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faire déterminer au moyen d'un arpentage, et peu importe que cette opération doive avoir pour résultat l'attribution à chacune des parties de la contenance portée dans ses titres, ou la répartition proportionnelle entre elles d'un déficit ou d'un excédant de la contenance réelle du terrain, comparée à celle qui se trouve indiquée dans les titres 3. Le juge de paix ne cesse même pas d'être compétent, et il n'y a pas contestation sur la propriété dans le sens de la disposition précitée, encore que l'une des parties invoque, pour résister à l'arpentage, la présomption de propriété attachée à sa possession annale dans des limites apparentes et invariables 32.

Mais il y aurait contestation sur la propriété ou sur les titres qui l'établissent, et par suite le juge de paix ne serait plus compétent pour statuer sur l'action en bornage dans les hypothèses suivantes :

a. Lorsque l'une des parties prétend que le déficit ou l'excédant de contenance, au lieu d'être réparti proportionnellement, doit être supporté, ou être attribué, par tel, ou à tel héritage 3.

b. Lorsque l'une des parties s'oppose à l'arpentage, en se fondant sur une possession trentenaire dans des limites apparentes et invariables 34

c. Lorsque le titre de l'une des parties est contesté par le motif que son auteur n'était pas propriétaire de toute la contenance portée dans ce titre, et n'a pas pu la lui transmettre.

d. Lorsqu'il s'élève des difficultés sur l'interprétation et l'application des titres des parties, en ce que l'une d'elles prétend que l'arpentage doit être restreint à leurs propriétés respectives,

34

Req. rej., 19 novembre 1845, Sir., 46, 1, 457. Req. rej., 19 juillet 1852, Sir., 52, 4, 641. Civ. cass., 27 février 1860, Sir., 60, 1, 561. Civ. rej., 6 août 1860, Sir., 60, 1, 954.

Cette proposition n'est qu'une conséquence des idées indiquées texte et note 20 supra. Dès qu'on admet que le défendeur ne peut pas, en invoquant sa possession annale, résister à une demande d'arpentage, il n'est plus possible de considérer cette exception comme engageant, au point de vue de la compétence du juge de paix, une contestation sur la propriété. Millet, p. 285. Demolombe, XI, 251. Req. rej., 19 novembre 1845, Sir., 46, 1, 457.

"C'est ce qui peut avoir lieu lorsque, l'un des fonds dont l'arpentage est provoqué se trouvant riverain d'un cours d'eau, il s'est produit des érosions ou des alluvions.

Benech, Des justices de paix, p. 274 in fine. Millet, p. 282. Demolombe, XI, 250. Douai, 19 janvier 1848, Sir., 49, 2, 154. Civ. cass., 18 mai 1859, Sir., 60, 1, 49. Civ. cass., 8 août 1859, Sir., 60, 1, 56.

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tandis que l'autre soutient qu'il doit porter sur un périmètre plus étendu, et comprendre des fonds appartenant à des propriétaires qui ne sont pas en cause 35.

e. Lorsque, en l'absence de titres, la contestation porte sur la contenance à laquelle chacune des parties a droit 3.

Le juge de paix devant lequel on élève une contestation sur la propriété ou les titres de l'une des parties, n'a point, en général, à en apprécier le mérite, et doit se déclarer incompétent à raison de cette contestation même. Toutefois, si elle ne reposait que sur des allégations tellement vagues ou irrelevantes qu'elle ne présentât aucun caractère sérieux, le juge de paix serait autorisé à ne pas s'y arrêter 37.

En cas de contestation sérieuse sur la propriété ou sur les titres qui l'établissent, le juge de paix est, même d'office, tenu de se déclarer incompétent; et il ne doit pas se borner à prononcer un sursis jusqu'à la décision de la contestation par les juges appelés à en connaître 33. Le même devoir incombe au tribunal d'appel, bien que la cause d'incompétence ne se soit produite que devant lui 89.

$ 200.

