Page images
PDF
EPUB

Ils ne la perdent pas davantage à raison de l'intention que le propriétaire d'un fonds aurait manifestée, de les y incorporer. Ainsi, les matériaux assemblés pour construire un édifice restent meubles, jusqu'à ce qu'ils soient employés dans la construction". Art. 532.

Enfin, on ne doit pas considérer comme revêtant un caractère immobilier, des meubles de même nature réunis en quantité plus ou moins considérable pour servir à une destination commune, et qui forment ce qui s'appelle une universalité de fait. C'est ainsi que les marchandises composant un fonds de commerce 78, les orangers et autres arbustes d'une serre les livres d'une bibliothèque, et les tableaux d'une galerie conservent leur qualité de meubles. Cpr. art. 534, al. 2.

79

[ocr errors]

Le sens et la portée des expressions meuble, meubles meublants, biens meubles, mobilier, effets mobiliers, n'étant pas nettement déterminé par l'usage, et ayant donné lieu à de nombreuses contestations, les rédacteurs du Code ont cru devoir fixer la signification de ces diverses locutions par les art. 533, 534 et 535, dans l'espoir de couper court ainsi à toutes ultérieures difficultés; mais cet essai n'a point été heureux, et ne pouvait guère l'être, puisque de pareilles contestations ne sont pas susceptibles d'être décidées a priori au moyen de définitions légales.

En effet, quand il s'agit de l'exécution d'une convention ou d'une disposition, l'interprétation à donner aux termes dont les parties ou le disposant se sont servis, présente principalement une question de fait et d'intention, qui ne peut se résoudre que par l'ensemble des énonciations des actes et par les circonstances particulières de chaque espèce. Aussi croyons-nous que le juge pour

" Quæ parata sunt, ut imponantur, non sunt ædificii. L. 17, § 10, D. de act. empt. vend. (19, 1). Cpr. texte et note 19 supra.

78

Troplong, Du contrat de mariage, I, 414. Rodière et Pont, Du contrat de mariage, I, 365. Demolombe, IX, 403. Civ. cass., 8 fructidor an III, Sir., 1, 1, 79. Civ. cass., 9 messidor an XI, Sir., 4, 1, 29.

7 Cpr. texte et note 15 supra. Ce que nous disons des orangers et autres arbustes ne paraît susceptible d'aucune difficulté, quand la serre est établie sur un jardin d'agrément. Merlin, Rép., vo Biens, § 1, no 8. Taulier, II, p. 150. Demolombe, IX, 313 et 315. En serait-il autrement, s'il s'agissait d'une serre faisant partie d'un établissement industriel de pépiniériste ou d'horticulteur? Nous ne le pensons pas, car, dans ce cas même, on ne pourrait considérer les objets dont s'agit, ni comme affectés au service ou à l'exploitation du fonds, ni comme attachés au fonds à perpétuelle demeure.

rait, après avoir déterminé à l'aide de ces moyens d'investigation la véritable intention des parties ou du disposant, la faire prévaloir sur les définitions données par les art. 533, 534 et 535, dont le caractère après tout n'est que purement déclaratif 80.

D'un autre côté, quand il s'agit de l'interprétation d'un texte de loi, c'est avant tout d'après l'objet et l'esprit de la disposition légale à interpréter (secundum subjectam materiam), qu'il faut déterminer le véritable sens des termes employés par le législateur. Au surplus, nous ne croyons pas qu'il se soit jamais servi des termes meubles meublants, et nous ne connaissons même aucune disposition légale où le mot meuble se trouve employé dans le sens restreint de l'art. 533 o1.

Les observations précédentes s'appliquent également à l'art. 536, dans lequel les rédacteurs du Code ont indiqué ce que comprend la vente ou le don d'une maison avec tout ce qui s'y trouve 82.

[ocr errors]

§ 165.

Continuation. Extension aux objets incorporels, de la distinction des choses corporelles en meubles et en immeubles.

