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du 3 juin 1539, que la jouissance n'excédát

cent ans.

CAS XIII. Un prince ne peut-il pas par son autorité donner au possesseur de mauvaise foi le domaine de la chose qu'il a possédée pendant le temps requis par les lois?

R. Non, la raison et l'équité s'y opposent: Verum est, dit saint Thom. quodlib. 12, a. 24, quod omnia sunt principum ad gubernandum, non ad retinendum sibi, vel ad dandum aliis. CAS XIV. Médard ayant possédé dix ans un demi-arpent de terre, dont Renaud était le véritable propriétaire, Renaud n'a sommé juridiquement Médard de le lui rendre que le soir du dernier jour qui rendait les dix ans accomplis. Médard soutient qu'il doit jouir du droit de la prescription, parce qu'il ne s'en fallait que cinq à six heures que le temps fixé par la loi ne fût accompli. Qui a

raison ?

R. Médard ne peut refuser à Renaud la restitution du demi-arpent qu'il réclame; parce que la demande faite le dernier jour contre la prescription en interrompt le cours jusqu'à ce que le dernier moment de ce jour soil expiré: In omnibus temporalibus actionibus, dit la loi 6, ff. de Oblig., 1. XLIV, tit. 7, nisi novissimus totus dies compleatur, non finit obl gationem. C'est par cette raison qu'un ecclésiastique ne peut sans crime, et sans encourir les peines canoniques, recevoir les ordres sacrés avant que le dernier jour du temps prescrit par l'Eglise soit entièrement expiré. Ainsi la maxime de saint Antonin: Quod parum deest, nihil deesse videlur, n'a pas lieu dans les choses de droit rigoureux, et moins encore dans celles où la loi est précise.

CAS XV. L'évêque d'Agen a découvert qu'il avait droit de conférer le doyenné de l'église cathédrale sur l'élection du chapitre, et de donner au doyen curam eccles œ et animarum, dont néanmoins son métropolitain est en possession depuis plus de cent ans. L'évêque a-t-il perdu son droit par la prescrip

tion?

R. Il l'a perdu, parce qu'une église peut prescrire contre une autre par une possession de 40 ans, et même contre celle de Rome par une de cent ans; pourvu cependant que la prescription ait toutes les conditions nécessaires pour être légitime. C'est la décision d'Alex. III, c. 8, de Præscript., I. II, tit. 16.

CAS XVI. Pantaleon, abbé, ayant vendu à Vital un bois de son abbaye sans garder les formalités nécessaires, et Vital ayant ensuite vendu ce bois à Robert, le successeur de Pantaleon demande aujourd'hui à Robert la restitution de ce bois qu'il possède de bonne foi depuis plus de 40 ans, sous prétexte que le contrat de la première vente est vicieux. Robert doit-il le rendre?

R. Il n'y est point obligé; car nonobstant tous les défauts du titre d'un premier acquéreur, un tiers acquéreur, qui a posséde de bonne foi un bien d'église pendant 40 ans, Leut en conscience user du droit de prescription, comme l'observe M. Ferrière sur les Novelles, tom. I, tit. de l'aliénation des biens

de l'Eglise, n. 7. C'est ce qui s'observe au parlement de Toulouse; et, dans un procès évoqué du parlement d'Aix à celui de Grenoble, les gens du roi de ce dernier attestèrent par un acte authentique que, selon l'ancien usage, les tiers possesseurs de bonne foi d'un bien d'église qui avait été aliéné sans les formalités requises, étaient à couvert de tout trouble après 40 ans de possession.

CAS XVII. Fuldrade, seigneur bas justicier en Normandie, ayant laissé échoir six années d'arrérages d'une rente seigneuriale, son vassal Guilbert ne lui en veut payer que trois, alleguant le droit de prescription pour les autres. A-t-il raison?