2. De la clôture forcée.

Tout propriétaire d'une maison, d'une cour, d'un jardin, ou de tout autre terrain formant dépendance d'un héritage de cette na

3 Civ. cass., 22 juin 1859, Sir., 60, 1, 58. Civ. cass., 27 novembre 1860, Sir., 61, 1, 317.

36 Demolombe, XI, 252. Req. rej., 1er février 1842, Sir., 42, 1, 99. 37 Admettre le contraire, ce serait donner aux plaideurs le moyen de rendre illusoire la compétence attribuée aux juges de paix en matière de bornage. Millet, p. 305. Demolombe, XI, 253. Req. rej., 28 mars 1855, Sir., 55, 1, 729. Civ. rej., 16 mai 1860, Sir., 61, 1, 159. Voy. cep. Civ. cass., 12 avril 1843, Sir., 43, 1, 288.

38 La compétence tout exceptionnelle attribuée aux juges de paix en fait de bornage étant subordonnée à la condition qu'il ne s'élève aucune contestation sur la propriété ou sur les titres qui l'établissent, il en résulte que, dans le cas contraire, cette compétence cesse d'une manière complète. Carou, Juridiction des juges de paix, I, 499. Curasson, Compétence des juges de paix, II, p. 456. Joccotton, Des actions civiles, no 370. Civ. cass., 8 août 1859, Sir., 60, 1, 49 et 56. Civ. cass., 24 juillet 1860, Sir., 60, 1, 897. Voy. en sens contraire: Benech, Des justices de paix, p. 275; Millet, p. 500.

30 Voy. les arrêts cités à la note précédente.

ture1, peut contraindre son voisin à contribuer à la construction et à l'entretien d'un mur destiné à servir de clôture à leurs héritages contigus, lorsqu'ils sont situés dans l'enceinte ou dans le faubourg d'une ville. Art. 663.

Notre législation n'ayant pas déterminé les caractères d'après lesquels on peut distinguer les villes des communes auxquelles cette qualification doit être refusée, il appartient aux tribunaux, en l'absence d'actes administratifs, rangeant expressément ou implicitement parmi les villes les communes au sujet desquelles la difficulté serait soulevée, de la résoudre d'après les circonstances locales, et notamment d'après le chiffre de la population, la nature des constructions, les occupations et les habitudes de la généralité des habitants. C'est également, à défaut d'actes administratifs, aux tribunaux à décider, pour l'application de l'art. 663, si une agglomération d'habitations situées hors de l'enceinte d'une ville, constitue un faubourg de cette ville, et jusqu'où s'étend tel ou tel faubourg 3.

3

La disposition de l'art. 663, principalement établie dans un intérêt privé de voisinage, ne saurait être considérée comme étant d'ordre public. Rien n'empêche donc que les voisins ne renoncent respectivement, ou l'un au profit de l'autre, à la faculté que leur accorde cet article *.

'D'après l'esprit de la loi, l'indication des fonds auxquels s'applique la disposition de l'art. 663, ne saurait être considérée comme limitative. Pardessus, Des servitudes, I, 148. Toullier et Duvergier, III, 165. Demante, Cours, II, 517 bis, III. Demolombe, XI, 382. Civ. cass., 27 novembre 1827, Sir., 28, 1, 122. Civ. cass., 14 mai 1828, Sir., 28, 1, 308. Limoges, 26 mai 1838, Sir., 39, 2, 139. * Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 296. Demolombe, XI, 380. Voy. cep. Delvincourt, I, part. II, p. 392; Pardessus, op. cit., I, 147; Duranton, V, 319, à la note.

* Demolombe, XI, 380 bis. Voy. cep. Duranton, loc. cit.

