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rioration des bêtes, si elle arrive sans la faute de Clément; 2° que les deux autres années Clément portera tout le dommage qui arrivera même sans sa faute ; 3° qu'en cette considération, Clément aura les deux tiers du profit que la société produira durant ces deux dernières années pour lui tenir lieu de compensation du péril de cette perte qu'il subira. Ce contrat peut-il être toléré dans une province où la coutume générale et les juges l'autorisent de tout temps?

R. Ce contrat est usuraire en ce que Paterne charge Clément de toute la perte ou de la détérioration des animaux durant les deux dernières années de la société, quoiqu'elle arrive par des cas purement fortuits et sans sa faute. Car, puisque Paterne en est le propriétaire, il en doit seul courir toute la perte qui arrive sans la faute du preneur.

Aussi est-ce sur ce fondement que Sixte V, dans sa quarante-cinquième constitution que nous rapportons dans la décision suivante, a réprouvé et condamné comme usuraire une telle société comme l'avaient déjà déclarée telle saint Charles en son premier concile de Milan, tenu en 1565, et les évêques de France dans l'assemblée générale de Melun, en 1579. Le profit plus grand que Paterne cède à Clément sous prétexte de le dédommager de la perte à laquelle il s'expose, la seconde et la troisième année, ne peut exempter d'usure ce contrat, puisqu'il est de l'essence de tout contrat de société, que la chose périsse à celui qui en est le propriétaire. La coutume ne peut pas non plus le purifier; parce que perniciosa consuetudo nequaquam est recipienda, dit le quatrième concile de Tolède, can. 8.

- En examinant bien ce genre de société, on y trouvera, 1° un contrat de société; 2° un contrat d'assurance pour les deux dernières années; 3° un contrat de vente d'un moindre gain pour un plus grand. Il y a cependant cette difference entre ce contrat en animaux et celui qui se fait en argent, que le dernier produit toujours un gain, lors même que la société n'en produit point; et qu'ici le bailleur n'a point son tiers de profit, quand il ne s'en trouve point à la fin de la Société. D'ailleurs dans la société en argent, celui qui le reçoit peut, à proprement parler, en d sposer comme il veut, parce que celui qui le fournit est content, pourvu qu'il reçoive son fonds avec un certain profit; au lieu qu'ici le gain indéterminé ne peut venir que des animaux mis en société. Cela posé, je crois qu'un confesseur, qui arrive dans un pays où ce trafic est en usage, ne doit pas commencer par troubler la bonne foi des peuples, mais consulter l'évêque, et suivre ses ordres. La perfidie des preneurs, qui viennent dire au bail eur, tantôt que le loup, Tantỏi que des soldats, ont enlevé des mouyons, oblige quelquefois à tolérer un moindre mal, pour en empêcher de plus ruineux.

CAS XXVI. Valérien a donné à Paul en societé pour six ans, des bêtes à cornes, à condition, 1° que Paul sera obligé d'en prendre tous les soins nécessaires, et de

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donner à Valérien quatre boisseaux de blé estimés quatre livres, par an, pour chaque bête; 2° que Paul acquerra un douzième du fonds chacune de ces six années; 3° qu'à la fin de ces années le fonds et le croft seront partagés entre eux. Cette société est-elle permise?

R. Ce contrat qu'on appelle en quelques provinces gazaille d'arrègues, et qui n'est pas une société pure, mais mixte, à cause qu'elle renferme une vente, est permis sous ces trois conditions, 1° que la perte des bêtes, qui viennent à périr sans la faute du preneur, tombe uniquement sur le bailleur, sans quoi le contrat serait usuraire; 2° que le preneur soit fidèle à ne point changer les bêtes, à les conserver, et à compter de bonne foi des profits avec le bailleur; 3° que la justice soit gardée dans le partage des profils, en sorte que le preneur ait un profit proportionné à ses soins et à sa dépense, et que le bailleur retire aussi une juste partie du profit, à cause qu'il est propriétaire des bêtes, et qu'il porte la perte de celles qui périssent par accident. M. de Sainte-Beuve a plusieurs fois donné cette décision. Voyez lom. I, cas 120, 127, 141.

