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NOVICE.

On appelle novice celui ou celle qui, ayant embrassé l'état réligieux, a commencé l'année de la probation que l'Eglise a prescrite, avant que de pouvoir faire profession de religion. L'année du noviciat doit se compter du jour de la prise d'habit, et être entièrement accomplie, sans qu'il y ait eu aucune interruption, si ce n'est pour quelque cause importante, approuvée du supérieur. Un novice doit avoir seize ans accomplis, suivant l'art. 28 de l'ordonnance de Blois, avant que de pouvoir être admis à la profession. Dans le cas de la translation d'un religieux qui a déjà fait dans un autre couvent une année de noviciat, on admet le bref du pape, qui réduit son second noviciat à six mois, ainsi que l'ont jugé le grand conseil et le parlement. Toute profession tacite, qui consiste à avoir porté l'habit de novice longtemps après le noviciat fait, est nulle, selon notre jurisprudence, qui en cela est contraire aux décretales. Un novice peut disposer de ses biens avant sa profession, c'est-àdire dès l'âge de seize ans accomplis (à moins que la coutume n'exige un âge plus avancé); mais il ne le peut faire en faveur du monastère où il est. Les novices ne peuvent se réserver sur leur bien aucune pension viagère, parce que cela serait contraire au vœu de pauvreté qu'ils se proposent de faire. Un novice n'est obligé sous aucun péché, ni peine canonique, à garder les règles et statuts de l'ordre où il est entré, mais seulement à obéir à son supérieur et à observer tout ce que la règle prescrit aux novices. Les actes des noviciats et des professions doivent être écrits de suite, sans aucun blanc, et signés par le supérieur ou la supérieure du monastère et par celui qui aura pris l'habit ou fait profession, et par deux de ses plus proches parents ou amis, qui auront assisté à la cérémonie ; le registre où sont écrits ces actes doit être paraphé par premier et dernier par l'évêque diocésain ou par lesdits supérieurs et supérieures, ainsi que le porte l'ordonnance du mois d'août 1667.

CAS I. Le siége abbatial du monastère de M. étant vacant, Marie s'est présentée pour prendre l'habit de novice; l'évêque diocésain, sous la juridiction duquel est cette abbaye, le lui a donné de sa seule autorité. L'a-t-il pu?

R. Non; parce qu'il ne doit admettre aucune fille à prendre l'habit qu'après qu'elle y a été reçue par la communauté. Or celleci n'a pas droit de recevoir les filles à l'habit, lorsque le siége abbatial est vacant. L'évêque devait donc attendre qu'il y eût une nouvelle abbesse. Voy. S. B., tom. II, cas CLXXIX.

Cas II. Florin, novice depuis dix mois dans un couvent, ne pouvant supporter la rigueur de la règle, s'en est enfui chez un ami, dans la résolution de quitter l'habit religieux, dès qu'il en aurait un séculier. Le supérieur l'ayant trouvé trois heures après sa sortie du monastère, l'a persuadé d'y rentrer; ce qu'il a fait avec un sincère regret de sa faule. Doit-il recommencer les dix mois qu'il avait faits de noviciat?

R. Il est plus sûr et plus vrai de dire que Florin a, par cette fuite, mis fin au noviciat qu'il avait commencé, puisqu'il y a renoncé de cœur et de fait, en s'enfuyant dans l'intention de se dépouiller de son habit religieux. C'est l'opinion de Sylvius, v. Novitius, 3. Le parum pro nihilo reputatur n'a pas lieu dans les choses déterminées par le droit. C'est ainsi qu'un novice à qui il ne manquerait qu'une heure ou de novicial, ou pour avoir seize ans, ne ferait pas une profession valide.

J'ai rapporté, tom. V de ma Morale, une décision de la sacrée congrégation, qui appuie beaucoup ce sentiment. Si Florin avait fait profession après les deux mois qui lui restaient, je me contenterais de lui faire répéter ses vœux dix mois après, devant toute la communauté.

CAS III. Romuald, ayant fait neuf mois de noviciat dans un monastère, et s'y déplaisant, est allé de son chef à six lieues de là, dans une autre maison du même ordre, sans

quitter son habit et sans autre interruption que de six heures; et y ayant demeuré trois autres mois, y a été admis à la profession. Sa profession est-elle valide?

