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RÉPERTOIRE

MÉTHODIQUE ET ALPHABETIQUE

DE LÉGISLATION

DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE

EN MATIÈRE DE DROIT CIVIL, COMMERCIAL, CRIMINEL, ADMINISTRATIF,
DE DROIT DES GENS ET DE DROIT PUBLIC.

NOUVELLE ÉDITION,

CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE ET PRÉCÉDÉE D'UN ESSAI SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU DROIT FRANÇAIS

PAR M. D. DALLOZ AINÉ
Ancien Député

Avocat à la Cour d'appel de Paris, ancien Président de l'Ordre des Avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation
Officier de la Légion d'honneur, Membre de plusieurs Sociétés savantes

avec la collaboration

DE M. ARMAND DALLOZ, SON FRÈRE,

Avocat à la Cour d'appel de Paris, Auteur du Dictionnaire général et raisonné de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence
Chevalier de la Légion d'honneur,

et celle de plusieurs jurisconsultes

TOME NEUVIÈME.

A PARIS

AU BUREAU DE LA JURISPRUDENCE GÉNÉRALE,

RUE DE LILLE, N° 19

11

1848

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RÉPERTOIRE

MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE

DE LÉGISLATION, DE DOCTRINE

ET DE JURISPRUDENCE.

COMMISSIONNAIRE. 1. Ce mot, qui est surtout usité en matière de commerce, a plusieurs acceptions. D'abord il désigne, dans son expression générale, celui qui agit pour un commerçant, lequel, dans l'usage du commerce, se nomme commettant le contrat qui les lie l'un à l'autre ne porte pas le nom de mandat, mais celui de commission, contrat sui generis, très-usité dans le commerce.

Sous ce point de vue, le contrat de commission peut se définir un mandat ordinairement salarié, dans lequel le commettant donne pouvoir de faire pour lui une ou plusieurs opérations de commerce déterminées, au commissionnaire qui s'engage à les traiter pour le compte du commettant, soit au nom de celui-ci, soit en son propre nom.-Toutefois, on entend plus ordinairement par commissionnaires les commerçants qui se chargent spécialement de traiter pour le compte d'autrui.-Vicat et, après lui, MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 1, no 17, rattachent le mot commission aux usages que suivait la cour de Rome, d'appeler commissaires ceux auxquels elle remettait le pouvoir de juger certains faits (Vicat, Vocab. juris utriusque). Mais si l'on veut remarquer que le commettant se confie au commissionnaire, on reconnaîtra que le mot commission vient directement du verbe committere, confier, d'où dérivent aussi les commissions dont parle Vicat. C'est ainsi que Doneau, définissant le mot mandare, a pu dire: mandare est aliquid alicui gerendum committere (Donellus, Com. in Cod., tit. Mandali, no 8). V. cependant M. Troplong, du Mandat, no 65.

2. Les entrepreneurs de transport par terre et par eau sont désignés aussi dans le code de commerce, sous la dénomination de commissionnaires de roulage et voituriers; car l'entrepreneur agit pour le compte du commettant, et traite avec les nautoniers ou voituriers pour le compte de celui qui lui a remis les choses à transporter. Cependant il y a de notables différences entre le commissionnaire de transport et le commissionnaire pour d'autres opérations. Ces différences consistent surtout dans la responsabilité qui frappe les entrepreneurs de transport et qui met à leurs charges tous les faits de ceux auxquels ils ont confié les marchandises qu'ils doivent faire conduire à deştination, tandis que les autres commissionnaires ne sont ordinairement pas responsables des suites de leurs opérations, quand ils ont traité avec des personnes solvables et qu'ils ont pu considérer comme dignes de leur confiance: le second chapitre de cet article sera particulièrement consacré à la commission pour les transports, et c'est là seulement que l'on devra recourir pour avoir les règles de ce contrat; on courrait risque d'être en contradiction avec un texte de la loi, si on voulait lui appliquer les principes généraux que nous allons d'abord exposer.

Quelquefois, le commissionnaire remplit le rôle d'un dépositaire ou consignataire, dépôt salarié dont les règles se trouvent à l'article Dépôt.— V. aussi v Droit maritime, Nantissement et Obligation.

