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les bestiaux sont introduits au moyen d'ouvertures annuellement pratiquées à la clôture 23.

Le propriétaire qui use de la faculté de se clore, perd son droit au parcours et à la vaine pâture, en proportion du terrain qu'il y soustrait. Art. 648. Cpr. Loi des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. I, sect. IV, art. 13 et 16.

Les facultés inhérentes à la propriété sont de leur nature imprescriptibles, en ce sens que le non-usage ne suffit pas pour en entraîner l'extinction, et qu'elles ne peuvent se perdre qu'indirectement par l'acquisition d'un droit contraire.

§ 192.

II. De l'étendue de la propriété quant aux objets sur lesquels elle

porte1.

1o La propriété du sol emporte de sa nature la propriété du dessus et du dessous. Art. 552, al. 1.

mentionnés aux art. 7 et 11 de la loi de 1791. L'argument a contrario, tiré de l'art. 647, ne serait pas concluant, puisqu'il est certain que l'exception apportée par cet article à la faculté de se clore, n'est pas la seule. Pardessus, op. cit., I, 134. Proudhon, De l'usufruit, VIII, 3664 et 3665. Demante, Cours, II, 501 bis, I. Demolombe, XI, 283 et 293.

23 Merlin, Quest., vo Vaine pâture, § 2. Req. rej., 7 mars 1826, Sir., 26, 1, 324. Civ. cass., 29 décembre 1840, Sir., 41, 1, 74. Req. rej., 23 mai 1855, Sir., 57, 1, 123. Req. rej., 27 avril 1859, Sir., 61, 1, 171. Cpr. encore Demolombe, XI, 289; Req. rej., 7 mai 1838, Sir., 38, 1, 789.

Les matières qui forment l'objet de ce paragraphe sont envisagées au Code Napoléon comme rentrant dans le droit d'accession, expression sous laquelle les rédacteurs de ce Code comprennent également les cas où une personne est propriétaire d'une chose à titre d'accession, et ceux où elle devient propriétaire d'une chose par l'effet de l'accession. Cpr. art. 546 et suiv. Mais il y a là un mélange de principes qui tiennent à des ordres d'idées complétement différents, et qu'il importe en bonne théorie de distinguer soigneusement. Autres, en effet, sont les accessoires auxquels s'étend virtuellement la propriété, autres les accessions qui viennent l'augmenter par l'effet d'une acquisition nouvelle. M. Demolombe (IX, 572 et 573) a cependant essayé de justifier l'ordre suivi par les rédacteurs du Code, en disant que, dans les cas mêmes où une chose s'unit et s'incorpore à une chose appartenant à une autre personne, on doit bien moins voir dans ce fait une acquisition nouvelle, qu'une simple extension de la chose dans laquelle vient s'absorber celle qui s'y unit et s'y incorpore. Mais cette manière de voir, qui se comprendrait à la rigueur au cas de spécification, n'est plus admissible lorsqu'une chose, malgré son union avec une autre, n'en a pas moins conservé une existence distincte, qui la rendrait en fait susceptible d'en

Le propriétaire d'un terrain est propriétaire de l'espace aérien au-dessus du sol, en ce sens qu'il peut seul en user pour y établir des constructions, et qu'il est autorisé à demander la démolition des ouvrages qui, à une hauteur quelconque, empiètent sur cet espace, ainsi que l'élagage des branches qui s'y avancent. Art. 552, al. 2, et 672, al. 1.

D'un autre côté, la propriété du sol s'étend, à une profondeur indéfinie, au terrain existant sous le sol, et à tous les objets qui se trouvent dans ce terrain. Art. 552, al. 3. Le propriétaire d'un fonds est donc comme tel propriétaire des mines qu'il renferme. Il l'est aussi virtuellement du trésor qui s'y trouve enfoui. La propriété du dessous, plus énergique sous ce rapport que celle du dessus, donne au propriétaire du sol le droit de couper lui-même les racines des arbres du voisin qui s'avancent dans son terrain. Art. 672, al. 3.

