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teur des hypothèques l'original' ou une expédition authentique de l'acte ou du jugement qui donne naissance au privilége ou à l'hypothèque qu'il s'agit d'inscrire. Cette condition n'est cependant pas exi. gée pour l'inscription des hypothèques légales établies par l'art. 2121.

A défaut de représentation du titre, le conservateur peut bien. refuser de déférer à la réquisition qui lui est adressée; mais l'omission de cette formalité n'entraînerait pas la nullité de l'inscription qu'il aurait consenti à opérer 3.

A l'acte d'où résulte le privilége ou l'hypothèque, le requérant doit joindre deux bordereaux, dont l'un peut être porté sur cet acte. Art. 2148, al. 2. Lorsque le débiteur a, par un même acte, constitué hypothèque sur les mêmes immeubles au profit de plusieurs créanciers, ceux-ci peuvent, bien que leurs créances soient distinctes, requérir inscription au moyen d'un bordereau collectif rédigé en double*. La remise de bordereaux n'est, pas plus que la représentation du titre, exigée à peine de nullité, et l'inscription que le conservateur aurait dressée lui-même sans cette remise préalable, ne pourrait être critiquée par ce motif 5.

Les termes de l'art. 2148, original en brevet, ne s'appliquent rigoureusement qu'aux actes notariés reçus en brevet; mais il est évident que lorsqu'il s'agit du privilége résultant d'un acte de vente ou de partage sous seing privé, le conservateur des hypothèques est tenu d'opérer l'inscription sur la présentation de cet acte. C'est par ce motif que, dans le texte, nous disons simplement l'original de l'acte, sans reproduire les mots en brevet. Pont, no 943. Quant aux créanciers d'une succession qui requièrent inscription pour la conservation du droit de préférence attaché à la séparation des patrimoines, il leur suffit de présenter leurs titres de créance, que ces titres soient authentiques ou sous seing privé, et même, si ce sont des ouvriers ou fournisseurs, d'accompagner leur réquisition de mémoires ou de factures. Pont, no 944. Cpr. cep. Duranton, XX, 99.

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* L'art. 2153, relatif à l'inscription de ces hypothèques, n'exige que la remise de bordereaux, et ne parle pas de la représentation du titre, qui est dans la loi même et se rattache à des faits réputés notoires. Grenier, I, 84. Pont, no 939. * L'omission de cette formalité, exigée principalement dans l'intérêt du conservateur des hypothèques, peut d'autant moins entraîner la nullité de l'inscription, que la loi n'a prescrit aucune mention pour constater la représentation du titre. Tarrible, Rép., vo Insc. hyp., § 5, no 6. Persil, sur l'art. 2148, no 4. Troplong, I, 677. Pont, no 940. Riom, 6 mai 1809, Sir., 10, 2, 39. Civ. cass., 18 juin 1823, Sír., 23, 1, 337. Req. rej., 19 juin 1833, Sir., 33, 1, 641.

Pont, nos 952 et suiv. Civ. rej., 17 décembre 1845, Sir., 46, 1, 185. Voy. en sens contraire Baudot, I, 356; Mourlon, Revue pratique, I,

p. 96.

La production de bordereaux n'est exigée que dans l'intérêt respectif du créancier et du conservateur des hypothèques. Delvincourt, III, p. 334. Pont, no 949. Cpr. § 270, texte in fine et note 18.

Les bordereaux doivent contenir les mentions et énonciations constitutives de l'inscription même, telles qu'elles seront indiquées au paragraphe suivant.

Le conservateur des hypothèques, régulièrement requis de procéder à une inscription, est tenu de faire tout aussitôt mention, sur son registre d'ordre, de la réception des pièces qui lui ont été remises. Art. 2200°. Il doit ensuite opérer l'inscription à la date et dans l'ordre de la remise des pièces, en reportant sur le registre à ce destiné le contenu au bordereau, et rendre au requérant, avec le titre ou l'expédition du titre, l'un des bordereaux, au pied duquel il certifie avoir fait l'inscription. Art. 2450. Il n'est, du reste, obligé à se livrer à aucun travail de vérification ou de rectification des bordereaux; sa responsabilité est complétement à couvert, lorsqu'il a fidèlement reproduit dans l'inscription le contenu des bordereaux, et surtout quand il les a littéralement transcrits. Les frais de l'inscription sont, sauf stipulation contraire, à la charge du débiteur. L'avance en est cependant faite par le requérant, à moins qu'il ne s'agisse de l'inscription des hypothèques légales établies par l'art. 2121, auquel cas le conservateur ne peut en exiger l'avance, et n'a de recours que contre le débiteur. Art. 2155.

§ 276.

Des éléments constitutifs de l'inscription. -Des conséquences de l'omission ou de l'irrégularité des mentions et énonciations requises.

1° L'inscription doit, en général, contenir les éléments suivants: a. Les nom, prénoms, domicile du créancier, sa profession, s'il en a une, et l'élection d'un domicile pour lui dans un lieu quelconque de l'arrondissement du bureau 1. L'élection de domicile est

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Voy. pour l'explication de cet article: § 268, texte et note 10.

