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des règlements locaux, c'est-à-dire par des règlements administratifs établis pour toute l'étendue d'un cours d'eau, ou pour une partie de son parcours ". Art. 645.

Mais, dans le cas même où, à raison de l'absence de conven. tions, décisions, ou règlements de cette nature, il y a lieu, par les tribunaux, de procéder à la répartition des eaux entre les parties en cause, ils ne peuvent faire usage du pouvoir qui leur est conféré par l'art. 645, que sous la condition de respecter les droits acquis à l'usage des eaux, par titre, par destination du père de famille, par prescription, ou par l'effet d'une concession 45.

b. L'autorité administrative est, comme investie de la police de tous les cours d'eau ", autorisée à prendre, dans un but d'intérêt général, les mesures destinées à faciliter le libre écoulement des eaux, et à prévenir les dommages qu'elles pourraient causer, si elles étaient tenues à une trop grande élévation.

Il suit de là que la fixation de la hauteur des retenues d'eau rentre dans les attributions exclusives de l'administration, et qu'à elle seule il appartient d'autoriser l'établissement sur les cours d'eau, même non navigables ni flottables, d'usines, de barrages, ou d'autres ouvrages destinés à opérer des retenues ou des dérivations d'eau ". Les travaux de cette nature faits sans autorisation n'ont aucune existence légale au regard de l'administration, qui reste toujours libre d'en ordonner la suppression sans indemnité".

gissait de conventions qui ne fussent pas intervenues entre tous les intéressés, ou qui n'eussent pas réglé entre eux tous la répartition des eaux. Civ. cass., 10 avril 1821, Sir., 21, 1, 316. Civ. cass., 17 décembre 1861, Sir., 62, 1, 165.

"Demolombe, XI, 192. Req. rej., 5 avril 1837, Sir., 37, 1, 892. Civ. rej., 19 avril 1844, Sir., 41, 1, 601. — Lorsque les riverains ont joui des eaux suivant un mode déterminé par un usage ancien et constant, cet usage peut faire présumer l'existence d'un règlement et en tenir lieu. Demolombe, XI, 194. Cpr. Civ. rej, 10 décembre 1855, Sir., 56, 1, 241.

45 Voy. sur l'ensemble de cette proposition: texte n° 3, lett. d et e supra. "Les lois qui déterminent et règlent les attributions de l'autorité administrative en matière de cours d'eau non navigables ni flottables, sont les suivantes : Loi, en forme d'instruction, des 12-20 août 1790, chap. VI; Loi sur la police rurale, des 28 septembre-6 octobre 1791, art. 15 et 16; Loi du 14 floréal an XI, sur le curage des canaux et rivières non navigables; Décret du 25 mars 1852, sur la décentralisation administrative, art. 4, et tableau D.

47 Merlin, Rép., vo Moulin, § 7, art. 1er, no 4; et vo Rivière, § 2, no 2. Garnier, III, 873. Daviel, II, 560. Foucart, Droit administratif, III, p. 243 et suiv. Demolombe, XI, 160. Ord. en Cons. d'État, 23 août 1836, Sir., 37, 2, 44.

"Daviel, II, 613. Proudhon, op. cit., IV, 1260, 1261 et 1441. Demolombe,

Mais, en ce qui concerne les rapports d'intérêt privé entre les riverains, de pareils travaux n'en sont pas moins susceptibles de fonder une possession utile, garantie par l'action possessoire, et qui peut même, sous les conditions précédemment indiquées, servir de point de départ à la prescription". D'un autre côté, l'exécution de travaux faits sans autorisation ne constitue une contravention d'après l'art. 471, no 15, du Code pénal, qu'autant qu'elle a eu lieu au mépris d'un règlement interdisant toute construction non autorisée 5o.

L'exécution des règlements faits par l'administration pour la police des eaux doit être assurée par les tribunaux, nonobstant toutes conventions contraires, et sans égard à la plus longue possession 51.

L'administration étant en outre chargée de diriger les eaux vers un but d'utilité générale, d'après les principes de l'irrigation 52, il lui appartient également de faire, en vue de l'intérêt général, des règlements destinés à assurer le meilleur mode de jouissance ou de distribution des eaux 53. En usant de ce pouvoir, et en ce qui concerne spécialement la répartition des eaux entre les divers intéressés, elle doit autant que possible respecter les droits acquis. Mais si elle en avait fait abstraction, le règlement, d'ailleurs régu lier en la forme, ne pourrait être attaqué par la voie contentieuse, comme ayant porté atteinte à des droits privés *.

Dans l'une et dans l'autre hypothèse dont il vient d'être question, les droits acquis par titre ou par prescription continueraient d'ailleurs à produire, entre les parties, ceux de leurs effets qui se

loc. cit. Ord. en Cons. d'État, 20 mai 1843, Sir., 43, 2, 428. Ord. en Cons. d'État, 15 mars 1844, Sir., 44, 2, 277.

