Page images
PDF
EPUB

exprès, pourrait aussi, par interprétation d'un acte de veute ou de partage, être considéré comme ayant été tacitement concédé 29. Les actions relatives à la distance à observer pour les plantations d'arbres et celles qui concernent leur élagage, sont de la compétence des juges de paix, lorsqu'il ne s'élève entre les parties aucune question de propriété ou de servitude 30.

§ 198.

4. De la distance å observer, et des ouvrages intermédiaires à établir, pour empêcher que certains travaux ou dépôts faits dans un fonds deviennent dommageables aux fonds voisins.

L'art. 674 impose à celui qui veut creuser dans son fonds un puits ou une fosse d'aisance 1, y construire une cheminée, un âtre, un fourneau, ou une forge, y établir une étable, un dépôt de sel ou autres matières corrosives, l'obligation de laisser entre ces excavations, constructions, ou dépôts et le mur qui sépare son fonds de l'héritage voisin, la distance prescrite par les règlements et usages sur la matière, ou du moins de faire les ouvrages prescrits par les mêmes règlements et usages pour éviter d'endommager

ce mur.

Il en est ainsi, que le mur exposé à être endommagé appartienne exclusivement au voisin, ou qu'il soit mitoyen. Mais la disposition de l'art. 674 n'est plus applicable, lorsque ce mur est la propriété exclusive de celui qui veut faire les travaux ou dépôts dont il est parlé dans cet article.

[ocr errors]

* Duranton, V, 399. Suivant Proudhon ( Du domaine privé, II, 583) et M. Demolombe (XI, 508), le droit de conserver les branches ou les racines qui s'étendent sur ou dans le fonds voisin, pourrait résulter, comme servitude principale, de la destination du père de famille. Mais nous ne voyons pas que les conditions requises pour la destination du père de famille ressortent de ce fait seul que le propriétaire de l'arbre a laissé prendre à ses branches ou racines un développement plus ou moins prononcé. Req. rej., 16 juillet 1835, Sir., 35, 1, 799. **Loi du 25 mars 1838, art. 5, no 2; art. 6, no 2. Cpr. Civ. rej. 13 mars 1850, Sir., 50, 1, 385.

La disposition de l'art. 674 s'applique-t-elle aux tuyaux de chute de fosses d'aisance, comme à ces fosses elles-mêmes? Cpr. Req. rej., 7 novembre 1849, Sir., 50, 1, 18.

2

* C'est ce qui ressort de l'ensemble de l'art. 674 et de l'Exposé de motifs présenté par Berlier (Locré, Lég., VIII, p. 373, no 13). Solon, Des servitudes, no 273. Demante, Cours, II, 529 bis, I. Demnolombe, XI, 516. Voy. en sens

L'énumération donnée par l'art. 674 des travaux ou dépôts de nature à causer dommage à un mur, et par suite à motiver des mesures destinées à prévenir ce dommage, n'est pas limitative. Les tribunaux devraient donc, dans le cas même où il s'agirait d'entreprises non spécialement rappelées dans l'article précité, par exemple, d'un aqueduc, d'un puisard, ou d'un amas de terres jectisses, susceptibles de causer dommage à un mur, ordonner l'exécution des mesures préventives établies pour ces hypothèses par les règlements et usages 3.

Le Code n'ayant pas maintenu l'autorité des anciens usages destinés à prévenir les dommages qui pourraient être causés, non plus à un mur, mais à toute autre partie d'un fonds voisin, ces usages ont cessé d'être obligatoires, et les tribunaux ne peuvent plus les appliquer comme ayant force de loi.

Cependant on doit reconnaître aux juges saisis d'une action par laquelle le propriétaire d'un fonds provoque des mesures destinées à prévenir un dommage dont ce fonds se trouve menacé par une entreprise quelconque d'un propriétaire voisin, le pouvoir d'examiner en fait, si le danger allégué est sérieux et imminent, et, en cas d'affirmative, d'ordonner l'exécution des mesures préventives établies par les anciens usages, ou de prescrire telles autres mesures de cette nature qu'ils jugeraient convenables".

