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Cette attribution se détermine en général d'après la maxime Accessio cedit principali *.

Cependant, dans certains cas, la loi, au lieu d'attribuer le tout, formé par la réunion de deux choses appartenant à des proprié taires différents, à l'un de ces propriétaires, le déclare commun entre eux dans une certaine proportion. Cpr. art. 572 et 573.

D'un autre côté, il est des hypothèses où notre Code, écartant le principe de l'accession, attribue la propriété de certaines choses à des personnes auxquelles elles n'appartiendraient pas d'après ce principe. Cpr. art. 560 et 563.

L'accession pouvant être le résultat soit d'un événement de la nature, soit d'un fait de l'homme, soit enfin de la combinaison de ces deux causes, les anciens jurisconsultes divisaient l'accession en naturelle, industrielle, et mixte; mais cette division n'offre aucun intérêt pratique. Voy. art. 546.

Le Code Napoléon, en s'attachant uniquement à la nature mo. bilière ou immobilière de la chose à laquelle une autre chose vient s'unir ou s'incorporer, s'occupe, dans deux sections différentes, de l'accession relativement aux choses immobilières, et de l'accession relativement aux choses mobilières. Mais l'accession quant aux immeubles comprend en réalité deux hypothèses distinctes, suivant que la chose qui s'urit ou s'incorpore à un immeuble, est elle-même immobilière ou mobilière. Nous traiterons dans les trois paragraphes suivants de l'accession d'une chose immobilière à un immeuble, de l'accession de choses mobilières à un immeuble, et enfin de l'accession d'un meuble à un meuble.

La loi considère aussi comme une sorte d'accession le passage spontané des pigeons d'un colombier, des lapins d'une garenne, ou des poissons d'un étang, dans un autre colombier, garenne, ou étang. Art. 564. Ces animaux deviennent la propriété du propriétaire du fonds sur lequel ils se sont établis, sans qu'il soit tenu à aucune indemnité au profit de leur ancien maître. Que s'ils avaient été attirés par fraude ou artifice, ce dernier serait autorisé à les revendiquer ou à en réclamer la valeur, à supposer, bien entendu, qu'il pût justifier de leur identité".

d'acquérir, et l'accession envisagée comme titre ou présomption de propriété: § 192, note 1.

* L. 19, § 13, D. de aur. arg. (34, 2).

Cpr. Req. rej., 22 juillet 1861, Sir., 61, 1, 825.

Le droit de revendication nous paraît ressortir de la disposition finale de

§ 203.

1. De l'accession d'une chose immobilière à un immeuble.

a. De l'alluvion.

On entend par alluvion l'atterrissement qui se forme successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un cours d'eau naturel. L'atterrissement ainsi formé appartient au propriétaire du terrain auquel il adhère. Art. 556.

Le bénéfice de l'alluvion ne peut de sa nature être invoqué que. par les propriétaires dont les fonds s'étendent jusqu'à l'extrémité de la rive, et n'ont d'autre limite que le cours d'eau lui-même. Il en résulte que l'alluvion ne profite, ni aux propriétaires dont les fonds sont séparés du cours d'eau par une voie publique' ni aux riverains d'une rivière canalisée et bordée de digues artificielles, formant des dépendances de cette rivière 3.

l'art. 564 et des explications données par le tribun Faure, dans son rapport au Tribunat (Locré, Lég., VIII, p. 187, n° 21). Hennequin, I, 331. Taulier, II, p. 287. Chavot, De la propriété mobilière, II, 538. Demolombe, X, 178. Voy. cep. Pothier, De la propriété, no 167; Duranton, IV, 428; Marcadé, sur l'art. 564; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 129; Dupin, Encyclopédie, vo Accession, n° 27; Zachariæ, § 203, note 17. Ces derniers auteurs, dont l'opinion est plus exacte en pure théorie, et abstraction faite de la disposition de l'art. 564, n'ac. cordent à l'ancien maître qu'une action en dommages-intérêts fondée sur le dol commis à son préjudice.

« Est autem alluvio incrementum latens, quod ita paulatim adjicitur, aut intelligere non possis quantum quoquo momento temporis adjiciatur. » § 20, Inst. de rer. div. (2, 1). Cpr. sur l'alluvion et sur les autres accessions produites par les eaux : Traité du droit d'alluvion, par Chardon; Paris 1830, 1 vol. in-8°; Dupin, Encyclopédie du Droit, vo Alluvion.

* L'alluvion profite en pareil cas à la commune, au département ou à l'État, suivant qu'il s'agit d'un chemin vicinal, d'une route départementale ou impériale. Chardon, no 159. Proudhon, Du domaine public, IV, 1271. Garnier, Traité des rivières, I, 83. Demolombe, X, 46. Civ. cass., 12 décembre 1832, Sir., 33, 1, 5. Civ. cass., 16 février 1836, Sir., 36, 1, 405. L'existence d'un chemin de halage ne forme pas obstacle au droit d'alluvion en faveur des riverains, lorsque, le terrain affecté au passage appartenant à ces derniers, le halage ne s'exerce qu'à titre de servitude légale. Toulouse, 26 décembre 1812, Sir., 22, 2, 32. Montpellier, 5 juillet 1833, Sir., 34, 2, 120. Mais il en est autrement lorsque le chemin de halage n'appartient pas aux riverains, et forme une dépendance du cours d'eau. Req. rej., 26 avril 1843, Sir., 43, 1, 820. Cpr. Rouen, 16 décembre 1842, Sir., 43, 2, 409.

