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gale ne peut être restreinte à certains immeubles qu'au moyen d'un jugement rendu en conformité de l'art. 2143". Il en est de même pour la tutelle dative, quand la restriction n'a pas eu lieu dans l'acte de nomination du tuteur.

La réduction de l'hypothèque légale dans l'acte de nomination du tuteur n'a pas, à l'encontre du mineur ou de l'interdit, un effet absolu et irrévocable. Si cette réduction ne leur avait laissé que des sûretés insuffisantes dès l'origine, ou qui le fussent devenues depuis par une cause quelconque, le subrogé tuteur pourrait exiger pour l'avenir, et sous la réserve des droits acquis dans l'intervalle aux tiers acquéreurs ou créanciers hypothécaires, an complément d'hypothèque, et au besoin, se faire autoriser par justice à prendre une inscription sur la généralité des biens du tuteur 19.

3° L'hypothèque légale des mineurs ou interdits est attachée à tous les droits et créances qu'ils peuvent avoir contre leur tuteur en cette qualité, ou à raison de sa gestion. Art. 2121 cbn. 2135, no 1. Elle garantit donc non-seulement les sommes que le tuteur a réellement perçues, mais encore celles qu'il aurait dû toucher, ainsi que les dommages-intérêts dont il peut être passible à raison de fautes ou de malversations commises dans l'exercice de ses fonctions. Elle garantit même les sommes dont il était personnellement redevable envers le pupille au moment de son entrée en fonctions, ou dont il est devenu son débiteur au cours de la tutelle pour des causes indépendantes de sa gestion, à supposer d'ailleurs que ces dettes étant venues à échéance pendant la durée de la tutelle, il y ait eu pour lui, comme tuteur, obligation d'en exiger le paiement".

18 Cpr. sur la forme, les conditions, et les effets des jugements de réduction d'hypothèques générales: § 282.

1o Le législateur n'a pu autoriser la réduction de l'hypothèque légale du mineur ou de l'interdit que dans la supposition qu'elle ne compromettrait pas leurs intérêts; et dès lors cette mesure doit être rapportée ou modifiée dès que l'iusuffisance des garanties hypothécaires qui leur ont été réservées, se trouve établie. Seulement le retrait ou la modification de la réduction devront rester sans influence sur les droits précédemment acquis à des tiers. Pont, no 352. Paris, 10 janvier 1857, Sir., 57, 2, 124. Cpr. Grenoble, 18 janvier 1833, Sir., 33, 2, 457.

20 Tutor a se ipso exigere debuit. Merlin, Rép., vo Hypothèque, sect. II, § 3, art. 4, no 3. Persil, sur l'art. 2135, § 1, no 5. Grenier, I, 282. Duranton, XIX, 317. Troplong, II, 427. Pont, no 501. Turin, 25 janvier 1811, Sir., 42, 2, 285. Req. rej., 12 mars 1811, Sir., 11, 1, 227. Paris, 26 mars 1836, Sir., 36, 2, 259. Pau, 17 juin 1837, Sir., 38, 2, 161.

C'est ainsi notamment que l'hypothèque légale s'applique au paiement des sommes dont le tuteur aurait fait donation au pupille, et au recours en dommages-intérêts que le pupille peut avoir à exercer contre le tuteur en raison, soit de l'annulation pour défaut d'acceptation régulière d'une donation que celui-ci lui a faite, soit de l'inefficacité d'une pareille donation pour défaut de transcription 22. C'est ainsi encore que l'hypothèque garantit le montant des dommages-intérêts auxquels le tuteur peut être condamné lorsque, usufruitier de capitaux appartenant au pupille, il les a touchés sans les replacer et les a dissipés 23.

Mais le pupille n'aurait pas d'hypothèque légale pour sûreté d'une somme que le tuteur devait, en qualité de légataire et comme charge de son legs, lui laisser dans sa propre succession ".

Le mineur placé sous la tutelle de son père a, pour sûreté des droits et reprises de sa mère, non-seulement l'hypothèque légale qui appartenait à cette dernière, et à laquelle il a succédé, mais encore l'hypothèque qui lui compète de son propre chef sur les biens de son tuteur. Cette dernière hypothèque n'est pas, au cas de faillite du père tuteur, soumise à la restriction établie par l'art. 563 du Code de commerce, et frappe indistinctement tous les immeubles dont celui-ci était déjà propriétaire au jour de l'ouverture de la tutelle, ou qu'il a acquis depuis, à un titre quelconque 25.

"Req. rej., 9 décembre 1829, Sir., 30, 1, 8. Rouen, 18 juin 1839, Sir., 39, 2, 208.

