Page images
PDF
EPUB

e. Le créancier dont l'hypothèque frappe sur plusieurs immeu. bles, peut, lorsqu'ils se trouvent dans les mains de différents tiers détenteurs, les poursuivre tous simultanément, ou u'attaquer qu'un seul d'entre eux, sans être tenu de s'adresser d'abord aux tiers détenteurs dont les acquisitions sont les plus récentes 2.

f. Le créancier à hypothèque générale, et qui a de plus une créance garantie seulement par une hypothèque spéciale d'un rang postérieur, peut, dans un ordre ouvert pour la distribution du

quand il s'agit de droits qui frappent, comme dans l'hypothèse dont il s'agit au texte, sur des immeubles différents. Voy. en ce sens : Merlin, Rép., vo Transcription, § 6, no 5; Duranton, XIX, 391; Mourlon, Des subrogations, p. 117 el suiv.; Pont, no 345; Douai, 5 juillet 1843, Sir., 43, 2, 30. Mais ce système se refute par les considérations suivantes : Le crédit hypothécaire d'une personne se détermine par la valeur réunie de tous les immeubles qu'elle possède, et s'épuise à mesure des hypothèques qui viennent successivement s'y asseoir. Or, il est rationnel et conforme au principe de la publicité des hypothèques, que le créancier qui a obtenu une hypothèque en un temps où le crédit immobilier du débiteur n'était pas encore épuisé par des affectations antérieures, conserve, dans toute éventualité, une position meilleure que celui dont l'hypothèque a pris naissance à une époque où la valeur des immeubles du débiteur se trouvait déjà absorbée. Ce dernier pouvait-il avoir la prétention d'être traité, en cas de déconfiture du débiteur, sur le même pied que les créanciers intermédiaires entre lui et le créancier à hypothèque générale antérieure en rang, par le motif que leurs hypothèques respectives ne portaient pas sur les mêmes immeubles? L'art. 930 fournit un puissant argument à l'appui du mode de répartition indiqué au texte; cet article veut, en effet, que l'action en revendication à diriger contre les tiers détenteurs d'immeubles compris dans une donation sujette à réduction, soit exercée dans l'ordre inverse des acquisitions, et reconnaît ainsi que dans le cas où des droits réels, portant sur des immeubles différents, se trouvent compromis par l'insolvabilité de la personne du chef de laquelle ils procèdent, la perte doit être supportée par ceux dont les droits sont d'une origine plus récente. Grenier, I, 180. Troplong, III, 760. Paris, 28 août 1816, Sir., 17, 2, 376. Civ. rej., 16 juillet 1821, Sir., 21, 1, 360. Riom, 28 janvier 1828, Sir., 31, 2, 310. Poitiers, 15 décembre 1829, Sir., 30, 2, 92. Agen, 6 mai 1830, Sir., 31, 2, 310. Agen, 3 janvier 1844, Sir., 45, 2, 405. Req. rej., 5 août 1847, Sir., 47, 1, 830. Lyon, 24 mai 1850, Sir., 50, 2, 531. Cpr. Civ. rej., 26 décembre 1853, Sir, 54, 1, 81. Cet arrêt juge que lorsque le créancier à hypothèque générale, antérieur, ne demande pas à être colloqué sur tel ou tel immeuble, et qu'il consent à la division de sa collocation, on peut, sans violer aucune loi, répartir la collocation au marc le franc sur tous les immeubles, sans égard à la date des inscriptions spéciales qui les frappent.