C'est ainsi que les anciens usages sur la distance à observer pour le creusement des fossés ne sont plus obligatoires comme tels, et que le propriétaire qui veut en établir n'est plus en principe légalement tenu d'observer cette distance 5. Mais il appartiendrait toujours aux tribunaux, en constatant l'imminence d'éboulements de terre que devrait causer dans le fonds voisin un fossé

[ocr errors]

contraire: Delvincourt, I, part. II, p. 403; Pardessus, I, 200. Cpr. aussi Riom, 14 novembre 1842, Sir., 43, 2, 7. Il est toutefois à remarquer que la proposition énoncée au texte ne s'applique qu'aux mesures de précaution prescrites dans le seul intérêt privé des voisins. Cpr. texte et note 7 infra.

* Cpr. Coutume de Paris, art. 192. Pardessus, Des servitudes, I, 199. Duranton, V, 402. Taulier, II, p. 408 et 409. Solon, op. cit., nos 262 et suiv. Demante, Cours, II, 529 bis, II. Demolombe, XI, 520 et 521.

Pardessus, op. et loc. citt., Bordeaux, 18 mai 1849, Sir., 50, 2, 183. Cpr. § 448, texte et note 10; Besançon, 31 août 1844, Sir., 45, 2, 625. Duranton, V, 364. Daviel, Des cours d'eau, II, 859. Demante, Cours, II, 525. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 304. Voy. en sens contraire: Pardessus, op. cit., I, 186; Demolombe, XI, 464. Cpr. aussi Proudhon, Du domaine privé, II, 589; Req. rej., 3 janvier 1854, Sir., 54, 1, 119.

établi sur une ligne trop rapprochée de ce fonds, d'en ordonner le reculement à la distance fixée par les anciens usages".

Au nombre des mesures préventives prescrites par les règlements auxquels renvoie l'art. 674, il en est qui ne sont pas seulement exigées dans l'intérêt privé des voisins, mais qui le sont encore dans un intérêt public de sûreté et de salubrité. Telles sont, par exemple, celles qui concernent la construction des cheminées, des forges ou des âtres, et l'établissement des fosses d'aisance.

A la différence des mesures de la première espèce, celles de la seconde doivent être observées, alors même que le mur près duquel de pareils travaux seraient établis, appartiendrait exclusivement au constructeur 7.

On peut par titre, par destination du père de famille, ou par la prescription trentenaire, acquérir le droit de maintenir des travaux ou dépôts qui auraient été établis sans l'observation des précautions uniquement prescrites dans l'intérêt privé des voisins; mais on ne pourrait, par aucune convention, ni par aucun laps de temps, s'affranchir de l'obligation d'observer les mesures imposées dans un intérêt public 3.

Du reste, si, malgré l'observation des mesures préventives déterminées par les réglements et usages, ou ordonnées par les tribunaux, le voisin venait à éprouver un dommage quelconque, il lui en serait toujours dû réparation, conformément aux art. 1382 et 1383 o.

⚫ Toullier, II, 227. Duranton, loc. cit. Cpr. Civ. rej., 11 avril 1848, Sir., 48, 1, 395; Civ. rej., 3 juillet 1849, Sir., 49, 1, 624. Ces deux arrêts, il importe de le remarquer, ne décident pas que les anciens usages sur la distance à observer dans le creusement d'un fossé sont légalement obligatoires. Ils se bornent, d'une part, à reconnaître aux tribunaux la faculté de les appliquer, comme indiquant la mesure la plus équitable pour prévenir tout éboulement de terre dans le fonds voisin, et, d'autre part, à déclarer que l'existence de pareils usages donne lieu à la présomption de fait que le propriétaire d'un fossé l'est également du franc bord ou de la répare. Cpr. § 192, texte et note 14.

* Demolombe, XI, 515.

201;

Vazeille,

Voy. sur ces diverses propositions: Pardessus, op. cit., I, Des prescriptions, I, 117; Troplong, De la prescription, I, 139, p. 204; Demante, II, 529 bis, III; Marcadé, sur l'art. 674, no 2; Taulier, II, 409; Demolombe, loc. cit.; Bordeaux, 18 mai 1858, Sir., 59, 2, 177.

* Delvincourt, I, part. II, p. 402. Toullier, III, 332. Pardessus, op. et loc. citt. Solon, Des servitudes, no 250. Marcadé, loc. cit. Taulier, II, p. 410. Demolombe, XI, 524.

Les actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 sont de la compétence des juges de paix, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur n'est pas contestée 10. Loi du 28 mai 1838, art. 6, n° 3.

III. Des obligations légales imposées aux propriétaires de fonds contigus, dans leur intérêt réciproque.

§ 199.

