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de temps la maison se trouve toute rebâtie à neuf. Il meurt ensuite sans avoir rien changé à son testament. Théotime demande à son héritier la délivrance de son legs : l'héritier soutient qu'il n'est pas à presumer que celui qui lègue une maison qui menace ruine, ait dessein que son légataire en ait une neuve. L'héritier n'est-il pas bien fondé dans son refus?

R. Non, parce que le changement des parties qui composent un tout, n'empêche pas que ce tout ne doive être considéré comme le même; et que par conséquent cette maison, refaite entièrement à différentes reprises et par parties, ne soit censée être la même maison. Si domus fuerit legata, licet particulatim ita refecta sit, ut nihil ex pristina materia supersit, tamen dicimus utile manere legatum, dit la loi 15, ff. de Legatis I. Ainsi, il en est de cette maison comme d'un troupeau de moutons qui, depuis qu'il a été légué, est tellement renouvelé qu'il n'en reste au temps de la mort du teslateur aucun de ceux qui le composaient. Car comme ce troupeau, quoique tout à fait changé successivement, est toujours censé le même et appartiendrait à un légataire à qui il aurait été légué avant ce changement, de même la maison dont il s'agit, etc.

CAS XIII. Aristobule ayant fait un legs de quatre mille livres à l'église de S. à la charge que le curé et les marguilliers en feront l'emploi en un contrat de deux cents livres de rente pour payer l'honoraire d'une messe basse Conrad, exécuteur du testament et héritier du défunt, offre de leur compter celle somme à cette condition; mais le curé et les marguilliers répudient ce legs. Conrad peutil, sur leur refus, retenir pour lui les quatre mille livres?

R. Si Aristobule n'a par spécifié dans son testament ou déclaré au moins de vive voix, que Conrad pourrait retenir pour lui les quatre mille livres sur le refus que le curé et les marguilliers feraient d'accepter ce legs, il est obligé d'employer cette somme en d'autres œuvres pieuses. 1 Parce qu'il se peut faire que le défunt ait ordonné qu'elle serait employée en cette bonne œuvre pour s'acquitter de quelques rest tutions incertaines auxquelles il se croyait obligé de satisfaire en cette manière; auquel cas l'héritier, qui n'est censé qu'une même personne avec le défunt, en ce qui regarde ses obligations, serait également tenu comme lui. 2 Parce que, quoique Aristobule ne fût obligé à aucune restitution, son intention présomptive a été que cette somme fût en ce cas employée à quelque autre œuvre pieuse pour le soulagement de son âme. Cet héritier ne peut donc pas, sans pécher contre la justice, retenir à son profit ce que ce défunt avait retranché du bien qu'il lui laissait et qu'il avait consacré à Dieu et à l'Eglise. Il doit même s'acquitter promptement de cette obligation, puisque, selon saint Antonin, ceux quidiffèrent à payer les legs pieux,commettent une espèce de sacrilége.

-

Dans ce cas, il faut ou diminuer les

charges, ou porter à une église pauvre ce qu'une église plus riche ou déjà trop chargée, ne veut pas accepter. Le meilleur est d'agir de concert avec les supérieurs.

CAS XIV. Eradius ayant fait son testament par-devant le curé de sa paroisse, en présence seulement de deux témoins, et ayant légué trois cents livres aux pauvres, son héritier refuse d'acquitter ce legs, soutenant que le testament est nul, puisque, selon les ordonnances, un testament reçu par le curé du testateur, n'est valide que lorsqu'il y a quatre témoins. Cet héritier n'a-t-il pas raison?