Les objets incorporels ne sont, de leur nature, ni meubles, ni immeubles. Cette distinction ne convient, à proprement parler, qu'aux choses corporelles, et c'est à elles seules que le Droit romain l'applique1. Le Droit français, au contraire, l'étend aux objets incorporels, et notamment aux droits et actions, qu'il déclare meubles ou immeubles, suivant la nature mobilière ou immobilière des objets auxquels ils s'appliquent. Art. 526.

no 216; DuranParis, 6 janvier

* Cpr. Demolombe, IX, 442 et suiv.; Dalloz, Rép., v° Biens, ton, IV, 166 et suiv.; Rouen, 27 mai 1806, Sir., 6, 2, 129; 1807, Sir., 7, 2, 1052; Poitiers, 21 juin 1825, Sir., 25, 2, 409; Bordeaux, 6 août 1834, Sir., 35, 2, 61; Req. rej., 3 mars 1836, Sir., 36, 1, 760; Aix, 8 juin 1838, et Req. rej., 24 juin 1840, Sir., 40, 1, 899.

81 Cpr. art. 452, 453, 805, 825, 2101, 2102, 2119 et 2279. Demolombe, IX, 444.

[ocr errors]

Cpr. Duranton, IV, 181; Taulier, II, p. 178; Marcadé, sur l'art. 536; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 50; Demolombe, IX, 451 à 452; Bordeaux, 9 mars 1830, Sir., 30, 2, 148; Civ. rej., 28 février 1832, Sir., 32, 2, 246; Caen, 3 décembre 1851, Sir., 52, 2, 248.

'Cpr. L. 7, § 4, D. de peculio (15, 1); L. 15, § 2, D. de re judicata (42, 1).

1o Des immeubles incorporels.

Les immeubles incorporels sont :

a. Le droit de propriété, et les autres droits réels portant sur des immeubles, c'est-à-dire, non-seulement l'usufruit des choses immobilières et les services fonciers, mais encore les droits d'usage et d'habitation3, ainsi que le droit d'hypothèque, en tant du moins qu'on le considère dans sa nature propre, dans sa constitution, dans les effets qu'il produit, et dans ses modes particuliers d'extinction *.

Si l'art. 526 ne comprend pas la propriété immobilière au nombre des immeubles incorporels, c'est sans doute parce que ce droit est en quelque sorte représenté par l'immeuble même sur lequel il porte. Cpr. § 162, note 2. Demolombe, IX, 334.

3 Ces derniers droits que l'art. 543 comprend, avec l'usufruit, sous l'expression droits de jouissance, sont évidemment de même nature que ce dernier; et si l'art. 526 n'en fait pas spécialement mention, la raison en est probablement que les droits d'usage et d'habitation ne sont susceptibles ni de cession, ni d'hypothèque, ni de saisie. Pothier, De la communauté, no 68. Duranton, IV, 72 et 80. Demolombe, IX, 335.

* Suivant l'opinion la plus généralement adoptée, l'hypothèque ne constituerait qu'un droit mobilier, parce qu'elle ne forme, dit-on, qu'un accessoire de la créance dont elle a pour objet d'assurer le recouvrement, et qu'ainsi sa nature se détermine par celle de cette créance; d'où il suivrait que, si cette dernière, comme c'est l'ordinaire, est mobilière, l'hypothèque elle-même doit être mobilière, d'autant plus que, par son résultat final, elle ne tend qu'à l'obtention d'une somme d'argent. Voy. en ce sens : Delvincourt, III, p. 293; Demante, Progr. 1, 525; Duranton, XIX, 241; Troplong, Du louage, I, 17; Marcadé, sur l'art. 526, no 4; Demolombe, IX, 471 et 472. Pour défendre la solution donnée au texte, nous n'irons pas jusqu'à dire, avec MM. Valette (Des hypothèques, I, 124) et Pont (Des hypothèques, I, 327 et suiv.), que l'hypothèque est un démembrement de la propriété. En effet, tout en restreignant, dans une certaine mesure, l'exercice des facultés inhérentes à la propriété, l'hypothèque n'investit cependant le créancier hypothécaire d'aucune partie des droits du propriétaire; elle ne constitue donc qu'un droit réel sui generis. Mais, par cela même qu'elle constitue un droit réel, ce qui a toujours été reconnu et ce que Marcadé seul (sur l'art. 526, no 4) a vainement essayé de contester, on doit en conclure qu'elle est en elle-même de nature immobilière, puisqu'elle a un immeuble pour objet immédiat. En objectant à cette conclusion que le droit hypothécaire ne tend, en dernière analyse, qu'à faire obtenir au créancier une somme d'argent, on confond l'objet même auquel ce droit s'applique, avec le résultat de son exercice. Dira-t-on que le droit d'usufruit portant sur un immeuble est un droit mobilier, parce qu'il se résout en une perception de fruits? Quant à l'argument tiré de ce que l'hypothèque n'étant qu'un accessoire, sa nature doit se déterminer par celle de la créance qu'elle est destinée à garantir, il n'est au