R. Non; car on demande un an, et pour que le novice puisse éprouver la religion, et pour que les supérieurs de la religion puissent éprouver le novice. Or peut-on bien éprouver un homme qu'on ne voit que trois mois? Cette décision est de Navarre. 1. 3, Consil. Cons. 17.

-CAS IV. Etienne, après trois mois de noviciat, a été renvoyé par l'iniquité d'un des capitulants. Un mois après, le supérieur mieux informé lui fait proposer de rentrer. Il l'accepte. Faut-il qu'il recommence tout son noviciat?

R. Non; parce que l'injustice qu'il a essuyée ne doit point lui porter de préjudice, selon la maxime: Rem quæ culpá caret, in damnum vocari non convenit. Les Salamanques croient même qu'on doit lui tenir compte du temps qu'il a passé dehors. Mais les autres sont d'un avis contraire, et il faut s'y tenir dans la pratique.

CAS V. Génius, voulant se faire religieux dans un monastère, y est entré le 1er janvier, et y a fait toutes les pratiques des novices pendant six mois, en portant néanmoins son habit séculier, qu'il n'a quitté que le 1er juillet pour prendre l'habit religieux, qu'il a porté le reste de l'année : 1° doit-il être censé avoir fait une année de noviciat, en sorte qu'il puisse faire une profession valide ? 2° serait-il aussi censé l'avoir faite, si ayant porté l'habit religieux pendant six mois, et ayant passé trois mois dans le siècle, il rentrait dans le même monastère, et y portait encore six autres mois l'habit de novice?

Ad. 1. Les premiers six mois que Génius a passés dans le monastère avec son habit séculier ne peuvent être comptés comme partie du temps requis pour le noviciat, quoiqu'il en ait pratiqué les règles. Car il est ordonné par le concile de Trente, sess. 25,

c. 15, qu'on ne sera reçu à la profession, qu'on n'ait passé au moins un an entier dans le noviciat, après avoir pris l'habit religieux. Ce qui est reçu dans le royaume par l'ordonnance de Blois, art. 28.

Ad. 2. Le temps du noviciat a été établi : 1° en faveur du novice, afin qu'il voie s'il sera capable de remplir tous les devoirs de la religion; 2° en faveur du monastère qui se propose de le recevoir. Or quand il y a un intervalle considérable entre le commencement et la fin d'un noviciat, tel qu'est celui de trois mois, l'épreuve n'a pas ce double effet. Certes un couvent peut bien mieux s'assurer des bonnes qualités d'un novice, qui demeure un an de suite sous les yeux des religieux, que quand il n'y est pendant le même temps qu'à différentes reprises.

- La plupart des réguliers feraient ici l'exception que j'ai marquée cas IV.

CAS VI. Spiridion, novice, trouvant que le maître des novices le traite avec trop de sévérité dans la confession, voudrait bien se confesser à un autre Père du même monastère, qui est approuvé par l'évêque. Ne le peut-il pas ?

R. Clément VIII, par sa bulle 84, défend cela; et il n'accorde pas même au supérieur la liberté de confesser les novices, ni de leur donner un autre confesseur, si ce n'est une ou deux fois seulement dans l'année.

CAS VII. Eugénie ayant commencé son noviciat dans le monastère de N. a été contrainte d'en sortir six mois après avec quelques autres religieuses, à cause de l'approche de l'armée ennemie; ce qu'elle n'a pourtant fait que du consentement de l'évêque et de la supérieure, et en demeurant toujours sous son obéissance. Mais comme la guerre a duré une année dans le pays, et que cette fille n'a pu pendant ce temps achever son noviciat dans le monastère, on demande si après l'année écoulée elle peut être admise à la profession, sans recommencer un autre novicial, ou sans achever les six mois qui lui restaient à faire de celui qu'elle avait commencé?

R. El'e le peut; car quoique, selon le concile de Trente, un novice ne soit censé avoir achevé son noviciat, qu'après une année de probation, ce n'est pourtant pas une nécessité absolue qu'il passe tout ce temps-là dans le monastère même ; mais il suffit qu'il porte toujours l'habit de novice, qu'il demeure sous l'obéissance, et qu'il ne s'absente du monastère que pour une cause juste et approuvée du supérieur. C'est ainsi que Navarre répondit à une difficulté semblable, dont la decision lui fut renvoyée par la congrégation du concile de Trente, 1.4, cons. cont. 22. Suarès, Sylvius, Barbosa, etc., sont du même avis.