R. Il aurait raison à l'égard de tout autre legs qui ne serait pas fait pour une cause pieuse. Mais ce legs ayant été fait pour une telle cause, c'est-à-dire en faveur des pauvres, il est obligé, en conscience, à l'acquitter; car un legs fait pour une cause pieuse par un testament reçu par le curé, en présence de deux témoins, ne doit pas être moins favorable que celui qui est fait par le testament d'un homme de guerre. D'après nos lois, les curés n'étant plus aptes à recevoir les testaments, il est bien clair que le testament en question est nul au for extérieur. Mais au for intérieur, Eradius n'estil pas obligé d'acquitter ce legs fait aux pauvres ? C'est ce qui est controversé. Or celuici n'a pas besoin de sept témoins, quoique les lois les exigent en tout autre testament. C'est pourquoi Alexandre Ill, cap. 2, de Testament., etc., enjoint aux juges de re onnaitre pour valides les dispositions testamentaires, quoiqu'il n'y ait assisté que deux ou trois témoins. Nos meilleurs jurisconsultes, comme Carondas, Ménard, Papon, Mornac, etc., sont de ce sentiment. Cabassut, qui les cite, lib. vi, c. 20, n. 5, ajoute, 1° que les legs pieux ne doivent pas être sujets à la Falcidie ni à la Trébellianique, ainsi qu'il est porté par l'authentique Similiter, Cod. de Leg. Falcid.; 2° qu'encore que selon le droit romain, les legs ne doivent être payés qu'a près que l'héritier s'est déclaré tel, les legs pieux doivent être payés etiam non adita, hæreditate, ainsi que l'enseignent Bartole, Balde, Gui-Pape, et les autres juriscon sulles.

CAS XV. Cécilius ayant fait un legs conçu en ces termes: Je lègue à l'Eglise et aux pauvres la somme de six mille livres à parta ger par moitié. Le curé du lieu prétend que ces termes se doivent uniquement entendre de l'église et des pauvres de sa paroisse; mais l'héritier de Cécilius soutient qu'il lui, est libre d'appliquer ce legs à telle église et à tels pauvres qu'il voudra choisir. Ce choix appartient-il à l'héritier ?

R. On doit présumer que l'intention du testateur a été de favoriser l'église et les pauvres de son domicile. On peut même ajouter que, quand Cécilius n'aurait eu qu'une intention indéterminée, l'église et les pauvres de sa paroisse seraient préférables à tous autres. C'est la décision de Justinien, Novel. 136, c. 9; et elle est suivie par M. Domat, part. 2, liv. Iv, tit. 2, sect. 6, n. 4.

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Il n'y a en France aucune loi qui y soit contraire.

CAS XVI et XVII. Probus ayant légué à Thomas cent écus, et Thomas n'ayant survécu à Probus que d'un quart d'heure, ses héritiers ont-ils droit d'exiger ce legs?

R Oui, car dès qu'un legs est acquis à un légataire, il le transmet à ses héritiers, ainsi qu'il est porté par la loi 39, ff. quando dies, etc., lib. xxxvi, tit. 2, qui dit : Si post diem legati cedentem legatarius decesserit, ad hæredem suum transfert legatum. Ce serait autre chose si le legs eût été fait sous une condition qui ne fût pas encore accomplie lorsqu'il est décédé; car, en ce cas, le legs ne lui serait pas acquis par la mort de Probus, excepté si c'était sous condition qu'il vînt à avoir des enfants; car si en mourant après le testateur, il laissait sa femme enceinte, les cent écus lui seraient véritablement acquis, et il en transmettrait la propriété à l'enfant qui viendrait à naître, selon la loi, Is cui, 18, eod. tit. lib. xxxvi, tit. 2.

Tout ce que je vois de jurisconsultes décident que le legs non pieux n'appartient au légataire, que post aditam hæreditatem. Ainsi, en cas que cela ne fût pas encore, je consulterais les juges. A l'égard de l'enfant qui naît après la mort de son père, il est sûr qu'il remplit la condition: Si pater prolem habeat. La loi Is cui, 18, eod. tit. y est formelle. Is cui ita legatum est, quando liberos habuerit, si prægnante uxore relicta decesserit, intelligitur expleta conditione decessisse, et legatum valere, si tamen posthumus vivus natus fuerit. L'auteur l'a inutilement répété, cas LIX.