49 Daviel, II, 541. Proudhon, op. cit., IV, 1452. Troplong, De la prescription, I, 146. Demolombe, loc. cit. Req. rej., 14 août 1832, Sir. 32, 1, 733. Req. rej., 20 janvier 1845, Sir., 45, 1, 451. Cpr. § 185, texte no 5 et note 50. "Foucart, op. cit., III, 1452.

5 Cod. Nap., art. 6, Juri publico non præscribitur. Proudhon, op. cit., V, 1521 à 1525. Demolombe, XI, 199. Ord. en Cons. d'État, 7 janvier 1831, Sir., 31, 2, 349.

** Les expressions soulignées sont celles dont se sert la loi, sous forme d'instruction, des 12-20 août 1790, citée à la note 46 supra.

**Daviel, II, 561. Garnier, IV, 1145. Foucart, op. cit., III, 1441. Req. rej., 9 mai 1843, Sir., 43, 1, 769. Crim. cass., 22 janvier 1858, Sir:, 58, 1, 402. 54 Foucart, op. et loc. citt. Ord. en Cons. d'État, 23 août 1836, Sir., 37, 2, 43. Déc. en Cons d'État, 9 février 1854, Recueil Macarel et Lebon, 1854, p. 91.

raient compatibles avec les règlements administratifs", et pourraient, selon les cas, servir de fondement à une demande en dommages-intérêts, formée par celle des parties dont les droits auraient été méconnus, contre celle dont la position aurait été améliorée par l'effet du règlement 56.

Si l'autorité administrative peut, dans un but de pollce et d'uti lité générale, faire des règlements sur le régime des cours d'eau qui ne sont ni navigables ni flottables, il lui est interdit d'user de ce pouvoir pour statuer sur des réclamations d'un intérêt purement privé; les décisions qu'elle prendrait à cet effet seraient entachées d'excès de pouvoir, et annulables comme telles par la voie contentieuse 57.

II. DES SERVITudes établies PAR LE FAIT DE L'HOMME.

§ 247.

Notions générales sur les servitudes établies par le fait de l'homme.

1° Tout propriétaire peut, en général, imposer à son héritage, au profit d'un héritage appartenant à un autre propriétaire, telles charges que bon lui semble. Les seules restrictions apportées à l'exercice de cette faculté sont: que ces charges ne présentent rien de contraire à l'ordre public; et que, d'un autre côté, elles ne soient, ni imposées à la personne, ni créées en faveur de la personne. Art. 686.

Il résulte de la dernière de ces restrictions, que la convention par laquelle une personne s'engagerait à certains services ou prestations, fût-ce même pour la conservation ou l'exploitation d'un fonds déterminé, ne serait pas constitutive d'une servitude réelle, et que les effets en seraient régis par les règles relatives au louage d'ouvrage ou de services 1.

55 Demolombe, XI, 199.

50 Foucart, op. et loc. citt. Ord. en Cons. d'État, 23 août 1836, Sir., 37, 2, 43. Ord. en Cons. d'État, 18 juillet 1838, Sir., 44, 2, 88. Déc. en Cons. d'État, 9 février 1854, Recueil Macarel et Lebon, 1854, p. 91. Cpr. texte et note 35 supra.

57 Proudhon, op. cit., V. 1499 à 1503. Cormenin, Quest. de Droit administratif, II, p. 41 à 44. Foucart, op. cit., III, 1457. Déc. en Cons. d'État, 14 juin 1852, Sir., 52, 2, 698. Déc. en Cons. d'État, 20 juillet 1860, Sir., 60, 1, 502. Voy. encore les autorités citées à la note 37 supra.

1 Marcadé, sur l'art. 636, nos 1 et 2. Demolombe, XII, 674.

Il en résulte également qu'on ne peut, à titre de servitude réelle, et par suite à perpétuité, établir sur un fonds des droits d'usage ou de jouissance, en faveur d'une personne et de ses héritiers'.

Il ne serait même pas possible de constituer de pareils droits, avec le caractère de servitudes réelles, au profit du propriétaire d'un héritage et de ses successeurs, si ces droits n'avaient pour objet que l'avantage personnel des propriétaires, et non l'utilité de l'héritage lui-même, de telle sorte que le fonds au profit duquel ils se trouveraient en apparence établis, n'en fût point en réalité le sujet actif3. C'est ainsi que le droit de se promener dans un jardin, ou d'y cueillir des fruits, ne constitue pas une servitude réelle, encore qu'il ait été établi au profit du propriétaire d'une maison voisine. Il en est de même de la concession d'un droit de chasse ou de pêche, faite au propriétaire d'une habitation, dans les bois ou dans les eaux d'un domaine situé à proximité de cette habitation. De pareilles concessions peuvent seulement, suivant les cas, produire les effets d'un droit d'usage ou de bail".