Cas XXVII. Sylvain ayant mis un trou→ peau de 400 moutons en socié1é avec Robert, Robert lui a dit à la fin de la société qu'il en manquait 20, qui étaient morts de maladie; Sylvain prétend au contraire qu'ils ont péri par sa faute. Que dire ?

R. Le preneur est présumé coupable, s'il ne peut prouver qu'il est innocent. Qui enim excipit, probare debet quod excipitur. Leg. Si pactum. ff. de Probationibus. D'où nous pouvons conclure, que si Robert ne peut prouver que les 20 moutons ont péri sans sa faute, Sylvain peut lui en faire payer le prix, s'il n'a pas connaissance du contraire. C'est la décision de Coquille, de Mauduit et de Sainte-Beuve d'après eux, tom. I, cas 149.

CAS XXVIII. Barnabé s'étant associé avec trois ouvriers, l'un d'eux vient à mourir : la société finit-elle par cette mort?

R. Oui (et il en serait de même de la mort civile qui empêche également d'agir): Morte unius, dit la loi 65, ff. Pro socio, societas dissolvitur, etsi consensu omnium coita sit, plures vero supersint : nisi in coeunda societate aliter convenerit. Et en ce cas, par exem ple, lorsqu'en contractant la société tous sont convenus qu'elle subsisterait nonobstant cette mort, l'héritier du défunt peut, s'il le veut, entrer dans ses droits, et la continuer selon la loi 37, ibid.

Il faut cependant remarquer que, dans les sociétés, soit de formiers, soit d'entrepreneurs, qui non-seulement lient les associés les uns aux autres, mais encore à la personne dont ils ont pris le bien à ferme, ou pour qui ils ont entrepris un ouvrage, l'engagement passe du défunt à ses héritiers, et ne peut être dissous par la mort de l'un d'eux. Sur quoi, voyez Domat, liv. I, tit. 8, sect. 6, art. 5, et ce que nous avons dit au mot HÉRITIER, et le cas suivant

CAS XXIX. Patrice et Romain ont mis chacun 1,000 écus en société. Patrice étant mort avant qu'elle fût finie, Romain veut que la société, qui réussit mal, passe à l'héritier de Patrice. Cet héritier le refuse. Qui a raison?

R. Il suit de ce qu'on vient de dire que l'héritier de Patrice n'est point du tout obligé à continuer la société, parce que le contrat d'une telle société est dissous par la mort de l'un des associés, et que, régulièrement parlant, il ne passe point à son héritier, même universel, quoique cet héritier doive entrer dans la participation du profit ou de la perte, comme le défunt, même en ce qui regarde le passé. La raison qu'en donne Justinien, 1. in, Instit., tit. 26, § 5, est que celui qui fait une société avec un autre, se lie avec lui par sa prudence, sa capacité, etc., raisons qu'il n'aurait souvent pas à l'égard de son héritier. Il y a cependant des cas à excepter de cette règle; car, par exemple, dans la perception des tributs dus au prince,

l'héritier de l'associé défunt demeure obligé, comme le survivant, à continuer la société et à en exécuter les clauses.

CAS XXX. Galérius et Servius s'étant associés pour un commerce de laines, sont convenus que leur société serait continuée par leurs héritiers en cas de mort de l'un des deux. Galérius meurt six mois après. Ses héritiers sont-ils tenus, même contre leur gré, de continuer la société avec Servius; ou, en cas qu'ils veuillent la continuer, Servius est-il obligé à la continuer

avec eux?

R. Non; parce que, selon les lois, cette convention n'oblige ni les associés survivants, ni les héritiers du défunt à contínuer la société. Adeo morte socii solvitur societas,ut nec ab initio pacisci possimus, ut hæres etiam succedat societati. Leg. 59, ff. Pro socio. La question est de savoir si cette loi est 'en vigueur partout.

Voyez. PRÊT et USURES.