CAS XVIII. Fortunat ayant légué à Sébastien une somme de mille livres, et Sébastien étant mort une demi-heure seulement avant Fortunat, l'héritier de ce légataire prétend que celui de Fortunat lui doit payer cette somme. Lui est-elle due ?

R. Point du tout, parce qu'un legs, et par conséquent le droit de le transmettre, n'est acquis au légataire qu'au moment de la mort du testateur. Or le testateur n'est mort, comme on le suppose ici, qu'après le décès du légalaire. Donc, etc. Si eo tempore, quo alicui legatum ascribebatur, in rebus humanis non erat, pro non scripto hoc habebitur, leg. 4, ff. de his quæ pro non scriptis, etc., lib. xxxiv, tit. 8.

CAS XIX. Macé ayant légué à Michel sa maison et généralement tout ce qui s'y trou verait au temps de sa mort, il s'y est trouvé deux sacs de mille livres chacun, et un contrat de trois cents livres de rente, avec quelques dettes actives. Michel prétend que tout cela lui appartient. Se trompe-t-il?

R. Il est vrai que ce legs contient toutes les choses mobilières qui se trouvent dans la maison au temps de la mort du testateur, sans excepter les deux sacs de 1000 liv. chacun; mais le contrat de 300 liv. de rente n'est pas censé y être compris, non plus que les titres des dettes actives, ni de tous les autres droits. La raison est que les droits et les dettes actives ne consistent pas vérita

blement dans les papiers qui en contiennent les titres, et qu'on ne peut pas dire qu'ils soient situés dans un licu déterminé, comme le sont les choses corporelles. C'est la décision de Domat, et elle est fondée sur la loi 86, ff. de Legatis II.

CAS XX. Atticus ayant légué à Léonard sa maison de Paris avec tout l'ameublement qui s'y trouvera, il s'y est trouvé une tenture de tapisserie que le testateur avait enfermée dans un garde-meuble, dans le dessein de la vendre, ou d'en meubler sa maison de campagne, ce qu'il n'a pu exécuter avant sa mort. Léonard la demande avec le reste des meubles; mais l'héritier la lui refuse. Quid juris ?

R. Comme la volonté du testateur est la loi qu'il faut suivre en cette matière, et qu'il n'a pas légué sa maison avec tout ce qui s'y trouverait indéfiniment, mais qu'il a seulement exprimé l'ameublement, Léonard ne peut prétendre que cette tapisserie fasse partie de son legs, selon la loi 44, ff. de Legat., etc. III. Mais au contraire, si une tenfure de tapisserie, qui servait ordinairement à cette maison, n'y était pas au temps du décès du testateur, parce qu'il l'aurait donnée à raccommoder, ou qu'il l'aurait prêtée à quelque ami, elle serait due au legataire, comme laisant partie de son legs. Labeonis distinctionem valde probo, qui scripsit, nec quod casu abesset, minus esse legatum, nec quod casu ibi sit, magis esse legatum, leg. 16, ibid.

CAS XXI. Sigismond a légué sa maison meublée à Bernard, et s'est exprimé en ces termes Je lègue ma maison avec les meubles à Bernard. Item. Je ligue au même Bernard la tapisserie de Flandre, qui est en ma salle, et qui représente les Actes des apôtres. On demande, si deux autres tentures de lapisserie, qui sont dans les chambres de cette maison, doivent être comprises avec les meubles légués, comme le prétend Bernard contre le sentiment de l'héritier du testateur?

R. Si le testateur avait dit: Je lègue ma maison et mes meubles. Item: Je lègue mes tapisseries, celle seconde clause ne changerait rien à la généralité de son legs, et on la regarderait seulement comme superflue: mais puisqu'il a spécifié une pièce de tapisserie, il est censé avoir voulu exclure les autres, et ne léguer que sa maison avec les autres meubles. Legata supellectili cum species ex abundanti per imperitiam enumerentur, generali legato non derogatur. Si tamen species certi numeri demonstratæ fuerint, modus generi datus in his speciebus intelligitur, dit la loi 9, ff. de Supell. I. xxxm, tit. 10. C'est aussi la décision du celèbre M. Domat.