* Demolombe, X, 45. Req. rej., 17 juillet 1844, Sir., 44, 1, 839. Cpr. Req. rej., 30 mars 1840, Sir., 40, 1, 417.

Il n'y a pas, quant à l'attribution des alluvions aux riverains, de différence à faire entre celles qui se sont formées soit dans des fleuves ou rivières navigables ou flottables, soit dans de petites rivières ou de simples ruisseaux'. Art. 556, al. 2. Il est toutefois bien entendu qu'il ne peut être question d'alluvion pour les ruisseaux et torrents dont le cours est intermittent.

D'un autre côté, la conformation de la rive et la nature des éléments qui la constituent n'exercent aucune influence sur le sort des alluvions, qui appartiennent aux riverains, alors même que la rive est formée de rochers plus ou moins escarpés, ou qu'elle se trouve immédiatement bordée de constructions ".

Enfin, il est indifférent que les atterrissements soient l'œuvre de la nature seule, ou qu'ils aient été déterminés par des travaux que les riverains ou des tiers ont exécutés dans la rivière. Les atterrissements de la dernière espèce sont, comme ceux de la première, dévolus aux riverains à titre d'alluvion, alors même qu'il s'agirait de travaux faits par l'État dans une rivière navigable ".

Un atterrissement n'ayant le caractère d'alluvion qu'autant qu'il . s'est formé successivement et imperceptiblement, on ne saurait ranger parmi les alluvions, ni les atterrissements produits d'une manière plus ou moins soudaine par des travaux que l'administration a fait exécuter dans un cours d'eau dépendant du domaine public, ni les portions de terrain subitement détachées de l'une des

L'art. 556 ne parle, il est vrai, que des fleuves et rivières, parce que les alluvions de quelque importance ne se forment d'ordinaire que dans les cours d'eau de cette espèce. Mais, si de fait il s'était produit des atterrissements ou des relais dans un ruisseau, il n'existerait aucun motif pour ne pas y appliquer les règles de l'alluvion. Chardon, no 35. Championnière, De la propriété des eaux courantes, no 432. Voy. en sens contraire: Proudhon, op. cit., IV, 1265 et 1273. Demolombe, X, 17 et 18.

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• Demolombe, X, 47 et 48. Voy. cep. Daviel, Des cours d'eau, I, 135. ' Demolombe, X, 65, 66 et 68. Cpr. cep. Proudhon, op. cit., III, 740 et 1015, IV, 1266; Chardon, no 49. Il est bien entendu que si les travaux faits par l'un des riverains n'étaient pas simplement défensifs, et constituaient un empiétement sur le lit du cours d'eau, le propriétaire de l'autre rive, aux droits duquel ces travaux porteraient atteinte, serait autorisé à en demander la suppression ou

la modification. Cpr. § 191, texte n° 1 et note 13. Demolombe, X, 67.

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Daviel, Des cours d'eau, I, 127. Garnier, Régime des eaux, 1, 254. Demolombe, X, 69. Req. rej., 8 juillet 1829, Sir., 29, 1, 437. Paris, 7 juin 1839, Sir., 40, 2, 29 et 32. Agen, 11 novembre 1840, Sir., 41, 2, 74. Req. rej., 6 août 1848, Sir,, 49, 1, 614.

Garnier, op. cit., I, 236. Daviel, op. cit., I, 280 et 281. Demolombe, loc. cit. Bourges, 27 mai 1839, Sir., 40, 2, 29.

rives, et reportées sur l'autre par suite de crues d'eau extraordinaires 1o.

Mais les atterrissements qui, après s'être insensiblement formés sous les eaux, apparaissent d'une manière soudaine, par exemple lors de la retraite des eaux après une inondation, n'en constituent pas moins des alluvions".

D'un autre côté, les atterrissements qui se seraient formés, même subitement, à la suite de travaux exécutés dans un cours d'eau non dépendant du domaine public, quoique ne constituant pas, à vrai dire, des alluvions, n'en deviendraient pas moins la propriété des riverains aux fonds desquels ils adhèrent 12.

L'alluvion n'est acquise que lorsqu'elle est définitivement formée, et elle ne peut être considérée comme telle qu'autant que l'atterrissement est adhérent à la rive, et qu'il a cessé de faire partie du lit de la rivière.

Ainsi, d'une part, un atterrissement ne constitue pas une alluvion, quelque rapproché qu'il se trouve de la rive, lorsqu'il en est encore séparé par un courant d'eau qui, eu égard à sa profondeur et à sa permanence, doit être regardé comme faisant partie de la rivière 13.