Abordons maintenant le droit des sociétés tel qu'il résulte de la législation actuelle. Tout ce qui existe peut faire le sujet d'une société, pourvu que la cause soit licite: ainsi, on s'associe peur acheter, vendre ou louer quelque chose; pour l'accomplissement d'une entreprise, l'exercice d'une profession, l'exploitation d'un brevet d'invention; mais on ne pourrait s'associer pour faire la contrebande, exercer des vols, tenir une maison de débauche, faire baisser le prix des marchandises; de pareilles associations sont nulles et ne produisent pas d'actions entre les cointéressés.

Le but de toute société doit être l'intérêt commun des associés; celle qui teudrait à attribuer toutes les pertes à l'un et tous les gains à l'autre, serait évidemment inique et ne produirait aucun effet. Toutes personnes ne peuvent pas former une société, il faut pour cela être capable: d'où il suit qu'un mineur, à moins qu'il n'eût reçu la permission de faire le commerce, une femme mariée, à moins qu'elle n'eût été autorisée, ne pourraient être parties dans une association.

Dès que l'acte est parfait, la société existe, et cette existence, bien que toute morale, se produit dans le monde par la raison sociale qui forme un véritable nom. Cette raison sociale 'embrasse ordinairement le nom d'un ou de plusieurs associés; elle ne peut renfermer que ceux-là; si on y en comprenait d'autres, cela constituerait une véritable escroquerie. De ce que la société existe, il suit qu'elle doit avoir un domicile, et ce domicile comme celui de tout citoyen, est au lieu où elle a son principal établissement: si la société avait plusieurs maisons, le domicile serait fixé d'après les circonstances.

On divise les sociétés en civiles et commerciales. Il est fort difficile de tracer entre ces deux contrats une ligne de démarcation. Les sociétés civiles sont ou universelles ou particulières. Les premières se subdivisent elles-mêmes en sociétés de tous biens présents, et en sociétés universelles de gains. La société universelle de biens présents est celle par laquelle les parties mettent en commun tous les biens meubles et immeubles qu'elles possèdent actuellement et les profits qu'elles pourront en retirer; elles peuvent aussi y faire entrer toute autre espèce de gains, par exemple, ceux résultant de l'invention d'un trésor; mais les biens, meubles ou immeubles, qui pourraient leur advenir pár succession, donation ou legs, n'entrent dans cette société que pour la jouissance; toute stipulation qui tendrait à y faire tomber la propriété est nulle.

Les sociétés universelles de gains s'étendent à tout ce qui est le fruit de l'industrie et de l'épargne; elles embrassent les produits des immeubles personnels, les gains faits dans le commerce ou dans une profession libérale, les meubles possédés au moment du contrat. Quant aux immeubles, ils restent propres aux associés et c'est celle circonstance qui distingue la société des gains, de la société universelle.

Les sociétés particulières sont beaucoup plus fréquentes que les premières; elles ont pour objet des choses déterminées, et mises en commun, soit quant à la propriété, soit quant à la jouissance seulement. Si c'est la propriété qui est mise en commun et que la chose vienne à périr, la perte est supportée par chacun des sociétaires.

Les engagements des associés portent sur: 1° le commencement et la durée de la société; 2 les obligations des associés envers la société ; 3° les obligations de la société envers les associés; 4 la fixation des parts; 5o l'administration de la société.

1° La société commence à l'instant même du contrat ; elle dure le temps convenu; s'il n'a rien été stipulé à cet égard et qu'il s'agisse d'une association universelle, elle est censée contractée vie, sauf le droit réservé à chacun de demander la dissolution.

2° Les obligations des associés envers la société consistent: à fournir leur apport; à tenir compte de ce qu'ils pourraient recevoir du fonds commun; à indemniser la société du tort qu'ils lui auraient causé par leur faute. L'associé est débiteur de son apport du moment où la société est parfaite. Lorsque l'apport consiste en argent, l'associé est débiteur des intérêts de sa mise de plein droit et sans sommation; s'il est en demeure, il peut être en outre condamné à de plus amples dommages et intérêts. L'associé est obligé de tenir compte de tout ce qu'il percevrait du fonds commun.

CASI. Il peut se faire qu'une personne soit à la fois débitrice de la société et de l'un des associés en particulier alors le payement fait à l'associé créancier particulier devra être par lui imputé proportionnellement sur sa créance et sur celle de la société.