R. est vrai que selon la coutume de Normandie, art. 31, les seigneurs bas justiciers n'ont droit d'exiger que les arrérages de trois années de rentes seigneuriales qui leur sont dues par leurs vassaux, s'il n'y a compte ou condamnation, ou qu'il n'apparaisse de la première fieffe par hypothèque générale. Et cela à la différence des seigneurs hauts justiciers, qui ont droit selon là même coulume d'en demander 29. Il pourrait cependant se faire que Fuldrade fût en droit en certains cas de demander les six années. Pour entendre ceci, il faut observer que dans cette province il y a eu autrefois deux sortes de contrats d'inféodation. Les uns étaient exécutoires en tout temps; les autres, au contraire, limitaient le temps à trois années seulement. Il faut donc s'en tenir aux clauses du contrat primitif, si Fuldrade peut le représenter. S'il n'a que la possession sans titre, Gilbert peut se servir de la prescription, s'il est dans la bonne foi; c'est-à-dire, s'il n'a point demandé du temps à Fuldrade pour le payer. La raison est qu'il peut se faire que le contrat original d'inféodation porte que le rentier ne sera tenu que de payer trois années d'arrérages. Or, dans un doute bien fondé, Gilbert peut le présumer ainsi en sa faveur, jusqu'à ce que Fuldrade lui prouve le contraire selon la loi 56, ff. de Reg. juris, qui dit : Semper in dubiis benigniora præferenda sunt.

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Je déciderais la même chose, mais sur ce principe qu'il n'y a ici qu'un doute négatif, et que c'est à un créancier à prouver sa dette active. Mais si dans tout un grand canton il n'y avait que des contrats d'inféodation du premier genre, je ne serais pas si tranquille.

CAS XVIII. Félicien doit à Gautier, son seigneur 3 1. de rente seigneuriale. Gautier a été 38 ans sans en demander le payement. Après quoi Félicien n'a voulu lui payer que 29 années d'arrérages, selon les ordonnances, parce que le surplus était prescrit. Félicien, qui a toujours su qu'il devait cette rente, doit-il payer les neuf années de surplus?

R. Une rente, ou toute autre chose due de droit naturel, ne peut être pre-crite, à moins que le débiteur ne soit dans la bonne foi. Félicien ne peut donc opposer la prescription, puisqu'elle est accompagnée de mauvaise foi; à moins qu'il ne prouve que le

titre primordial de l'inféodation fixe, par ue convention réciproque du seigneur et du vassal, un temps déterminé de prescription; comme il s'en trouve plusieurs dans la coutume de Normandie, ainsi qu'on l'a vu dans la réponse précédente.

Il n'en est pas de même des rentes constituées et qui ne sont pas dues ex natura rei, mais seulement par l'autorité du prince, à laquelle les contractants se sont mutuelle ment soumis, et qui pour l'intérêt public les a fixées à un certain nombre d'années, au delà duquel l'obligation cesse: Avons ordonné et ordonnons, dit Louis XII, que les acheteurs de telles rentes (constituées à prix d'argent, volantes, pensions, hypothèques ou rentes à rachat) ne pourront demander que les arrérages de cinq ans ou moins; et si outre cinq ans aucune année d'arrérages était échue, dont ils n'eussent fait question, ni demande en jugement, ne seront reçus à la demander.... et en ce ne sont compris les rentes foncières, portant seigneurie directe ou censive. D'où il suit que la loi déchargeant entièrement les débiteurs des arrérages accumulés après les cinq ans, ces débiteurs en sont par conséquent quilles, même dans le for de la conscience;

leur obligation ne tirant sa force que de la loi, qui ne les oblige pas au delà du temps qu'elle marque.

Si on nous objectait qu'on doit juger des arrérages dus d'une rente constituée à prix d'argent, comme des gages des domestiques, et de ce qui est dû à un boulanger, boucher, etc., qu'on ne peut prescrire dans le for de la conscience, quoiqu'on n'en demande le payement qu'après le temps porté par les ordonnances, nous répondrions qu'il y a une grande différence entre ces espèces de dettes. Les secondes sont dues de droit naturel ou divin; au lieu que les arrérages d'une reute qui n'est pas foncière, mais seulement constituée à prix d'argent, ne sont dus que de droit humain, c'est-à-dire par la loi du prince, qui a fixé le temps pendant lequel on pourrait en exiger les arrérages. D'où il s'ensuit qu'encore que la somme d'argent qu'on a donnée en constitution, soit due de droit naturel, l'intérêt qu'elle produit n'est pourtant dû qu'en conséquence de la loi du prince, conformément aux conditions qu'elle prescrit.

