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COMTE ALFRED BOULAY DE LA MEURTHE APRIL, 1927

STRASBOURG, TYPOGRAPHIE DE G. SILBERMANN.

SECONDE PARTIE.

DES DROITS CIVILS CONSIDÉRÉS SOUS LE RAPPORT DES OBJETS AUXQUELS ILS S'APPLIQUENT.

INTRODUCTION.

I. DES OBJETS DES DROITS CIVILS EN GÉNÉRAL.

§ 162.

Les objets des droits civils sont corporels ou incorporels, selon qu'ils tombent sous les sens, ou qu'ils ne peuvent être perçus que par l'entendement1.

Parmi ces objets, il en est qui, tels que le corps, la liberté, l'honneur, se confondent avec l'existence même des personnes. Il en est d'autres qui existent en dehors et indépendamment de la personne investie des droits dont ils forment la matière. Ces derniers sont appelés objets extérieurs.

Les droits relatifs aux objets de la première espèce ne pouvant donner lieu à réclamation qu'autant qu'ils ont été lésés par suite d'un délit ou d'un quasi-délit, et produisant alors une action en dommages et intérêts, ils se résolvent, quant à leurs effets juridiques, en droits sur des objets extérieurs.

Les objets extérieurs des droits civils sont des personnes ou des choses.

Les rapports juridiques de personne à personne sont de deux espèces : ou bien une personne se trouve placée dans une position de dépendance vis-à-vis d'une autre personne investie à son égard d'un droit de puissance; ou bien une personne est simplement obligée au profit d'une autre à l'accomplissement d'un fait (prestation). Au premier cas, c'est la personne elle-même qui forme l'objet du droit. Au second, c'est moins la personne obligée, que la prestation, qui en est la matière.

'Les principaux objets incorporels dont s'occupe le Droit, sont les droits, les obligations, les actions, les productions de l'esprit, le patrimoine.

On peut considérer les objets des droits civils, soit en euxmêmes et d'après leur nature ou leur forme constitutive, soit sous le rapport de l'utilité qu'ils offrent à la personne qui a des droits à exercer sur eux. Envisagés sous ce dernier point de vue, et par conséquent abstraction faite de leur individualité, ces objets s'appellent des biens.

On a coutume d'appeler biens innés les objets qui se confondent avec l'existence même de la personne, en tant qu'on les considère sous le rapport, soit des avantages matériels ou moraux qu'ils procurent, soit de l'action en dommages-intérêts à laquelle la lésion de pareils objets peut donner ouverture. Dans le langage du Code, le mot biens ne comprend, ni les biens innés, ni même les droits de puissance envisagés comme tels, et indépendamment des avantages pécuniaires qui peuvent y être attachés. Cpr. art. 516 et 2092.

Lorsque plusieurs personnes ont simultanément des droits sur un objet, l'utilité juridique en est répartie entre elles. Les mêmes objets peuvent donc constituer des biens à l'égard de différentes personnes.

La distinction des objets des droits civils, en corporels et incorporels, en meubles et immeubles 3, n'est point à la rigueur applicable aux biens, car ce terme n'exprime qu'une abstraction".

L'ensemble des biens d'une personne constitue son patrimoine. Les éléments du patrimoine consistent donc dans les objets des droits civils considérés en leur qualité de biens; et comme ces objets ne revêtent cette qualité qu'à raison des droits auxquels ils

2 La distinction des biens en corporels et incorporels peut cependant s'expliquer par les considérations suivantes : Le droit de propriété, absorbant toute l'utilité de l'objet qui y est soumis, se confond en quelque sorte avec cet objet, qui en est comme la représentation. Lors donc que l'objet d'un droit de propriété est une chose corporelle, l'utilité de ce droit se trouve, pour ainsi dire, matériellement représentée par la chose, et peut, par ce motif, être euvisagée comme constituant un bien corporel. Il en est autrement des droits réels autres que la propriété. Ces droits, n'absorbant pas toute l'utilité de l'objet sur lequel ils portent, ne peuvent, en aucune manière, être considérés comme étant matériellement représentés par cet objet.

La distinction des biens en meubles et immeubles, est entièrement de droit positif, et ne peut être rationnellement expliquée. Elle se rattache à la distinction des droits en mobiliers et immobiliers. Cpr. § 165.