**Cpr. § 652, texte no 3 et note 8; § 704, texte lett. a et note 13. Rouen, 18 juin 1839. Sir., 39, 2, 208.

"Bourges, 6 mars 1855, Sir., 55, 2, 354. Vainement objecterait-on que, dans l'hypothèse indiquée au texte, il s'agit de valeurs dont la restitution ne devient exigible qu'après la cessation de la tutelle, et à raison desquelles il n'y a par conséquent pas pour le tuteur obligation d'en poursuivre le recouvrement sur lui-même. Cette objection porte à faux; elle se réfute par la considération que le tuteur, en dissipant un capital usufructuaire, et en se plaçant dans l'impossibilité de le restituer à la fin de l'usufruit, contrevient à l'obligation que lui imposaient ses fonctions, de conserver les biens du pupille, et se rend ainsi coupable envers lui, dans le cours même de sa gestion, d'une faute dont les conséquences doivent par cela même être garanties au moyen de l'hypothèque légale. "Pont, no 501. Douai, 4 mai 1846, Sir., 46, 2, 470.

"Esnault, Des faillites, III, 590. Demangeat sur Bravard, Traité de Droit commercial, V, p. 569, note 2. Grenoble, 7 juin 1834, Sir., 34, 2, 438. Colmar, 2 février 1857, Sir., 57, 2, 681. — Il est toutefois à remarquer que, si l'hypothèque légale qui compète au mineur du chef de sa mère, remonte au jour du mariage de cette dernière, celle qui lui appartient de son propre chef, sur tous les immeubles de son père sans distinction de leur origine, ne remonte qu'au jour de l'ouverture de la tutelle.

Si le tuteur avait aliéné des immeubles du pupille sans l'observation des formalités prescrites par la loi, et qu'il en eût touché le prix, l'hypothèque légale s'appliquerait à ce prix, comme à toutes les autres sommes par lui perçues, de telle sorte que le mineur aurait l'option, ou de poursuivre l'annulation de la vente et la restitution de ses immeubles, ou d'en réclamer le prix à l'aide de son hypothèque légale; et ce, même au préjudice des créanciers hypothécaires du tuteur, ou des acquéreurs de ses biens 26.

4° L'hypothèque des mineurs et des interdits ne couvre pas seulement l'administration du tuteur pendant la durée de ses fonctions: elle garantit même la gestion postérieure à la cessation de la tutelle, gestion qui doit en principe être considérée comme une suite nécessaire de l'administration tutélaire". Si cependant l'ancien pupille ou ses ayants-droit devaient être considérés, d'après les circonstances, comme ayant volontairement abandonné au cidevant tuteur l'administration de leurs biens, ainsi qu'ils auraient pu la confier à tout autre mandataire, l'hypothèque légale ne couvrirait pas la gestion postérieure à cet abandon 28.

5o Les effets de l'hypothèque légale attachée à la tutelle, remontent invariablement au jour où a commencé la responsabilité du tuteur 29, et ce pour tous les droits et créances du pupille indistinctement, quelles que soient d'ailleurs les causes d'où procèdent ces droits, et les époques auxquelles ils ont pris naissance. Art. 2135 et 2194 30.

26 Pont, no 501. Toulouse, 18 décembre 1826, Sir., 27, 2, 242. Grenoble, 18 juillet 1849, Sir., 50, 2, 261. Cpr. § 537, texte et note 16.

21 Cpr. § 120, texte n° 2 et note 5.

28 Cpr. Demolombe, VIII, 27 à 29; Martou, II, 785; Pont, no 502.

29 Nous avons substitué les termes : jour où a commencé la responsabilité du tuteur, aux expressions: jour de l'acceptation de la tutelle, jour de l'entrée en gestion, dont se servent les art. 2135 et 2194 pour indiquer le point de départ de l'hypothèque légale des mineurs et des interdits. Les rédacteurs du Code se sont exprimés de cette manière, parce que d'ordinaire les tuteurs acceptent les fonctions qui leur sont déférées et les gèrent à partir du moment même où la loi leur en impose l'obligation; mais il est bien évident que si le tuteur avait sans motif légitime refusé d'accepter la tutelle, ou qu'il eût négligé de la gérer pendant un temps plus ou moins long, l'hypothèque légale, destinée à garantir d'une manière complète les intérêts du pupille, n'en devrait pas moins remonter au jour où la responsabilité du tuteur a commencé. Cpr. § 110. Merlin, Rép.. vo Inscription hypothécaire, § 3, no 6. Delvincourt, II, p. 317. Troplong, II, 428.

3o Sous ce rapport, l'hypothèque légale des mineurs et des interdits diffère de celle des femmes mariées : le point de départ de cette dernière n'est pas fixé

6o L'hypothèque légale du mineur et de l'interdit s'éteint par la prescription de l'action en reddition ou en révision de compte qui leur compète contre le tuteur ou ses héritiers. Mais elle survit à la reddition du compte de tutelle et au paiement même du reliquat, pour tous les redressements de compte que l'ancien pupille ou ses ayants-droit peuvent avoir à réclamer, et prime, quant à ce, toutes les hypothèques postérieures, et spécialement l'hypothèque légale postérieure de la femme du tuteur 31.

Toutefois, si à la suite d'une reddition de compte régulière en la forme, le pupille ou ses ayants-droit avaient donné main-levée de l'hypothèque légale, ils ne pourraient, pour les redressements qu'ils auraient à réclamer, exercer cette hypothèque au préjudice des créanciers hypothécaires et des acquéreurs qui auraient traité sur la foi de la main-levée ainsi donnée $2.

