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celui qui n'est qu'éloigné n'est joint à aucun dommage, ni présent, ni moralement certain. Par exemple: Jacques, qui est un marchand, a 2,000 livres qu'il va, au premier jour, employer en achat de marchandises, sur le débit desquelles il est moralement certain de gagner vingt pour cent. Gilles, son ami, qu'on va saisir, s'il ne paye 2,000 livres, le prie de lui prêter celle somme. Il y a là pour Jacques un lucre cessant prochain, auquel se trouve joint un dommage naissant moralement certain; et ainsi il est juste que, s'il prête ses 2,000 livres à Gilles, il retire un dédommagement raisonnable du gain qu'il est moralement assuré de faire sur les marchandises qu'il était près d'acheter, et que le prêt qu'il fait à Gilles l'empêche de faire. Mais si Jacques a ces 2,000 livres dans son coffre, et qu'il n'ait aucune intention de les faire profiter, et que Gilles vienne les lui demander à emprunter, il ne peut en aucune manière prétexter un lucre cessant pour en retirer aucun dédommagement ou profit, parce que ce gain cessant n'est qu'éloigné et en idée seulement. Or c'est ici la même chose; car ceux qui vendent leurs contrats à cinq ou à huit pour cent de gain, n'ont aucune intention d'en employer l'argent en actions sur la compagnie des Indes, puisque, s'ils l'avaient, ils n'auraient qu'à les porter à cette compagnie qui les recevrait selon toute l'étendue de leur valeur, au lieu qu'ils n'y pourraient mettre leur argent comptant qu'à dix pour cent de perte. Ce prétendu gain cessant n'est donc qu'éloigné ou, pour mieux dire, que chimérique, et Germain ne peut le prétexter, pour justifier le profit qu'il a fait sur Imbert.

Cette décision serait vraie, quand même, comme nous l'avons vu sous la régence, l'or et l'argent seraient à un taux si haut, qu'il -excéderait de près de moitié la valeur intrinsèque des espèces. Car, 1o la valeur des monnaies dépend incontestablement du prince. Ainsi les 25,000 livres que Germain recevrait alors en louis et autres pièces courantes équivaudraient à son contrat de 25,000 liv. ; 2 si Germain était remboursé par le prince, il ne le serait pas en autre monnaie; 3° s'il achète une maison 25,000 livres, il ne la paiera pas sur un autre pied; 4° pour éviter la perte du rabais, probablement futur, Germain peut payer ses deltes, s'il en a, ou employer son argent en achat, en société, etc. Après tout, il faut que les sujets souffrent quelque perte, quand le bien de l'Etat l'exige.

Nous concluons donc que toutes les raisons qu'apporte Germain ne lui peuvent servir qu'à pallier l'injustice qu'il a commise et qu'il est obligé de réparer, en restituant à Imbert les 1,250 livres de profit qu'il a reçues de lui, au delà du juste prix du contrat qu'il lui a vendu.

CAS XLVII. Adrien, ayant besoin d'argent, vend de bonne foi à Marculfe une pièce de terre pour la somme de 1,000 livres, ou un contrat de rente de pareille valeur en prin

cipal, sous ces deux conditions: 1 qu'Adrien pourra, s'il le veut, racheter la terre ou le contrat, dans l'espace de cinq ans, en rendant les 1,900 livres à Marculfe; 2° que Marculfe ne sera point obligé à déduire sur le principal les fruits qu'il aura perçus de cette terre, ou les arrérages qu'il aura touchés de la rente. On demande, 1° si la première condition est juste? 2° si la seconde ne ressent point l'usure?

R. Le contrat de vente fait à faculté de rachat est permis, comme on le peut prouver, 1° par l'Ecriture, Levil. xxv, v, 10, où ces sortes de conventions sont autorisées ; 2' par les lois civiles, leg. 2 et 7, cod. de Pactis; 3° parce qu'il ne renferme rien d'injuste, pourvu, 1° que la chose vendue devienne propre à celui qui l'achète; en quoi ce contrat diffère de celui d'engagement, par le quel l'engageant demeure propriétaire de la chose engagée, et non pas l'engagiste, à qui par conséquent elle ne peut rien produire; 2° que le prix payé pour la chose vendue soit proportionné à la juste valeur de cette chose, considérée avec la charge qu'elle a de pouvoir être rachetée dans un tel temps par le vendeur ce qui semble demander qu'elle soit vendue un quart ou au plus un tiers moins de ce qu'elle vaudrait, si la vente s'en faisait purement et sans y ajouter la clause de la faculté de rachat; mais si le prix était notablement plus modique, ce contrat, selon plusieurs canonistes, ne serait pas censé une vente, mais un simple engagement; 3 que le temps stipulé pour faire le rachat soit commode à l'un et à l'autre des contractants.