CAS XXII. Flavius ayant acheté un jardin voisin pour l'utilité de sa maison, il l'a léguée à Valérius, sans faire mention du jardin. Valérius demande à l'héritier le jardin, aussi bien que la maison. L'héritier le lui refuse, sur ce que le testament n'en fait aucune mention. Le peut-il sans injustice?

R. Non; car la maison, qui est le principal, étant léguée, le jardin qui en est l'accessoire, comme il parait, s'il y a une porte de communication, est aussi censé légué; et il n'est pas plus nécessaire de le spécifier que la cour et les autres commodités qui sont jointes à la maison. La loi 91, ff. de Legatis, III, y est formelle, si le propriétaire aditum in hortum per domum habuit. C'est par cette raison qu'en léguant un fonds, on lègue les augmentations qui y ont été faites depuis la clôture du testament.

CAS XXIII. Romain faisant commerce d'épiceries à Bordeaux et à Rouen, et ayant fait un fonds particulièrement affecté pour le commerce de chacune de ces deux villes, a légué ses biens à ses deux neveux, Jean et Jacques. Il a donné à Jean le fonds du commerce de Rouen, et à Jacques celui de Bordeaux. L'un et l'autre s'étant rendus sur les lieux, Jean a reconnu par le livre-journal du défunt, que son oncle avait envoyé un mois avant sa mort, à Bordeaux, 12,000 liv. en argent, pour payer des marchandises qu'il avait fait acheter en cette ville-là pour son commerce de Rouen, où elles devaient être envoyées et débitées. Sur quoi il a écrit a Jacques qu'il devait lui tenir compte de cette somme. Jacques lui a répondu que, puisque les marchandises achetées n'étaient pas encore payées ni livrées, et que les 12,000 liv. s'étaient trouvées actuellement à Bordeaux au temps de la mort de leur oncle, ces effets devaient être censés faire partie du fonds de son commerce, et non pas de celui de Rouen. Jacques n'a-t-il pas raison?

R. Jacques est obligé de tenir compte à Jean des marchandises qui sont à Bordeaux et que son oncle avait destinées pour son commerce de Rouen; et si ces marchandises n'avaient pas encore été achetées à Bordeaux, Jacques serait tenu de renvoyer les 12,000 liv. à Jean, puisque cette somme fait partie du fonds du commerce que le défunt faisait à Rouen, et qu'il ne l'avait pas destinée pour celui de Bordeaux qui a été légué à Jacques. Ce cas est ainsi décidé, leg. 35, ff. de Hæredit. instit. On ne peut trop remarquer à cette occasion, que la première règle qu'on doit suivre dans l'interprétation des ambiguïtés qui se peuvent trouver dans un testament, est la volonté du testateur, dont la connaissance ne dépend pas seulement des termes clairs dont il s'est servi, mais encore des conséquences sûres qu'on en peut tirer, ou même des conjectures bien fo dées qu'on peut former. Leg. 5, Cod. de Necess. servis, elc., lib. vi, tit. 27.

Cas XXIV. Hidulphe a légué à Gabriel l'usufruit de sa maison et de toutes les choses qui s'y trouveront au jour de son dé ès, à l'exception de l'argent complant. Hidulphe étant mort, on y a trouvé pour 2,000 écus de marchandises, dont il faisait commerce. Gabriel prétend que ces marchandises font partie du legs: l'héritier soutient le contraire, Qui des deux a raison?

R. C'est l'héritier; parce que le testateur ne doit être présumé avoir légué à Gabriel

que l'usufruit des choses qui étaient destinées à meubler ou à orner la maison, ou à y demeurer pour toujours; et que des marchandises qu'il n'avait que pour les vendre n'étaient pas de cette espèce. Leg. 32, ff. de Usu et Usufructu, lib. 1, tit. 2.

