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l'apparence de pierres de blocage; tout porte à croire qu'ils étaient debout et faisaient partie d'une enceinte pour limiter ou garantir le terrain sous lequel se trouvaient les chambres.

A côté du premier bloc, près de la route, j'ai trouvé, à Om 60 de profondeur, les restes d'un squelette de mouton avec des quantités de coquilles de berniques qui ont dù ètre mises là longtemps après. A 20 mètres à l'ouest, sur le versant sud de la montagne de Kerfraval, dit Mané-er-Velen, j'ai fouillé un petit tertre qui m'a donné les restes d'un four en forme de fer à cheval mesurant 1m 80 de profondeur sur 1m 65 de largeur à l'entrée, côté sud, qui est formée d'une pierre plate de 1m 15 de longueur. La plate-forme de ce four est faite de pierres et de terre glaise calcinée, elle repose sur une couche de terre noire mélangée de coquilles de berniques. Les restes du mur assez régulier sont formés de deux assises de pierres. Je n'y ai trouvé aucun objet pouvant me permettre d'attribuer à ce four une date quelconque. Je ne peux que le rapprocher de certains restes de four qui se trouvent dans les dunes de Kerhillio, commune d'Erdeven.

Carnac, le 20 mars 1906.

Z. LE ROUZIC.

INCIDENT

A UNE

SÉANCE DES ÉTATS DE BRETAGNE

(ÉTATS DE DINAN 1717-1718)

Par le Dr DE CLOSMADEUC

Ceux de vous qui ont lu le préambule du dernier volume publié par les Bibliophiles Bretons, y auront vu que le Journal de M. de Jacquelot est précédé d'une narration de la tenue des États de Dinan (1717-1718). Cette narration, qui ne comprend pas moins de 96 pages in-fo, est d'une autre main que celle de M. de Jacquelot.

Ni M. de Balorderie ni M. de Carné n'ont connu ce document manuscrit, qui est en ma possesion.

Les incidents tumultueux se multiplièrent à cette tenue des États de Dinan, qui furent dissous brutalement par le maréchal de Montesquiou.

Je détacherai du manuscrit le récit d'une dispute entre deux députés, qui souleva l'assemblée, à une des séances: Je copie textuellement dans le manuscrit.

Il arriva, à peu près dans ce temps là, une querelle entre deux Ecclésiastiques, qui pensa causer du trouble, dans l'Assemblée, par la haine et le mépris, qu'on avait pour l'auteur, et qui cependant, étant une créature des commissaires, en était soutenu.

a C'est ainsi que la chose se passa.

« Monseigneur l'Evêque de Léon avoit quitté les Estats, pour retourner dans son diocèse, sous prétexte de faire ses ordinations; mais au fond parce qu'il avoit déjà eu quelques piques avec le Maréchal, sur la manière libre de parler des intérêts de la Province, lequel en continuant de la sorte, craignoit de s'attirer noise.

« M. de La Vieuville (l'abbé), au repas qui se donna chez le trésorier, lors de l'examen du Petit compte, voulant faire sa cour aux Commissaires, se voyant dans un lieu et entouré de gens, où il seroit applaudi, tint des discours fort injurieux contre Monseigneur de Léon. Il plaisanta beaucoup sur l'huile sainte, qu'il alloit appliquer, et dit qu'il n'estoit sorti des États que pour ne pas rendre compte de l'argent que les Bureaux de Léon avoient reçeu pour la réparation des grands chemins, dont il s'étoit approprié la meilleure partie.

« Ces calomnies furent rapportées à l'Évêque de SaintMalo par l'abbé de Minois, député de Saint-Malo, qui s'en ouvrit aussy à plusieurs gentilshommes.

« Monseigneur de Saint-Malo jugea à propos d'en avertir son confrère et en chargea l'abbé Pichart, chanoine député de la Cathédrale.

« Ce chanoine manda ce qui s'était passé à l'Évêque de Léon par un exprès, qu'il trouva à 14 lieues de Dinan. Sitôt qu'il y fut arrivé il dit le sujet de son retour. Les commissaires firent leur possible pour empêcher un éclat, qu'ils craignoient qu'il n'eut donné de la force à un parti presque assommé.