:

Aussi ce genre de vente a-t-il été approuvé par Martin V, cap. 1, de Empt. extrav. comm. Et en effet, la clause qui porte que l'acheteur ne sera point tenu à déduire sur le principal les fruits ou les arrérages perçus, ne contient rien de vicieux. Car, puisque par l'achat d'une terre ou d'un contrat de rente, on en acquiert véritablement le domaine, on en acquiert aussi les fruits ou les arrérages qui en proviennent. Et si la terre venait à périr, elle périrait pour l'acquéreur. Voici le texte de Martin V: Præfatos contractus, licitos et juri communi conformes, ac ipsorum censuum venditores ad illorum solutiones, remoto contradictionis obstaculo, obligari auctoritate apostolica, tenore præsentium ex certa scientia declaramus. Et un peu auparavant et semper in ipsis contractibus expresse ipsis venditoribus data fuit facultas atque gratia, quod ipsum annuum censum in toto vel in parte pro eadem summa denariorum, quam ab ipsis emptoribus receperunt, quandocumque vellent, libere absque alicujus requisitione, contradictione, vel assensu possent exstinguere et redimere, ac se ab ipsius census solutione ex tunc penitus liberare. Mais, outre les conditions exprimées dans l'espèce proposée, il faut encore que l'acheteur ne puisse répéter sur le vendeur le prix qu'il a payé en renonçant à la terre ou au contrat de rente qu'il a achetée, ainsi que le dit expressément ce même pape: Sed

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ad hoc hujusmodi census venditores inviti nequaquam per emptores arctari vel astringi valerent etiam ipsis possessionibus et bonis obligatis penitus interemptis seu distractis. Car alors, si l'acheteur avait la liberté de se désister de son achat, ce ne serait plus un contrat de vente, mais un véritable prêt. Calixte III décida la même chose en 1455, extravag. 2, de Exempt.

CAS XLVIII. Théodat a vendu à Pamélius un pré de vingt-cinq arpents pour la somme de 2,000 livres, quoiqu'il en vaille beaucoup plus, à condition qu'il aura la faculté de le racheter dans trois ans, en rendant à Pamélius 2,200 livres. Ce contrat de vente n'est-il pas vicieux ?

R. Ce contrat est usuraire. La modicité du prix payé par le prétendu acheteur, et le surplus du même prix payable par le vendeur, sans compter les fruits qui doivent être perçus pendant trois ans, font bien voir qu'il n'y a là qu'un prêt très-usuraire, déguisé sous le nom de vente. C'est ce qu'enseigne assez clairement Innocent III, c. 4, de Pignorib., liv., m, tit. 21, où il déclare qu'on a tout lieu de juger un contrat usuraire, lorsque l'acheteur s'oblige de rendre la chose qu'il achète au vendeur, à condition que le vendeur lui donnera une somme d'argent par-dessus le prix dont ils sont convenus. Or, c'est là justement le cas où l'on suppose qu'est Pamélius, qui ne s'oblige à rendre à Théodat les vingt-cinq arpents de prés qu'il a achetés de lui, qu'en recevant 200 liv. au-delà des 2,000 livres qu'il a payées.

CAS XLIX. Burcard a vendu à Christophe dix arpents de vignoble à faculté de rachat. Christophe ayant changé la terre en pré, l'a rendue par là d'un revenu de moitié plus grand qu'elle n'était auparavant. Christophe étant venu à mourir dans ces entrefaites, Georges, son fils unique, qui avait un pressant besoin d'argent, a exposé cette terrè en vente, et a en même temps déclaré à Burcard que s'il voulait lui rendre le prix que son père lui en avait payé, il était prêt à la lui céder, ou qu'autrement il se désistât de la clause qui portait la faculté de rachat. Burcard a pris ce dernier parti; après quoi Georges a vendu les dix arpents, le triple de ce que son père en avait payé. N'est-il point tenu à quelque dédommagement envers Burcard, puisqu'il y a lésion de plus de la moitié du prix, et qu'il y serait condamné en justice dans les dix ans qui ne sont pas encore expirés.