* Toullier, III, 162. Voy. en sens contraire: Demolombe, XI, 378. Si la disposition de l'art. 663 était d'ordre public, comme l'enseigne ce dernier auteur, on ne comprendrait pas que le Conseil d'État eût formellement reconnu aux propriétaires voisins la faculté de ne donner au mur de clôture qu'une hauteur inférieure à celle que fixe cet article. Cpr. texte et note 11 infra. Les motifs sur lesquels se fonde notre savant collègue, tombent d'ailleurs devant cette simple considération, que celui qui a renoncé au bénéfice de l'article précité, conserve toujours la faculté de se clore, et qu'ainsi sa renonciation ne porte en définitive que sur un droit d'intérêt pécuniaire. Enfin, d'après le système que nous combattons, il faudrait aller jusqu'à dire que, dans les villes et faubourgs où la clôture est forcée, les voisins ne pourraient pas constituer, l'un au profit de l'autre,

D'un autre côté, le voisin requis de contribuer, soit à l'entretien, soit même à la construction d'un mur de clôture, peut s'affranchir de cette obligation, en cédant la moitié du terrain sur lequel ce mur est ou doit être assis, et en renonçant, le cas échéant, à la mitoyenneté 3.

des servitudes qui les obligeraient à laisser leurs fonds ouverts. Or c'est là une conséquence qui ne nous paraît pas acceptable.

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L'opinion émise au texte se fonde sur l'art. 656 et sur les explications données au Conseil d'État lors de la discussion de l'art. 663, correspondant à l'art. 25 du projet. Berlier ayant fait remarquer «que l'art. 25 deviendrait d'une exécu⚫tion plus facile, si on y exprimait que le propriétaire, interpellé de contribuer « à la clôture, peut s'en dispenser en renonçant à la mitoyenneté et en cédant la << moitié de la place sur laquelle le mur doit être construit», Tronchet lui répondit que cette modification était exprimée dans l'art. 18 du projet, correspondant à l'art. 656 du Code (Locré, Lég., VIII, p. 344 et 345, no 2). Il résulte bien clairement de cette réponse, qui a clos le débat sur ce point, que l'on a entendu laisser au voisin, requis de contribuer à la clôture en vertu de l'art. 663, le moyen de se soustraire à cette obligation, en usant de la faculté accordée par l'art. 656. Pour écarter cette conclusion, M. Demolombe dit qu'au moment où a eu lieu la discussion qui vient d'être rappelée, l'art. 663 n'existait pas encore, et qu'aucune disposition du projet n'imposait aux propriétaires, dans les villes, l'obligation de se clore. Cette objection repose sur une supposition qui n'est pas complétement exacte. L'obligation de contribuer à la clôture, quoique non formellement exprimée par l'art. 25 du projet, s'y trouvait cependant virtuellement renfermée, et le changement de rédaction que cet article a subí, n'a eu d'autre but que de l'énoncer d'une manière positive. Ce qui le prouve, c'est l'observation même de Berlier, qui n'aurait eu aucun sens, si cet article n'avait pas été compris comme imposant implicitement à chacun des voisins l'obligation de contribuer à la clôture. C'est donc avec raison, selon nous, que, malgré l'opposition d'un grand nombre d'auteurs, la jurisprudence persiste dans l'opinion que nous avons admise. Voy. dans ce sens : Maleville, sur l'art. 663; Toullier, III, 218; Favard, Rép., vo Servitude, sect. II, § 4, no 4; Marcadé, sur l'art. 663, no 2; Carou, Des actions possessoires, no 102; Civ. rej., 29 décembre 1819, Sir., 20, 1, 166; Civ. cass., 5 mars 1828, Sir., 28, 1, 292; Toulouse, 7 janvier 1834, Sir., 34, 2, 364; Douai, 5 février 1840, Sir., 40, 2, 203; Angers, 22 mars 1847, Sir., 47, 2, 435; Bordeaux, 14 juin 1855, Sir., 55, 2, 460; Paris, 14 novembre 1860, Sir., 61, 2, 127. Voy. en sens contraire: Delvincourt, I, part. II, p. 400; Duranton, V, 319; Pardessus, op. cit., I, 149 et 168; II, p. 371, note d. Taulier, II, p. 394; Solon, Des servitudes, nos 178 et 222; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 297; Demante, Cours, II, 517 bis, I; Demolombe, XI, 379; Angers, 23 avril 1819, Sir., 20, 2, 203; Paris, 29 juillet 1823, Sir., 23, 2, 334; Amiens, 15 août 1838, Sir., 39, 2, 157; Amiens, 12 décembre 1861, Sir., 62, 2, 231. Voy. aussi Bordeaux, 7 décembre 1827, Sir., 28, 2, 103. Cet arrêt, distinguant entre la première construction d'un mur de clôture, et la réparation ou la réédification de ce mur, restreint à cette dernière hypothèse l'application de l'art. 656, et soumet la première à celle de l'art. 663. Mais cette distinction a été généralement re