« Mais l'Évêque de Léon fut inflexible. Il porta à l'assemblée le compte de l'argent qu'il avoit touché pour les grands chemins et demanda réparation de la calomnie qui avoit été faite contre lui, dans une maison où l'on n'ignorait pas que tous les honnestes gens étaient absolument décriés.

« Les commissaires qui n'avaient pas réussi à gagner sur l'Évêque de Léon, avaient, la veille, fait parler à tous ceux qui pouvaient attester le fait et les avaient priés instamment de s'excuser de parler contre une personne qui leur était chère, quoique elle fût de la plus mince étoffe et du caractère le plus faux. Ils l'avaient en quelque sorte promis; tellement que lorsque Monseigneur l'Évêque de Léon interpella l'Évêque de Saint-Malo de nommer celui qui lui avait dit le discours injurieux, il répondit qu'il ne s'en

souvenait pas.

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« L'abbé Pichart se leva alors et déclara que l'abbé de Minois avait dit, non seulement à l'Évêque de Saint-Malo que

c'était l'abbé de La Vieuville qui avait tenu ces discours, mais même à lui abbé Pichart, devant MM. de Kervazy et de la Tremblais.

« M. de Kervazy dit qu'il avait promis en quelque façon de n'en point parler, mais que cependant il ne pouvait s'empêcher de dire que cela était vrai. M. de la Tremblais le confirma. Mais M. l'abbé de Minois, plus exact en sa parole, dans cette occasion renia, ce qui lui fut un déshonneur infini.

<< Toute l'assemblée se mit à crier qu'il fallait chasser honteusement M. l'abbé de La Vieuville des Estats.

« Celui-ci se leva alors, en mettant son bonnet, et assura qu'il n'avait jamais parlé de Monseigneur de Léon, quoique le fait fùt certain.

« Messieurs de l'assemblée lui dirent d'oster son bonnet à quoi il répondit qu'il avait le droit de le mettre. « Oui, dit un Gentilhomme, quand vous parlez à vos moines, mais non pas quand vous êtes devant vos juges, et que vous êtes convaincu d'être un calomniateur public. »

« Monseigneur de Léon, voyant que les esprits s'échauffaient un peu trop, dit qu'il se contentait de la rétractation de l'abbé de La Vieuville, en pleine assemblée. Puis, s'étant retiré, pour laisser les États maîtres de juger l'affaire, la noblesse persista toujours dans son avis; mais les deux ordres prirent celui de députer vers Monseigneur de Léon pour le prier de rentrer dans l'assemblée, en l'assurant des sentiments d'estime qu'ils avaient pour lui. - Ce qui assoupit l'affaire. »

Tel est le texte du manuscrit.

Dans cette séance des États de Dinan, le beau rôle fut pour M. de la Bourdonnais, ancien chanoine de la cathédrale de Vannes, Évêque de Saint-Pol de Léon.

L'autre rôle fut celui de l'abbé de La Vieux-Ville, abbé de Saint-Maurice-Carnoët qui devint plus tard Evêque de

Saint-Brieuc (1721-1727.)

Le Journal de M. de Jacquelot nous renseigne sur la valeur morale de l'abbé de La Vieux-Ville et sur les moyens qu'il employa pour obtenir ces hautes positions.

« Il avait, écrit-il, obtenu l'Évêché de Saint-Brieuc par la fraude et tous les autres bénéfices par simonie et par les honteux services qu'il avait rendus à l'Évêque de Nantes Tressan, qui, par reconnaissance, lui fit tomber cet Évêché qui était donné à son neveu (à ce qu'il m'a dit lui-même) en substituant son nom de baptême à la place de celuy de son malheureux neveu. Pendant qu'il avait été aux Etats, en qualité d'Abbé, il en avait toujours été l'ennemi et l'espion, et rien n'était si extraordinaire que de voir présider, à cette assemblée (de Saint-Brieuc 1724), un homme qu'on ne voulait pas, aux États de 1715, souffrir porter l'avis de sa chambre aux autres chambres, tant on était assuré qu'il était mauvais, dès qu'il en était chargé. Les honneurs ne changent point les mœurs. Il n'en devint que plus insolent et plus hardi. » Journal de M. de Jacquelǝt Arch. de Bretagne, soc. des bibliophiles bretons - Rennes, 1905, tome XIII.

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