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radiation ne pourrait, sous forme d'action principale, être soumise au tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été prise"; et d'autre part, que le tribunal, régulièrement saisi de la contestation sur le titre de la créance, fût-il même un tribunal d'exception, comme un tribunal de commerce ou une justice de paix, pourrait et devrait, en annulant ce titre ou en le déclarant éteint, ordonner en même temps la radiation de l'inscription 23.

Le jugement qui a ordonné la radiation d'une inscription, et qui d'ailleurs n'a pas été déclaré exécutoire par provision", n'autorise le conservateur à effectuer la radiation que lorsqu'il a été rendu en dernier ressort, ou qu'il est passé en force de chose jugée. Art. 215725. La signification du jugement de radiation, nécessaire, soit comme formalité préalable à l'exécution d'un jugement rendu en dernier ressort ou déclaré exécutoire par provision, soit pour faire courir le délai de l'appel, doit être faite au créancier inscrit, à personne ou à son domicile général 26.

"En pareil cas, la question de nullité ou d'extinction du titre est préjudicielle, et doit, comme telle, être soumise au juge compétent pour en connaître : celui qui veut obtenir la radiation de l'inscription, ne peut forcer le créancier à débattre cette question devant tout autre juge, en affectant de ne la soulever que sous forme d'exception. En vain, pour soutenir le contraire, objecterait-on que l'art. 2159 n'écarte la compétence attribuée au tribunal de la situation des immeubles, que dans le cas où l'hypothèque inscrite a pour cause une condamnation judiciaire, éventuelle ou indéterminée, sur l'exécution ou la liquidation de laquelle les parties sont en contestation, et que cette exception, toute spéciale, ne peut être étendue à d'autres hypothèses. Cette interprétation doit être rejetée, parce qu'elle aboutirait à une conclusion contraire aux notions les plus élémentaires en fait de compétence, et que le principe sur lequel repose l'exception indiquée en l'art. 2159, général de sa nature, s'applique, avec une force au moins égale, à tous les cas où la radiation de l'inscription est demandée à raison de la nullité ou de l'extinction de la créance qui en fait l'objet. Persil, sur l'art. 2159, no 3. Grenier, I, 94 et 188. Troplong, III, 742. Duranton, XX, 205. Martou, III, 1231. Pont, no 1092. Cpr. Req. rej., 1er floréal an XII, Sir., 20, 1, 472; Req. rej., 29 brumaire an XIII, Sir., 7, 2, 1001; Req. rej., 5 mai 1813, Sir., 13, 1, 251. Voy. cependant Tarrible, Rép., vo Radiation, no 10; Paris, 9 mars 1813, Sir., 14, 2, 136.

23 Req. rej., 11 février 1834, Sir., 35, 1, 475.

24 Persil, sur l'art. 2157, no 20. Pont, no 1093.

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Cpr. Code de proc., art. 548, 549 et 550.

26 Merlin, Rép., vo Domicile élu, § 1, nos 6 et 7. Grenier, II, 527. Persil, sur l'art. 2157, no 19. Baudot, no 984. Chauveau sur Carré, Quest. 1907. Civ. cass., 29 août 1815, Sir., 15, 1, 430. Paris, 18 janvier 1831, Sir., 31, 2, 269. Pau, 21 janvier 1834, Sir., 34, 2, 553. Angers, 30 mars 1854, Sir., 2, 418. Voy. cependant en sens contraire: Troplong, III, 739; Duranton, XX,

55,

4o Celui qui requiert la radiation d'une inscription, est tenu de déposer au bureau du conservateur une expédition de l'acte authentique de main-levée ou du jugement qui ordonne la radiation. Art. 2158.

Le conservateur, requis de procéder à une radiation volontairement consentie, a le droit et le devoir de vérifier et d'apprécier les actes en vertu desquels elle est demandée, non-seulement quant à leur régularité, mais encore au point de vue de la capacité des parties dont ils émanent ". A cet effet, il est autorisé à exiger le dépôt d'une expédition, ou tout au moins d'un extrait littéral (in parte qua) et suffisamment explicite 28, de la procuration, de l'acte de nomination, du contrat de mariage", de l'acte de société, ou de tels autres actes propres à établir la qualité en vertu de laquelle la main-levée a été consentie, ainsi que la production de tous do. cuments nécessaires pour apprécier la capacité de la partie qui l'a donnée 31.

Lorsque la radiation est requise en exécution d'un jugement qui l'a ordonnée, le conservateur peut et doit, pour mettre sa res204; Pont, no 1096. D'après ces auteurs, la signification du jugement serait valablement faite au domicile élu dans l'inscription. Mais cette opinion, contraire à la règle générale posée par les art. 147 et 443 du Code de procédure, ne saurait être admise, en l'absence de toute disposition spéciale qui y déroge, expressément ou implicitement, pour ce qui concerne les jugements de radiation d'inscriptions hypothécaires.