R. Georges n'est tenu à aucun dédommagement, parce qu'il est libre à chacun de renoncer à son droit: Cum quilibet ad renuntiandum juri suo liberam habeat facultatem, dit Innocent III, c. 8, de Crimine falsi. Or c'est ce qu'a fait Burcard, en se désistant, sans contrainte et sans fraude, de la faculté qu'il s'était réservée de racheter les dix arpents de terre, sans demander aucuns intérêts, ni aucun dédommagement à Georges. A quoi il faut ajouter que l'amélioration de ce fonds est entièrement due à l'industrie de Christophe, dont Georges représente la personne,

et qui par conséquent en doit profiter, puisqu'il est son fils et unique héritier.

CAS L. Eleazar ayant vendu un arpent de pré à Marcellin, pour la somme de 300 liv., et s'élant réservé par le contrat la faculté dé le racheter dans cinq ans échéants au 10 mai 1707, il lui a fait sa déclaration dans les formes, la veille du jour de l'échéance, avec offre de lui rendre les 300 livres. Marcellin, voulant recueillir le foin de ce pré qui était prêt à faucher, a éludé, sous différents prétextes, d'accepter les offres d'Eléazar, et a fait cependant faucher et enlever le foin, après quoi il a offert à Eléazar de lai remettre ce pré et de recevoir les 300 livres; mais Eléazar prétend que le foin lui appartient, puisqu'il a fait ses offres dans le temps qu'il était encore sur pied. Marcellin soutient au contraire que, n étant point encore intervenu de sentence qui le condamne, il doit profiter des fruits du pré, qui d'ailleurs étaient alors en maturité. Qui à raison?

R. C'est Eléazar; parce que les lois veulent que quand le vendeur exerce la faculté du rachat de l'héritage qu'il a vendu, l'acheteur lui restitue les fruits perçus depuis le jour de la demande et de l'offre du remboursement fait dans les formes requises : Habita ratione eorum, quæ post oblatam ex pacto quantitatem ex eo fundo ad adversarium pervenerunt, dit la loi 2, cod. de Pactis. Au fond, suivant leur convention, Marcellin a cessé d'en être le véritable propriétaire dès le jour qu'Eléazar a exercé sa faculté de rachat, et n'a par conséquent pu en profiter. C'est le sentiment de Domat.

On peut le confirmer sur ce que, si le foin avait été mûr et coupé dix jours plus tôt, Eléazar en aurait subi la perte. Ergo a contrario, etc.

CAS LI. Victor, fourbisseur, voyant deux hommes fort animés l'un contre l'autre, qui Jui viennent demander deux épées d'une égale longueur à acheter, peut-il sans péché les leur vendre, principalement lorsqu'il a un besoin pressant d'argent, s'il est persuadé qu'ils ne les veulent acheter que pour s'aller battre?

R. Non; parce qu'il coopérerait efficacement à leur crime, en leur fournissant les moyens de le commettre. Car, comme dit l'Apôtre, Rom. 1, Digni sunt morte, non solum qui ea faciunt, sed etiam qui consentiunt facientibus. Mais si Victor n'était pas persuadé de leur mauvais dessein, et qu'il ne fût que dans un doute mal fondé, il pourrait les leur vendre, sans participer au péché qu'ils viendraient à commettre dans la suite, pourvu qu'auparavant il eût déposé son doute. S.-B., t. III. cas 183.

CAS LII. Les habitants d'une nouvelle paroisse, n'ayant point de cimetière, ont voulu acheter un quartier de terre appartenant à Paul pour en faire un; Paul ayant refusé de le leur vendre, le juge royal l'y a condamné. L'a-t-il pu sans injustice?