Toutes les constructions, plantations et ouvrages existant à la surface ou dans l'intérieur d'un terrain sont présumés faits par le propriétaire de ce terrain et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé. Art. 553. Cette preuve peut se faire par témoins ou à l'aide de simples présomptions, sans commencement de preuve par écrit, à quelque somme que s'élève la valeur des travaux. 2o La propriété d'une chose comprend virtuellement celle des accessoires qui s'y trouvent unis naturellement ou artificiellement, et qui en forment des dépendances nécessaires, en d'autres termes, le

être détachée, ou de former l'objet d'une propriété séparée, comme cela a lieu, par exemple, pour les îles et ilots qui se forment dans un fleuve ou dans une rivière, ainsi que pour les constructions élevées sur le sol d'autrui.

* Sous la modification, toutefois, qui peut résulter de la concession de la mine en faveur d'un tiers. Cpr. § 193, texte et note 12.

'La découverte d'un trésor est sans doute la condition de fait qui seule en rend l'existence certaine, et donne au propriétaire du fonds où il a été trouvé la possibilité d'en profiter; mais elle ne constitue pas pour lui le titre d'acquisition du trésor, qui dès avant sa découverte lui appartenait virtuellement. La preuve en est que, lorsque le trésor n'a pas été découvert par le pur effet du hasard, il appartient intégralement, jure soli, à celui dans le fonds duquel il a été trouvé, soit par ce dernier, soit même par un tiers. Que si la loi attribue à l'inventeur étranger la moitié du trésor trouvé par le pur effet du hasard, ce n'est là qu'une espèce de transaction législative fondée sur l'équité. Art. 716. Cpr. § 201, texte n° 3, lett. a; § 507, texte et note 25.

*Il s'agit en pareil cas de la preuve, non d'un fait juridique, mais d'un fait pur et simple, auquel ne s'applique pas la disposition de l'art. 1341. Cpr. § 762, texte n° 1. Demolombe, IX, 697 bis. Civ. cass., 27 juillet 1859, Sir., 60, 1, 360. Civ. rej., 23 mai 1860, Sir., 60, 1, 792.

propriétaire de la chose est légalement présumé propriétaire des accessoires de cette nature. Art. 546.

C'est ainsi que le propriétaire d'un étang est légalement présumé propriétaire de tout le terrain que l'eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l'étang; et cette présomption ne peut même être combattue par la preuve d'une possession trentenaire. Art. 558.

C'est ainsi encore que le propriétaire d'une usine est légalement réputé propriétaire du biez qui y amène l'eau, et du canal de fuite par lequel elle s'écoule, lorsque ce biez et ce canal ont été creusés de main d'homme, et pour le service de l'usine. Mais cette pré

Une telle possession devrait être réputée précaire, tant que l'étang est maintenu comme tel, et ne pourrait, ni autoriser une action possessoire, ni servir de fondement à la prescription. Toullier, III, 13. Duranton, IV, 406. Daviel, Des cours d'eau, II, 814. Garnier, Actions possessoires, p. 349; et Régime des eaux, II, p. 117. Demolombe, X, 31. Civ. rej., 23 avril 1811, Sir., 11, 1, 312. Civ. rej., 11 mai 1835, Sir., 36, 1, 55. Req. rej., 18 janvier 1851, Sir., 52, 1, 315. Cette présomption était généralement admise dans notre ancien Droit; et, quoique le Code Napoléon ne la rappelle pas spécialement, nous pensons qu'elle a été virtuellement consacrée par l'art. 546, qui pose le principe général du droit d'accession. En effet, le canal creusé de main d'homme pour l'alimentation d'une usine se trouve matériellement uni et en quelque sorte incorporé à l'usine par les travaux qui l'y rattachent, et en constitue ainsi une partie intégrante. Cela est évident surtout, lorsque, comme d'ordinaire, le canal, qui forme dans toute sa longueur un tout indivisible, traverse l'usine elle-même. De prime abord, et d'après l'état matériel des choses, le propriétaire de l'usine doit done être réputé propriétaire du canal qui l'alimente. Il peut sans doute arriver que l'usinier n'ait acquis qu'un droit d'aqueduc; mais, comme cette supposition est contraire au principe incontestable que le propriétaire d'une chose l'est également de tout ce qui en fait partie intégrante, elle ne doit être admise qu'autant qu'elle se trouve dûment justifiée. En vain dirait-on, pour écarter l'application de l'art. 546, que cet article ne s'occupe que de l'accession considérée comme moyen d'acquérir, puisque les rédacteurs du Code, ainsi que nous l'avons établi à la note 1 supra, comprennent tout à la fois, sous le titre d'accession, et le droit aux accessoires, et le droit aux accessions proprement dites. En vain également se prévaudrait-on de la disposition de l'art. 553, aux termes duquel tous les ouvrages faits sur un terrain sont réputés appartenir au propriétaire de ce terrain, pour en conclure que le canal dont les deux rives appartiendraient aux mêmes propriétaires, devrait, dans ce cas du moins, être considéré comme leur appartenant. Cette argumentation ne reposerait, en effet, que sur une pétition de principe, puisqu'il s'agit précisément de savoir si le lit du canal appartient à l'usinier ou au riverain, et que la circonstance que la même personne se trouve être propriétaire des deux rives, ne prouve pas que cette personne ait été, ni surtout qu'elle soit restée propriétaire de ce lit. Favard, Rép., vo Servitude, sect. II, §1, no 10. Garnier, Régime des eaux, II, 242. Dubreuil, Législation sur les