TOME IX.

3. Enfin, on parlera, vis Commissionnaire du mont-de-piété et Commissionnaire de place, d'autres intermédiaires dont l'entremise ou les travaux n'ont rien de commercial.

CHAP. 1.

ART. 1. ART. 2. § 1.

§ 2.

§ 3.

84.

§ 5. § 6.

§ 7.

§ 8.

ART. 5.

--

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De la commission en général.

Des caractères du contrat de commission;-De sa formation; -Et en quoi il diffère des autres contrats.

Des engagements du commissionnaire vis-à-vis des tiers. Des engagements du commissionnaire vis-à-vis du commettant. Devoirs, responsabilité.

Des engagements du commettant vis-à-vis du commissionnaire et vis-à-vis des tiers.

Fin du contrat de commission.

Du tribunal compétent pour juger les difficultés qui surgissent entre le commettant et le commissionnaire.

Du privilége du commissionnaire pour ses avances, et du rang de ce privilége.

Des conditions nécessaires pour la constitution de ce mivilége.

De la commission pour vendre, pour acheter, pour les opérations de banque et pour les assurances.

De la commission de vendre des marchandises. tion de justice.

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De la commission pour acheter. - Délai de l'expédition.
Réception de marchandises.

De la commission pour les opérations de banque.

De la commission pour les assurances.

DES COMMISSIONNAIRES DE TRANSPORT ET DES VOITURIERS. Nature du contrat qui se forme entre l'expéditeur et le commissionnaire de transport.

De la preuve de ce contrat et de la lettre de voiture. Obligations des commissionnaires, des entrepreneurs de transport et des voituriers en général.- Responsabilité. De la responsabilité de l'entrepreneur de transports qui a remis les marchandises à un autre commissionnaire, et de la responsabilité de ce dernier.

De la responsabilité des entrepreneurs de messageries.
Des obligations de l'expéditeur et de celles du destinataire.
Sur qui tombe la perte des marchandises expédiées.

Du privilége du commissionnaire sur les choses transportées. Des exceptions que le voiturier peut opposer à l'expéditeur et au destinataire.

De l'exception tirée de la remise des marchandises, et du payement de la lettre de voiture.

De la prescription introduite en faveur du voiturier.

1

CHAP.. · DU CONTRAT DE COMMISSION PROPREMENT dit.

ART. 1. Historique.-Législation. - Droit comparé.

4. Le droit romain ne contient pas de règles particulières sur le contrat de commission. Cela tient à ce que les Romains n'avaient pas admis le mandat dans leur législation primitive, et à ce que toute commission renferme nécessairement un mandat. Le commissionnaire traite au nom du commettant et engage ce dernier, agissement contraire aux principes rigoureux de l'ancien droit de Rome, où il n'était pas admis que la personne des contractants pût être représentée. Les parties devaient accomplir elles-mêmes les formalités nécessaires à la perfection du contrat. Cependant on se relâcha de cette sévérité, et comme les enfants et les esclaves étaient en la puissance du chef de famille et n'avaient pas une personnalité juridique qui leur fût propre, on admit que leurs opérations pourraient, jusqu'à certain point, lier leur père ou leur maître. C'est ainsi que les Romains établirent des comptoirs dans les différentes parties du monde alors connu, et qu'ils s'y firent représenter par leurs enfants, leurs esclaves ou leurs associés. Mais ils employaient rarement un tiers dont la personnalité juridique fût en dehors de celle du mandant.

