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autre énonciation, qu'elle a été prise en vertu d'un jugement de condamnation, même émané d'un tribunal de commerce ".

La question de savoir si telle ou telle mention ou indication insérée dans l'inscription contient ou non les éléments exigés par la loi à peine de nullité, n'est pas une simple question de fait, abandonnée à l'appréciation souveraine des tribunaux, mais une question de droit, dont la solution erronée tombe sous la censure de la Cour de cassation 28. Il en est de même du point de savoir si l'inscription contient implicitement telle énonciation, par exemple celle de l'époque de l'exigibilité de la créance, qui ne s'y trouverait pas explicitement insérée "9.

Du reste, la validité des inscriptions hypothécaires se juge uniquement, d'après leur état même, c'est-à-dire d'après la forme sous laquelle elles ont été portées sur les registres destinés à les recevoir. Ainsi une inscription régulière ne peut être annulée à raison de la défectuosité du bordereau, sur la présentation duquel elle a été effectuée; et réciproquement, la régularité du bordereau ne saurait couvrir les vices de l'inscription 30.

Les actions en nullité d'inscriptions hypothécaires se portent

"Req. rej., 9 août 1832, Sir., 32, 1, 481. Nîmes, 28 novembre et 9 janvier 1833, Sir., 33, 2, 198. Civ. cass., 28 mars 1838, Sir., 38, 1, 417.

"La distinction des énonciations requises par les art. 2148 et 2153, en substantielles et en simplement réglementaires, une fois admise en droit, et comme règle pour l'annulation ou le maintien des inscriptions dont la validité serait contestée, il doit appartenir à la Cour de cassation d'examiner si l'inscription satisfait, pour telle ou telle mention substantielle, au prescrit de la loi. Et tel est, en effet, le point de vue auquel cette Cour se place en ce qui concerne la désignation du débiteur (Cpr. Req. rej., juillet 1840, Sir., 40, 1, 990; Civ. rej., 13 juillet 1841, Sir., 41, 1, 731), et auquel elle s'était également attachée quant à la désignation des immeubles grevés (Cpr. Civ. rej., 6 mars 1820, Sir., 20, 1, 73; Req. rej., 19 février 1828, Dev. et Car., Coll. nouv., 9, 1, 38). Mais un arrêt plus récent de la Chambre des requêtes du 15 février 1836 (Sir, 36, 1, 81) ne semble plus voir, à tort selon nous, qu'une simple question de fait dans celle de savoir si la désignation des immeubles hypothéqués, telle qu'elle est donnée par l'inscription, est ou non suffisante au point de vue du principe de la spécialité. Cpr. § 266, note 55.

* Civ. cass., 28 mars 1838, Sir., 38, 1, 164. Civ. cass., 19 août 1840, Sir., 40, 1, 686. Chamb. réun. rej., 6 décembre 1844, Sir., 45, 1, 31. Req. rej., 15 novembre 1852, Sir., 52, 1, 793.

"Avis du Conseil d'État des 11-26 septembre 1810. Persil, sur l'art. 2150. Grenier, II, 530. Pont, nos 948 et 1012. Civ. cass., 22 avril 1807, Sir., 7, 1, 233.

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devant le tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel sont situés les immeubles hypothéqués. Art. 2156.

Les exploits d'assignation relatifs à de pareilles demandes se donnent au créancier, soit à personne ou à son domicile réel, soit au dernier des domiciles élus sur le registre. Art. 2156.

§ 277.

De la rectification des inscriptions irrégulières1.

Les omissions ou erreurs existant dans une inscription peu vent provenir, soit de l'irrégularité des bordereaux, soit d'une inadvertance de la part du conservateur des hypothèques.

Au premier cas, l'inscription peut être rectifiée à la demande du créancier ou d'un tiers agissant en son nom, et sur la produc tion de nouveaux bordereaux; au second, elle peut l'être d'office par le conservateur, sans qu'il soit besoin, dans l'une ni dans l'autre hypothèse, d'un jugement préalable qui ordonne ou autorise la rectification *.

La rectification s'opère au moyen d'une nouvelle inscription, portée sur les registres hypothécaires à la date courante. Pour prévenir tout double emploi, le conservateur doit relater l'ancienne inscription, tant en marge de l'inscription rectifiée, que dans les extraits qu'il en délivre 3.

La rectification n'a d'effet que pour l'avenir, et ne valide pas rẻtroactivement l'inscription primitive. Il en était autrement des rectifications opérées en vertu de la loi du 4 septembre 1807, les inscriptions rectifiées devant, aux termes de l'art. 2 de cette loi, être considérées comme ayant toujours été complètes.

' Voy. la loi du 4 septembre 1807, spéciale à la rectification des inscriptions dans lesquelles on avait omis de mentionner l'époque de l'exigibilité de la

créance.

* Avis du Conseil d'Etat des 11-26 décembre 1810, relatif au mode de rectification des erreurs ou irrégularités commises sur les registres hypothe

caires.