somption ne doit pas être admise pour les cours d'eau naturels, alors même que le lit en aurait été déplacé ou rectifié dans l'intérêt d'usines au roulement desquelles ils servent".

La présomption légale en vertu de laquelle le propriétaire d'une usine est réputé propriétaire du canal artificiel qui l'alimente, peut être combattue soit au moyen d'un titre qui en attribuerait la propriété à un tiers, soit par des actes qui établiraient que le propriétaire de l'usine n'a acquis qu'un simple droit d'aqueduc, et non la propriété du lit du canals.

La propriété du biez ou canal alimentaire d'une usine emporte, au profit du propriétaire de l'usine, la présomption de propriété des francs bords du canal, c'est-à-dire de bandes latérales de terrain suffisantes pour en permettre la surveillance, l'entretien et le curage. Mais, à la différence des présomptions dont il a été précédemment question, celle dont il s'agit ici n'est plus une présomption légale 1o; on ne doit y voir qu'une pure présomption de fait, qui peut être combattue, non-seulement à l'aide d'un titre ou d'une possession suffisante pour faire acquérir la prescription ",

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eaux, I, 164. Proudhon, Du domaine public, III, 1082. Colmar, 12 juillet 1812, Sir., 14, 2, 6. Civ. rej., 28 novembre 1813, Sir., 16, 1, 374. Bordeaux, 24 juillet 1826, Sir., 27, 2, 8. Toulouse, 1er juin 1827, Sir., 27, 2, 205. Civ. rej., 14 août 1827, Sir., 28, 1, 118. Bordeaux, 23 janvier 1828, Sir., 28, 2, 104. Toulouse, 30 janvier 1833, Sir., 33, 2, 579. Civ. cass., 13 août 1850, Sir., 50, 1, 821. Req. rej., 5 mai 1857, Sir., 57, 1, 335. Civ. cass., 10 juillet 1861, Sir., 61, 1, 861. Cpr. cependant Pardessus, Des servitudes, I, 111; Duranton, V, 240; Demolombe, XI, 129 et suiv. D'après le premier de ces auteurs, le propriétaire de l'usine devrait bien être réputé propriétaire du canal; mais ce ne serait là qu'une simple présomption de fait. Les deux derniers vont plus loin encore, et n'admettent en faveur de l'usinier qu'une présomption de servitude d'aqueduc.

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Req. rej., 13 février 1854, Sir., 56, 1, 224. Orléans, 13 décembre 1855, Sir., 56, 1, 340. Cpr. aussi Civ. rej., 25 avril 1854, Sir., 54, 1, 458.

Req. rej., 21 novembre 1830, Sir., 31, 1, 14. Req. rej., 25 novembre 1839, Sir., 39, 1, 918.