Ainsi, d'autre part, un atterrissement, même adhérent à la rive, mais qui se trouve compris dans les limites du lit du fleuve ou de la rivière, telles qu'elles sont déterminées par la ligne où arrivent les plus hautes eaux dans leur état normal et sans débordement, ne forme pas davantage une alluvion ".

"Cette hypothèse rentre sous l'application soit de l'art. 559, soit de l'art. 563. Paris, 1er décembre 1855, Sir., 56, 2, 434.

"Hennequin, I, p. 286. Dupin, no 26. Demolombe, X, 59. Civ. cass., 25 juin 1827, Sir., 27, 1, 402. Req. rej., 1er mars 1832, Dalloz, 1832, 1, 405. 12 Arg. a fortiori, art. 561. Demolombe, X, 61.

13 Demolombe, X, 54 et 55. Req. rej., 2 mai 1826, Dalloz, 1826, 1, 273. Mais il en est autrement lorsque l'atterrissement n'est séparé de la rive que dans sa partie supérieure, par un filet d'eau qui n'atteint pas la profondeur de l'ancien lit, et surtout lorsque ce filet d'eau est intermittent. Dans ce cas, l'alluvion doit être considérée comme définitivement acquise. Req. rej., 31 janvier 1838, Sir., 38, 1, 794.

** Pardessus, Des servitudes, I, 35. Proudhon, op. cit., III, 741. Daviel, op. cit., I, 48. Chardon, nos 49 et suiv. Demolombe, X, 52 et 54. Paris, 2 juillet 1831, Sir., 31, 2, 142. Bourges, 27 mai 1839, Sir., 40, 2, 29. Caen, 26 février 1840, Sir., 40, 2, 197. Lyon, 25 février 1843, Sir., 43, 2, 315. Orléans, 28 février 1850, Sir., 50, 2, 273. Toulouse, 22 février 1860, Sir., 60, 2, 471. Nous avons admis, conformément au Droit romain, que les limites naturelles

La loi attribue aux riverains non-seulement les alluvions proprement dites qui se forment par atterrissement, mais encore les relais, c'est-à-dire les terrains qu'une eau courante laisse à découvert, en se retirant insensiblement de l'une des rives pour se porter vers l'autre. Art. 557, al. 1.

Les relais de la mer n'appartiennent point aux riverains, mais à l'État. Art. 538 et 557, al. 2. Il en serait ainsi dans le cas même où, l'État ayant concédé des relais déjà formés, de nouveaux relais seraient venus s'ajouter aux anciens, à moins que le contraire ne résultât expressément ou virtuellement de l'acte de concession ".

Il ne saurait être question d'alluvion dans les eaux dormantes, telles que les lacs et étangs. Le propriétaire d'un étang conserve toujours le terrain que l'eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge; et réciproquement, il n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires 1o. Art. 558.

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Lorsqu'un terrain d'alluvion ou de relais s'est formé le long de plusieurs héritages, le partage s'en fait entre les propriétaires qui peuvent y avoir droit proportionnellement à la largeur que chacun de ces héritages présente sur l'ancienne rive 17, sans tenir compte de la direction des lignes qui divisent ces héritages 18.

Ce partage ne présente aucune difficulté, si l'axe du cours d'eau forme une ligne droite dans toute l'étendue de l'alluvion. Il suffit alors pour l'opérer d'abaisser, de chacun des points séparant à la

d'un fleuve ou d'une rivière se déterminent par la ligne qu'atteignent les plus hautes eaux sans débordement : Ripa ea putatur esse, quæ plenissimum flumen continet. L. 3, § 1, D. de flumin. (43, 12). Ce principe, généralement adopté par les auteurs modernes, a été formellement consacré par plusieurs des arrêts qui viennent d'être cités. Voy. aussi dans ce sens : Lyon, 11 janvier 1849, Sir., 49, 2, 369. Voy. cep.: Rouen, 16 dééembre 1842, Sir., 43, 2, 409. Suivant ce dernier arrêt, la limite d'un fleuve ou d'une rivière serait déterminée par la ligne qu'atteignent les eaux à leur niveau moyen.

15 Cpr. Loi du 16 septembre 1807, art. 41. Daviel, op. cit., I, 168. Demolombe, X, 22 et 23. Voy. cep. Pardessus, Des servitudes, I, 122.

16 Cpr. § 192, texte n° 2 et note 5,

17 Pro modo latitudinis cujusque fundi, quæ latitudo prope ripam sit. § 22, Inst. de rer. div. (2, 1).

18 Les auteurs anciens et modernes sont profondément divisés sur le procédé à suivre pour le partage des alluvions. Cpr. Toullier, III, 152; Proudhon, op. cit., IV, 1287; Chardon, nos 171 et suiv.; Daviel, op. cit., I, 136; Dupin, no 38 ; Demolombe, X, 76 à 82. Le système auquel nous nous sommes arrêtés a été consacré en principe par la Cour d'Agen (25 janvier 1854, Sir., 54, 2, 127), et paraît aussi avoir en sa faveur l'opinion de M. Demolombe.

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