CAS VIII. Paulin et Amedor sont entrés

le même jour au noviciat. Le premier a eu une fièvre avec délire pendant cinq semaines. Le second a eu une attaque de démence qui a duré neuf mois. Ils ont très-bien fait leur devoir après avoir recouvré la santé. Peuton au bout de l'année les recevoir à la profession?

R. On peut recevoir Paulin. Mais quoi qu'en pensent les Salamanques, il faut faire suppléer à l'autre le temps qu'il a passé hors de lui-même; car s'il est vrai qu'il a été do ze mois au noviciat, il n'est point vrai qu'il ait fait douze mois de noviciat.

CAS IX. Une communauté doute si elle peut admettre à la profession deux novices, dont l'un ne se porte bien que depuis deux mois; l'autre n'a commencé à être bien régulier que depuis neuf ou dix semaines. Peutelle, pour se mieux assurer de ces deux sujets, proroger leur temps d'épreuve ?

R. Dans le cahier présenté à Charles IX par le clergé de France vers 1574, l'art. 37 dit : Le temps du noviciat achevé, il faut que les supérieurs reçoivent à faire profession ceux qu'ils trouveront habiles et idoines, ou qu'ils les mettent hors du monastère. Et Roderig paraît être de ce sentiment, tom. III, qq., Regular. q., 15, a. 10 in fine. Flavius Cherubin, dans son Compendium du Bullaire, tom. III, pag. mihi 114, est d'un autre avis, et cite une déclaration des cardinaux. Cela paraît si juste, que sans une loi précise, je ne pourrais penser différemment.

CAS X. Euthalie, après avoir pris le voile, est demeurée si infirme, qu'il n'y a aucune apparence qu'elle puisse jamais observer toutes les règles de la religion. Elle demande néanmoins avec instance d'être admise à la profession, et offre une plus forte dot que celle qu'elle avait promise, dans la seule intention de n'être pas à charge à la maison. La supérieure et ses sœurs peuvent-elles la recevoir malgré son infirmité et l'offre qu'elle fait d'une augmentation de dot?

R. Si cette novice a d'ailleurs des qualités capables de compenser ses infirmités, et qu'elle mène une vie édifiante, la supérieure peut la recevoir à la profession, quand même il paraîtrait certain que ses infirmités fussent incurables; car cela ne l'empêcherait pas de garder l'essentiel de ses vœux, ni même d'observer une partie des règles. L'offre qu'elle fait d'une augmentation de dot, non dans la vue d'être reçue par ce moyen, mais dans l'intention de n'être pas à charge au monastère, n'est pas vicieuse, si ce monastère n'est pas en état de se passer de ce secours. Car il est juste qu'une fille infirme, et qui paraît le devoir être toujours, supplée à sa dot, à proportion de la dépense que ses infirmités occasionneront. V. S. B., tom. 1, cas L.

Voyez ABBÉ, cas IV et V; ABBESSE, cas I et II; APPROBATION, cas XV. NULLITÉ

C'est de la nullité dans les contrats qu'il s'agit dans cet article. On distingue les nullités absolues et les nullités relatives, les nullités radicales et les nullités de plein droit; les nullités absolues sont fondées sur le bien public, les nullités relatives sur le bien particulier. Ainsi les mariages entre parents sont déclarés nuls à certains degrés, voilà une nullité ab◄

solue et fondée sur le bien public; les mariages faits sans le consentement des parents sont nuls, d'une nullité relative et qui importe à tel ou tel particulier; les nullités absolues peuvent être provoquées par le ministère public, et les nullités relatives par ceux seulement qui ont intérêt à faire annuler un contrat. La nullité de plein droit est celle qu'il n'est pas nécessaire de faire prononcer en justice; telle est, relativement aux effets civils, la nullité d'un mariage contracté par celui qui est mort civilement. La nullité radicale est celle qui affecte le contrat dès son origine; telle est, par exemple, celle qui résulte d'une erreur substantielle; la nullité de plein droit est toujours radicale; mais la nullité radicale n'est pas toujours de plein droit. Souvent elle a besoin d'être prononcée; car comme la cause d'une nullité peut être fausse, elle doit être prouvée et prononcée en justice.

Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats, et il en restera minute sous peine de nullité. Cette nullité a-t-elle lieu au for de la conscience? c'est ce qui est controversé. Voyez FORMALITÉS. Si un testament olographe n'est pas écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, il serait nul au for extérieur, le serait-il en conscience? également controversé. Voyez TESTAMENT et FORMALITÉS. Voyez Cause, ConsentEMENT, ERREUR, Dol.

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L'obéissance est une vertu qui porte à exécuter les commandements du supérieur. On est tenu d'obéir en tout ce qui est juste aux supérieurs, tant ecclésiastiques que laïques; et cela, comme dit saint Paul, Rom. XIII, non solum propter iram, sed etiam propter conscientiam. Ainsi un fidèle doit obéir en tout ce qui concerne son âme, à son confesseur, son curé ou son évêque ; ainsi que les religieux à leurs supérieurs, en tout ce qui concerne l'observance régulière; les enfants à leurs parents, les serviteurs à leurs maîtres; les sujets aux lois du prince et aux ordres de ses officiers. On va expliquer en quels cas on peut, selon saint Thomas, ne pas obéir à ses supérieurs.

CAS 1. Un curé demande si l'inférieur est toujours obligé d'obéir à son supérieur. Quelle réponse solide peut-on lui faire ?

R. Il faut lui dire avec saint Thomas, 2-2, q. 104, a. 2, que quoiqu'à parler en général on doive obéir à son supérieur, on est cependant dispensé de le faire: 1° lorsque le supérieur du supérieur le défend. C'est pourquoi si un curé commande quelque chose, quoique juste, à son vicaire, et que l'évêque la lui défende, il ne doit pas obéir à son curé, mais à son évêque. De même si le prieur d'un ordre commande une chose à un religieux, et que son général lui commande le contraire, il doit obéir à son général, comme étant supérieur de tous les autres supérieurs du même ordre; 2° lorsque le supérieur commande quelque chose en quoi l'inférieur ne lui est pas soumis. Par cette raison, si je suis enfant de famille, mon père n'a pas droit de m'empêcher, ou de me marier, à moins qu'il n'en ait quelque juste raison, ou de me consacrer à Dieu par un vou de virginité ou autrement. Mais tant qu'il ne me commandera rien qui soit contre les lois, et qui ne tombe sous sa supériorité, je serai tenu de lui obéir.

CAS II. Emile, supérieur ecclésiastique de Pierre, lui commande une chose, que le supérieur laïque lui défend. Auquel doit-il obéir?

R. Comme ces deux puissances viennent de Dieu, la séculière n'est soumise à l'ecclésiastique qu'autant que Dieu l'y a soumise. Or il ne l'y a soumise que dans les choses qui regardent le salut. Ainsi Pierre et tout autre doit obéir au supérieur laïque dans les choses qui sont de son ressort. S. Th. n 2 sent. dist. 44, q. 2.

CAS III. Léonce est-il obligé par son vœu

d'obéissance d'obéir à son supérieur, qui lui commande une chose contre la règle, ou dont la pratique est plus rigoureuse que la règle ne le porte?

R. Non; car dans ces deux cas le supérieur abuse de son autorité. Ainsi, lorsque la règle porte simplement que les religieux jeûneront deux fois la semaine, ils ne sont pas obligés d'en jeûner quatre, ni de jeuner même les deux au pain et à l'eau, encore que leur supérieur le leur commandât. C'est encore la doctrine de saint Thomas.

C'est aussi celle de saint Bernard qui, dans son traité de Præcepto et Disp., dit: Nihil me prælatus prohibeat horum quæ promisi, nec plus exigat quam promisi. Les réguliers enseignent même que le pape, quoique premier supérieur, ne peut rien commander au-dessus de la règle.

CAS IV. Basile a commandé à un de ses religieux une chose sur laquelle il doute qu'il soit obligé d'obéir. Que doit-il faire dans ce doute?

