'ils seront d'autant plus avantageux que leurs eaux seront utilisées, soit dans une seule usine, soit dans plusieurs usines en échelons, sur une plus grande hauteur.

Il faut remarquer d'ailleurs que certaines chutes ne sont pratiquement aménageables que par la création de ces réservoirs, en raison de la différence trop grande entre le débit d'étiage du cours d'eau, qui se maintient parfois pendant une longue période de l'année, et le débit moyen. On arriverait alors à une trop mauvaise utilisation du matériel.

Les cours d'eau qui proviennent du massif central Français ou des Cévennes présentent en général ce caractère. Les usines à établir dans ces régions devront, corrélativement, être munies. de réservoirs saisonniers importants.

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USINES QUE L'On ne peut régulariser. FAIBLES CHUTES.
CONSISTANCE A LEUR DONNER.

On ne pourra pas toujours réaliser cette régularisation de l'énergie. Ce sera le cas, en particulier, des usines de faible chute et de gros débit, fonctionnant soit seules, soit en échelons, si

elles ne sont pas soutenues par une usine du type que je viens d'indiquer. Il faudrait, en effet, pour régulariser ces usines, des réservoirs de trop grande capacité.

Quelle est alors la constitution à leur donner?

Il faut remarquer d'abord que l'on aura toujours, dans ces usines, une puissance constante correspondant aux plus bas débits et qu'on estime en pratique en prenant le débit au-dessous duquel le cours d'eau ne descend pas plus de 90 jours par. an (débit de 9 mois) et une puissance variable correspondant au débit supplémentaire.

Il est désirable de les armer au moins pour le débit de 6 mois, ou minimum semi-permanent. Mais la tendance actuelle est de monter beaucoup plus haut. Pour des usines établies dans des conditions normales, c'est-à-dire ne présentant pas des circonstances exceptionnelles élevant trop haut le prix de revient, on les arme en général pour le débit de 3 mois, c'est-à-dire pour le débit sur lequel on ne peut pas normalement compter plus de 90 jours par an. Cette portion d'énergie supplémentaire pourra être utilisée, dans la plupart des cas, pour des fabrications de stock; mais, d'autres fois, et je citerai l'exemple bien connu de l'Usine de Tuilières sur la Dordogne, on sera amené à les doubler, soit sur place, soit à distance, d'une usine thermique dont le rôle sera de fonctionner d'une façon plus ou moins intensive suivant la baisse des eaux.

Il me semble cependant intéressant de signaler à propos de ces usines de basses chutes que, dans certains cas exceptionnels, on peut arriver à des régularisations très remarquables; c'est le cas des usines situées sur l'émissaire d'un lac à très grande superficie. Le type en est donné par le lac d'Annecy étudié comme régulateur du Fier par le Président Carnot.

De même, pour l'utilisation des eaux du Haut-Rhône, on peut remarquer qu'une variation de niveau du lac Léman de l'ordre de 1 m. 50 de hauteur environ et qu'il n'est pas impossible d'admettre, représenterait une réserve de plus de un milliard de mètres cubes.

VI. USINES SUIVANT LES VARIATIONS DU DÉBIT DU COURS D'EAU

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(ÉLECTRO-CHIMIE, ÉLECTRO-MÉTALLURGIE); USINES ALIMENTANT DÉS RÉSEAUX (USINES DES POINTES).

Je viens d'indiquer rapidement la distinction entre ces deux catégories d'usines; je vais maintenant y revenir avec un peu plus de détails.

Les usines du premier type fonctionnent à charge très sensiblement constante pendant les vingt-quatre heures de la journée, mais peuvent supporter, par contre, d'importantes variations de la charge dans le courant de l'année.

Dans les usines du deuxième type qui, pour la plupart, alimentent des réseaux de distribution et dont l'énergie est à peu près exclusivement utilisée pour l'éclairage, la traction ou la production de force motrice, la moyenne de la puissance journalière absorbée reste sensiblement constante aux diverses périodes de l'année, mais varie, par contre, dans de très fortes proportions avec les différentes heures de la journée.

Si donc on a à installer une usine de la première catégorie, point n'est besoin de se préoccuper de modifier le régime du cours d'eau. La charge de l'usine, par la variation du nombre de groupes mis en service, suivra les fluctuations saisonnières de la puissance hydraulique disponible, car, en période de hautes eaux, on absorbera facilement la puissance supplémentaire par des fabrications en stock pour lesquelles une période de courte durée suffit, à condition que la fabrication soit suffisamment intensive, à amortir le matériel et à rémunérer le capital, ce qui correspond actuellement au débit de trois mois dont j'ai parlé.

Par contre, si l'on considère les usines du deuxième type en rapprochant leur régime de marche du régime du cours d'eau, on voit que ces deux régimes sont absolument l'inverse l'un de l'autre.

Le débit éprouve des variations de grande amplitude, mais à très longue période, puisque, sauf pour certains cours d'eau alimentés par des glaciers (l'Arve à Chamonix, par exemple), on

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Fig. 3.

16 Graphique des puissances à fournir par l'usine de Soulom.

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