R. Oui; car, quand le bien d'un particulier est nécessaire pour quelque usage public, et que ce particulier refuse de le vendre,

le magistrat peut justement l'y contraindre,
parce que l'intérêt particulier doit toujours
céder à celui du public. Par exemple, une
maison se trouve dans une rue qu'il est né-
cessaire d'élargir pour la commodité et l'u-
tilité des habitants de la ville, ou sur le fonds
de laquelle il est nécessaire de bâtir une
église, ou d'y faire des fortifications pour la
défendre contre l'ennemi, celui qui en est le
propriétaire peut sans injustice étre contraint
de la vendre pour le juste prix qu'elle vaut.
C'est ce qui se prouve par une ordonnance de
1303, dans laquelle Philippe le Bel s'exprime
en ces termes : Possessiones quas pro eccle-
siis aut domibus ecclesiarum parochialium de
novo fundandis aut ampliandis infra villas,
non ad superfluitatem, sed convenientem neces-
sitatem acquiri contingat; de cætero apud
ecclesias remaneant absque coactione venden-
di, vel extra manum ipsarum ponendi ; et pos-
sessores illarum possessionum ad eas dimit-
tendum justo pretio compellantur pro eccle-
:
siis parochialibus, cœmeteriis et domibus pa-
rochialibus rectorum extra villam fundandis
vel applicandis, illud idem concedimus.

C'est aussi pour cette raison que, dans un temps de disette, ceux qui ont des grains plus qu'il ne leur en faut pour leur subsistance peuvent être contraints de les vendre à un prix raisonnable, comme il est dit, leg. 2, ff. de lege Julia, etc., liv. XLVIII, tit. 12.

CAS LIII. Atticus, abbé de Sainte-Fare, qui a six arpents de bois de haute futaie, dépendant de son abbaye, en a vendu un dans le dessein d'en employer le fruit à faire bâtir

un appartement dont il a besoin. L'a-t-il pu faire, en conscience, de son chef?

R. Non; car il est défendu à tous ecclésiastiques, par plusieurs ordonnances, et surtout par l'art. 4 de celle de 1669, de couper aucun arbre de haute futaie ni aucuns baliveaux de bois taillis, à moins qu'ils n'en aient obtenu le pouvoir du roi par lettres patentes dûment enregistrées, lesquelles ne leur seront accordées que dans le cas d'incendie ou de ruine des bâtiments, ou autres dommages extroardinaires causés par les guerres, les inondations ou autres sembla- ́ bles cas fortuits. Ainsi, bien loin qu'Atticus puisse en conscience vendre de son chef les bois dont il s'agit, sous prétexte d'en employer le prix pour se mieux loger dans le lieu de sa résidence, il ne lui serait pas même permis de le faire pour l'utilité et le bien de son abbaye, sans la permission du roi. Et rien n'est plus sagement ordonné, puisque autrement un abbé peu scrupuleux ou peu réglé se rendrait maître de tous les bois de haute futaie, quoiqu'ils ne soient point in fructu, et dissiperait par là le plus beau bien des abbayes, sans se mettre en peine des besoins que ses successeurs pourraient en avoir dans la suite du temps. Aussi est-ce pour cette raison, et pour le bien public, que les parlements ont toujours soutenu par leurs arrêts et fait exécuter ponctuellement et à la rigueur ce point de jurisprudence.

Voyez ACHAT, CABARETIER, CONTRAT, OFFICIAL, cas XIV; USURE

VÉTÉRAN.

On appelle vétéran un officier de justice qui a exercé sa charge pendant le temps prescrit par les ordonnances, qui est celui de vingt années, et qui en conséquence a obtenu des lettres de la chancellerie, qui font foi des services qu'il a rendus dans son office, et qui, en cette considération, le conservent dans tous les rangs, droits, honoraires et priviléges dont il jouissait pendant qu'il l'exerçait : ce qui semble avoir tiré son origine de l'ancien droit romain, qui parle, en plusieurs endroits du Digeste et du Code, des soldats vétérans, qui, après vingt ans de service, jouissaient des mêmes priviléges qui étaient accordés à ceux qui étaient actuellement au service de la république, et où il est fait mention des honneurs et priviléges que Théodose et Valentinien accordèrent, après un certain temps, aux professeurs de grammaire, de philosophie et de droit. Leg. unic., cod. de Professorib., lib. 11, tit. 15.

Il est de certaines charges de judicature, dans les provinces du royaume, qui demandent un service plus long que celui de vingt années ; mais le roi est le maître d'accorder des lettres de vétéran à qui et quand il lui plaît.