R. Si son doute regarde la personne du supérieur, en ce qu'il a sujet de douter qu'il soit légitime supérieur, il doit se conformer à l'opinion la plus commune des autres religieux; de sorte que si la plus grande partie le tient pour légitime supérieur, quoique quelques-uns d'eux ne le croient pas tel, il est tenu de lui obéir, parce que communis opinio facit jus, Mais si le doute de ce religieux regarde la chose même qui lui est commandée, il doit déposer son doute et se dire à lui-même que, puisqu'on le dépose tous les jours, en vertu de la décision d'un étranger, on doit encore plus le faire en vertu de celle d'un supérieur, qui a de plus

l'autorité et la possession de commander. Voyez Cabassut, Ì. 1, c. 21, n. 17.

CAS V. Un abbé a commandé de certaines choses à ses religieux que l'évêque diocésain leur a défendues. Auquel des deux doivent-ils obéir?

R. Saint Thomas, ibid., répond à cela, que les moines sont plus obligés d'obéir à leur abbé qu'à l'évêque, en ce qui regarde les statuts réguliers; mais qu'ils sont plus obligés d'obéir à l'évêque qu'à leur abbé, dans ce qui concerne la discipline ecclésiastique. Si donc l'évêque ordonnait qu'on observât une fête dans son diocèse, et que l'abbé d'un monastère qui y est situé le défendît à ses religieux, ils seraient obligés d'obéir à l'évêque et non pas à l'abbé. Mais si l'évêque ordonnait quelque chose de contraire à l'obéissance régulière, le religieux devrait obéir plutôt à son supérieur qu'à l'évêque qui, par état, est tenu de soutenir la régularité, au lieu d'y nuire. Trid. sess. 25, c. 1.

CAS VI. Hidulphe, religieux réformé, voulant quelquefois écrire à l'évêque diocésain sous la juridiction duquel est son monastère, l'abbé le lui défend, à moins qu'il ne lui montre ses lettres avant que de les envoyer au prélat, et les réponses qu'il en reçoit. Ce religieux est-il obligé d'obéir en cela à son supérieur ?

R. Non; car puisque cet évêque est supérieur du monastère, il est juste que les religieux aient une pleine liberté de l'informer, soit des désordres qui pourraient y arriver, et auxquels le supérieur ne pourrait ou ne voudrait pas remédier, soit des mauvais traitements qu'ils reçoivent d'un supérieur, à qui ils ont le malheur de déplaire. Hidulphe n'est donc pas plus obligé à montrer ses lettres à son abbé, qu'il ne serait obligé de montrer au prieur celles qu'il écrirait à cet abbé, s'il était absent.

CAS VII. Joseph, religieux et procureur, se confessant à Jérôme, s'est accusé d'avoir disposé, de son chef, d'une somme qu'il s'était réservée. L'abbé, qui l'en soupçonnait, a commandé à Jérôme de lui déclarer ce qu'il en savait. Jérôme a refusé d'obéir, quoique Joseph lui eût permis de le déclarer à l'abbé, s'il le jugeait à propos. On demande si, supposé cette permission, il n'est pas tenu, en vertu de l'obéissance, de dire la vérité à Bon abbé?

R. La permission donnée à Jérôme ne l'oblige point à révéler le péché de Joseph, surtout lorsqu'il ne le connaît que par la confession. Il peut donc refuser d'obéir à son abbé, et cela, quand même Joseph serait fortement soupçonné de ce péché par plusieurs autres, et que le bruit qui s'en répandrait, le diffamât; mais si Jérôme le savait d'ailleurs, soit de visu, soit de certo auditu, if pourrait alors le déclarer (pourvu qu'il n'y eût point de scandale à craindre). C'est la décision de saint Antonin.

CAS VIII. Athanase, soupçonnant un de ses religieux d'un péché grief contre le vœu de pauvreté, commande à Théophile, qui sait. que ce religieux en est coupable, de lui dé

clarer ce qu'il en sait. Théophile est-il oblige d'obéir?