Voyez RESTITUTION, cas V, VII, VIII.

PRÉSOMPTION.

Péché contre l'espérance. Ne vous êtes-vous point flatté de vous sauver sans faire aucune bonne œuvre ? ou vous êtes-vous imaginé qu'en faisant beaucoup de bonnes œuvres vous pouviez vous sauver, sans fréquenter les sacrements et les églises? Ne vous êtes-vous point enhardi à pécher, pensant que vous obtiendriez aussi aisément le pardon de plusieurs péchés que d'un seul, et qu'il ne vous en coûterait pas plus d'en confesser dix que de n'en confesser qu'un? N'avez-vous point différé votre conversion, presumant qu'aux approches de la mort vous auriez assez de temps; disant: Dieu est bon; il ne m'a pas fait pour me damner, un bon repentir en mourant effacera tout? Péché mortel, à moins qu'une certaine bonne foi n'excuse; c'est se fonder sur la bonté de Dieu pour l'outrager.

Présomptions en droit. Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu; on distingue les présomptions légales et les simples présomptions. La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains acles ou à certains faits; tels sont : 1° Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité; 2° les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées ; 3° l'autorité que la loi attribue à la chose jugée; 4° la force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment. La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquet elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque sur le fondement de cette présomption elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire. Les présomptions simples sont abandonnées à la prudence et aux lumières du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.

Lois fondées sur une présomption de droit ou de fart. Les lois fondées sur une présomption de droit obligent en conscience, même dans les cas où les inconvénients que la loi a voulu prévenir n'existent pas. Mais les lois fondées sur une présomption de fait n'obligent que quand le fait a eu lieu. Vous avez été condamné, par exemple, à réparer un dommage causé à un voisin par une fausse présomption du juge; vous n'êtes pas tenu en conscience à faire cette réparation, si vous pouvez vous y soustraire, ou si dans une occasion vous pouvez user de compensation.

CAS. Germain a négligé de faire l'inventaire d'une succession qui lui est arrivée et qu'il a acceptée purement et simplement; il se trouve dans cet héritage plus de dettes que de biens; par les tribunaux il a été condamné à payer toutes les dettes: peut-il en

conscience user de compensation
quelques débiteurs?

envers

R. Oui; il n'a été condamné à payer les dettes que sur la fausse présomption de ce fait, qu'il y avait assez de bien pour les payer: en conscience il n'y est pas obligé. PRÊT, Mutuum.

Le Prét est un contrat par lequel une personne transporte gratuitement à une autre le domaine d'une chose qui se consume par l'usage, tels que sont l'argent, le blé, le vin, etc.

à la charge d'en rendre la valeur en chose de même qualité et de même nature dans le temps convenu.

Le prêt diffère du prêt à usage, commodatum, par lequel on ne transfère pas le domaine de la chose empruntée. Il doit être gratuit de sa nature, quoiqu'on puisse néanmoins en retirer quelque profit en certains cas où l'on souffre du dommage, ou dans lesquels on manque de faire un profit légitime. Tout cet article doit être modifié sur les décisions de la vénitencerie. Voyez INTÉRÊT.

CAS I. Samson a prêté 2,000 1. pour deux ans à Landulfe. Il en a exigé l'intérêt, à raison du denier vingt: 1 parce qu'il a un trèsjuste fondement de craindre que Landulfe ne lui rende pas cette somme, si ce n'est longtemps après le temps convenu; 2° parce qu'il est fort probable qu'il fera un profit considérable avec cet argent. Samson peut-il sans usure recevoir cet intérêt ?

R. Non; parce que quand une action est mauvaise de sa nature et défendue par le droit naturel et par toutes les lois divines et humaines, il n'y a aucune circonstance, ni condition qui puisse l'excuser de péché, à moins que cette circonstance ne change la nature de cette action. Or, le doute et le danger de n'être pas payé de son principal ne peuvent pas changer la nature de l'action par laquelle on exige un intérêt usuraire, et de mauvaise qu'elle est la rendre bonne. Ils ne peuvent donc aussi excuser du péché d'usure celui qui par cette raison exige un tel intérêt. Ideo, dit saint Thomas, opusc. 73, de Usur., c. 6, quia dubium et periculum de sua natura non tollunt hanc vitiositatem (usura) a mutuo, quando fit spe lucri, nec dubium, nec periculum excusare possunt vitium usura. Et en effet si la prétention de Samson était juste, on pourrait avec plus de raison exiger des intérêts des pauvres que des riches ce qui est l'usure la plus criante.

