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N° 19

CHRONIQUE

Entretien des voies ferrées par le soufflage du ballast

PAR M. GOUPIL,

Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées.

A mesure qu'on a fait circuler sur les lignes principales des convois plus lourds et à des vitesses de plus en plus grandes, on s'est rendu mieux compte de l'importance que la bonne tenue de la voie avait pour la sécurité et l'on s'est attaché de plus en plus à perfectionner les méthodes d'entretien de manière à savoir assez exactement pour une section de voie donnée quel degré de résistance on peut lui assigner et à quelle vitesse les trains remorqués par les machines les plus puissantes peuvent la parcourir sans dérailler.

Ces desiderata ne pouvaient être réalisés avec la méthode d'entretien dite en voltige ou du point à temps qui abandonnait en grande partie les voies aux initiatives particulières des chefs poseurs. Il n'était guère possible d'exercer un contrôle sérieux sur le travail des poseurs ni sur la conservation des traverses dans la voie. Ce système était en apparence peu coûteux, mais quand la réparation en voltige n'était pas faite à temps quelque accident grave venait démontrer l'insuffisance de la méthode.

Il y a environ une trentaine d'années, la méthode d'entretien par revision générale s'est substituée à la précédente sur les grands réseaux et sa mise en train n'a pas été sans difficultés, bien des praticiens s'acharnant à maintenir les vieux errements. On ne saurait oublier les efforts méritoires consacrés par Freund, Ingénieur de la Cie de l'Est à la mise au point et à la généralisation de la nouvelle méthode.

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La principale garantie de la revision méthodique est le dégarnissage de la voie qui permet de s'assurer de l'état de conservation des traverses et de procéder aux remplacements devenus nécessaires: matériel ou ballast. Ce dégarnissage est cependant critiquable en raison de l'ameublissement qu'il impose à tout le ballast superficiel et l'on Ann.des P. et Ch. MÉMOIRES, 1918-IV.

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devait en venir à se demander si la mesure n'était pas un peu trop radicale et si, en la limitant, on ne pourrait pas réduire la maind'œuvre, hâter la reconsolidation de la voie et réduire le cube de ballast neuf à incorporer.

L'heureuse modification apportée dans ce sens à la méthode est due à l'initiative des Anglais; elle a été importée d'Angleterre au Nord Français par M. Tettelin, Ingénieur de la Voie, en 1916 et la Cie de l'Est l'a employée aussi vers la même époque.

Depuis, les autres grands réseaux l'ont également mise à l'essai. Les deux principes servant de bases à la nouvelle méthode d'entretien dite du soufflage ont été formulés comme suit par M. Tettelin.

1er principe: La stabilité de la voie résulte essentiellement de la stabilité des portions de ballast (appelées moules) situées directement sous les traverses et sur lesquelles s'exerce la pression des charges roulantes (partie hachurée de la fig. 1): il s'y produit un tassement lent des éléments du ballast qui tend à s'agglomérer comme les cailloux d'une chaussée sous l'action du rouleau compresseur.

Il convient de ne jamais altérer la compacité de ces moules, or on l'altère lorsqu'on se sert de la pioche pour bourrer le ballast sous les

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traverses affaissées ou danseuses. Le « soufflage » évite cet inconvénient en étalant sur le moule avec une pelle plate, une mince couche de petits cailloux. Dans ce but, on soulève le rail (et par suite la traverse à l'aide d'un cric; cela ne demande que quelques secondes, c'est plus rapide et moins fatigant que le bourrage, aussi tout le personnel a-t-il accueilli le soufflage avec la plus grande satisfaction. Il suffit d'ailleurs, pour souffler deux traverses, d'enlever le ballast dans l'unique intervalle (la boîte) compris entre elles, tandis que pour bourrer une seule traverse il faut dégarnir les deux boîtes qui l'encadrent.

Outre la fatigue notable que le bourrage impose à l'ouvrier baissé, il faut mettre encore au débit de cette opération pénible la projection des éclats de ballast qui atteignent souvent les poseurs aux yeux, d'usure rapide des battes qu'il faut recharger fréquemment à la forge, etc.

2o principe: S'il faut respecter les moules qui s'agglomèrent sous les traverses, il faut, par contre, offrir à l'eau de pluie un écoulement immédiat entre les moules, c'est-à-dire à travers les boites jusqu'à la plateforme.

En conséquence, chaque fois qu'on fait la revision, c'est-à-dire l'entretien complet et continu d'une voie, on a soin maintenant de s'assurer si le ballast des boîtes est bien perméable. Généralement il se souille à la partie supérieure du fait des scories, poussières et végétaux qui le feutrent peu à peu mais ne descendent guère plus bas que le dessous des traverses. On dégarnit à la pelle l'épaisseur de la couche souillée en faisant les soufflages nécessaires et on épure le ballast soit sur une claie, soit à la fourche afin de ne remettre dans la voie que des cailloux propres.

Si la plateforme est humide ou limoneuse il faut évidemment l'assainir par des procédés spéciaux. Cette épuration du ballast combinée avec la revision de la voie se poursuit au Nord et à l'Est avec le cadre permanent des cantonniers. On supprime ainsi les grands chantiers de ballastage qui exigeaient chaque année de nombreux ouvriers temporaires, imposaient des ralentissements prolongés aux trains jusqu'à ce que la voie fût suffisamment rassise, et de plus encombraient souvent les voies par les trains de matériaux.

Le procédé d'entretien par soufflage ne saurait avoir pour consé quence la suppression absolue du renouvellement en grand et des ralentissements; il faudra encore y recourir lorsqu'on changera le type de la voie ou qu'on modifiera son plan de pose, bref lorsqu'il ne sera pas possible de maintenir les moules formés sous la voie.