R. Si le péché de ce religieux est si secret que personne n'en ait de connaissance, son supérieur n'a pas droit de commander à celui qui le sait de le lui déclarer, parce que son commandement serait contraire à celui de Notre-Seigneur qui, prescrivant, Matth. VIII, l'ordre de la correction fraternelle, veut qu'on corrige en secret son prochain, quand son péché est caché; et qu'on ne le déclare à l'Eglise, c'est-à-dire aux supérieurs, qu'après qu'il a méprisé l'avertissement qu'on lui a donné en particulier. Mais si ce péché est venu à la connaissance de plusieurs autres, au moins par un soupçon bien fondé, et qu'il en soit arrivé du scandale, alors comme le péché n'est pas seulement nuisible au coupable, mais encore à ceux qui ont pris occasion de s'en scandaliser, et que le bien commun est préférable au bien particulier, celui qui a une connaissance certaine de ce péché doit obéir au supérieur, afin qu'il y remédie par les voies convenables. Que s'il s'agissait d'un péché qui fût dommageable à la communauté, tel qu'est l'hérésie, le larcin, etc., celui qui en aurait connaissance, serait tenu de le déclarer au supérieur, avant toute correction secrète, à moins qu'il ne fût persuadé qu'il y remédierait par un avertissement secret. Tout ceci est de saint Thomas, 2-2, q. 33, a. 7; et quodl. 4, q. 8.

CAS IX. Florent, religieux, en ayant accusé un autre en plein chapitre, d'un péché considérable contre un de ses vœux, le supérieur commande à tous ceux qui en savent la vérité, de la lui déclarer. Est-il en droit de les y obliger?

R. Il a ce droit; et il l'a encore, 1° si præcedat infamia; 2° quand il s'agit de découvrir un péché qu'on sait être projeté et qui n'est pas encore commis. Car, si l'on prévoit qu'il doive être dommageable à plusieurs, par rapport au spirituel ou au temporel, il faut d'abord en avertir le supérieur, quand même on n'en serait pas requis par lui; et c'est de cette espèce de péché que saint Thomas entend ces paroles de saint Jérôme: Non debet occultari culpa unius in præjudicium multorum. Sur quoi il dit: Tunc enim non oportet admonitionem secretam exspectare, sed statim periculo occurrere. Unde et Dominus non dicit: Si peccare intendat, in futuro; sed, si peccaverit, in præterito. Quod!. 1, art. 26.

CAS X. Maurice, visiteur d'un monastère de filles, ayant un juste fondement de soupconner une religieuse d'avoir commis un péché grief contre un de ses vœux, lui commande de lui déclarer la vérité. Est-elle obligée de lui obéir?

R. Non; car il n'est ni juste ni raisonnable d'exiger d'une fille qu'elle déclare hors le tribunal de la pénitence un péché secret. C'est au moins en ce sens que saint Grégoire dit : Admonendi sunt subditi, ne, plus quam expedit, sint subjecti. Can. 57, XXI, q. 7

CAS XI. Vindon, curé, ayant fait une correction fraternelle à Jean qui vivait dans le concubinage, el ayant par là procuré sa con

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version, l'évêque mande ce curé pour en savoir la vérité. Le curé s'en excusant, l'évêque lui commande de lui déclarer ce qu'il en sait. Est-il obligé de lui obéir?

R. Gerson, 1. de Corr. proximi, dil: Peccatum de quo frater peccans fuit secrele correptus, et de quo se emendavit, potest dici prælato præcipienti per obedientiam. Mais la charité ne permettrait pas de le faire, 1° en présence de ceux à qui ce désordre passé serait inconnu; 2° si la curiosité seule, et non le désir de promouvoir la bonne œuvre, était le motif du supérieur, un inférieur n'étant obligé d'obéir que quand son supérieur lui tient la place de Dieu en ce qu'il lui commande, ce qu'on ne peut dire de celui qui ne veut qu'on lui découvre la vie du prochain que par une vaine curiosité.

ÇAS XII. Robert est-il obligé d'obéir à son père, qui lui ordonne quelquefois de dire la messe pour lui, avant de se mettre en voyage; ou peut-il sans péché ne la pas célébrer, quoiqu'il n'ait aucune cause qui l'en empêche?

R. Robert peut pécher contre la charité, mais on peut dire qu'il ne pèche pas contre l'obéissance. Car les ecclésiastiques, quoique tenus d'obéir à leurs parents dans les autres choses, ne sont pas tenus de leur obéir dans les choses qui concernent les fonctions sacrées ou les autres obligations de leur état; et ils peuvent leur dire avec le plus tendre fils qui ait jamais été : Quid m'hi et tibi est, mulier? Joan. 11, 4. Ainsi, quoique Robert ne se juge pas en péché mortel, il peut néanmoins se trouver dans l'indévotion ou dans quelque scrupule dont il veut être éclairci avant que de célébrer. Il ne peut donc le faire par complaisance pour son père.