On doit raisonner à peu près de même à l'égard du profit que Landulfe doit faire. Ce profit du débiteur ne donne à son créancier aucun droit d'en rien exiger au delà de son capital, parce que si cet argent vient à périr, c'est au seul débiteur à en porter la perte, comme c'est à són industrie seule qu'il doit ce profit; parce que l'argent est stérile de sa nature, et qu'il ne produit que quand on le

met en œuvre.

CAS II. Jean offre de prêter 1,000 1. à Jacques fort pauvre, il lui donne le choix ou de lai donner une caution solvable, ou de lui payer cinq pour cent d'intérêt. Jacques consent de payer cel intérêt, ne pouvant faire autrement. Jean peut-il le recevoir ?

la

R. Il ne le peut pour les raisons que nous avons alléguées dans la réponse précédente. CAS III. Saturnin, ayant en main la dot de sa femme, qui est de 3,000 1., les parents de sa femme l'ont obligé de 1 mettre entre les mains d'un marchand pour en tirer de quoi supporter les charges du mariage, comme Innoc. III, c. 7, de Donat. inter virum et ux., 1. IV, tit. 20, semble le permettre. Cela est-il juste?

R. Point du tout; et il n'y a que la voie d'une société légitime faite avec ce marchand, par laquelle Saturnin puisse faire profiter cette femme. Et c'est là le sens de la décrétale d'Innocent ill sur laquelle la Glose

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parle ainsi : Non tenetur (maritus) fenerari dolem, et de usuris alere uxorem..... sed convertat eam in societatem honestam, vel aliquod commercium.

CAS IV. Cécilius a cent écus blancs qui doivent diminuer de cinq sous à la fin du mois. Sempronius les lui demande à emprunter pour deux mois. Il les lui prête avec pacte qu'il les lui rendra en cent pièces pareilles et 25 liv. de plus pour le supplément du rabais. Ce pacte est-il usuraire ?

R. Ce pacte n'est pas usuraire; car Cécilius n'a pas intention, par ce pacle, de gagner en vertu du prêt, mais seulement d'éviter une perte qu'il souffrirait s'il gardait son argent, ce qui n'est pas défendu. Aliud est, dil saint Thomas, opusc. 73, de Usur., c. 14, vitare damnum, et aliud sperare lucrum... nec in hoc damnificatur qui mutuum accipit, quia non ad hoc accipit ut ipsum usque ad illud tempus conservet, in quo verisimiliter minus valitura esset pecunia, sed ut ipsa statim ute

retur.

M. P. ajoute que si ce débiteur offrait de rendre les 100 écus à Cécilius avant le jour du décri, celui-ci ne pourrait en conscience les refuser. Mais cela serait faux si Cécilius avait eu occasion de les employer avant le décri et qu'il en eût averti Sempronius. Il y aurait là damnum emergens.

CAS V. Hervé a emprunté 1,000 livres à Bernard; en sortant avec cet argent on te lui a volé. Qui des deux doit porter cette perte?

R. C'est Hervé, parce qu'il est devenu propriétaire de cet argent dès l'instant du prêt. Or, suivant la maxime commune, res perit domino rei c'est aussi ce qu'enseigne Justinien, l. 11, Inst., tit. 15, § 2, en ces termes : Is quidem, qui mutuum accepit, si quolibet fortuito casu amiserit quod accepit, veluti incendio, ruina, naufragio, aut latronum hostiumve incursu, nihilominus obligatus remanet.

CAS VI. Philemon ayant prêté au mois de décembre un muid de vin à Guibert, à condition qu'il le lui rendrait au premier jour de juin de l'année suivante, et Guibert ne l'ayant pas rendu au jour convenu, il l'a fait assigner pour le faire condamner à lui en payer la valeur. Guibert offre d'en payer le prix sur le pied qu'il valait quand il l'a emprunté. Philémon veut qu'il le paye sur le pied du prix courant, parce que le vin est augmenté. De quel côté est la justice?