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"Cpr. sur la responsabilité que le conservateur peut encourir en procédant imprudemment à la radiation d'une inscription: § 268, texte et notes 22 à 27. "On pense assez généralement que le conservateur n'est pas tenu d'affectuer la radiation, sur la vu d'un extrait, même déclaré littéral, à moins que le notaire ou le greffier qui l'a délivré, n'ait de plus attesté que les parties non transcrites de l'acte ou du jugement ne contiennent ni conditions ni réserves contraires, et que l'extrait reproduit tout ce qui a trait à la radiation. Le motif que l'on en conne, est que la déclaration accessoire dont il s'agit, peut seule engager la responsabilité de l'officier ministériel qui délivre l'extrait, et couvrir ainsi celle du conservateur. Persil, sur l'art. 2158, no 3. Pont, no 1099. Voy. aussi en ce sens art. 93 de la loi belge du 16 décembre 1851. Mais cette déclaration n'est-elle pas virtuellement comprise dans celle que l'extrait a été fait littéralement, en ce sens du moins que l'officier ministériel qui le délivre avec une pareille mention, en garantit la complète et entière conformité à l'acte, au point de vue de la radiation?

29 Paris, 17 août 1843, Sir., 43, 2, 534. Metz, 13 déc. 1854, Sir., 55, 2, 193. 30 Req. rej, 19 août 1845, Sir., 45, 1, 707. Cpr. aussi Amiens, 31 décembre 1851, Sir., 52, 2, 128.

31 Cpr. Civ. cass., 18 mai 1852, Sir., 52, 1, 634; Dijon, 7 avril 1859, Sir., 59, 2, 585.

ponsabilité à couvert, exiger le dépôt des deux certificats mentionnés en l'art. 548 du Code de procédure ".

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5o Le consentement donné par le créancier à la radiation de son inscription ne lui fait pas perdre son droit hypothécaire, s'il ne résulte pas des termes de l'acte qu'il ait voulu renoncer à son hypothèque même 3. De là découle une double conséquence: la première, que le créancier, dont l'inscription a été rayée par suite de la main-levée, peut, à défaut du paiement de sa créance, prendre une nouvelle inscription, qui n'aura d'effet, bien entendu, que du jour de sa date 34; la seconde, que le créancier peut, tant que l'inscription n'a pas été rayée, révoquer la main-levée et empêcher la radiation, en notifiant au conservateur l'acte de révocation. Dans ce cas, il conserve son rang hypothécaire à l'égard des créanciers qui ne se sont inscrits que depuis cette révocation ; mais il serait primé par les créanciers qui auraient pris inscription dans l'intervalle de la main-levée à sa révocation 36.

Quant à la main-levée donnée par le créancier au tiers acquéreur qui l'a désintéressé, elle ne profite, tant qu'elle n'a pas été suivie de radiation, qu'à ce dernier, et nullement aux autres créanciers, qui ne peuvent s'en prévaloir, ni contre l'acquéreur, ni même contre le créancier qui l'a consentie. Elle ne fait donc pas obstacle à ce que l'acquéreur, subrogé aux droits du créancier qu'il a payé, ou ce dernier lui-même s'il a garanti l'effet du paiement, obtienne collocation à la date de l'inscription 37.

Lorsqu'une inscription a été rayée, soit par l'effet d'une erreur constatée plus tard, soit en vertu d'un acte de consentement qui depuis a été annulé ou même reconnu faux, soit enfin en exécution d'un jugement ultérieurement réformé ou cassé, elle ne revit pas de plein droit, et le créancier est réduit à en prendre une nouvelle. L'inscription ainsi rétablie ne peut être opposée, ni aux

39 Cpr. Rouen, 8 février 1842, Sir., 42, 2, 271.

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35 Voy. art. 2180, no 2. Renuntiatio est strictissimæ interpretationis. Ond quelquefois que l'acte de main-levée produit son effet dès qu'il a été consenti ̧ et indépendamment de la radiation même. Cpr. Troplong, III, 738; Pont, no 1105; Martou, III, 1215. Mais la proposition ainsi formulée serait évidemment trop absolue en principe, et conduirait à des applications inadmissibles. 34 Civ. rej., 2 mars 1830, Sir., 30, 1, 342.

35 Civ. rej., 1er décembre 1852, Sir., 54, 1, 93.

30 Civ. cass., 4 janv. 1831, Sir., 31, 1, 126. Agen, 19 mai 1836, Sir., 36, 2, 404. 37 En décidant le contraire, on violerait les art. 1165 et 2180. Civ. cass., 20 juin 1859, Sir., 59, 1, 853.

créanciers qui se sont inscrits dans l'intervalle de sa radiation à son rétablissement, ni au tiers acquéreur, si elle n'a été rétablie qu'après la transcription de son titre 38. Mais elle reprend en général tout son effet à l'égard des créanciers et des tiers acquéreurs dont les titres avaient été inscrits ou transcrits dès avant la radiation 39

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§ 282.

De la réduction des inscriptions.

4° La réduction d'une inscription est sa radiation partielle en ce qui concerne, soit les immeubles sur lesquels elle frappe, soit la somme pour laquelle elle a été prise.

Elle peut avoir lieu du consentement des parties intéressées, ou en vertu d'un jugement rendu contre elles à la demande du débiteur.