b. Les actions qui, fondées sur un droit réel immobilier, ont simplement pour objet la reconnaissance et l'exercice de ce droit, ainsi que celles qui, quel qu'en soit le fondement, tendent, soit à obtenir l'attribution ou la constitution d'un droit réel immobilier dont on n'est point encore investi, soit à récupérer un pareil droit qu'on avait précédemment aliéné".

Ainsi sont immobilières: d'une part, l'action en revendication d'un immeuble, les actions confessoires et l'action négatoire de

fond qu'une pétition de principe, et repose en tout cas sur une application exagérée de la maxime Accessorium sequitur principale suum. Il résulte bien de celte maxime que l'hypothèque suit la créance, en quelque main qu'elle passe, et s'éteint avec elle; mais on ne saurait en inférer que, si la créance est mobilière, le droit hypothécaire revête le même caractère, pas plus qu'on ne pourrait considérer comme immobilier, le gage mobilier donné pour sûreté d'une créance immobilière. Ce qui prouve, d'ailleurs, que c'est à tort, qu'à tous égards et d'une manière absolue, on ne veut voir dans l'hypothèque qu'un accessoire de la créance, c'est que, d'une part, la capacité de s'engager n'emporte pas toujours celle de conférer une hypothèque pour la sûreté d'un engagement même valablement contracté, et que, d'autre part, l'immeuble hypothéqué peut, lorsqu'il a passé entre les mains d'un tiers détenteur, être affranchi de la charge dont il est grevé, soit par la purge, soit par la prescription, bien que la créance ellemême continue de subsister. Pothier, De la communauté, no 76; De l'hypothèque, chap. I, sect. II, § 1. Pont, op. et loc. citt. Nous terminerons en faisant remarquer que la question n'est pas de pure théorie, et qu'elle présente un véritable intérêt pratique, notamment en ce qui concerne la capacité personnelle requise pour renoncer à l'hypothèque, capacité qui doit se déterminer, à notre avis, par les règles relatives à l'aliénation des immeubles, et non par celles qui régissent l'aliénation des meubles. Voy. en ce sens : Req. rej., 2 mars 1840, Sir., 40, 1, 564; Civ. cass., 18 juillet 1843, Sir., 43, 1, 778.

* L'art. 526 range parmi les choses immobilières, non pas seulement les actions par lesquelles on revendique un immeuble, mais toutes celles qui tendent à revendiquer un immeuble, et ce, sans exiger qu'elles soient fondées sur un droit réel préexistant. Une action fondée sur un droit personnel peut donc être immobilière. Toutefois, il n'en est ainsi que dans le cas où cette action tend à faire reconnaître un droit de propriété, ou tout autre droit réel immobilier. Telle est l'idée que le législateur paraît avoir voulu exprimer, en se servant du terme revendiquer, qui ne doit pas être entendu ici dans l'acception stricte, suivant laquelle il désigne exclusivement les actions réelles. Demolombe, IX, 345. Tel est aussi le sens de la maxime: Actio quæ tendit ad immobile, immobilis est. Pothier, Des choses, part. II, § 11.