Le tuteur peut cependant porter en dépense les frais d'inscription de l'hypothèque légale de son pupille. Persil, sur l'art. 2153, no 4. Taulier, VII, 355. Martou, III, 1175. Voy. en sens contraire: Troplong, III, 730 bis; Pont, no 1065. 1 Cette élection de domicile est uniquement relative aux significations ou noti fications qu'il y aurait lieu de faire aux créanciers inscrits ou à leurs ayantsdroit, au sujet de leurs inscriptions mêmes, ou pour les mettre en demeure de faire valoir leurs droits hypothécaires. Cpr. art. 2156, 2183, et Code de proc., art. 692 et 753. Elle ne s'applique point à la signification d'offres réelles qu'un créancier postérieur en rang ferait à un créancier antérieur, dans le but d'obtenir la subrogation à ses droits et actions. Civ. rej., 5 décembre 1854, Sir.. 54, 1, 282.

requise alors même que le créancier a son domicile général dans cet arrondissement. Art. 2148, no 1. Il est loisible au créancier, ainsi qu'à ses représentants, ou cessionnaires par acte authentique3, de changer, sur le registre des inscriptions, le domicile par lui élu, à la charge d'en choisir un autre dans le même arrondissement. Art. 2152.

b. Les nom, prénoms, domicile du débiteur, et sa profession, s'il en a une connue, ou une désignation individuelle et spéciale telle, que le conservateur puisse reconnaître et distinguer, dans tous les cas, l'individu sur lequel l'inscription est prise. Art. 2148, no 2.

c. La date et la nature du titre qui a donné naissance au privilége ou à l'hypothèque formant l'objet de l'inscription *. Lorsque ce titre a été suivi d'un acte de reconnaissance, qui en a interrompu la prescription, il n'est pas indispensable que l'inscription relate également cet acte 5. Art. 2148, no 3.

d. L'indication du montant de la dette avec ses accessoires, et celle de l'époque de son exigibilité. Lorsque le montant du capital de la dette n'est pas exprimé dans le titre, il doit être indiqué dans l'inscription sous la forme d'une évaluation faite par le créancier. Il en est de même quant aux accessoires éventuels ou indéterminés. Art. 2148, no 47.

e. Enfin, l'indication de l'espèce et de la situation des biens sur

* Lex non distinguit. Cpr. art. 2156. Persil, sur l'art. 2148, no 9. Pont, no 966. Cpr. note 19 infra.

3 Si la cession de la créance inscrite n'était constatée que par un acte sous seing privé, le conservateur ne devrait mentionner le changement du domicile élu qu'avec le concours du créancier lui-même.

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4 Cpr. Bordeaux, 6 mai 1848, Sir., 49, 2, 649. Lorsque l'inscription est prise par le cessionnaire de la créance, elle doit toujours mentionner l'acte constitutif du privilége ou de l'hypothèque, sans qu'il soit nécessaire qu'elle relate également l'acte de cession. Req. rej., 4 avril 1810, Sir., 10, 1, 218. Civ. cass., 7 octobre 1812, Sir., 13, 1, 111. Paris, 3 juillet 1815, Sir., 16, 2, 1. Civ. cass., 25 mars 1816, Sir., 16, 1, 233. Req. rej., 11 août 1819, Sir., 19, 1, 450.

Req. rej., 30 mai 1843, Sir., 43, 1, 476.

L'exigibilité est suffisamment indiquée, lorsque l'inscription porte que la créance est exigible. Req. rej., 1er février 1825, Sir., 25, 1, 287. Req. rej., 26 juillet 1825, Sir., 26, 1, 92. A plus forte raison n'est-il pas nécessaire, quand l'inscription est prise pour une créance actuellement exigible, de déclarer à quelle époque l'exigibilité a commencé. Nîmes, 23 décembre 1810, Sir., 11, 2, 73. Req. rej., 9 juillet 1811, Sir.. 11, 1, 320. Req. rej., 23 juillet 1812, Sir., 13, 1, 257. Voy. sur la nécessité et les effets de l'évaluation des créances indéterminées et de celle des accessoires éventuels: § 274.

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lesquels le créancier entend conserver son privilége ou son hypothèque. Art. 2148, no 5o.

Lorsque l'inscription a pour objet l'hypothèque légale de l'État, d'une commune ou d'un établissement public, d'un mineur, d'un interdit, ou d'une femme mariée, il suffit qu'elle contienne, avec les énonciations mentionnées aux deux premiers numéros de l'art. 2148, l'indication de la nature des droits ou des créances à conserver, et du montant des droits qui se trouveraient déjà déterminés. Art. 2153 cbn. art. 2148, no 5, al. 2o.