1. Du bornage1.

Tout propriétaire d'un fonds de terre peut contraindre son voisin à procéder au bornage, à frais communs, de leurs héritages contigus. Art. 646. Cette opération se fait au moyen de la plantation de pierres-bornes, ou autres signes de délimitation, admis comme tels par les usages locaux.

Lorsque les limites des deux héritages sont incertaines, ou lorsque la ligne qui les sépare actuellement est contestée par l'un des voisins, comme étant le résultat d'une anticipation, il est au préalable nécessaire de rechercher ou de fixer les limites réelles des deux fonds contigus, soit à l'aide de signes matériels, de plans ou autres documents 2, soit au moyen d'un arpentage, c'est-à-dire du mesurage de la contenance totale de ces fonds, et de la répartition de cette contenance suivant les titres communs ou respectifs des parties3. Or, comme il est possible, et qu'il arrive même fréquemment que ce que l'un des voisins possède en moins soit détenu en plus, non par son voisin immédiat, mais par des arrières

10 Cpr. Req. rej., 13 novembre 1860, Sir., 61, 1, 855.

Cpr. sur cette matière: Traité des actions possessoires et du bornage, par Curasson, Paris, 1842, 1 vol. in-8°; Traité du bornage, par Millet, 2e édit., 1847, 1 vol. in-8°.

2,

Req. rej., 19 mars 1850, Sir., 52, 1, 646. Metz, 8 décembre 1857, Sir., 58, 537.

3 Dans cette hypothèse, l'action en bornage est celle qu'en Droit romain on appelait actio finium regundorum (D. 10, 1. C. 3, 39). Cpr. sur le développement historique de cette action, dont certains détails sont encore aujourd'hui fort obscurs Puchta, Instit., III, § 234.

voisins, l'exécution de l'opération dont il vient d'être parlé peut nécessiter la mise en cause de ces derniers jusqu'au point où il existe des limites certaines et reconnues, et s'étendre ainsi à tous les fonds compris dans une même subdivision de finage (canton, tenement, lieu dit.....). Que si les limites de deux cantons étaient elles-mêmes incertaines, il y aurait lieu de les fixer au préalable contradictoirement avec tous les intéressés.

Bien que l'action en bornage formée par un voisin qui se plaint d'anticipations commises à son préjudice, tende à obtenir des restitutions de terrain, elle ne perd pas pour cela son caractère propre, et ne dégénère pas en action en revendication. Elle constitue toujours de sa nature un judicium duplex, c'est-à-dire une de ces actions dans lesquelles chacune des parties est à la fois demanderesse et défenderesse, et doit par conséquent faire preuve de son droit'.

L'action en bornage est recevable, non-seulement lorsque les héritages contigus consistent tous deux en fonds de terre, mais encore lorsque l'un d'eux est surbâti, et même dans le cas où deux bâtiments sont séparés par un terrain libre de constructions. Elle ne cesse de l'être qu'entre propriétaires de bâtiments qui se touchent".

En règle, l'action en bornage suppose la contiguité des fonds pour la délimitation desquels elle est formée.

Ainsi, elle n'est point admise entre propriétaires dont les fonds sont séparés par un cours d'eau ou par un chemin public. Mais elle serait recevable si les deux fonds n'étaient séparés que par un sentier privé, un fossé, ou un autre ouvrage qui n'empêcherait pas leur contiguité".

Si l'action en bornage n'est en général admise qu'entre propriétaire d'héritages contigus, rien n'empêche cependant que le demandeur, en assignant ses voisins immédiats, n'assigne en même temps les arrières - voisins dont le concours serait nécessaire à l'opération qu'il provoque, et, à plus forte raison, ces derniers

Cpr. L. 1, D. fin. reg. (10, 1). L. 3, C. fin. reg. (8, 39). Req. rej., 17 mars 1850, Sir., 50, 1, 646. Rej. rej., 29 juillet 1856, Sir., 57, 1, 655.

L. 2, proe., L. 10, § 4, D. fin. reg. (10, 1). Cpr. Pardessus, Des servitudes, I, 117; Demolombe, XI, 264 et 268.

* L. 4, § 11, D. fin. reg. (10, 1). Pardessus, op. cit., I, 118. Demolombe, XI, 266.

'Pardessus et Demolombe, locc, citt.

« PreviousContinue »