CAS II. Si le débiteur de la société m'avait donné un à-compte correspondant à ma part dans cette créance et que plus tard le

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débiteur devint insolvable, je ne pourrais pas garder l'à-compte pour moi seul, je devrais le verser dans la caisse sociale.

Relativement aux soins que chaque associé doit aux affaires communes, il n'est tenu que de la faute lourde; car, disent les jurisconsultes romains, aux autres le soin de se choisir un associé plus diligent.

3° Les obligations de la société envers chaque associé sont relatives à la restitution de l'apport et aux diverses indemnités qui peuvent être dues à l'associé. Il est important de savoir si l'apport a été mis seulement en jouissance, ou s'il a été donné en toute propriété. Quand la jouissance seule a été mise en commun, les risques sont à la charge de l'associé; secus, dans le cas contraire. Pour les indemnités dues par la société, il faut placer d'abord les déboursés, ensuite les obligations contractées de bonne foi, enfin les hasards courus par l'associé, pourvu qu'ils soient inséparables de sa gestion.

4C'est aux associés à régler la part dans les gains et dans les pertes. Elle doit toujours être proportionnelle. A défaut de fixation par les parties, la loi, présumant leur intention, fait la répartition des profits et des pertes proportionnellement à la mise de chaque associé. Si l'apport d'un des associés consiste dans son industrie, sa part est égale à la moindre.

5 L'administration de la société est réglée par les parties ou par la loi. Lorsque dans l'acto de société même l'administration a été confiée à l'un des associés, cette délégation de pouvoirs ayant été une des conditions de l'association, ne peut être révoquée. Si l'administration n'avait été conférée que postérieurement, ce ne serait là qu'un simple mandat révocable à volonté. Lorsque plusieurs sont chargés d'administrer, si les fonctions ont été divisées, chacun se tient dans les siennes. Dans le cas contraire, tous agissent concurremment; mais si l'on a stipulé que l'un ne pouvait agir sans l'autre, cette clause doit s'observer rigoureusement. Si l'administration n'a pas été déléguée, elle appartient à tous en commun. De ce que l'associé est copropriétaire de la chose sociale, il suit qu'il peut s'en servir; mais il ne peut employer cette chose qu'à sa destination et non à son usage personnel; il peut aussi contraindre son cointéressé à faire les dépenses nécessaires pour la conservation, et s'opposer aux changements et à l'aliénation qu'il voudrait en faire; enfin, chaque associé peut s'adjoindre un tiers pour ce qui regarde sa part; mais il ne peut l'associer à la société.

Si quelques associés s'engagent ensemble à l'égard de quelqu'an, l'obligation, à moins de conventions expresses, n'est pas solidaire; si l'obligation est contractée par un seul, elle n'oblige les autres que quand le pouvoir lui en a été donné. Ces principes ne s'appliquent pas aux sociétés commerciales. Lorsque plusieurs associés se lient conjointement, ils sont tenus chacun pour une part égale, encore que leur mise ne le soit pas ; le contraire devrait être stipulé. La mention que l'obligation est contractée pour le compte de la société ne la rendrait pas débitrice, à moins qu'un mandat n'eût été donné, ou que l'affaire n'eût tourné au profit de la chose commune.

La société finit: 1° par l'expiration du temps pour lequel elle a été contractée; 2° par l'extinction de la chose ou la consommation de la négociation; 3° par la mort naturelle de quelques-uns des associés; 4 par la mort civile, l'interdiction ou la déconfiture de l'un d'eux; 5° par la volonté qu'un seul ou plusieurs expriment de n'être plus en société.

Lorsque l'un des associés a promis de mettre en commun la propriété d'une chose, la perte survenue avant que la mise en soit effectuée, opère la dissolution de la société par rapport à tous les associés. La société est également dissoute dans tous les cas par la perte de la chose, lorsque la jouissance seule a été mise en commun et que la propriété en est restée dans la main de l'associé. Mais la société n'est pas rompue par la perte de la chose dont la propriété a déjà été apportée à la société. La renonciation n'est pas de bonne foi lorsque l'associé renonce, pour se l'approprier à lui seul, le profit que les associés s'étaient proposé de retirer en commun; elle est faite à contre-temps lorsque les choses ne sont plus entières, et qu'il importe à la société que sa dissolution soit différée.