* Cette mesure de précaution, que l'avis précité du Conseil d'État n'exige que pour les rectifications opérées d'office par le conservateur, semble devoir s'appli quer également aux rectifications requises par les parties intéressées. Cpr. § 263,

texte et note 17.

$278.

Des règles spéciales concernant la conservation des priviléges soumis à la condition de publicité.

Les règles générales exposées aux paragraphes précédents sur la formalité de l'inscription s'appliquent, sous les modifications qui seront ci-après indiquées, aux priviléges dont l'efficacité est soumise à la condition de publicité. Art. 2106.

1o Le vendeur conserve son privilége, indépendamment de toute inscription, par la transcription de l'acte de vente constatant que tout ou partie du prix lui est encore dû1, peu importe que cette formalité ait été accomplie à la diligence du vendeur lui-même ou à la requête de l'acquéreur. Art. 2108.

Le vendeur peut aussi, sans transcription préalable, conserver son privilége au moyen d'une inscription 3.

Lorsque le privilége du vendeur a été conservé par l'effet de la transcription, le conservateur est obligé, dans l'intérêt des tiers,

1

2

Cpr. sur ce point, § 263, texte no 1.

Troplong, I, 258. Pont, no 264. Flandin, De la transcription, II, 1097. Mais la transcription d'un acte de revente serait insuffisante pour conserver le privilége du vendeur originaire, encore que cet acte mentionnât que tout ou partie du prix lui reste dû. Grenier, II, 377. Persil, sur l'art. 2108, no 2. Troplong, I, 284. Pont, no 265. Flandin, op. cit., II, 1098 et 1099. Paris, 3 juillet 1815, Sir., 16, 2, 1. Req. rej., 14 janvier 1818, Sir., 18, 1, 300. Req. rej., 29 avril 1845, Sir., 45, 1, 535. Montpellier, 9 juin 1853, Sir., 53, 2, 406. Paris, 30 novembre 1860, Sir., 61, 2, 29.

'Tarrible, Rép., vo Privilége, sect. V, no 12. Grenier, II, 386. Persil, sur l'art. 2108, no 3. Troplong, I, 285 bis. Flandin, op. cit., II, 1109. Civ. cass., 6 juillet 1807, Sir., 7, 2, 1137. Req. rej., 7 mai 1811, Sir., 11, 1, 225. Rennes, 21 août 1811, Sir., 13, 2, 111. Voy. en sens contraire: Pont, no 263. Cet auteur conteste la proposition émise au texte, surtout au point de vue de la loi du 23 mars 1855. Il se fonde sur ce que, le vendeur restant propriétaire à l'égard des tiers jusqu'à la transcription, l'inscription qu'il prendrait sur l'acquéreur avant l'accomplissement de cette formalité, serait absolument sans valeur. Mais il y a là une singulière erreur. Il est vrai que, tant que la vente n'a point été transcrite, le vendeur est encore réputé propriétaire à l'égard des tiers, en ce sens que ces derniers peuvent jusque-là valablement acquérir de son chef des droits sur l'immeuble vendu. Mais, dans ses rapports avec l'acquéreur, le vendeur a cessé d'être propriétaire par l'effet même du contrat de vente, et comme ce contrat le constitue créancier privilégié du prix, rien ne s'oppose à ce qu'il prenne immédiatement inscription pour la conservation de son privilége. Cpr. § 209, texte et note 73. Voy. aussi loi du 23 mars 1855, art. 6, al. 2.

et ce à peine de tous dommages intérêts envers eux, de prendre une inscription d'office. Toutefois, l'omission ou l'irrégularité de l'inscription d'office ne porte aucune atteinte à l'efficacité du privilége, qui est dûment conservé par la transcription seule.

La loi ne fixe aucun délai spécial pour l'accomplissement de l'une ou de l'autre des formalités à l'aide desquelles se conserve le privilége du vendeur.

Mais sa conservation demeure, en général, soumise à l'obser vation des délais indiqués au no 2 du § 272, pour le cas d'aliénation. De là, les applications suivantes :

Sous l'empire du Code Napoléon, le vendeur était admis à conserver son privilége tant que l'immeuble vendu restait dans les mains de l'acquéreur, et ne pouvait plus le faire utilement après la revente de cet immeuble. Art. 2166.

A partir de la mise à exécution du Code de procédure, le privilége du vendeur put être efficacement conservé jusqu'à l'expiration de la quinzaine, à partir de la transcription de l'acte de revente. Code de procédure, art. 834.

Aujourd'hui, et depuis le 1er janvier 1856, c'est par la transcription même de l'acte de revente que le vendeur se trouve privé de la possibilité de conserver encore son privilége. Loi du 23 mars 1855, art. 6, al. 1.