R. Si le muid de vin a été pris par Guibert à l'estimation pure et simple qui en a été faite lorsque Philémon le lui a livré, Philémon ne peut en conscience rien prétendre au delà, quoique le vin soit devenu beaucoup plus cher dans la suite, parce que dans ce cas l'estimation d'une chose en fait la vente. Mais si l'estimation du vin n'a pas été faite

dans le temps même du prêt, elle doit être sur le pied du prix qu'il vaut au temps qu'il doit être rendu, et dans le lieu où il le doit être, parce qu'il est dû en ce temps et en ce lieu. C'est la décision de la loi fin. ff. de Cond. tritic.. 1. x, tit. 3. Si merx aliqua,

que certo die dari debebat, petita sit, veluti vinum, oleum, frumentum, tanti litem æstimandam Cassius ait, quanti fuisset eo die quo debuit si de die nihil convenit, quanti tunc cum judicium acciperetur. Voyez USURE.

PRÊT A USAGE, Commodatum.

Le prêt à usage est un contrat par lequel on accorde gratuitement à un autre le simple usage d'une chose pour une fin et pour un temps déterminé, après quoi il doit la rendre en individu.

Le commodat diffère 1 du louage qui n'est pas gratuit; 2° du simple prêt, parce qu'il ne transfère pas la propriété de la chose, mais seulement l'usage; 3° du précaire, dans lequel on ne détermine ni le temps, ni le lieu, ni l'usage. Celui à qui on fait le prêt à usage ne peut se servir de la chose prêtée que pour l'usage convenu, et il est obligé de la rendre au temps marqué et celui qui l'a prétée ne peut aussi la redemander avant ce temps. Quand le commodat n'a été fait que pour la seule utilité de celui qui l'a reçu, il est lenu d'une faute très légère, c'est-à-dire pour avoir omis la diligence qu'un homme très-prudent a coutume d'apporter dans ses propres affaires, cap. 1, extra, de Commodato, lib. 1, tit. 15; mais il n'est pas tenu d'un cas fortnit s'il ne s'en est chargé, ou qu'il y ait donné occasion, ou qu'enfin il n'ait pas rendu la chose au temps convenu.

CAS 1. Jules a prêté son cheval à Victorien pour quinze jours. Huit jours après il l'a demande à Victorien, qui a refusé de le lui renvoyer. Victorien a-t-il péché en cela?

R. Non; parce que comme dit la loi 2, § 6, ff. Depos. vel contra, I. xvi, tit. 3, contractus legem ex conventione accipiunt. Or nous avons dit que le prêt à usage est une convention par laquelle on donne gratuitement à quelqu'un une chose pour s'en servir à certain usage et pour un temps déterminé, après lequel la chose même sera rendue à celui qui l'a prêtée. Victorien n'est donc pas obligé de rendre le cheval avant les quinze jours dont on était convenu avec lui.

– On n'estimerait guère un homme qui ne renverrait pas le cheval d'un ami`qui n'en a point d'autre pour aller chez son père, qui est à l'extrémité. Je crois même que des cas aussi urgents sont exclus par épikie des conventions gratuites.

CAS 11. Hilaire a prêté un cheval à Barthélemi, qui lui a été enlevé dans le chemin par des voleurs. Sur qui doit tomber cette perte?

R. Elle doit tomber sur le prêteur, parce que celui à qui on prête une chose pour son usage n'est pas tenu du cas fortuit qui arrive sans sa faute, tel que sont les vols, les inc ndies, les inondations. C'est la décision de la loi 5, § 4, ff. Commodati, vel contra, qui dit : Quod... vi latronum ereptum est, aut quid simile accidit, dicendum est, nihil eorum esse imputandum ei, qui commodatum accepit; nisi aliqua culpa interveniat.

CAS 11. Martial a prié César de lui prêter son cheval pour aller de Paris à Versailles. Martial s'en est servi à son insu pour aller de Paris à Orléans. A-t-il pu en user ainsi sans péché?