On distingue trois espèces de sociétés commerciales: la société en nom collectif, la société en commandite, la société anonyme.

La société en nom collectif est celle que contractent deux personnes ou un plus grand nombre, et qui a pour objet de faire le commerce sous une raison sociale. Les associés en nom collectif indiqué dans l'acte de société, sont solidaires pour tous les engagements de la société, encore qu'un seul des associés ait signé, pourvu que ce soit sous la raison sociale. La société en commandite se contracte entre un ou plusieurs associés responsables et soli

daires, et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds qu'on nomme commanaitaires ou associés en commandite; elle est régie sous un nom social qui doit être nécessairement celui de l'un ou de plusieurs des associés responsables et solidaires.

L'associé commanditaire n'est passible des pertes que jusqu'à la concurrence des fonds qu'il a mis ou qu'il a dû mettre dans la société. L'associé commanditaire ne peut faire aucun acte de gestion, ni être employé pour les affaires de la société, même en vertu de procuration.

La société anonyme n'existe point sous un nom social; elle n'est désignée par le nom d'aucun des associés. Ils ne sont passibles que de la perte du montant de leur intérêt dans la société.

Indépendammert des trois espèces de sociétés ci-dessus, la loi reconnaît les associations commerciales en participation: elles sont relatives à une affaire particulière : nous achetons des bœufs pour les revendre; cette société peut être faite verbalement. Chaque associé demeure isolé de l'autre ; il se trouve à l'abri des poursuites de celui qui a contracté avec son coassocié.

SODOMIE.

On ne s'arrêtera point à prouver l'énormité de ce crime. La terrible vengeance dont Dieu l'a puni dans la principale des villes qui lui a donné son nom, fait assez connaître combien il est abominable à ses yeux. On se contentera de résoudre trois cas qui, quoique très-rares, peuvent cependant se présenter quelquefois.

CAS I et II. Marin et Lucien, jeunes bénéficiers, ont eu le malheur de céder à une passion infâme. On demande, 1° s'ils sont irréguliers; 2° si par leur seul fait ils sont privés de leurs bénéfices?

R. Ad 1. On a déjà décidé, Voyez IRRÉGULARITÉ, cas XIII, que si leur péché est secret, comme il l'est d'ordinaire, ils ne sont pas irréguliers, parce que cette peine n'est nulle part portée dans l'ancien droit, et que la bulle 72, de Pie V, qui établirait le contraire, n'a point été publiée dans ce royaume, où, grâces à Dieu, elle n'a pas besoin de l'être, et que d'ailleurs elle regarde le for extérieur; comme je l'ai prouvé d'après Gibalin, tom. IV de ma Morale, in-8°, part. 2, de Irregularitat., cap. 6, pag. 401 et 402.

Ad 2. Pie V prive par la même bulle, Omnes et quoscunque presbyteros et alios clericos sæculares et regulares. cujus cunque gradus et dignitatis, tam dirum nefas exercentes, omni privilegio clericali, omnique officio, dignitate et privilegio. Or M. Duperrai et M. Durand qui le cite, tom. II, p. 758, disent que, « quoiqu'on ne cite aucun arrêt,

qui marque que la bulle de ce pontife est reçue en France, il faut tenir pour ceux qui croient que cette peine a lieu dans ce royaume, sans qu'il soit nécessaire d'une sentence. » Mais si cette bulle n'est pas reçue, ou qu'elle ne regarde que les cas relatifs au for extérieur, elle ne peut rien opérer pour les cas entièrement occultes. Et je crois qu'on peut s'en tenir là. Ajoutez que le mot exercentes semble marquer un péché commis plus d'une fois, et en quelque sorte d'habitude.

CAS III. Marin et Lucien se sont convertis le premier est devenu un modèle de pénitence; Lucien n'est ni froid ni chaud. Peuvent-ils recevoir les ordres sacrés ?