5. Les petites républiques de la Grèce eurent, au contraire, de véritables commissionnaires qu'elles désignaient sous le nom de proxènes ou proxénètes. C'est que pour la plupart elles étaient obligées d'aller au loin s'approvisionner du blé nécessaire à la subsistance de leurs habitants, et que dès lors elles durent chercher le moyen de faciliter les transactions au dehors. Les créations du droit répondent toujours à des besoins sociaux.-Toutefois il n'y avait pas de règles générales sur les attributions de ces intermédiaires. Barthélemy, dans son Voyage d'Anacharsis en Grèce, nous représente leurs différentes fonctions. « Outre que les Grecs s'empressent d'accueillir les étrangers, on trouve dans les principales villes des proxènes chargés de ce soin: tantôt ce sont des particuliers en liaison de commerce ou d'hospitalité avec des particuliers d'une autre ville; tantôt ils ont un caractère public, et sont reconnus pour les agents d'une ville ou d'une nation qui, par un décret solennel, les a choisis avec l'agrément du peuple auquel ils appartiennent; enfin, il en est qui gèrent à la fois les affaires d'une ville étrangère et de quelques-uns de ses citoyens.Le proxène d'une ville loge les députés de cette ville; il les accompagne partout, et se sert de son crédit pour assurer le succès de leurs négociations; il procure à ceux de ses habitants qui voyagent, les agréments qui dépendent de lui. » Ainsi les proxénètes étaient chargés de représenter leurs commettants en toute circonstance, tandis que les commissionnaires agissent seulement pour de simples opérations particulières. C'est-à-dire que les proxénètes étaient des mandataires généraux, tandis que les commissionnaires sont des mandataires spéciaux.

6. Les Romains trouvèrent les Grecs en possession de l'usage d'avoir des représentants au loin, et comme ils ne brisaient pas les lois établies chez les peuples qu'ils soumettaient, ils respectèrent cet usage. Ils l'empruntèrent même, et il existe un titre au Digeste, intitulé: De proxeneticis.— Cependant les proxènes y sont pris dans le sens général de mandataires, et ils ne sont pas encore des commissionnaires, quoique la dernière phrase de la loi 3 de ce même titre semble les désigner parfaitement : est enim proxenetarum modus, qui emptionibus, venditionibus, commerciis, contractibus licitis utiles non adeò improbabili more se exhibent.

7. Les commissionnaires auraient peut-être conservé le nom de proxènes, si les invasions des barbares n'avaient, en ruinant toute espèce de commerce, fait perdre l'usage où l'on était de les employer; de sorte que le nom ne désignant plus une chose connue, dut tomber dans l'oubli. Lorsque l'ordre se fut un peu rétabli, les relations commerciales se renouèrent, et l'on sait à quel degré de prospérité parvinrent les petites républiques de PItalie, surtout Gênes et Venise, comme aussi les cités des bords de l'Océan germanique. L'activité que l'on y remarque tient à te que le commerce ne fut jamais considéré dans ces villes comme une profession indigne des plus nobles familles, et que Loute espèce d'entrave y avait disparu pour faire place à la plus | grande liberté possible. Leurs flottes nombreuses couvraient

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toutes les mers autour de l'Europe, mettant en contact le nord et le midi, échangeant soit les parfums de l'Asie contre les armes de l'occident, soit les blés de la Sicile et de l'Egypte contre les métaux de l'Espagne, de l'Angleterre et de l'Irlande. Mais les commerçants ne pouvaient pas avoir des comptoirs dans tous les lieux où se présentait l'occasion de faire un bon marché; il leur fallut recourir à l'emploi de mandataires fidèles auxquels ils confiaient le soin de leur acheter telle ou telle espèce de marchandises par lesquelles ils remplaçaient les cargaisons qu'ils avaient vendues. Ce mandat, c'est la commission, et comme les Italien avaient été les premiers à étendre au loin leurs relations come merciales, ce sera dans les écrits des jurisconsultes de cette na tion, surtout dans ceux de Straccha et de Casarégis, que l'on trou vera le plus de richesse sur cette matière.