CAS. XIII. Egbert commande à son laquais de le suivre chez Julie, où il va pour pécher. Ce domestique, qui déteste dans son cœur l'action de son maître, demande si, pour se conserver dans sa condition qui est très-bonne, il peut obéir à Egbert?

R. Ce laquais est obligé de quitter le service d'Egbert, s'il ne peut se dispenser de l'accompagner chez Julie; 1o parce qu'il coopère au péché de son maître; puisque, comme on le suppose, il n'irait pas seul chez elle; 2° parce qu'en attendant son maître, pendant qu'il sait qu'il pèche, il s'expose au danger d'offenser Dieu par de mauvaises pensées ou par des désirs criminels; 3° parce que l'évêque de Namur censura dans son

synode de 1659, dix-sept propositions de morale, dont l'une excusait un domestique dans le cas dont il s'agit.

-L'auteur aurait pu citer la cinquanteunième proposition que censura Innocent XI, le 2 mars 1679. Viva en conclut qu'un cocher ne peut mener son maître dans un mauvais lied, ni un laquais porter des présents à une concubine: Quia munuscula hæc fovent tartareum ignem. Cependant il n'est pas assez ferme sur ce dernier article.

CAS XIV. Alphonse, âgé de seize ans, demande à son père la permission d'entrer en religion; il lui défend absolument de le faire avant l'âge de dix-huit ans. Alphonse est-il obligé d'obéir ?

R. Alphonse, après avoir huniblement demandé à son père cette permission, peut, nonobstant son refus, suivre l'attrait de la grâce qui le porte à une vie plus sainte. C'est le cas où ont lieu ces paroles de Moïse: Qui dixit patri suo et matri suæ: Nescio vos....., hi custodierunt cloquium tuum, etc. Deuter. ; et ces autres de Notre-Seigneur, Matth. x, 17: Qui amat patrem aut matrem plus quam. me, non est me dignus. Voyez l'épître 143 de saint Augustin à Lætus.

CAS XV. Polyxène, âgée de vingt ans, reçoit ordre de son père de choisir la religion ou un mariage qu'il lui propose. Est-elle obligée de faire l'un ou l'autre?

R. Non; car quoique, selon saint Augustin, Ep. 20, n. 98, les parents doivent inspirer à leurs enfants d'embrasser l'état qu'ils jugent le plus convenable à leur salut, ils ne doivent jamais les obliger à embrasser ni la religion, ni le mariage; parce que, comme dit l'Apôtre, I Cor. vii, Unusquisque donum proprium habet ex Deo; alius quidem sic, alius vero sic. Disons donc avec saint Thomas, 2-2, q. 104, a. 5: Non tenentur nec servi dominis, nec filii parentibus obedire de matrimonio contrahendo, vel virginitate servanda.

CAS XVI. Mathurin, supérieur de Claude, lui défend de continuer une bonne œuvre qu'il a commencée. Est-il obligé de lui obéir ?

R. Non, si cette bonne œuvre est d'une obligation indispensable. Mais si elle n'est pas d'une obligation étroite, il peut quelquefois être obligé à la discontinuer, pour ne pas pécher, eu la continuant, contre l'obéissance. Voyez saint Thomas, 2-2, q. 104, a. 3, ad 3, où il donne cette décision. OBLIGATION.

Ce mot se prend, ou dans un sens étendu, et alors il est synonyme au terme de devoir, et il signifie les obligations dont une personne n'est comptable qu'à Dieu, ou dans un sens plus resserré, et alors les jurisconsultes le définissent, d'après la loi 3, ff. de Obligat., un lien de droit qui nous engage envers un autre, soit à lui donner quelque chose, soit à la faire, ou à ne la pas faire. Voy. le savant Traité des Obligations, en deux vol. in-12, imprimé chez Debure aîné.

On distingue les obligations naturelles, les obligations civiles et les obligations mixtes. L'obligation naturelle est celle qui oblige dans le lor de la conscience, pour l'exécution de Jaquelle la loi civile ne donne point d'action; en sorte que celle exécution ne dépend que de la probité de celui qui est obligé. L'obligation civile est celle qui n'est appuyée que sur l'autorité des lois civiles et sur celle de la conscience. Telle serait l'obligation de celui qui 'est injustement condamné par un jugement en dernier ressort à payer ce qu'il ne doit

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