R. A parler en général, de tels coupab'es devraient être pour toujours exclus du sacré ministère, comme on le voit dans le P. Thomassin, Discip. Ecclésiast., part. 2, liv. 11, ch. 15, et suiv. Néanmoins le besoin de sujets, la parfaite réforme des mœurs, grands talents, peuvent faire recevoir Marin. Mais Lucien fera très-bien de faire pénitence, et de rester in minoribus.

SOLLICITEUR. Voyez PROCÈS.

SOMMATIONS RESPECTUEUSES.

La sommation respectueuse est un acte fait par le ministère de notaires et dans lequel un enfant requiert son père et sa mère, ou l'un deux, de consentir à son mariage. Cette formalité ne peut être employée que par les enfants majeurs qui remplacent, par ces sommations, le consentement que les enfants mineurs doivent absolument obtenir, à peine de nullité de leur mariage. Le fils qui n'a pas atteint l'âge de 25 ans accomplis, la fille qui n'a pas atteint l'âge de 21 ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leur père et mère; en cas de dissentiment, le consentement du père suffit. Si l'un deux est mort ou s'il est dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l'autre suffit. Si le père et la mère sont morts ou s'ils sont dans l'impuissance de manifester leur volonté, les aïeuls et aïeules les remplacent: s'il y a dissentiment entre l'aïeul et l'aïeule de la même ligne, il suffit du consentement de l'aïeul. S'il y a dissentiment entre les deux lignes, ce partage emportera consentement. Les enfants de famille ayant atteint la majorité fixée par la loi sont tenus avant de contracter mariage de demander, par un acte respectueux et formel, le conseil de leur père et de leur mère, ou celui de leurs aïeuls ou aïeules, lorsque leur père et leur mère sont décédés, ou dans l'impossibilité de manifester leur volonté. Depuis la majorité jusqu'à l'âge de trente ans accomplis pour les fils et jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans accomplis pour les filles, l'acte respectueux prescrit par la loi et sur lequel il n'y aurait pas de consentement au mariage, serà renouvelé deux autres fois, de mois en mois, et un mois après le 3' acte il pourra être passé outre à la célébration du mariage.

Après l'âge de trente ans, il pourra être, à défaut de consentement sur un acte respectueux, passé outre, un mois après, à la célébration du mariage.

En cas d'absence de l'ascendant auquel eût dû être fait l'acte respectueux, il sera passé outre à la célébration du mariage, en représentant le jugement qui aurait été rendu pour déclarer l'absence.

L'usage des sommations respectueuses remonte jusqu'au milieu du xvIe siècle. L'édit de mars 1697 permettaient d'exhéréder les enfants qui s'étaient mariés sans avoir requis le consentement de leur père et mère au moyen de ces sommations respectueuses. Dans notre droit, le défaut d'actes respectueux entraîne contre l'officier de l'Etat civil qui a célébré le mariage une amende et même un emprisonnement, mais il n'influe en rien sur la validité du mariage.

Ne vous êtes-vous point marié sans raison légitime, malgré vos pères et mères, avec une personne qui ne vous convenait pas et qui ne pouvait que déshonorer votre famille ? Péché mortel. Tremblez, enfants de famille, jusque dans ces sommations qu'on appelle respectueuses, qui sont rarement sans révolte et qui sont presque toujours suivies des châtiments du ciel.

SONGE.

Le songe est un mouvement de l'imagination qui, lorsqu'on dort, représente aux sens un objet qui cause quelque impression selon la nature de la chose représentée. Les songes viennent quelquefois du tempérament, quelquefois des traces que les objets ont formées. pendant le jour; quelquefois du démon; quelquefois aussi de Dieu, qui veut faire connaitre aux hommes sa volonté. Quelques songes, il est vrai, peuvent venir de Dieu; l'Ecriture Sainte en fournit plusieurs exemples. Qui de vous oserait se flatter d'avoir de semblables songes? Il arrive très-rarement, dit saint Grégoire, que Dieu nous avertisse par des songes. La foi aux songes, dit le Sage, en a trompé plusieurs qui ont péri dans leur fausse confiance; c'est ce qui arriva à ce misérable qui, ayant ajouté foi à des songes, se persuada qu'il vivrait longtemps et se mit à accumuler des richesses dont il ne profita pas, étant mort subitement, dépourvu de mérites et de bonnes-œuvres. Une autre personne crut voir en songe les numéros qui devaient gagner dans une loterie; elle vendit tout ce qu'elle avait, emprunta tout ce qu'elle put, afin de jouer un plus gros jeu, et il ne sortit aucun des numéros en question.