CAS XXV. Marcellin ayant deux maisons contigues, en a légué une à Raimond, et l'au tre à Médéric. Un an après, Raimond a voulu élever sa maison, ce qu'il ne pouvait faire sans ôter beaucoup de jour à celle de Médéric, lequel s'y est opposé. Le peut-il faire avec justice? De plus, Raimond voyant que le mur sur lequel les deux maisons sont appuyées avait besoin d'être refait, prétend obliger Médéric à porter la moitié de la dépense, à quoi Médéric ne veut pas consentir. Peut-il encore sans injustice contraindre Médéric de contribuer à cette dépense?

R. 1° Raimond ne peut élever sa maison de manière à ôter le jour nécessaire à celle de Médéric. Car on doit présumer que le testateur n'eût pas voulu qu'il rendit inutile, ou très-incommode, la maison qu'il a léguée à l'autre légataire; 2° Raimond peut obliger Médéric à porter la moitié de la dépense nécessaire pour la réfection du mur dont il s'agit; car ce mur, qui avant le legs n'appartenait qu'à un seul propriétaire, est devenu commun aux deux légataires, en conséquence de la disposition qu'a faite le testa eur. D'où il suit qu'ils sont tenus de porter chacun par moitié les frais qu'il faut faire pour le réta– blir. La première partie de cette décision se trouve leg. 20, ff. de Servit. urban. præd. La seconde leg. 4, ff. de Servil. legal.

CAS XXVI. Hypparque a légué à Clément le tiers du revenu d'une maison affermée 1,500 liv. depuis dix ans. Aiasi cette portion doit produire 500 liv. par an à Clément. L'héritier d'Hypparque vend cette maison 42,000 liv. Clément prétend que cet hér tier lui doit payer son tiers sur le pied de l'intérêt que doit produire cette somme, c'est-à-dire 700 liv. au lieu de 500. L'héritier y est-il obligé?

R. Non; car un legs assigné sur un fonds ne doit être réglé que sur la valeur du revenu de ce fonds, et non eu égard à l'intérêt que peut produire le prix de vente du même fonds, parce que le testateur n'a eu d'autre intention que de léguer ce que pourrait valoir chaque année celte portion. C'est la décision de la loi 22, ff. de Annuis legatis, lib. XXXIII, tit. 1.

-Cependant si l'héritier avait loué la maison 2,000 liv., il aurait été obligé de donne plus de 500 livr, au légataire.

CAS XXVII. Nicandre ayant fait son testament double, et tous les deux étant sans défaut et signés par le testateur, il s'est trouvé que par l'un i léguait 100 écus à René, et que par l'autre il lui léguait 200 écus. René demande 200 écus à l'héritier, qui prétend au contraire ne lui donner que 100 écus. De quel côté est la justice?

DICTIONNAIRE DE CAS DE CONSCIENCE. II.

R. L'héritier ne doit à René que 100 écus: 1 parce que dans les cas obscurs comme est celui-ci, il faut suivre la règle : In obscuris minimum est sequendum; vu surtout que la

condition d'un héritier est naturellement plus favorable que celle d'un légataire; 2° parce que l'héritier qui est le débiteur en peut user dans cette occasion comme il lui serait permis de faire dans le cas où le legs serait conça en ces termes alternatifs, c'est-à-dire, comme si le testateur avait dit: Mon héritier donnera 100 écus ou 200 écus à Réné: or en ce cas il serait au choix de l'héritier de lui donner laquelle des deux sommes il lui plairait, suivant cette autre règle de droit: In alternativis debitoris est electio, et sufficit alterum adimpleri. Cette difficulté est ainsi décidée, leg. 47, ff. de Legatis, etc., II.