Du reste, celui qui, dans une localité où la clôture est forcée, a construit, sur son terrain et à ses frais, un mur de clôture, ne serait pas admis à réclamer du voisin, le remboursement de la moitié de sa valeur et du terrain sur lequel il est assiso.

La loi n'indique pas la nature des matériaux qui doivent être employés à la construction du mur; elle s'en est remise à cet égard à l'usage des différentes localités. Mais un mur en pierres sèches, sans aucune liaison de mortier ou de plâtre, ne remplirait pas le vœu de l'art. 663. A plus forte raison, en serait-il ainsi de simples clôtures en haies ou en palissades".

Le Code a maintenu, quant à la hauteur des murs de clôture, les règlements particuliers et les usages constants et reconnus, existant lors de sa promulgation. A défaut de pareils règlements ou usages, il a fixé la hauteur des murs qu'il s'agirait de construire ou de rétablir à l'avenir, à trente-deux décimètres dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et à vingt-six décimètres dans les autres.

Lorsque, les deux héritages n'étant pas de niveau, il est impossible de construire un mur de clôture qui présente la même élévation des deux côtés, chacun des voisins a le droit d'exiger

poussée, comme incompatible avec les termes de ces articles, qui, l'un et l'autre, assimilent complétement les deux hypothèses.

* La proposition énoncée au texte est contraire à l'opinion commune, que nous avions nous-mêmes adoptée dans nos premières éditions. Voy. Delvincourt, I, part. II, p. 392; Duranton, V, 323; Pardessus, op. cit., I, 152; Taulier, II, p. 394; Demolombe, XI, 386. Mais, après nouvel examen de la question, nous regardons comme préférable le sentiment de Pothier (De la société, no 354), qui fait observer avec raison que, si la loi autorise chacun des voisins à réclamer de l'autre la construction à frais communs d'un mur de clôture, elle ne donne pas pour cela à celui des voisins qui a construit un pareil mur, le droit de forcer l'autre à en acquérir la mitoyenneté. Cette manière de voir nous paraît d'ailleurs une conséquence naturelle de celle que nous avons admise et développée à la note précédente. Voy. en ce sens : Toullier, III, 198.

'Delvincourt, I, part. II, p. 392. Duranton, V, 182. Pardessus, op. cit., I, 149. Demante, Cours, II, 517 bis, IV. Demolombe, XI, 381. Amiens, 15 août 1838, Sir., 39, 2, 157. Cpr. aussi Angers, 23 avril 1819, Sir., 20, 2, 203; Civ. cass., 15 décembre 1857, Sir., 58, 1, 271; Req. rej., 1er février 1860, Sir., 60, 1, 973. Voy. cep. Toullier, III, 167.

'Lorsqu'il existe entre deux héritages un mur de clôture, construit avant la promulgation du Code, dont la hauteur est inférieure à celle qu'indique l'art. 663, aucun des voisins n'est autorisé à demander, tant qu'il n'y aura pas nécessité de le reconstruire, qu'il soit porté à la hauteur réglementaire. Pardessus, op. cit., I, 151. Demolombe, XI, 383.

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