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arbitres absorberont souvent l'économie réalisée. Quant à la solution plus rapidement obtenue, la possibilité de suivre tous les échelons des voies de recours ne rend-elle pas cet avantage bien illusoire? Il faut observer en outre quel danger il y a à imposer des règles délicates et compliquées de délai et de forme de procédure à des personnes qui n'ont aucune habitude de ces formalités et combien il est difficile à un arbitre, lorsqu'il n'est pas un praticien, d'échapper, sur ce point, à toute cause de nullité ou de réformation de sa sentence.

Fuira-t-on l'éclat d'un procès, la publicité qu'il entraîne? Pas complètement, puisque les parties sont toujours exposées aux voies de recours.

Je ne vois plus qu'un mobile qui puisse pousser au compromis: l'espoir de trouver dans des arbitres plus de lumière ou plus d'intégrité qu'auprès des juges ordinaires. Peut-être, en effet, dans certains cas exceptionnels les parties auraient-elles avantage à prendre pour arbitres des spécialistes offrant une compétence tout à fait particulière. Mais en dehors de ces cas exceptionnels, on peut bien affirmer que, nulle part, on ne trouvera autant de garantie de science et d'intégrité, qu'auprès des tribunaux institués. Il en

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était autrement, sans doute, à une époque où le juge, ignorant et cupide, prononçait suivant sa fantaisie et son intérêt. On conçoit qu'alors les plaideurs s'efforçassent de fuir des tribunaux qui ne leur offraient aucune sécurité, pour s'adresser à des personnes qui savaient mériter leur confiance. Mais de nos jours, ils trouvent dans nos tribunaux des juges sages et éclairés, placés par la dignité de leur fonction et l'élévation de leur conscience au-dessus de toute séduction et de toute partialité, dont la science est le fruit d'une longue pratique et d'une grande expérience. Quel besoin auraient-ils de substituer aux juges ordinaires des juges privés, le plus souvent moins expérimentés et dans lesquels rien ne peut les assurer de trouver autant de garantie d'une bonne justice? Si les arbitrages, - ainsi conçus, étaient fréquents, ce serait certainement un signe de méfiance à l'égard des tribunaux ordinaires. Cela dénoterait dans notre organisation judiciaire quelque vice qu'il serait urgent de réformer.

Heureusement, il n'en est rien. Il est au contraire extrêmement rare de trouver dans un compromis la nomination d'arbitres tenus aux règles de forme et de fond auxquelles les obligent les art. 1009 et 1019.

Le plus souvent, les parties apportent à ces pouvoirs des modifications. - Et c'est précisément dans ces dérogations au droit commun en matière d'arbitrage que réside le côté pratique de l'œuvre du législateur.

On peut d'abord affranchir les arbitres des règles ordinaires de la procédure. Il en résultera une économie de temps et de frais: et surtout l'avantage d'échapper à de nombreuses causes de nullité et de réformation si difficiles à éviter pour les arbitres qui ne sont pas familiarisés avec les règles minutieuses de la procédure.

On peut aussi faire de l'arbitre un juge d'équité c'est-à-dire l'autoriser à ne pas appuyer sa sentence sur un texte de loi, à juger même contrairement à ceux de ces textes dont les commandements ne touchent pas à l'ordre public, pour n'écouter que sa conscience et prononcer dans les sens que lui paraît commander l'équité. L'arbitre ainsi affranchi des règles de droit porte le nom d'Amiable compositeur.

Compris de cette façon, l'arbitrage présente des avantages et peut rendre de grands services. Aussi, dans la pratique, la plupart des compromis confèrent-ils aux arbitres la qualité d'amiable compositeur.

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Ces avantages sont évidents. Formes simplifiées, règles plus accessibles à tous, modicité des frais, promptitude de jugement. L'amiable compositeur est, en effet, dispensé des règles rigoureuses de procédure, de forme, de délai, soit dans l'instance même, soit dans les mesures d'instruction, soit dans la sentence. Sa sentence n'est pas susceptible d'appel. conformer aux principes rigoureux du droit écrit.

Il n'est pas tenu de se

Dans ces conditions, il répond pleinement à cette idée si naturelle que l'arbitrage doit être un moyen d'arriver à un arrangement: un pas vers la concorde et la paix.

En demandant à l'amiable compositeur de juger suivant sa seule conscience, sans formes strictes, sans voies de recours réservées, les parties écartent tout ce qui peut mettre de l'âpreté dans une lutte judiciaire. En le dispensant de l'application rigoureuse des textes de loi, elles montrent qu'elles n'ont pas l'intention de soutenir avec acharnement leurs prétentions, de revendiquer leur droit dans toute sa rigidité: mais qu'au contraire, ce qu'elles veulent, c'est avant tout terminer une contestation par une sentence équitable, dussent-elles, pour y arriver, s'imposer quelques sacrifices.

N'est-ce pas là un pouvoir en quelque sorte transactionnel? En effet, l'amiable composition n'est pas, comme l'est l'arbitrage, une juridiction en tous points semblable à celle des tribunaux ordinaires n'en différant qu'en ce que le juge est choisi par les parties et ne tire ses pouvoirs que de leur seule volonté. C'est bien toujours une juridiction, puisque l'amiable compositeur fait l'office de magistrat, instruit l'affaire, rend une sentence à laquelle l'ordonnance d'exequatur donnera la force exécutoire. Mais en tous points il ne relève que de sa propre conscience. Et s'il peut, sans doute, rejeter entièrement une prétention inique, il peut aussi, et c'est ce qu'il fera le plus souvent, terminer la contestation par une sorte d'arrangement, dans lequel il imposera à chaque partie le sacrifice que lui semblera dicter l'équité.

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Quelle différence avec la mission étroite de l'arbitre ordinaire ! Sa sentence ressemblera autant à une transaction qu'à un jugement. Au jugement, elle empruntera l'avantage de conduire aux mesures d'exécution. A la transaction, celui de terminer rapidement et définitivement la contestation.

Si l'amiable composition offre des avantages,

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