"L'exception de discussion, admise par l'art. 2170 en faveur des tiers détenteurs, ne s'applique qu'aux immeubles qui sont restés dans les mains des principaux obligés. Paris, 31 août 1815, Sir., 16, 2, 12. Civ. cass., 6 mai 1818 Sir., 18, 1, 292. Voy. cep. Toulouse, 19 mars 1838, Sir., 38, 2, 458.

prix des immeubles affectés à cette dernière hypothèque, ne produire que pour la créance à laquelle elle s'applique, et poursuivre ultérieurement, en vertu de son hypothèque générale, les tiers détenteurs d'autres immeubles". La même faculté appartiendrait au créancier à hypothèque spéciale, qui, ayant désintéressé un créancier antérieur à hypothèque générale, se trouverait subrogé aux droits de ce dernier 30.

g. Enfin le créancier qui a renoncé au bénéfice de son hypothèque sur un ou plusieurs des immeubles affectés à sa créance, conserve, en principe, le droit de l'exercer contre les tiers détenteurs des autres immeubles, bien que, par cette renonciation, il se soit mis dans l'impossibilité de les subroger dans ses droits et actions contre les détenteurs des biens qu'il a dégrevés ".

$285.

2. Des effets de l'hypothèque, en ce qui concerne la créance à laquelle elle est attachée.

1o L'hypothèque répond de chaque portion de la créance à la sûreté de laquelle elle est affectée1. Art. 2114.

2° L'hypothèque garantit les créances à terme, conditionnelles, ou éventuelles, d'une manière aussi complète que les créances pures et simples. Art. 2148, no 4, 2153, no 3, 2495, al. 3, et arg. de ces articles. Toutefois, il y a, quant au mode de collocation, une distinction à faire entre les créances pures et simples ou à terme, d'une part, et les créances conditionnelles ou éventuelles, d'autre part.

"Les tiers détenteurs ne seraient même pas fondés à s'opposer à ces poursuites, sous le prétexte que leurs acquisitions étant antérieures à l'hypothèque spéciale du créancier poursuivant, celui-ci n'a pu, à leur préjudice, se faire payer de sa seconde créance : ils auraient à s'imputer de n'avoir pas purgé leurs acquisitions.

so Le fait du créancier postérieur en rang, d'avoir payé le créancier antérieur, dans le but d'obtenir la subrogation à son hypothèque générale, et de s'être abstenu de produire pour la créance garantie par cette hypothèque, ne saurait être considéré comme une combinaison frauduleuse, de nature à donner lieu à une exception de dol. Il n'y aurait là que l'exercice d'un droit et d'une faculté légale. Civ. cass., 3 mars 1856, Sir., 57, 1, 55.

* Voy. pour la justification de cette proposition § 287, texte n° 2 et note 27. Voy. sur les conséquences de ce principe: § 284, texte n° 3.

1

Le titulaire d'une créance à terme peut, lorsqu'un ordre s'ouvre pour la distribution du prix de l'immeuble qui lui est hypothéqué, demander une collocation actuelle et définitive, tout comme peut le faire celui dont la créance se trouve échue. Il en est ainsi dans l'hypothèse où l'immeuble grevé vient à être exproprié pour cause d'utilité publique, aussi bien que dans les cas de vente volontaire ou d'expropriation forcée3.

Lorsqu'il est question d'une créance soumise à une condition résolutoire, le créancier est encore fondé à demander une collocation actuelle, à charge toutefois de fournir caution de restituer, en cas d'accomplissement de cette condition, la somme à lui assignée, aux créanciers qui par suite de sa collocation se trouveraient inutilement colloqués*.

Que s'il s'agissait d'une créance soumise à une condition suspensive, le créancier ne pourrait plus exiger une collocation actuelle; mais il serait autorisé à en réclamer une éventuelle, et par suite à demander que les fonds restent provisoirement entre les mains de l'acquéreur ou de l'adjudicataire, ou qu'ils soient versés à la caisse des dépôts et consignations. Les créanciers postérieurs n'auraient d'autre moyen d'écarter une pareille demande que celui d'offrir une caution hypothécaire, pour la restitution des deniers à eux distribués, au cas où la condition viendrait à s'accomplir'.