R. Martial a péché grièvement par la fraude qu'il a commise, et il est obligé à réparer tout le dommage qu'il a pu causer par là à César, soit par la perte ou par la détérioration du cheval Qui alias re commodata utilur, non solum commodati, verum furti quodque tenetur, dit la loi rapportée dans la réponse précédente. Il faudrait raisonner diffé.

remment si Martial savait que l'intention de César était de lui laisser son cheval à sa discrétion. Si permissurum rei dominum credant, extra crimen videntur, dit Justinien, Inst. lib., Iv, tit. 1, § 7.

Cette permission peut se présumer entre bons amis; mais il ne faut ni s'y méprendre, ni en abuser.

CAS IV. Caius a laissé périr, par une négligence très-légère, un cheval que Brice lui avait prêté. Qui doit en porter la perte?

R. C'est Caïus: Cum gratia sui tantum quis commodatum accepit, de levissima etiam culpa tenetur, dit Grégoire IX, cap. 1, de Commod. D'où il faut conclure que si Caïus avait emprunté le cheval de Brice pour leur utilité commune, il ne serait chargé de la perte que pour une faute grande ou légère, lata aut levis.

CAS V. Constantin a prié Gervais d'aller à Rouen pour y prendre soin de ses intérêts, et il lui a prêté son cheval pour faire le voyage. Ce cheval a été volé par la faute de Gervais. Gervais doit-il le payer?

R. Comme Gervais n'a pas emprunté ce cheval pour sa propre utilité, si sa faute n'a été que très-légère, levissima, ou sa négligence seulement légère, la perte du cheval doit tomber uniquement sur Constantin. Si mea causa dedi (rem) dum volo pretium exquirere, dolum mihi tantum præstabit, dit la Ioi 10, § 1, ff. Commod. vel contra.

CAS VI. Mathieu et Clément, associés, ayant une dette comm ne, sont convenus que Mathieu irait la solliciteret que Clément lui prêterait son cheval. Mathieu, en revenant, à laissé périr le cheval par sa faute. Est-ce à lui seul à en porter la perte?

R. Quand le prêt à usage a été fait pour l'intérêt commun de celui qui prête et de celui qui emprunte, celui à qui le prêt est fait est non-seulement responsable du dommage qui arrive par sa mauvaise foi, mais encore de celui qui est causé par sa faute et sa négligence, lata et levi, comme il est porté par la loi 5, § 10, ff. Com. vel contra, qui dit: Übi utilitas utriusque vertitur, ut in locato... dolus et culpa prestatur.

CAS VII. Ferdinand a prête a Paul un lit. Le feu ayant pr s à la maison de Paul, ce lit a été brûlé, parce que Paul a mieux aimé sauver son bien que ce lit. Doit-il le payer à Ferdinand?

R. Oui; la raison est que quand le commodataire peut éviter la perte de la chose qu'il a empruntée, quoique aux dépens de ce qui lui appartient, il est responsable du dommage causé même par ce cas fortuit envers celui qui la lui a prêtée: Proinde etsi incendio, vel ruina aliquid contigit, vel aliquid fatale damnum, non tenebitur, nisi forte cum res commodalas salvas facere posset, suns prætulit. dit la loi 5. ff. Commodati, etc. La Glose excepte cependant, avec raison, les cas où le commodataire ne pourrait sauver le bien du prêteur qu'en laissant périr le sien qui serait d'un prix beaucoup plus considérable. Un homme sage ne laissera pas brûler son cheval de 30 pistoles pour sauver l'âne que lui a prêté son voisin, et qui ne vaut pas 10 écus.

CAS VIII. Anastase ayant prêté son cheval à Louis pour aller à Bordeaux, ce cheval s'est trouvé détérioré de moitié après son re

tour. Sur qui doit tomber ce dommage? R. Si Louis nourri et ménagé le cheval comme il le devait, et qu'il ne se soit trouvé détérioré que par l'usage qu'il avait droit d'en faire, il n'est tenu à rien envers Anastase: Si commodavero tibi equim quo utereris usque ad cer um locum, si nulla culpa tua interveniente, in ipso itinere, deterior equus factus sit, non teneber's commodai. Nam ego in culpa ero, qui in tam longum iter commodavi, qui laborem sustinere non potuit, dit la loi 10, ff. Com. vel contra.