Un juge vétéran a droit d'assister et de donner sa voix au jugement des procès, comme il l'avait auparavant; mais il n'a pas la prérogative d'y pouvoir présider, parce qu'il n'est plus en charge. Un secrétaire du roi qui est vétéran acquiert à ses enfants le droit de noblesse. Ferrière, hoc verbo.

CAS I. Aristobule, après avoir exercé un office de judicature pendant dix-neuf ans, reconnaît enfin qu'il en est très-incapable, n'ayant pas la science suffisante pour remplir ses devoirs, et est résolu, suivant le conseil même de son confesseur, de le quitler. Mais comme un officier de justice a droit d'obtenir des lettres de vétéran après vingt années d'exercice, et que ce privilége que le roi accorde lui est d'une grande conséquence, tant parce qu'il exempte de taille ceux qui l'ont obtenu qu'à cause de l'honneur et des autres prérogatives qui y sont

attachés, il voudrait bien garder sa charge. encore une année, afin d'accomplir le temps requis pour l'obtenir. Le peut-il faire en sûreté de conscience?

R. Si ce n'est pas par un scrupule mal fondé qu'Aristobule se juge incapable de l'office qu'il exerce, mais qu'il le soit véritablement, il ne peut en conscience le garder encore un an, sous prétexte d'achever le temps qu'il est nécessaire de l'exercer pour obtenir le privilége de vétéran. La raison est, 1 qu'aucun homme ne doit continuer dans une charge ou dans un emploi, ni

dans un étal, s'il n'est capable d'en remplir les devoirs ce qui est encore beaucoup plus véritable à l'égard d'un office de judicature, qui met souvent les biens, l'honneur et la vie même des particuliers entre les mains de celui qui en est revêtu, et qui, par le défaut de capacité ou de probité, peut y commettre des fautes irréparables, au péril desquelles il s'expose volontairement en continuant à l'exercer; ce qu'il ne peut par conséquent faire sans péché, suivant cette parole du Sage: Qui amat periculum, in illo peribit, Eccle. ; 2° parce que le privilége de vétéran et la qualité qu'il donne, d'officier honoraire, ne sont dus qu'à ceux qui

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VEUVE.

Nous ne ferons sur les veuves que cinq petites observations :

La première, qu'elles doivent s'efforcer, par leur religion, par l'innocence de leur vie et par leur retraite, d'être du nombre de celles que saint Paul appelle vere viduas, et qu'il voulait que son disciple honorât.

La seconde, que, selon l'édit de François II, de 1560, sur les secondes noces, les femmes veuves ayant enfants, ou enfants de leurs enfants, si elles passent à de nouvelles noces, ne peuvent en quelque façon que ce soit, c'est-à-dire ni par elles-mêmes ni par des personnes frauduleusement interposées, donner à leurs nouveaux maris, père, mère, ou enfants desdits maris, de leurs biens, meubles, acquets ou acquis par elles d'ailleurs que leur premier mari, plus qu'à un de leurs enfants, ou à enfants de leurs enfants. Et s'il se trouve division inégale de leurs biens faite entre leurs enfants, ou enfants de leurs enfants, les donations faites par elles à leurs nouveaux maris seront réduites et mesurées à raison de celui qui en aura le moins. Sur quoi il faut remarquer que, quoiqué l'édit ne parle point des hommes qui, ayant des enfants d'un premier lit, se remarient, sa décision a été, par les cours souveraines du royaume, étendue à eux par parité de raison en sorte qu'ils ne peuvent, non plus que les veuves qui se remarient, donner à leurs nouvelles épouses, ou aux enfants qu'elles auraient d'un premier lit, plus que n'a ou ne doit avoir le moins prenant des enfants qu'ils ont eus de leur premier mariage. Au fond, rien de plus juste que cette extension, puisqu'il y a des hommes que la faiblesse qu'ils ont pour leurs secondes femmes dépouille de toute la tendresse qu'ils doivent à leurs premiers enfants.