CAS XXVIII. Ferdinand a légué 150 liv. de pension viagère à Rodolphe, qui était condamné aux galères perpétuelles. L'héritier de Ferdinand prétend que ce legs est nul, parce que Rodolphe est mort civilement, N'agit-il point en cela contre la justice?

R. Oui sans doute, parce que l'humanité et les lois autorisent une pension alimentaire faite à des malheureux qui sont dans le dernier besoin, et qu'ils peuvent les exiger pour le passé et pour l'avenir, quand le prince leur fait grâce. Is cui annua alimenta relicia fuerant, in metallum damnatus indulgentia principis restitutus est. Respondi, eum et præcedentium recte cepisse alimenta et sequentium deberi ei. Il en serait de même d'un étran

ger à qui on aurait légué une pension alimentaire; car il n'y a pas plus de raison pour l'un que pour l'autre.

CAS XXIX. Falcidius ayant légué à Cosme 200 liv. de pension viagère, à en commencer le payement au 1er avril 1705, et Cosme étant mort le 1 mai 1707 après avoir été payé des deux années précédentes, Sempronius son héritier veut obliger l'héritier du testateur à lui payer 200 liv. pour la troisième année; parce que, dit-il, une pension se doit payer par avance, et qu'ainsi la troisième année étant commencée, lorsqu'il entre dans les droits du défunt en qualité de son héritier, il en doit profiter. Cela est-il juste?

R. Oui; car la règle générale est que le legs d'une pension alimentaire annuelle est acquis au légataire dès que l'année est commencée, et qu'ainsi la somme léguée est due tout entière dès que l'année commence à courir, à moins que le testateur, pour ménager son héritier, lui eût seulement ordonné de payer la pension au légataire par avance, de quartier en quartier jusqu'au jour de son décès. Cela est ainsi statué par les lois: Si quotannis sit legatum, mihi videtur etiam in hoc initium cujusque anni spectandum, nisi forte evidens sit voluntas testatoris in annuas pensiones ideo dividentis; quoniam non legatario consultum, sed hæredi prospectum voluit, ne urgeretur ad solutionem. Leg. 12, § 4, ff. Quando dies, etc.

CAS XXX. Thibaud, ayant légué à Robert la somme annuelle de 300 liv., par forme de pension alimentaire, Robert a trouvé quelque temps après tous ses besoins, et même une pension de 500 liv., dans la libéralité de son oncle. L'héritier de Thibaud est-il,

malgré cela, tenu à lai continuer cette pension?

R. Oui; parce que, quoique le premier motif du testateur ait été de donner à Robert de quoi subsister, c'est néanmoins une charge qu'il a imposée à son héritier en lui laissant ses biens, de laquelle il n'est pas en son pouvoir de s'affranchir; et l'équité naturelle ne permet pas qu'une personne profite d'un bien qui a été donné à un autre, et sur lequel elle n'a aucun droit.

- Le testateur n'impose pas plus de charge à son héritier qu'il ne s'en était imposé à lui-même. Or j'ai peine à croire que s'il avait promis à Robert 300 liv., uniquement pour lui donner du pain, il y fût resté obligé après que Robert n'aurait plus eu besoin de ce secours. Il semble donc que ce cas doit se décider par l'intention justement présumée du testateur, à laquelle Pontas nous renvoie si souvent. Au reste, la loi 3, Cod. de Hæreditariis, et la loi 10, ff. de Alimentis, sur lesquelles ce docteur s'appuie, ne prouvent rien pour lui.

CAS XXXI. Papinien lègue à Sulpice, son domestique, six mois d'aliments, d'entretien et de logement. Sulpice a été nourri, logé et entretenu chez son père pendant ces six mois; ensuite de quoi il a demandé à l'héritier de Papinien qu'il lui payât la juste valeur de ses aliments et du reste. L'héritier y est-il obligé ?

R. Oui, parce qu'il est clair que l'intention du testateur a été de faire une grâce au légataire, et que la petite fortune qui lui est venue ne doit pas l'en priver.