⚫ Pardessus, op. cit., 1, 112. Proudhon, op. cit., III, 1083 et 1084. Colmar, 12 juillet 1812, Sir., 14, 2, 6. Req. rej., 4 décembre 1838, Sir., 39, 1, 253. Req. rej., 23 novembre 1840, Sir., 41, 1, 158. Req. rej., 22 février 1843, Sir., 43, 1, 418.

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La raison en est que les francs bords, quelque utilité qu'ils puissent offrir au propriétaire du canal, n'en forment cependant pas un accessoire absolument nécessaire et inséparable, comme le canal lui-même l'est pour l'usine. Req. rej., 13 janvier 1835, Sir., 35, 1, 278.

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Req. rej., 6 mars 1844, Sir., 44, 1, 289. Civ. rej., 28 avril 1846, Sir., 46,

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mais encore au moyen de la possession annale ou de simples présomptions 19. Toutefois, dans le cas même où il serait reconnu que la propriété des riverains s'étend jusqu'aux berges du canal, on devrait, ce semble, admettre en faveur du propriétaire de l'usine le droit de circuler sur les bords du canal, pour en surveiller l'entretien, et en opérer le curage 15.

Une présomption de fait pareille à celle que nous avons admise pour les francs bords d'un canal artificiel, s'applique aussi aux francs bords ou répares de fossés, dans les pays où il est d'un usage constant de laisser un certain espace de terrain entre la crête des fossés et les fonds voisins 14.

Si la propriété du sol emporte de sa nature la propriété du dessus, on ne peut, en renversant la proposition, conclure de la propriété d'ouvrages établis dans l'espace aérien qui se trouve audessus d'un terrain, à la propriété de ce terrain. C'est ainsi que le propriétaire d'un bâtiment dont la toiture dépasse le parement du mur, n'est pas légalement présumé propriétaire du terrain compris entre le mur et la ligne d'aplomb du stillicide. On ne doit admettre en sa faveur qu'une pure présomption de fait, susceptible d'être combattue par d'autres présomptions de même nature, et à plus forte raison par une possession annale ou trentenaire 15.

1, 381. Req. rej., 21 mars 1855, Sir., 56, 1, 304. Voy. en sens contraire Paris, 12 février 1830, Sir., 30, 2, 138; Bordeaux, 11 janvier 1833, Sir., 33, 2, 279; Paris, 24 juin 1834, Sir., 35, 2, 234.

12 Bordeaux, 23 mars 1849, Sir., 49, 2, 354. Civ. rej., 16 août 1858, Sir., 58, 1, 764.

les

13 Cette solution n'est point, comme on pourrait le croire au premier abord, contraire à la maxime Quilibet fundus præsumitur liber a servitutibus. En effet, le passage étant indispensable pour l'entretien et le curage du canal, riverains ne peuvent avoir eu l'intention d'en acquérir les berges qu'à la charge de ce passage, que, d'un autre côté, le propriétaire du canal est censé s'être réservé. Cpr. Bordeaux, 23 janvier 1828, Sir., 28, 2, 104; Req. rej., 15 décembre 1835, Sir., 36, 1, 312; Req. rej., 6 mars 1844, Sir., 44, 1, 289; Aix, 7 mai 1858, Sir., 58, 1, 764.

1 Cpr. Demolombe, XI, 464 à 466; Caen, 14 juillet 1825, Sir., 26, 2, 29; Req. rej., 22 février 1827, Sir., 27, 1, 136; Dijon, 22 juillet 1836, Sir., 36, 2, 387; Civ. rej., 11 avril 1848, Sir., 48, 1, 395; Civ. rej., 3 juillet 1849, Sir., 49 1, 624.

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Arg. art. 681. On doit, en effet, présumer que le propriétaire d'un bâtiment l'a établi de manière à se conformer aux dispositions de cet article. Demolombe, XII, 592 à 593. Limoges, 26 décembre 1834, Dalloz, 1841, 2, 10. Req. rej., 28 juillet 1851, Sir., 51, 1, 600. Voy. cependant Pardessus, Des servitudes,

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