La troisième remarque est que, quoique M. Talon, en portant la parole, le 4 septembre 1632, cût soutenu, 1o qu'une veuve âgée de seize ans peut contracter valablement mariage contre la volonté de ses père et mère, sur ce principe que, son mariage l'ayant émancipée, elle n'est plus sous leur puissance; 2° qu'en contractant ainsi elle n'est point sujette à l'exhérédation, etc., il est aujourd'hui constant, en vertu de l'édit du mois de mars 1697, que les pères et mères peuvent exhéréder leurs filles veuves, même majeures de vingt-cinq ans, lesquelles se marieront sans avoir requis par écrit leurs avis et conseil. M. de Livonière dit cependant que les donations faites à la femme par autres que par son mari, quoique parents de son mari, non plus que la réparation civile adjugée à la veuve pour l'assassinat de son premier mari, ne sont point comprises sous la prohibition du second chef de l'édit des secondes noces.

La quatrième est que les veuves qui, ayant des enfants, épousent des personnes indignes de leur qualité, ne peuvent faire en leur faveur aucune donation directement ou indirectement, et sont dans l'instant interdites de toute disposition ou aliénation de leurs biens. Livonière, page 306.

La cinquième est que plusieurs conciles, comme ceux de Tours, en 1231, d'Angers, en 1448, de Narbonne, en 1603, après avoir approuvé les secondes et ultérieures noces, condamnent ces jeux indécents qui s'y font et qu'on nomme charivaris, et cela sous peine d'ex-communication contre ceux qui y contribuent. Voy, sur les veuves les Mémoires du Clergé, tom. V, pag. 648..., 682..., 763, etc.

VIATIQUE. Voyez COMMUNION.

VICAIRE D'UN DIOCÈSE.

Nous entendons ici par vicaire celui qui exerce les fonctions pastorales ou ecclésiastiques d'un autre qui en est naturellement chargé, et tels sont le vicaire général d'un évêque et le vicaire d'un curé, dont le premier exerce, au défaut de son prélat, les fonctions qui concernent la juridiction volontaire dans tout le diocèse, comme l'official,que le droit appelle aussi vicarius episcopi, exerce la juridiction contenticuse; et le second, les fonctions curiales en l'absence ou au défaut du curé.

On distingue deux sortes de vicaires : l'un n'est que temporel, c'est-à-dire établi pour autant de temps qu'il plaira à celui de qui il a reçu son pouvoir, tel qu'est le grand vicaire

d'un prélat, ou celui d'un curé. L'autre est perpétuel et est fondé sur un titre canonique qui le rend irrévocable.

Suivant l'art. 45 de l'ordonnance de Blois, nul ne peut être vicaire général d'un évêque s'il n'est prêtre et gradué, ni tenir à ferme aucuns biens dépendant de son prélat, comme le porte la même ordonnance, qui confirme sur cet article celle d'Orléans, art. 17.

Il est encore absolument nécessaire qu'un grand vicaire soit régnicole, et non pas étranger (à moins qu'il ne soit naturalisé), ainsi qu'il est porté par l'ordonnance de Henri II, donnée à Villers-Coterets, au mois de septembre 1554, vérifiée au parlement, le 8 octobre suivant; à quoi l'évêque peut être contraint par la saisie de son temporel. Sur quoi l'on peut voir les Mémoires du Clergé, tom. I, part. 1, p. 157. Et c'est en conséquence de celle maxime, que le parlement de Provence ordonna, par un arrêt du 1er décembre 1597, que l'archevêque d'Avignon serait tenu d'établir en Provence, dans les évêchés dépendant du comtat d'Avignon, des vicaires généraux et des officiaux naturels français.

Tous les vicaires généraux des prélats, dont les lettres de vicariat leur donnent pouvoir exprès et spécial de présenter aux bénéfices ou d'y nommer, doivent nécessairement les faire insinuer au greffe des insinuations ecclésiastiques, comme il est marqué dans les Mémoires du Clergé, ibid., p. 162, n. 6, et ces lettres doivent être signées par deux témoins.

A l'égard des vicaires qu'on appelle perpétuels, ils doivent leur premier établissement au quatrième concile de Latran, qui ordonna qu'au lieu de vicaires amovibles on en instituât de perpétuels par un titre canonique dans tous les bénéfices à charge d'âmes, sans même excepter ceux qui étaient unis à une communauté; et cette sage ordonnance des Pères de ce concile a été renouvelée et parfaitement consommée par une déclaration que le roi donna à Versailles, le 29 janvier 1686, enregistrée au parlement le 11 février suivant.