§ 264 ter.

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2. De l'hypothèque légale des femmes mariées.

1° Cette hypothèque, attachée au fait du mariage, n'est subordonnée à aucune autre condition qu'à celle de la validité du mariage même. Il en est ainsi, bien que le mariage ait été contracté à l'étranger: le défaut de transcription de l'acte de célébration sur les registres de l'état civil en France, dans le délai fixé par l'art. 171, ne fait pas obstacle à l'existence de l'hypothèque légale de la femme".

d'une manière invariable. Cpr. § 264 ter, Merlin, op. et loc. citt. Troplong, II, 572. Pont, no 747.

* Demolombe, VIII, 140 à 146. Civ. cass., 21 février 1838, Sir., 38, 1, 193. Orléans, 12 janvier 1839, Sir., 39, 2, 376. Toulouse, 18 juillet 1839, Sir., 39, 2, 523. Civ. cass., 18 août 1840, Sir., 40, 1, 995. Toulouse, 7 mars 1855, Sir., 55, 2, 257. Req. rej., 23 décembre 1856, Sir., 57, 1, 845.

**Carette, Sir., 38, 1, 198. Toulouse, 18 juillet 1839, Sir., 39, 2, 523. Cpr. Demolombe, VIII, 147.

'Avant la loi du 28 mai 1838 sur les faillites, quelques auteurs, et notamment M. Pardessus (IV, 1135), avaient soutenu, en se fondant sur les termes de l'art. 443 de l'ancien Code de commerce, que la femme d'un commerçant failli ne jouissait d'aucune hypothèque légale vis-à-vis des créanciers de la masse, lorsque le mariage n'avait été célébré que dans les dix jours antérieurs à l'ouverture de la faillite. Cette opinion, que nous avions réfutée dans notre première édition, a été formellement proscrite par la loi de 1838, qui ne déclare nulles que les hypothèques conventionnelles ou judiciaires constituées depuis la cessation de paiements, ou dans les dix jours qui l'ont précédée, Code de commerce, art. 446.

*Voy. § 468, texte n° 2 et notes 23, 24, 26 et 28. Pont, no 432.

L'hypothèque légale s'évanouit, d'une manière rétroactive, par suite de l'annulation du mariage. Si cependant il avait été contracté de bonne foi par la femme, cette hypothèque subsisterait avec tous ses effets, pour sûreté des droits et créances acquis à cette dernière jusqu'au moment où la nullité de son union a été prononcée'.

L'hypothèque légale dont s'agit est indépendante du régime sous lequel les époux sont mariés. Elle existe au profit de la femme contractuellement séparée de biens', comme au profit de la femme mariée sous le régime dotal, ou sous celui de la communauté. Elle existe même au profit de la femme séparée de biens judiciairement, comme garantie notamment des indemnités qui peuvent lui être dues par le mari, pour des obligations contrac tées avec ce dernier depuis le jugement de séparation3.

2o La femme mariée a hypothèque, non-seulement pour les trois catégories de créances spécialement mentionnées en l'art. 2135, mais pour tous les droits indistinctement qu'elle peut avoir à exercer contre son mari, en sa dite qualité, à un titre ou pour une cause quelconques. C'est ainsi que, sous quelque régime qu'elle soit mariée, la femme jouit de l'hypothèque légale, tant en raison des indemnités de toute nature que le mari peut lui devoir pour malversations ou fautes commises dans l'administration de ses biens personnels', que pour les dépens auxquels il a été con

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Voy. § 460.

Pont, no 430.

Quoique la femme reprenne, par suite de la séparation de biens, la libre administration de ses biens personnels, elle n'en reste pas moins placée sous l'autorité et la dépendance de son mari; et dès lors elle doit continuer à jouir de la protection de l'hypothèque légale, pour les créances nouvelles qu'elle peut acquérir contre ce dernier.

En effet, l'art. 2121, qui est le siége de la matière, attribue à la femme mariée l'hypothèque légale pour sûreté de ses droits et créances sans distine tion; et si l'art. 2135 mentionne spécialement trois espèces de créances, ille fait uniquement pour fixer les différentes époques auxquelles remonte l'hypothèque attachée à chacune de ces catégories, et nullement pour refuser le bénéfice de l'hypothèque aux créances qui ne rentreraient pas exactement dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ce point de doctrine est aujourd'hui généralement admis. Voy. les autorités citées aux notes suivantes.

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L'hypothèque légale garantit notamment, à la date du mariage, les dommages-intérêts qui peuvent être dus par le mari à la femme, lorsqu'il a négligé de requérir la transcription des donations immobilières faites à celle-ci, soit par des tiers, soit par lui-même. Civ. cass., 10 mars 1840, Sir., 40, 1, 217. Angers, 10 mars 1841, Sir., 41, 2, 187. Il résulte de là une conséquence qui mérite

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