CAS IX. Almachius a prié Luc de lui prêter son cheval pour aller à Grenoble, Luc, avant de le lui mettre entre les mains, a voulu que l'estimation en fût faite. Le cheval est péri par un cas fortuit. Sur qui doit en tomber la perte?

R. Elle doit tomber sur Almachius seul; parce que l'estimation d'une chose est une espèce de vente qu'on en fait, et Luc ne l'a exigée que pour s'assurer de son cheval contre toutes sortes d'événements, ou de sa juste valeur en cas qu'il vint à périr de quelque manière que ce lût. C'est encore la décision de la loi 5 déjà citée.

PRÊT A PRÉCAIRE. Voyez PRÉcaire.
PRIÈRE.

Prier est exposer à Dieu ses propres besoins ou ceux au prochain, avec le désir d'obtenir par Jésus-Christ, de sa bonté, les secours qu'on lui demande. On distingue surtout deux sortes de prières : la vocala, qui ne mérite le nom de prière que quand le cœur est joint aux paroles; et la mentale, qui est une élévation de l'esprit et du cœur à Dieu, à qui l'on demande intérieurement les secours dont on a besoin. Toule prière doit être faite avec un esprit de pénitence pour être agréable à Dieu, quoiqu'il ne soit pas absolument nécessaire d'être en état de grâce. Saint Augustin, in ps. 118, nous apprend aussi qu'on peut prier Dieu en quelque situation du corps qu'on soit, c'est-à-dire couché, à genoux, assis ou debout, pourvu que l'attention s'y trouve.

CAS I. Malchion a avancé que la prière est de précepte divin en plusieurs occasions. Cela est-il vrai, et quelles sont ces occasions?

R. La nécessité de la prière nous est marquée par ces paroles de Jésus-Christ, Matth. c. vn: Petite et dabitur vobis; paroles qui, selon saint Thomas, renferment un vrai précepte Petere, dit ce saint docteur, 2-2, q. 83, art. 3, cadit sub præcepto religionis quod quidem præceptum ponitur, Matth. vi, ubi dicitur Petite et accipietis. C'est pour cela que l'Eglise, avant de chanter à la messe l'oraison dominicale, proteste que c'est suivant l'instruction qu'elle a reçue de Dieu, et pour obéir à ses commandements, qu'elle ose dire Notre Père: Præceptis salutaribus moniti, elc.

Or, les principales occasions où ce précepte oblige, sont: 1° le temps de la maladie, de la persécution, d'une calamité particulière ou publique; 2° celui d'une tentation violente, d'un grand danger du salut du prochain; 3° quand on est en péché mortel et qu'on est en danger de perdre la vie; 4 quand il s'agit d'exécuter quelque grande entreprise pour la gloire de Dieu, le bien de l'Eglise, etc.

CAS II. Josse interrompt de temps en temps le canon de la messe pour ajouter et faire

des prières particulières. Sa dévotion est-elle condamnable?

R. Il n'est pas permis à un célébrant d'ajouter aucunes prières part culières au canon de la messe, excepte au temps du Memento, où, selon les rubriques, il et permis d'en faire quelques-unes pour ceux en faveur desquels on offre le saint sacrifice, pour tous les fidèles en général, et pour leurs besoins particuliers. Mais elles doivent être très-courtes, comme le portent les mêmes rubriques, orel aliquantulum, et jamais faites daas un autre endroit du canon : 1° afin de ne pas faire naître par une trop grande longueur l'ennui dans le cœur des as-istants; 2 parce qu'on ne pourrait interrompre si souvent le canon de la messe sans se distraire de l'attention qu'on doit avoir aux sens des paroles qu'on récite; 3° parce que ce serait aller contre l'usage sagement etabli, et se laisser emporter à un zèle hors de saison et peu éclairé; ce que l'Eglise n'a jamais approuvé, dit le cardinal Bona, 1. n, ch. 2, en ces termes: Hujusmodi interpositiones... inconsulta queramdam devotione introducias, nunquam approbavit Ecclesia.

CAs III. Ferrand demande à Dieu qu'il lui donne plus de biens qu'il n'en a. Pèche-t-il en cela?

R. Nous devons demander à Dieu dans nos

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