Art. 2184, et arg. de cet article. Paris, 28 novembre 1806, Sir., 6, 2, 273. 3 Pont, no 698. Martou, III, 1009. Paris, 13 février 1858, Sir., 58, 2, 170. Voy. en sens contraire: Delalleau, De l'expropriation pour utilité publique, I, 408; De Peyronny et Delamarre, Commentaire des lois d'expropriation, n° 249; Del Marmol, Revue pratique, 1861, XII, p. 209. Suivant ces auteurs, le débiteur exproprié pour cause d'utilité publique pourrait, en vertu de l'art. 2131, réclamer le droit de toucher lui-même l'indemnité d'expropriation, en effrant de constituer de nouvelles sûretés hypothécaires. Mais l'art. 2131, sur lequel ils se fondent, est complétement étranger à la question, puisque l'expropriation pour cause d'utilité publique opère, comme la vente volontaire ou l'expropriation forcée, la réalisation même du gage hypothécaire, et ne saurait, en aucune manière, être considérée comme une diminution de ce gage. D'un autre côté, si l'art. 2131 donne au débiteur la faculté d'offrir un supplément d'hypothèque, lorsque les sûretés originaires ont été diminuées par cas fortuit ou force majeure, c'est uniquement pour le soustraire à la nécessité de se procurer immédiatement les fonds nécessaires à un remboursement qu'il ne devait faire qu'après un certain terme; et ce serait étendre cette faculté, contrairement à l'esprit dans lequel elle a été accordée, que de permettre au débiteur exproprié de toucher luimême le montant de l'indemnité.

[ocr errors]

Merlin, Rép., vo Ordre de créanciers, § 4.

[ocr errors]

Cpr. Merlin, op. et loc. citt.; Civ. cass., avril 1815, Sir., 15, 1, 275.

Dans l'hypothèse spéciale où il se trouve parmi les créances hypothécaires une rente viagère venant en ordre utile, le crédirentier a le droit d'exiger que la somme nécessaire pour produire des intérêts équivalents aux arrérages de la rente, reste entre les mains de l'acquéreur ou de l'adjudicataire, ou qu'elle soit consignée par lui, lorsqu'il refuse de se charger du service de la rente. Toutefois les créanciers postérieurs seraient admis à demander la délivrance des fonds, en s'engageant solidairement au service de la rente, et en offrant, pour sûreté de cet engagement, une nouvelle garantie hypothécaire, aussi solide et aussi facile à réaliser que la première".

3° L'hypothèque garantit en principe les intérêts ou les arrérages, aussi bien que le capital de la créance pour sûreté de laquelle elle est établie.

L'inscription prise pour le capital, avec la mention qu'il est productif d'intérêts ou d'arrérages", comprend virtuellement et de plein droit les arrérages ou intérêts de deux années et de l'année courante, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire de les émarger

• Il existe de grandes divergences d'opinions sur la manière de régler, dans l'hypothèse indiquée au texte, les intérêts respectifs du crédi-rentier, des créanciers postérieurs en rang, et de l'acquéreur ou de l'adjudicataire. La solution que nous avons adoptée, repose sur les principes suivants, qui nous paraissent incontestables: 1o Le crédi-rentier ne peut, ni exiger le remboursement d'une somme principale, représentative de la rente, ni être contraint à accepter un pareil remboursement. Art. 1978 et 1979. 2o Il ne peut être forcé à diviser son action entre plusieurs débiteurs, ni à renoncer à ses sûretés hypothécaires contre un simple engagement personnel. 3° L'acquéreur ou l'adjudicataire n'est pas autorisé à retenir les fonds nécessaires pour assurer le paiement des arrérages, en offrant de se charger du service de la rente, et réciproquement on ne peut lui en imposer l'obligation. 4o Enfin, les créanciers postérieurs en rang sont en droit d'exiger la délivrance des fonds, en offrant de se substituer au débiteur primitif, et de fournir au crédi-rentier des sûretés hypothécaires équivalentes à celles qui lui avaient été données. Cpr. en sens divers: Persil, sur l'art 2185, no 3; Grenier, I, 186; Troplong, IV, 959 quater; Dalloz, Rép., vo Priviléges et Hypothèques, nos 2305 et suiv.; Paris, 5 juillet 1806, Sir., 6, 2, 230; Caen, 18 mai 1813, Sir., 14, 2, 399; Bourges, 25 mai 1827, Dalloz, op. cit., no 2310. Voy. aussi Riom, 24 août 1863, Sir., 64, 2, 65.