CAS XXXII. Théotime, homme riche, qui donnait 300 liv. tous les ans à Barnabé, son cousin, pauvre écolier, lui a légué en mourant une pension viagère, mais sans spécifier de quelle somme elle serait. L'héritier de Théotime est-il obligé à lui payer 300 liv. de pension alimentaire?

R. Lorsqu'il y a quelque chose d'obscur dans un testament, il faut avoir recours aux présomptions qui peuvent servir à découvrir la volonté du testateur. Puis donc que Théotime avait coutume de donner, chaque année, 300 liv. à Barnabé pour le faire étudier, il est à présumer que, s'il était encore vivant, il voudrait lui continuer cette pension, surtout eu égard à ce qu'il était riche, que Barnabé était pauvre et qu'il était son parent et ainsi, l'héritier du défant ne doit pas refuser à Barnabé les 300 liv. annuelles qu'il lui demande; et c'est ce que décide la loi 14, ff. de annuis Legatis, 1. xxxm, tit. 1, qui dit: Si cui annuum fuerit relictum sine adjectione summa... verior est Nervæ sententia, quod testator præstare solitus fuerat, id videri relictum.

CAS XXXIII. Yves institue par testament son héritier Mævius, son fils aîné, sans faire aucune mention de Cassius, son second fils, parce qu'il était très-mécontent de sa conduite. Il ordonne néanmoins verbalement à Mævius de lui donner une somme considérable, ce que Mævius promet de faire. Deux ans après, Cassius meurt chargé de dettes,

contractées presque toutes par ses débauches ordinaires. Mævius, qui jusqu'alors ne lui a donné qu'une fort petite partie de la somme dont Yves son père l'a chargé, demande 1° si dans la rigueur il est tenu de payer ce legs verbal, dont il n'est fait aucune mention dans le testament; 2° si en cas qu'il y fût obligé, il est tenu de payer les dettes que Cassius son frère a laissées, jusqu'à la concurrence de ce qui lui reste entre les mains?

R. Mævius est obligé d'exécuter la dernière volonté d'Yves, comme il le lui a promis, en donnant à son frère la somme ordonnée par son père, en la manière qu'il le lui avait prescrit. Mais comme Yves n'avait fait ce legs à Cassius que pour le faire subsister, et qu'il a pu le faire en deux manières, c'est-à-dire en ordonnant à Mævius de lui donner d'abord toute la somme et de lui en laisser la libre disposition, ou bien de ne la lui donner que par parties, et autant qu'il en aurait besoin pour vivre, il est constant que dans le premier cas Mævius n'ayant pas délivré toute la somme léguée à Cassius avant sa mort, il est tenu d'employer le res tant à acquitter les dettes qu'il a contractées, ses créanciers étant entrés dans ses droits. Mais il n'est pas dans la même obligation dans le second cas, c'est-à-dire si son père lui avait ordonné de ne donner à Cassius cette somme que par parties et pour subvenir à la nécessité où il le verrait réduit; car en ce cas ses créanciers n'auraient aucun droit sur le restant de la somme qui serait demeuré entre ses mains. C'est le sentiment de S. B., t. 3, cas 106.

- Selon l'art. 1 de l'ordon. du mois d'août 1735, toutes les dispositions testamentaires, ou à cause de mort, qui ne seraient faites que verbalement, sont nulles. Reste à savoir si la promesse de celui qui accepte la disposition verbale est aussi nulle. Je ne vois pas pourquoi elle serait réputée telle, jusqu'à ce que la loi l'ait statué.

CAS XXXIV. Aurélius, ayant légué une maison à Prosper, à condition qu'il donnerait à Philémon 500 liv. par forme de legs, avant qu'il s'en mit en possession, et Philémon étant décédé un jour avant Aurélius, Prosper prétend que l'héritier du testateur le doit mettre en pleine possession de la maison, sans rien payer des 500 liv. à personne. Sa prétention est-elle juste?