Mais la règle qu'une servitude réelle ne peut être imposée en faveur de la personne, n'empêche pas qu'on ne doive considérer comme revêtues du caractère de servitudes réelles les charges

* Cpr. § 228, texte et note 3.

La proposition formulée au texte est en elle-même hors de conteste. Le désaccord ne peut exister que sur certaines applications du principe qu'elle énonce. Cpr. Req. rej., 4 juillet 1851, Sir., 51, 1, 599.

• Ut pomum decerpere liceat, et ut spatiari, et ut canare in alieno possimus, servitus imponi non potest. L. 8, proe., D. de serv. (8, 1). Elvers, Die römische Servitutenlehre. Duranton, V, 447. Proudhon, De l'usufruit, 1, 369. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 340. Demolombe, XII, 687. Voy. en sens contraire Toullier, III, 588 à 590; Taulier, II, p. 356 et 357. Cpr. aussi Pardessus, I, no 11, p. 34 et 35.

"Duranton, IV, 292, et V, 449. Pardessus, I, no 11, p. 33 et 34. Marcadé, sur l'art. 686, nos 1 et 2. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 341. Demante, Cours, II, 541 bis, III. Demolombe, XII, 686. Voy. en sens contraire: Toullier, IV, 19; Daviel, Des cours d'eau, III, 933. Cpr. aussi Req. rej., 4 janvier 1860, Sir., 60, 1, 743.

L'art. 686 ne proscrit pas les concessions de cette nature, qui n'ont rien de contraire à l'ordre public. Ce qu'il défend simplement, c'est d'attacher aux droits qu'elles ont pour objet de conférer, le caractère et les effets de servitudes réelles; et rien ne s'oppose, à notre avis, à ce que les parties leur impriment le caractère de servitudes personnelles, en les constituant sous forme de droits d'usage, comme aussi elles peuvent ne les établir qu'à titre de louage. Marcadé, Du Caurroy, Bonnier et Roustain, Demante, Demolombe, locc. citt. Proudhon, De l'usufruit, I, 369.

effectivement établies au profit d'un fonds, alors même que le propriétaire de ce fonds en retirerait un certain avantage, soit pour son usage personnel, soit pour son industrie. C'est ainsi que le droit de prendre dans une forêt le bois nécessaire au chauffage d'une maison, et celui d'extraire d'un fonds l'argile destiné à l'exploitation d'une tuilerie, constituent des servitudes réelles".

2o Les conditions essentielles à l'existence des servitudes réelles peuvent se résumer dans les propositions suivantes :

a. Toute servitude suppose l'existence de deux héritages, dont l'un (héritage servant) est grevé, au profit de l'autre (héritage dominant), d'une charge de nature à augmenter l'utilité ou l'agrément de ce dernier, qui peut ainsi être envisagé comme le sujet actif du droit de servitude.

Il n'est, du reste, pas nécessaire que l'avantage à procurer à l'héritage dominant soit actuel ; il peut n'être qu'éventuel9.

b. Les deux héritages doivent appartenir à des propriétaires différents: Res propria nemini servit.

On doit en conclure, d'une part, que, si le propriétaire d'un fonds établit, pour l'avantage d'une partie de ce fonds, une charge sur l'autre partie, cette charge ne constitue pas une servitude. On doit en conclure, d'autre part, que, lorsque deux héritages appartenant à des propriétaires différents viennent à être réunis dans la même main, la charge dont l'un de ces héritages était grevé au profit de l'autre, cesse d'exister à titre de servitude. Art. 705.

La règle Res propria nemini servit ne s'oppose pas à ce qu'on puisse acquérir, au profit d'un héritage dont on est proprié taire exclusif, une servitude sur un héritage dont on est copropriétaire par indivis, ni, réciproquement, à ce qu'on puisse établir, au profit de cet héritage, une servitude sur celui dont on est propriétaire exclusif 10.

7

Cpr. § 225. Pardessus, I, no 11, p. 29 et 30. Duranton, V, 33 et 34. Demolombe, XII, 684. Paris, 26 mai 1857, Sir., 58, 2, 117. Voy. aussi Grenoble, 23 mai 1858, Sir., 59, 2, 37. Cpr. cep. Req. rej., 8 juillet 1851, Sir., 51, 1, 599.

8

L. 3, proe., D. de aqu. quot. et æst. (43, 20). Toullier, III, 589. Pardessus, I, 13, Demolombe, XII, 685.

9

9 L. 19, D. de serv. (8, 1). L. 23, § 1, D. de serv. præd. urb. (8, 2). L. 10, D. de serv. præd. rust. (8, 3). Toullier, loc. cit. Pardessus, I, 14. Duranton, V, 443. Demolombe, XII, 691 et 694.

10 Demolombe, XII, 696.

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