Nous croyons utile de reproduire à cet égard quelques indications qu'a bien voulu nous donner pour la Compagnie de l'Est M. l'Ingénieur en chef du Service de la Voie.

<< Nous employons la méthode du soufflage depuis 1916 et nous en avons obtenu d'excellents résultats, notamment sur certaines lignes stratégiques, qui avaient une circulation insignifiante avant la guerre et qui ont été très chargées depuis 1914.

« La plupart de ces lignes sont armées en rails de 30 k., ayant 25 å 40 ans avec 10 traverses pour 8 mètres de longueur, et la voie est posée sur du ballast en gravier calcaire datant de la construction et qui est devenu boueux. Le soufflage a permis d'éviter des réfections de ballast qui paraissaient s'imposer et on est parvenu à obtenir un bon roulement quoique nos plus lourdes machines y circulent aujourd'hui.

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« Mais pour que le soufflage donne de bons résultats, il est nécessaire qu'il y ait des moules bien formés; le gravillon qui doit être dur et anguleux s'incruste dans le moule et mord dans la traverse. »

Les conséquences suivantes de l'application rationnelle du soufflage ont été mises en relief par M. Tettelin :

1° L'épuration du ballast pratiquée par les poseurs eux-mêmes

leur donne gratuitement sur place le gravillon nécessaire au soufflage.

2o Pour éviter une répétition trop fréquente de l'épuration il faut empêcher la végétation d'envahir le ballast et le personnel a des instructions à cet effet.

3o Il y a le plus grand intérêt à réduire au minimum le cube de ballast dont le dégarnissage est nécessaire. Le profil anglais adopté par la plupart des réseaux arase le ballast au niveau du dessus des traverses. Depuis la guerre, l'économie de ballast étant devenu un point essentiel, on a encore réduit le profil pour les secondes voies créées depuis avril 1916 en arasant le ballast vers le milieu de l'épaisseur des traverses sauf à l'extérieur des courbes.

(Une expérience étendue pourra montrer si cette intéressante simplification n'a pas, avec certaines plateformes moins stables, de conséquences fâcheuses au point de vue des déripages.)

4o Le ballast gros et fin qui reste en excès par rapport au profil minimum est employé à constituer latéralement au ballast une piste à mi-hauteur du ballast qui permet au personnel de se garer plus facilement lorsqu'il travaille sur la voie. (Toutefois il y a bien des emprises resserrées où l'on ne dispose pas de la largeur nécessaire pour cette banquette.)

Conclusion. Ce qui précède paraît définir suffisamment les caractéristiques de la nouvelle méthode introduite pour faciliter l'entretien des voies. A coup sûr la période expérimentale n'est pas encore close et l'on ne peut considérer comme résolues à l'avance toutes les difficultés particulières d'un problème aussi complexe. Ainsi les réseaux qui ont comme les chemins de fer de l'Etat d'importantes sections de voies posées sur traverses métalliques doivent examiner si ces traverses sont aussi favorables que les traverses en bois, à la formation et à la conservation des moules que suppose essentiellement l'opération du soufflage.

Le réseau d'Orléans qui a encore bien des kilomètres ballastés en sable de Loire doit rechercher si du sable fin de cette nature comporte la possibilité de réaliser des moules suffisamment compacts pour appliquer le procédé. Mais ce sont là des points spéciaux qui n'empêchent pas que sur la majeure partie des chemins de fer français l'entretien par soufflage ne doive être encouragé et étendu.

N° 20

COMPTE RENDU DES PÉRIODIQUES

Périodiques français, par MM. JACQUINOT, Ingénieur en Chef, Inspecteur de l'École des Ponts et Chaussées, et A. GOUPIL, Ingénieur en Chef. Périodiques étrangers, par MM. A. GOUPIL et THERON, Ingénieurs en Chef. Électricité appliquée, par M. BLONDEL, Ingénieur en Chef.

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I. SCIENCES APPLIQUÉES.

Zeitschrift des Oesterr. Ingenieur u. Architekten Vereines (31 mai 1918).- Dr F.SCHAFFERNAK : Coup d'œil sur le domaine de l'hydrologie. Conférence passant en revue les divisions et les lois principales de l'hydrologie. L'auteur énumère en particulier les principaux instruments employés en hydrographie : Ombromètres, ombrographes Otto Ganser, échelles à enregistrer de Ott, Seibt-Fuess, Sovoboda. Hydrométrographe de Magrini. Indicateur de niveau. Siedek-Schäffler. Moulinets du service hydrographique autrichien d'Amsler Fteley Price, etc. Le conférencier mentionne même les travaux de l'Institut de Grenoble et de Chevy-Chase, près Washington.

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TH. REHBOCK Conférence sur l'écoulement des eaux et son étude au moyen de modèles (Laboratoire hydraulique de Carlsruhe). — Le conférencier passe en revue les travaux des hydrauliciens antérieurs et les notions acquises sur les vitesses critiques des filets liquides. Il distingue trois formes d'écoulement 1° le glissement pur (mouvement laminaire ou parallèle) qui n'est presque jamais réalisé par l'eau libre; 2o le mouvement de courant (Strömen) caractérisé par le fait que la vitesse est nulle sur les parois; 3° le jaillissement (Schiessens) où la perte de charge par viscosité varie d'après les changements de vitesse et non proportionnellement à v2 comme dans le mouvement turbulent. Il n'existe aucune échelle exacte de réduction pour étudier sur modèle le mouvement des eaux courantes. L'étude sur modèles est possible pour les mouvements de nappes. Les

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