"Sans cette indication, les tiers seraient fondés à contester toute collocation d'intérêts ou d'arrérages non spécialement émargés dans l'inscription. Duranton, XX, 147. — Le créancier devrait même, pour éviter toute contestation, indiquer le taux des intérêts ou des arrérages.

8

Paris, 25 thermidor an XIII, Sir., 5, 2, 316. La collocation pour deux années d'intérêts, réclamée en vertu de l'art. 2151, ne peut comprendre les intérêts des intérêts, stipulés entre le créancier et le débiteur, ou dus par suite

spécialement dans l'inscription, le créancier jouit, en ce qui les concerne, du même rang d'hypothèque que pour le capital.

Mais les intérêts ou arrérages dus pour une période plus longue ne participent, en général, au bénéfice de l'hypothèque qu'à la condition d'inscriptions particulières, requises par le créancier au fur et à mesure de leur échéance, et ne prennent rang qu'à la date de ces inscriptions. Art. 2151°.

Sauf l'effet de ces inscriptions particulières, le créancier hypothécaire ne jouit, pour les intérêts non conservés de droit par l'inscription relative au capital, d'aucune garantie hypothécaire. Il en résulte que la disposition de l'art. 2151 peut être invoquée nonseulement par d'autres créanciers hypothécaires, mais encore par les créanciers simplement chirographaires 10, ainsi que par le tiers détenteur qui, sans purger, offre de payer le montant de la dette hypothécaire 11

d'une demande judiciaire. Pont, no 1027. Angers, 25 novembre 1846, Dalloz, 1847, 2, 53. Bourges, 30 avril 1853, Dalloz, 1854, 2, 52. — Il a cependant été jugé que le vendeur a droit d'être colloqué en vertu de son privilége, même pour les intérêts des intérêts du prix de vente. Bourges, 23 mai 1829, Dev. et Car., Coll. nouv., IX, 2, 270.

L'art. 2151 restreint d'une manière notable les effets de l'hypothèque, dont le bénéfice s'étendrait, sans cela, à tous les intérêts ou arrérages non prescrits. Cette restriction a pour objet, d'une part, d'empêcher qu'un créancier ne puisse, en laissant volontairement accumuler une somme considérable d'intérêts ou d'arrérages, diminuer notablement les sûretés acquises aux créanciers postérieurs, et, de l'autre, de prévenir les fraudes que le débiteur, de concert avec l'un des créanciers, pourrait commettre au préjudice des autres, en présentant comme encore dus des intérêts ou arrérages payés depuis longtemps.

10 On avait voulu soutenir que l'art. 2151 concernait exclusivement les rapports des créanciers hypothécaires entre eux, et que les créanciers chirographaires n'étaient pas admis à se prévaloir de la restriction établie par cet article. Mais cette opinion devait être rejetée parce que la loi ne reconnaît pas de position intermédiaire entre celles de créancier hypothécaire et de créancier chirographaire, et qu'une créance ne saurait avoir, vis-à-vis de créanciers simplement chirographaires, le caractère de créance hypothécaire, lorsqu'elle n'a pas ce caractère à l'égard des créanciers hypothécaires. Cpr. § 267. Pont, no 1033. Civ. rej., 15 avril 1846, Sir., 46, 1, 818.

"Non obstat art. 2168. Cet article, en disant que le tiers détenteur est tenu de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, se refère nécessairement aux art. 2166 et 2167, qui ne soumettent le tiers détenteur qu'à l'acquittement des charges hypothécaires inscrites. Troplong, III, 788. Martou, III, 1256. Pont, n° 1132. Zachariæ, 4e édit., § 285, note 2 (Ce dernier auteur avait dans sa troisième édition émis une opinion opposée). Bordeaux, 28 février 1850, Sir., 51, 2, 188. Voy. en sens contraire: Persil, sur l'art. 2151, no 11; Grenier, I, 101; Bruxelles, 4 avril 1806, Sir., 7, 2, 1003.

« PreviousContinue »