Les droits et reprises d'une femme mariée sont à considérer comme indéterminés dans le sens de l'art. 2153, tant qu'ils n'ont pas été réglés au moyen d'une liquidation faite après la dissolution du mariage, ou à la suite d'une séparation de biens judiciaire. Jusque-là il n'est donc pas nécessaire d'indiquer dans l'inscription le montant des récompenses ou indemnités qui peuvent être dues à la femme, à raison d'actes ou de faits déjà consommés, ni même le montant de ses apports ou des biens qui lui seraient échus pendant le mariage 10.

2o Le Code Napoléon n'ayant pas expressément déterminé l'influence que l'omission ou l'irrégularité de l'une ou l'autre des mentions et indications exigées par les art. 2148 et 2153 exerce sur le sort des inscriptions hypothécaires, l'on doit, pour la solution des questions que soulève le silence de la loi à ce sujet, s'en tenir à la théorie des nullités virtuelles, telle qu'elle a été exposée au § 37.

L'application de cette théorie aux inscriptions hypothécaires conduit à distinguer, parmi les mentions et énonciations requises par les art. 2148 et 2153, celles dont l'insertion est indispensable à la complète réalisation du double principe de la spécialité et de la publicité des hypothèques, et que par ce motif on peut appeler substantielles, de celles qui, au point de vue de ce double principe, n'ont qu'un objet accessoire ou secondaire, et que l'on nomme réglementaires.

L'omission de toute mention ou énonciation substantielle entraîne la nullité de l'inscription où elle se rencontre, sans que le

8 Voy. sur la distinction entre les inscriptions générales et les inscriptions spéciales § 273. Cpr. sur le mode de désignation des biens soumis à une hypothèque spéciale: § 266, no 3, et notes 53 à 57.

• Voy. §§ 273 et 274.

10 Pont, no 997. Rouen, 13 juin 1850, Dalloz, 1850, 2, 120.

juge puisse se dispenser de prononcer cette nullité, par le motif que l'omission dont il s'agit n'aurait, en fait, causé aucun préjudice aux tiers qui s'en prévalent.

Au contraire, l'omission d'une mention ou énonciation simplement réglementaire n'est pas une cause de nullité de l'inscription, et n'a d'autre effet que d'exposer le créancier à perdre certains avantages que l'inscription lui eût assurés, si elle avait été complétement régulière ".

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* Cpr. § 37, texte et notes 8 à 10. Deux autres opinions se sont formées sur les conséquences de l'omission ou de la défectuosité de telle ou telle des énonciations exigées par les art. 2148 et 2153. D'après la première, l'omission, ou même la simple défectuosité de chacune de ces énonciations, entraînerait nécessairement la nullité de l'inscription. Ce système, que la Cour de cassation avait suivi dans les premières années de la promulgation du Code, comme sous l'empire de la loi de brumaire an VII, a été, avec raison, abandonné par elle dès 1809, et ne compte plus aujourd'hui de partisans. Voy. Merlin, Rép., vo Insc. hyp., § 5, no 8. Un second système tend à transformer la question qui nous occupe en une simple question de fait, et peut se résumer dans cette formule: la validité ou la nullité de l'inscription dépend du point de savoir si l'omission reprochée a, oui ou non, lésé un intérêt que la publicité devait éclairer. Ce système, fondé sur l'ancienne maxime Point de nullités sans griefs, et qui a pour défenseurs MM. Troplong (III, 665, et Sir., 25, 2, 129) et Pont (no 959), a été consacré en Belgique par la loi du 16 décembre 1851, art. 85. Voy. Martou, III, 1103 et 1110. Mais, en l'absence de toute disposition semblable, il ne saurait être admis dans notre Droit, puisqu'il méconnaît l'objet des art. 2148 et 2153, et qu'il aurait pour résultat final d'enlever toute signification à leurs dispositions. La forme même de ces articles, et l'énumération détaillée des mentions ou énonciations requises indiquent nettement que le législateur a jugé nécessaire de déterminer lui-même, et en dehors de toute appréciation judiciaire des faits de la cause, les éléments que l'inscription doit contenir pour réaliser les principes fondamentaux de la spécialité et de la publicité, tels qu'il les comprenait et qu'il entendait les organiser. Cette pensée législative, dont il serait difficile de contester la réalité, trace à la doctrine et à la jurisprudence la voie à suivre pour l'application des art. 2148 et 2153, et circonscrit le cercle dans lequel l'interprétation peut se mouvoir. Tout ce qu'en présence de cette pensée il est permis de faire, c'est précisément de se rattacher à la distinction des énonciations substantielles et des énonciations simplement réglementaires, pour maintenir les inscriptions hypothécaires dont les omissions ne porteraient que sur des mentions de la dernière espèce. Aller au delà et prétendre tout réduire à l'existence d'un préjudice causé, c'est se mettre en opposition ouverte avec l'esprit de la loi. Aussi les auteurs que nous combattons n'appliquent-ils pas franchement le principe tel qu'ils le posent, et se trouvent-ils, comme par la force des choses, amenés à le combiner avec la distinction des énonciations substantielles et des mentions simplement réglementaires. Or rien n'est plus inconséquent que cette combinaison, puisque la donnée de formalités substantielles emporte, comme conséquence virtuelle, la nullité de droit des actes dans

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