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En effet, l'expression biens désigne l'utilité qu'une personne peut retirer des objets sur lesquels elle a des droits à exercer, et par conséquent, une simple qualité de ces objets, ou, si l'on veut, le résultat des droits dont ils sont la matière.

sont soumis envers une personne, on peut aussi, en substituant en quelque sorte la cause à l'effet, définir le patrimoine, l'ensemble des droits civils d'une personne sur des objets constituant des biens.

Le patrimoine est une universalité de droit, en ce sens que les biens forment, en vertu de l'unité même de la personne à laquelle ils appartiennent, un ensemble juridique.

Les lois positives reconnaissent, à côté du patrimoine, plusieurs autres universalités juridiques. Tels sont les objets soumis au droit de retour successoral dans les hypothèses prévues par les art. 351, 352, 747 et 766; les biens composant un majorat.

Il ne faut pas confondre avec les universalités juridiques, des collections d'objets réunis par le propriétaire à l'effet de servir à une destination ou à un usage commun, telles qu'une bibliothèque, un troupeau etc. Les objets qui composent de pareilles collections, appelées communément universalités de fait ", sont à considérer, au point de vue juridique, comme restant distincts les uns des autres; et, à moins de modifications résultant de la volonté du propriétaire ou d'une disposition spéciale de la loi, les droits ou engagements qui s'y rapportent, sont régis par les mêmes principes que les droits ou engagements relatifs à des objets qui ne feraient pas partie de collections de cette espèce. Cpr. art. 616 et 1800.

Du reste, une universalité juridique peut, dans certains cas et à certains égards, être convertie en une universalité de fait par la volonté du propriétaire; c'est ce qui a lieu, par exemple, lorsqu'une personne lègue une portion héréditaire ou même une hérédité entière qui lui est dévolue.

II. DES DIFFÉRENTES DIVISIONS DES CHOSES ET DES BIENS.

SOURCES.

Code Napoléon, art. 516-543. Coutume de Paris, art. 88-95. BIBLIOGRAPHIE. Pothier, Traité de la communauté, nos 24 à 95. Proudhon, Traité du domaine privé et de la distinction des biens, I, p. 86 à 366. Essai sur la distinction des biens, par Malapert; Paris 1844, 1 vol. in-8°. De la distinction des biens, par Vaugeois; Paris 1861, 1 vol. in-8°.

'Le lien qui unit les objets dépendants d'une collection de cette espèce, n'est pas un lien juridique et nécessaire, comme celui qui unit entre eux les biens composant le patrimoine d'une personne.

A. De la distinction des choses considérées en elles-mêmes.

§ 163.

1. De la division des choses en meubles et en immeubles.

Généralités.

Les choses corporelles sont meubles ou immeubles, selon qu'elles peuvent ou non se transporter d'un lieu à un autre, sans changer de nature. Art. 528 et arg. de cet article.

La loi a étendu la même distinction aux choses incorporelles, qui de leur nature ne sont ni meubles ni immeubles. Cpr. art. 526 et 529.

En général, toute chose est comprise dans l'une ou l'autre de ces classes, mais ne saurait appartenir à toutes les deux à la fois. Art. 516.

Il est cependant des cas où la loi considère la même chose, tantôt comme mobilière, tantôt comme immobilière: c'est ce qui a lieu pour les récoltes. Art. 520.

D'un autre côté, on peut, par contrat de mariage, donner à un immeuble le caractère de meuble, et réciproquement, attribuer à un meuble la qualité d'immeuble. Mais cet ameublissement ou cette immobilisation n'ont d'effet que sous le point de vue formant l'objet de la convention. Cpr. art. 1500 à 1510.

Enfin, il existe certains meubles incorporels que les lois permettent, sous les conditions qu'elles déterminent, d'immobiliser même à l'égard des tiers 1.

§ 164.

Continuation. Classification des immeubles et des meubles

1o Des immeubles.

corporels.

Les immeubles corporels sont tels par leur nature ou par leur destination. Art. 5171.

a. A la rigueur les fonds de terre sont les seules choses véritablement immobilières de leur nature. Les objets unis ou incorporés au sol, et 1.otamment les bâtiments ou autres constructions, qui sont le produit de l'industrie de l'homme, n'ont point par euxmêmes ce caractère. Toutefois, comme la propriété du sol emporte

Cpr. § 165, texte, notes 12 et 13.

'Les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, que mentionne également l'art. 517, sont les immeubles incorporels, dont il sera traité au § 165.

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