8. La France demeura étrangère à ce mouvement commer cial. Les seigneurs auraient cru déroger en s'occupant d'autre chose que du métier des armes; par conséquent le trafic était considéré comme peu honorable. D'un autre côté, le joug que la féodalité faisait peser sur les roturiers entravait le développement de toutes les industries, car tout ce qui tient au commerce a besoin de liberté. Ainsi, les Flandres avaient pu, comme les villes anséatiques, créer des manufactures dont les produits se répandaient dans toutes les parties de l'Europe; mais leurs seigneurs, aidés dans cette œuvre par les rois de France, leur ayant ravi leurs franchises, on vit décroître rapidement l'industrie de ces contrées, qui bientôt purent à peine fabriquer de grossières étoffes pour leur consommation. Le commerce fut donc partout anéanti. On cite bien l'exemple du riche négociant Jacques Cœur qui parvint à rivaliser avec les Médicis. Mais ce négociant, après avoir été créé argentier du roi Charles VII, finit par succomber sous les attaques des courtisans. La crainte de sa fin arrêta ses émules. Le calme qui se fit alors parmi nous permit à nos aïeux d'entendre et de regarder avec des yeux jaloux marcher à la fortune les négociants étrangers qui les approvisionnaient en s'enrichissant.-V. Industrie et Commerce.

9. Cependant la liberté du commerce ne disparut pas complétement, elle fut maintenue dans les foires. On sait l'origine de ces réunions. C'étaient d'abord des assemblées politiques que les Romains avaient trouvées en Gaule, comme dans presque tous les pays qu'ils soumirent à leur domination. Ils les avaient conservées et leur avaient donné le nom de conventus. Pendant leur durée, le gouverneur de la province jugeait les affaires que les habitants éloignés lui soumettaient, et faisait la répartition des impôts. Chacun se rendait à ces solennités et tous ceux qui voulaient vendre ou acheter s'y donnaient rendez-vous. On y venait non-seulement de la province proprement dite, mais de tous les pays. Le commerce y était libre, c'était une époque de franchise. Lorsque ces réunions eurent perdu leur utilité au point de vue de l'administration de la justice et de la répartition des charges publiques, elles se maintinrent encore par suite des besoins que le commerce avait créés et devinrent des foires proprement dites. Des ordonnances royales conservèrent les privilèges des marchands qui s'y rendaient, c'est-à-dire le droit de vendre et d'acheter librement. Ces priviléges étaient des sources de richesses pour les localités qui les obtenaient, car on y vendait par soi-même, par ses préposés, ou même par d'autres personnes auxquelles on donnait la charge de faire telle ou telle opération particulière. Ces derniers sont les commissionnaires dans le sens que nous attachons ici à ce mot. Pour le reste du temps, le droit de faire une opération de commerce, dans ces villes comme dans toutes les autres localités, était réservé aux habitants, et l'étranger pour s'approvisionner était obligé de les prendre pour intermédiaires.

10. L'obstacle devint même plus rigoureux, car on institua des charges de commissionnaires, et alors il y eut dans chaque ville un officier du roi qui trafiquait au nom et à la place des étrangers.-De telle sorte que, hors le temps des foires, il était impossible de faire de ces grandes entreprises qui seules vivifient l'industrie et activent le progrès de la civilisation.-Il fallait nécessairement se servir des commissionnaires investis d'une sorte de fonction publique. Cette institution devenue générale flattait tellement les passions des marchands sédentaires, que Savary lui-même, constatant que la France, l'Angleterre et l'ltalie étaient d'accord sur ce point, n'élève pas la voix en faveur