Toutefois, et par une exception spéciale destinée à garantir le vendeur contre les conséquences d'une revente immédiate, il lui est accordé un délai de quarante-cinq jours à partir de la vente, pendant lequel il peut, nonobstant toute transcription d'actes faits dans ce délai, conserver son privilége. Loi précitée, art. 6, al. 2. Ce délai de quarante-cinq jours, uniquement établi dans l'intérêt du vendeur, ne doit pas être retorqué contre lui, et ne constitue pas un terme fatal à l'expiration duquel son privilége, non antérieurement conservé, dégénérerait nécessairement en une simple hypothèque, conformément à l'art. 2113*.

Troplong, I, 286. Pont, no 270. Flandin, op. cit., II, 1102.

Rivière et François, Explication de la loi du 23 mars 1855, no 102. Rivière et Huguet, Questions sur la transcription, no 365. Lesenne, Commen taire de la loi du 25 mars 1855, nos 114 et 115. Mourlon, Examen critique, nos 371 et 378. Fons, Précis sur la transcription, no 56. Troplong, De la transcription, no 279. Voy. en sens contraire: Flandin, De la transcription, II, 1094 à 1096. L'opinion de cet auteur est évidemment contraire au texte du second alinéa de l'art. 6 de la loi du 23 mars 1855, et à l'esprit de faveur dans lequel il a été conçu. Cet alinéa, en effet, n'a d'autre objet que de soustraire le

Enfin, on doit également appliquer au privilége du vendeur ce qui a été dit au no 2 du § 272, tant en ce qui concerne le cas d'expropriation forcée par suite de saisie immobilière, que quant à celui d'expropriation pour cause d'utilité publique.

La faillite de l'acquéreur enlève au vendeur, comme aux simples créanciers hypothécaires, et ce à partir du jour auquel a été prononcé le jugement qui l'a déclarée, la faculté de rendre son privilége efficace à l'égard des créanciers de la masse. Mais, nonobstant l'inefvendeur, pendant le délai de quarante-cinq jours, à l'application de la déchéance prononcée par le premier alinéa du même article. C'est ce qui résulte du mot néanmoins, qui relie les deux alinéas de l'art. 6, et plus nettement encore des expressions, nonobstant toute transcription d'actes faits dans ce délai, qui terminent le second. C'est ce qui ressort également, de la manière la plus formelle, du rapport de M. de Belleyme et de la discussion au Corps législatif. Voy. Sirey, Lois annotées, 1855, p. 29, col. 1 et 2, no 12; p. 33, col. 2, no 11; p. 35, col. 3, no 12.

* Malgré la généralité des termes du premier alinéa de l'art. 2446, nous avions, dans notre première édition, enseigné avec les meilleurs auteurs (Voy. Tarrible, Rép., vo Insc. hyp., § 4, no 10; Persil, sur l'art. 2146, no 6; Grenier, I, 225), mais contrairement à la jurisprudence (Voy. Civ. rej., 6 juillet 1818, Sir., 19, 1, 27), que cette disposition n'était pas applicable au privilége du vendeur. Les considérations qui nous avaient surtout déterminés étaient les suivantes : Si le privilége du vendeur, qui prime, à quelque époque qu'il ait été rendu public, les hypothèques même antérieurement inscrites, n'était plus susceptible d'être utilement conservé en cas de faillite de l'acquéreur, il pourrait se faire que la déchéance encourue par le vendeur profitât, non à la masse, mais aux créanciers hypothécaires dont les inscriptions auraient été prises en délai utile. Or ce résultat nous avait semblé difficile à admettre. Que la faillite doive avoir pour effet d'écarter, au profit de la masse, les droits de préférence non encore rendus publics au moment où elle éclate, on le comprend encore; mais on ne comprendrait pas qu'elle pût avoir pour conséquence d'améliorer la position des créanciers hypothécaires au détriment de celle du vendeur. Quelle que fût la valeur de ces considérations, nous n'avons pas cru devoir maintenir notre opinion en présence du texte de l'art. 448 du Code de commerce, modifié par la loi du 28 mai 1838; et, dès notre seconde édition, nous avons enseigné que le privilége du vendeur ne peut plus être utilement inscrit après le jugement déclaratif de faillite. Tel est encore notre sentiment, sous l'empire de la loi du 23 mars 1855. Voy. en ce sens Troplong, Des priviléges et hypothèques, III, 650, et De la transcription, no 282; Rivière, Revue critique, 1859, XV, p. 433; Mourlon, Examen critique, App., no 379; Flandin, De la transcription, II, 1177 à 1180; Demangeat, sur Bravard, Traité de Droit commercial, V, p. 289 à 291 à la note; Nancy, 9 août 1859, Sir., 59, 2, 594. L'opinion contraire est cependant défendue par M. Pont (no 903, et Revue critique, 1860, XVI, p. 289), qui soutient que la faillite de l'acquéreur doit rester sans influence sur le privilége du vendeur. Les motifs sur lesquels il se fonde ont déjà été indiqués et refutés à la note 3 supra. Tout ce que l'on pourrait concéder, c'est que, dans le cas où la

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