R. Très-juste; parce que la condition sous laquelle Aurélius lui avait légué sa maison, étant devenue impossible à cause de la mort de Philémon, Prosper cesse d'y être soumis, et doit avoir la maison sans être obligé de payer les 500 liv., puisqu'un legs devient éteint par la mort du légalaire arrivée avant celle du testateur : et il en serait de même, si Philémon, étant vivant après le décès du testateur, refusait de recevoir les 500 liv. qui lui auraient été léguées; car Prosper profiterait dans ce cas, comme dans le premier, de la somme qu'il était chargé de donner à Philémon, comme le porte la loi 1 de Condit., etc., Instit. 1. xxviu, tit. 7.

CAS XXXV. Satyrus, se voyant près de mourir, a donné 200 liv. à Barbe sa filleule, pour lui faire apprendre un métier, et a mis celte somme entre les mains de Catherine, mère de cette fille. Deux jours après Satyrus meurt, et Barbe deux mois après. On demande si le legs appartient à Catherine, comme héritière de sa fille, ou si elle est tenue de restituer les 200 liv. aux héritiers de Satyrus?

R. Si Catherine se trouve dans une coutume, comme celle de Paris et beaucoup d'autres, où père et mère succèdent à leurs enfants, nés en loyal mariage, s'ils vont de vie à trépas, sans hoirs de leurs corps, aux meubles, acquets el conquets immeubles, elle peut retenir cette somme. D'après nos lois actuelles, la mère hérite de sa fille morte sans postérité.

Cette décision est étrangère à la difficulté. Il ne s'agit pas de savoir si une mère doit hériter de sa fille, mais de savoir si, quand un legs a été fait sous une condition qui ne peut être remplie, ou plutôt pour une fin qui ne peut avoir lieu, il subsiste toujours. Si Satyrus avait de son vivant donné les 200 liv. à Catherine pour faire apprendre un métier à Barbe, et que celle-ci fût morte deux jours après, Catherine pourrait-elle retenir cette somme sans un nouveau consentement du donateur? Or, l'héritier n'a pas moins de droit que son auteur.

CAS XXXVI. Népotien a chargé, par son testament, Félix, son héritier, de donner à Lambert son domestique de quoi lui faire apprendre un métier. Félix ne peut-il pas choisir le métier dont l'apprentissage coûtera le moins?

R. Il est de l'équité pour lui et pour Lambert, qu'il ne choisisse ni un métier trop coûteux, ni un métier pour lequel Lambert n'aurait ni goût ni disposition. Il faut donc qu'ils s'arrangent tous deux ex æquo et bono, ou qu'ils s'en rapportent à un sage arbitre, et, à la rigueur, au juge. Ainsi réglé, leg. 12, ff. de Legatis, etc., III.

CAS XXXVII. Mélétius, ayant légué à Suzanne, sa nièce, 400 liv., en ces termes: Je lègue 400 liv. à Suzanne, ma nièce, jusqu'à ce qu'elle soit mariée, Suzanne prétend que cette somme lui soit payée chaque année par l'héritier, jusqu'à ce qu'elle se marie. Mais l'héritier prétend que ce legs ne doit être que de cette somme une fois payée, puisque Mélétius n'a pas marqué que ce dût être une pension annuelle. Que dire?

R. L'héritier doit payer cette somme, chaque année, jusqu'à ce que Suzanne se marie. Car il est à présumer que le testateura voulu donner à sa nièce un fonds qui fût capable de la faire subsister jusqu'a ce qu'elle fût établie; ou, en cas qu'elle eût assez de bien pour fournir à sa subsistance, lui donner par cette pension le moyen d'augmenter son propre fonds, afin de trouver un parti plus avantageux. C'est ainsi que le décide la loi 15, ff. de Legat. annuis, 1. xxxi, tit. 1.

CAS XXXVIII. Agnès, ayant légué 200 liv. de pension annuelle à Marie, à condition

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