de la liberté. Seulement il trouve étrange que les maîtres merciers de Paris n'aient pas, comme les autres maîtres marchands, le droit de vendre par commission, et les raisons qu'il invoque en leur faveur sont très-concluantes et s'appliquent non-seulement aux maîtres merciers, qui n'existent plus, mais encore à toute personne qui voudra faire le commerce et qui en sera empêchée. Il ne pouvait entrer dans les idées de Colbert de briser cette entrave, qui était en harmonie par son organisation avec le plan général conçu par lui pour protéger l'industrie. On retrouve l'origine de ces offices dans une ordonnance de 1350. Turgot leur porta les premiers coups, en abolissant leur intervention dans les halles et marchés de Paris, par un édit de fév. 1776 (V. l'éloquent préambule de cet édit, V. Brevet d'inv., no 4). -Nous ne toucherons pas à la grave question de la liberté du commerce et du degré de protection due au travail national; nous dirons seulement que toute entrave qui ne se justifie pas par l'intérêt général est une chose odieuse. Or, la loi, qui forçait les commerçants étrangers à se servir des commissionnaires jurés, fondée sur la prétendue nécessité de constituer un monopole au profit des négociants de chaque localité, devait tomber devant les progrès de la science économique, et c'est ce qui est arrivé. Aujourd'hui chacun choisit librement le commerçant auquel il veut confier le soin d'agir pour lui quand il ne peut pas luimême se transporter aux lieux où l'opération peut se faire. Ainsi, un négociant de Paris apprend par un de ses correspondants de Philadelphie que les soieries y sont recherchées et que ·les cotons sont à bas prix faute de demandes, tandis qu'il n'y a pas d'offres de soie. Ce négociant écrit à un commissionnaire de Lyon de lui acheter un bloc de rubans et d'autres tissus, de les envoyer à Bordeaux pour les faire charger sur tel navire en partance pour Philadelphie, et du même coup il écrit à Rouen pour y vendre les cotons qui lui seront rapportés par le navire qu'il expédie, et il envoie une troisième lettre à Philadelphie où il annonce sa cargaison d'articles de Lyon et où il prie son correspondant de tenir prête à l'arrivée du navire une cargaison de coton. Il faut que le plus grand secret soit gardé à Lyon, à Rouen et à Philadelphie; sans cela l'opération au lieu d'être avantageuse pourrait devenir ruineuse pour le négociant, si la moindre indiscrétion le trahissait et si l'intérêt de ses mandataires n'était pas lié au bon et prompt succès de son entreprise. Le meilleur moyen de les engager à remplir fidèlement leurs obligations, c'est de mettre leur intérêt en avant, et quel plus grand intérêt peuventils avoir que celui de conserver leur clientèle en se faisant renommer pour leur zèle et leur probité? Voilà ce qui rend impossible la résurrection des offices de commissionnaires; la commission repose sur la confiance, chose qui ne se commande pas par édit du prince. - «On voit par cet exemple que le commerçant de París a pu, comme le remarque M. J. B. Say, conduire toute

(1) Extrait du rapport de la commission chargée de présenter le projet préparatoire du code de commerce (V. Locré, t. 17, p. 41).

« Il existe dans le commerce une autre espèce d'intermédiaires, qui sont des agents actifs, et que les besoins de la circulation ont beaucoup multipliés ce sont les commissionnaires. Les droits et les devoirs du commissionnaire qui agit en vertu d'un mandat spécial sont déterminés par le droit civil. Le commissionnaire qui agit en son nom ou sous un nom social est un commerçant dont les opérations consistent dans l'achat, la vente ou le transport de marchandises, pour le compte du commettant, moyennant un droit de commission convenu. Les anciennes lois n'avaient rien statué à l'égard des commissionnaires : leurs droits et leurs devoirs étaient déterminés par des coutumes ou des usages locaux et par la jurisprudence des tribunaux de commerce. - Le commerçant qui fait des expéditions ne peut les suivre lui-même; le commissionnaire lui épargne tous les frais de déplacement et de voyages, en se déchargeant du transport et de la vente des marchandises; il offre encore des facilités à l'expéditeur, en lui accordant des avances ou des anticipations sur leur produit. » Le commissionnaire qui fait ainsi des avances ne prête pas à la personne, il prête à la chose, c'est-à-dire à la marchandise, puisque c'est une anticipation qu'il fait sur son produit, et dont il se rembourse lorsqu'il en a effectué la vente. Il est constant que, sans le mandat qui le charge de vendre pour le compte du commettant, il n'y aurait point d'anticipation, puisqu'elle est un à-compte sur le produit d'une marchandise qui devient le garant du contrat; il était donc juste d'accorder au commissionnaire un privilége que les usages ont établi et que les besoins du commerce justifient. Il était également juste d'étendre ce privilége sur le produit des marchandises vendues par l'ordre ou pour le compte du com

cette opération de son cabinet » (Cours complet d'éc. polit., t. 1, p.311). Aussi a-t-on avec raison représenté le contrat de commission comme un talisman qui rend le négociant présent en plusieurs lieux, à la fois (V. MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 385).