CAS I. Claudien, évêque d'Oléron, étant à Paris pour les affaires de son Eglise, a appris que son grand vicaire venait de mourir; sur quoi il a écrit à Georges, docteur de Paris, qu'il avait jeté les yeux sur lui pour remplir la place du défunt, et qu'il lui donnait tous les pouvoirs ordinaires de vicaire général, sans même excepter celui de conférer les bénéfices qui viendraient à vaquer pendant tout le temps qu'il serait obligé de rester à Paris; à quoi il a ajouté qu'il lui enverrait incessamment ses lettres de vicariat. Deux ou trois jours après que Georges eut reçu la lettre de Claudien, la cure de Sainte-Apolline ayant vaqué par mort, Gerbert, seigneur de la paroisse et patron présentateur de ce bénéfice, y a nommé Bertin, et Georges a cru avoir un pouvoir suffisant pour recevoir la présentation de Gerbert et en accorder les provisions à Bertin, en conséquence de sa nouvelle qualité de grand vicaire et du droit de conférer que l'évêque y joignait. Bertin n'en est-il pas canoniquement ou du moins validement pourvu, surtout dans le for de la conscience, conformément à cette maxime commune : Verbo fit gratia?

R La collation ou provision donnée par Georges à Bertin n'est ni canonique, ni valide, même dans le for intérieur. La raison est qu'un évêque ne peut pas établir un vicaire général, ni de vive voix, ni par lettre missive, mais qu'il est absolument nécessaire qu'il lui donne des lettres de vicariat en forme; c'est-à-dire, qui soient signées de sa main et de deux témoins, et que cet acte soit du moins insinué au greffe des insinuations ecclésiastiques du diocèse, sans quoi il est nul, et tout ce qui se fait en conséquence. « Les vicariats, dit l'édit de 1691, ne pourront sortir aucun effet, ni aucune nomination, ou collation être faite en vertu d'iceux, jusqu'à ce qu'ils aient été registrés au greffe du diocèse où est assis le chef-lieu des prélatures, chapitres et dignités, desquels dépendent les bénéfices.»

Puis donc que Georges s'est ingéré de don

ner les provisions de la cure de Sainte-Apolline sur la simple lettre missive de Claudien, laquelle il ne devait regarder que comme une lettre d'avis, il est nécessaire qu'il rectifie ce qu'il a mal fait, en donnant à Bertin une nouvelle provision, dès qu'il aura reçu ses lettres de vicariat expédiées dans les formes requises, et que Bertin prenne de nouveau possession de ce bénéfice. Autrement il ne serait pas en sûreté de conscience et pourrait même en être dépossédé par un dévolutaire ou par un autre à qui l'évêque l'aurait conféré auparavant. Il est inutile d'opposer cette maxime, verbo fit gratia; car elle ne peut avoir lieu que dans les cas seuls où le droit ne s'y trouve pas contraire. Or le droit établi par l'ordonnance de 1691 y est formellement contraire à l'égard du cas dont il s'agit, et par conséquent elle ne doit être ici d'aucune considération.

CAS 11. Georges a enfin reçu ses lettres de vicariat; mais l'évêque n'y a point exprimé le pouvoir de conférer les bénéfices qu'il lui avait annoncé dans sa lettre d'avis. Ne peutil pas regarder cette omission comme une faute d'oubli, et conférer les bénéfices qui viendront à vaquer?

R. Il ne le peut; car un grand vicaire ne peut conférer les bénéfices, si ses lettres ne Ïui en donnent le pouvoir en termes exprès, et d'ailleurs l'évêque peut avoir changé de résolution. On peut confirmer ceci par ce que dit Boniface VIII, cap. 2, de Pænitent., savoir, que la permission qu'un évêque a accordée à un particulier de se confesser à tel prêtre qu'il voudra choisir, ne se doit entendre que de la confession des péchés ordinaires, et non pas de ceux qui sont réservés à l'évêque meine, qui n'est pas censé avoir voulu accorder une permission plus ample. Il est bon d'observer, à l'occasion de la présente décision, 1° que, suivant la même ordonnance de 1691, quand l'évêque veut révoquer les pouvoirs qu'il a donnés à son grand vicaire, il est nécessaire que la révocation s'en fasse par écrit, qu'elle soit sigui

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