La capacité de consentir la réduction d'une inscription suppose, en général, la libre disposition de la créance pour sûreté de laquelle elle a été prise. Ceux qui ne sont investis que de l'administration

3 Une inscription rayée n'existe plus pour le public; on ne pourrait la faire revivre, au préjudice de tiers qui auraient acquis, depuis sa radiation, des droits sur l'immeuble qu'elle frappait, sans se mettre en opposition directe avec le principe de la publicité, et saus ébranler la base du régime hypothécaire. Arg. art. 2106, 2134 et 2166 cbn 2198. Troplong, III, 746 bis. Duranton, XX, 203. Taulier, VII, 362. Demolombe, VIII, 143 in fine. Martou, III, 1224. Pont, no 1107. Paris, 15 avril 1811, Sir., 11, 2, 472. Civ. rej., 26 janvier 1814, Sir., 14, 1, 179. Req. rej., 18 juin 1838, Sir., 38, 1, 1004. Req. rej., 9 décembre 1846, Sir., 47, 1, 827. Civ. rej., 13 avril 1863, Sir., 63, 1, 297. Voy. en sens contraire: Persil, sur l'art. 2134, no 6; Battur, IV, 690.

39 Il serait contraire à toute justice de sacrifier l'intérêt du créancier dont l'inscription a été indûment rayée, pour améliorer la position de personnes dont les droits se trouvaient primés par l'effet de cette inscription. On peut d'ailleurs, en ce qui les concerne, attacher à la nouvelle inscription un effet rétroactif, sans contrevenir au principe de la publicité, entendu selon son véritable esprit, puisqu'elles conserveront intacts les droits qu'elles avaient acquis. Melioris conditionis est, qui certat pro damno vitando, quam qui certat pro lucro captando. Voy. les auteurs cités à la note précédente. Douai, 10 janvier 1812, Sir., 12, 2, 370. Paris, 12 juin 1815, Sir., 18, 2, 119. Toutefois, si un tiers acquéreur avait, depuis la radiation, payé son prix entre les mains du vendeur, ou d'autres créanciers de ce dernier, la nouvelle inscription ne pourrait lui être opposée, bien que son titre d'acquisition fût déjà transcrit au moment de la radiation. Cpr. aussi: Rouen, 22 mars 1863, Sir., 64, 2, 45; Req. rej., 4 juillet 1864, Sir., 64, 1, 252.

de leur fortune, sans en avoir la disposition, et ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l'administration de tout ou partie du patrimoine d'autrui, ne peuvent valablement consentir la réduction en ce qui concerne les immeubles grevés, encore que la créance pour sûreté de laquelle l'inscription a été prise, ait été partiellement acquittée1. Ils ne peuvent pas davantage la consentir sous le rapport de la somme portée dans l'inscription', alors du moins qu'il n'a pas été fait de paiement d'à-compte.

Tout ce qui a été dit au paragraphe précédent, sur la forme des actes de main-levée, et sur les pièces accessoires dont le conservateur, requis d'opérer une radiation volontairement consentie, peut exiger le dépôt, s'applique à la réduction volontaire 3.

La réduction peut être demandée en justice dans les deux cas suivants :

a. Lorsqu'une inscription générale frappe sur plus d'immeubles différents qu'il n'est nécessaire pour la sûreté de la créance. Art. 2161.

b. Lorsque l'évaluation faite par le créancier, en conformité des art. 2132 et 2148, no 4, est excessive. Art. 2163 et 2164.

Les inscriptions générales, prises au profit de l'État, des communes et des établissements publics, sont tout aussi bien susceptibles de réduction, que les inscriptions requises, soit dans l'intérêt des femmes mariées, des mineurs et des interdits, soit en vertu de jugements*.

'En effet, comme l'hypothèque est indivisible, et que chacun des immeubles hypothéqués se trouve affecté en entier, et dans chacune de ses parties, au paienient intégral de la créance, la réduction consentie, même après des paiements partiels plus ou moins importants, présente toujours, à la différence de la main-levée consentie à raison du paiement total de la créance, le caractère d'une renonciation spontanée et gratuite.

* Cette proposition paraît incontestable, lorsque le montant de la créance se trouve déterminé par le titre. Mais devrait-on appliquer la même solution au cas où il s'agirait d'une réduction portant sur une évaluation faite en conformité des art. 2132 et 2148, no 4? Nous le pensons, puisque la réduction de l'inscription, sous prétexte d'une évaluation exagérée, pourrait n'être qu'une renonciation déguisée à une partie des sûretés hypothécaires attachées à la créance. Voy. § 281, texte, notes 13 à 15, et 27 à 32. Merlin, Rép., vc Radiation des hypothèques, § 12. Persil, sur l'art. 2161, no 7.

Voy. en sens contraire Persil, sur l'art. 2161, no 5; Battur, IV, 700. D'après ces auteurs, les inscriptions prises sur les biens des comptables ne seraient pas réductibles; mais leur opinion, contraire à la généralité de la disposition de l'art. 2161, se trouve formellement condamnée par l'art. 15 de la loi

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