11. Les anciens auteurs sont riches en documents sur notre sujet. Nous citerons Straccha, Casarégis, Savary et Émérigon. Nous les avons beaucoup consultés dans ce travail et nous avons pris soin de les citer sur toutes les questions qu'ils ont traitées. MM. Delamarre et Le Poitvin ayant eu l'intention de donner un delectus des ouvrages de Casarégis, l'invoquent souvent pour la solution de difficultés qu'il n'avait pas précisément prévues : « Cette application légèrement détournée, disent-ils, parcè detorta, n'en est pas moins juste parce qu'il s'agit de principes généraux qui forcent l'assentiment » (T. 2, p. 3 et 4), Cette manière de procéder, bonne peut-être pour le plan fort large de ces auteurs, n'est pas toujours sûre en jurisprudence où les cas spéciaux font sentir si souvent le besoin de modifier les théories qui ont une forme axiomatique. Du reste, nous remonterons à la source des règles générales, et nous la trouverons le plus souvent dans les textes du droit romain sur lesquels Casarégis lui-même a basé ses décisions.

12. Malgré tout ce que Savary avait dit sur le contrat de commission, l'ordonnance de 1673 ne parla qu'une seule fois des commissionnaires. Il semble que l'on craignit de porter atteinte aux offices érigés dans les diverses localités pour faire la commission pour le compte des étrangers.

Lorsque la nuit du 4 août 1789 eut emporté tous les priviléges, on s'aperçut en France de l'importance de ce contrat ; et quand Napoléon fit rédiger le code de commerce, il trouva dans la jurisprudence une source précieuse de documents sur la commission. Déjà Savary, Rogues, l'ancien Répertoire de Guyot, et l'Encyclopédie méthodique, dans son Dictionnaire de commerce, avaient préparé les matériaux sur ce sujet. L'expérience que l'on venait de faire de la liberté commerciale avait fait comprendre les grands avantages de cette combinaison, et c'est ce qui a donné naissance au titre 6 du livre 1 de notre code de commerce.

13. Le projet du code de commerce arrêté par la commission du 13 germ. an 9 était précédé d'un exposé de motifs auquel nous empruntons le fragment relatif au contrat de commission (1): ce sera la conclusion de cet historique, pour ce qui tient au droit ancien. Ce projet fut discuté dans la séance du 20 janv. 1807. On critiqua seulement quelques articles relatifs aux commissionnaires de roulage; le reste ne souleva que de légères observations qui ne portaient que sur la rédaction. Le fond ne fut point altéré non plus par suite des observations du tribunat, et enfin, après la rédaction définitive du conseil d'État, ce projet fut présenté au corps législatif le 1er septembre 1807, par M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, conseiller d'État (2), et par M. Jard-Panvil

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>> Ils ont chacun leur caractère qui les distingue. Le commissionnaire est un commerçant qui reçoit des navires ou des marchandises de la part d'autres commerçants comme lui; s'il fait des avances à ses commettants, c'est au cours de la place. Ces avances ne l'autorisent, en aucun cas, faire des ventes forcées; il est tenu de se conformer aux ordres du commettant. Le prêteur sur nantissement ne reçoit point d'expéditions, mais il attend qu'on lui dépose un gage: il fait un prêt conditionnel sur le dépôt; il en fixe le terme, passé lequel le gage est vendu à l'insu du propriétaire. Ce sont ces ventes forcées, ces encans ouverts à chaque instant qui détruisent toutes les proportions de la concurrence, et qui réduisent l'honnête marchand à l'alternative d'un sacrifice ruineux ou d'une oisiveté funeste. Quand le propriétaire peut agir et vendre lui-même, le commissionnaire est inutile. Il est donc juste et conforme aux vrais intérêts du commerce, qu'il n'existe aucun privilége pour les avances que le commissionnaire aura faites à un commettant du lieu de la résidence du commissionnaire; ces avances ne peuvent être considérées que comme un prêt sur gages, qui doit être soumis aux formalités que la loi exige pour ces sortes de prêts. »

(2) Voici le passage de l'exposé de M. Regnaud qui se rapporte aux

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