L'action en revendication conserve son caractère immobilier, alors même que le tiers détenteur, ayant prescrit la propriété de l'immeuble revendiqué, elle se convertirait en dommages-intérêts contre l'usurpateur qui le lui a vendu. Demolombe, IX, 366 à 368. Caen, 13 mai 1829, Dalloz, 1829, 2, 250. Cpr. Req. rej., 26 juin 1832, Dalloz, 1832, 1, 262.

servitudes, comme aussi l'action en réduction de donations immobilières excédant la quotité disponible, et l'action hypothécaire aux fins de surenchère; d'autre part, l'action en délivrance formée par l'acquéreur d'un immeuble non encore déterminé dans son individualités, les actions en nullité ou en rescision de contrats translatifs de propriété immobilière, enfin l'action en révocation de donation, l'action en réméré 10, et l'action en résolution de vente pour défaut de paiement du prix ", en tant que ces diverses actions ont un immeuble pour objet.

'Civ. reg., 16 décembre 1840, Sir., 41, 1, 11.

Chavot, De la propriété mobilière, I, 52. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 28. Demolombe, loc. cit.

La Cour de cassation a jugé que l'action en rescission d'une vente immobilière pour cause de lésion de plus des sept douzièmes, est mobilière, comme ayant pour objet principal et direct le supplément du juste prix de l'immeuble. Civ. rej., 23 prairial an XII, Sir., 4, 1, 369. Req. rej., 14 mai 1806, Sir., 6, 1, 331. Cette doctrine nous paraît erronée, puisque le demandeur en rescission ne peut réclamer que la restitution de l'immeuble, et que si le défendeur est autorisé à se rédimer de la demande, en offrant le supplément du juste prix, cette faculté ne peut changer la nature de l'action, qui se détermine toujours par celle de la chose qui en forme l'objet immédiat. Les mêmes raisons nous portent également à rejeter l'opinion de M. Taulier, qui enseigne (II, p. 155 et 156) que l'action en rescission pour cause de lésion de plus des sept douzièmes sera mobilière ou immobilière, suivant le parti que prendra l'acquéreur, de compléter le juste prix, ou de restituer l'immeuble. Pothier, De la vente, no 331. Merlin, Quest., vo Rescision, § 4. Grenier, Des donations, I, 164. Magnin, Des minorités, I, 698. De Freminville, De la minorité, I, 337. Duranton, IV, 97; XXI, 7. Demolombe, IX, 357. Bourges, 25 janvier 1832, Sir., 32, 2, 556.

10 Proudhon, Du domaine privé, I, 180. Demolombe, IX, 352. Paris, 6 ventôse an XII, Sir., 7, 2, 1259. Cpr. cep. Civ. rej., 25 décembre 1826, Sir., 27, 1, 308. "Voy. cependant en sens contraire: Proudhon, op. cit., I, 196; Taulier, II, p. 156; Demolombe, IX, 354 et 355. Ces auteurs se fondent sur cette idée que le prix de vente forme l'objet direct et principal du droit du vendeur, et que la faculté qu'il a de demander, en cas de non-paiement du prix, la résolution de la vente et le délaissement de l'immeuble vendu, n'est qu'un accessoire de sa créance. Nous reconnaissons bien l'exactitude de cette dernière proposition, en ce sens que le droit de demander la résolution se transmet avec la créance du prix, et en suit le sort. Mais il n'en résulte nullement, à notre avis, que l'action en résolution, à laquelle le défaut du paiement du prix au terme fixé donnera ouverture, soit en elle-même une action mobilière. En pareil cas, le vendeur jouit de deux actions également principales et complétement distinctes, l'une tendant au paiement du prix, l'autre à la reprise de l'immeuble. En optant pour cette dernière, il renonce conditionnellement à la créance du prix, dont l'extinction définitive sera la conséquence nécessaire du jugement qui admettra sa demande; et il y a contradiction à dire que, tout en provoquant la résolution, il demande toujours

« PreviousContinue »