La plupart des songes (à l'exception de ceux qui sont inspirés de Dieu) sont autant d'idées creuses et vaines, sur lesquelles on ne doit faire aucun fonds. Ubi mulia sunt somnia, plurimæ sunt vanitates, dit le Sage, Eccle. v, 6, et qui ne servent qu'à tromper ceux qui y ajoutent foi. Multos enim errare fecerunt somnia, et exciderunt sperantes in illis. Eccli. XXXIV, 7. C'est pour cela que le prophète Jérémie défend d'y faire attention: Ne attendatis ad somnia vestra quæ somniatis, Jerem. xxix, 8; et que l'Ecriture met au nombre des impiétés du roi Manassès la foi qu'il ajoutait aux songes: Observabat somnia, II Paralip., xxx!!!, 6. Dieu permet pourtant quelquefois que les songes se trouvent vrais par l'effet qui s'ensuit. Et c'est pour cela que Socrate, Néron, Galba, Caracalla, Domitien, Genséric, Constans et Aristodamus eurent des songes du jour qu'ils devaient mourir, si on en croit Dupleix; et que l'empereur Maurice rêva qu'il pėrirait par la main d'un de ses soldats, ce qui arriva en effet. Valère-Maxime, Hérodote et d'autres historiens en rapportent plusieurs autres exemples. Vespasien, étant en Achaïe, songea en dormant qu'il serait heureux, quand Néron aurait perdu une den: ce qui arriva par son élévation à l'empire peu de temps après, comme le rapporte Coëffeteau, liv. vn, Hist. Rom., Vie de Vespasien. On peut encore voir d'autres exemples semblables dans Cicéron et dans plusieurs autres, qu'il est inutile de rapporter.

CAS I. Marsius ayant connu par piusieurs songes des choses qui lui sont arrivées dans la suite, ajoute foi aux autres et tâche, en les interprétant, de découvrir certains événements qu'il appréhende, ou qu'il désire. Fait-il mal?

R. Il y a des songes qui viennent de Dieu. Tels sont ceux dont il est dit, Num. x11, 6: Si quis fuerit inter vos propheta Domini, in visione apparebo ei, vel per somnium loquar ad illum; et dont parle Job, quand il dit, cap. xxxm, v. 15, Per somnium in visione nocturna, quando irruit sopor inter homines, el dormiunt in lectulo; tunc aperit (Deus) aures virorum, et erudiens eos instruit disciplina. L'Ecriture nous en fournit beaucoup d'exemples. Car le patriarche Joseph connut en songe qu'il serait élevé au-dessus de ses frères; Nabuchodonosor, ce qui lui devait arriver; les mages, qu'ils ne devaient pas retourner vers Hérode.

Il y a des songes qui viennent du tempérament, et qui d'ordinaire s'y trouvent conformes. Il y en à qui viennent des pensées ou des désirs qui ont occupé pendant le jour. Enfin il y en a qui viennent de la malignité et de l'artifice du démon. Ingerunt dæmones nobis cogitationes_et_somnia, dit saint Augustin, Epist. 3, n. 3. C'est de ces songes, dont il est dit Eccli. xxxiv, qu'ils en ont fait tomber plusieurs dans l'erreur. Et c'est pourquoi Dieu avait défendu à son peuple d'y ajouter foi.

Cela posé, il est aisé de voir que les causes des songes étant si incertaines à notre égard, si différentes entre elles, et en si grand nombre, nous ne devons pas y ajouter foi, parce que la seule véritable, c'est-à-dire celle qui vient de Dieu, porte avec elle une impression si vive de lumière, qu'il est moralement impossible de s'y méprendre, et qu'ainsi ceux où cette impression ne se

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