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>>dent rien. Pylore, obstruction, hépatite, hépatocèle; je crois » même qu'ils ont dit hépatompha» le science de mots qui cache >> l'ignorance de la chose. Docteur, >> Voulez-vous savoir quelle est ma » maladie ? c'est un Waterloo ren» tré. »

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Le café fort et beaucoup me » ressuscite. Il cause une cuisson >> interne, un rongement singulier, » une douleur qui n'est pas sans »plaisir. J'aime mieux souffrir que » de ne point sentir. Mon mal >> me mord, je pense que les insec>> tes éclos de la fange contre-révolutionnaire bourdonnent; que, >> nouveau Prométhée, je suis >> cloué à un roc où un vautour » me ronge!--Oui, j'avais dérobé » le feu du ciel pour en doter la » France: le feu est remonté à sa » source, et me voilà! L'amour » de la gloire ressemble à ce pont » que Satan jette sur le chaos pour » passer de l'enfer au paradis : » la gloire joint le passé à l'avenir, >> dont il est séparé par un abîme »>immense; mais....Rien à mon >> fils, que mon nom.-Mon dieu!

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La nation française... Mon fils... >> France, France... » furent les derniers mots qu'il prononça, à 7 heures du matin, le samedi 5 mai, jour de sa mort. Onze heures après, il expira. Il n'était âgé que de 51 ans et 8 mois. Son visage était calme comme son âme. « Je suis en paix avec tout le >> genre humain, avait-il dit la veil» le. » Et en effet, après cinq années de tortures, il pouvait croire avoir expié les maux que son ambition avait faits à l'Europe.

D'après le désir manifesté par Napoléon, son corps fut ouvert

par les chirurgiens anglais. Le cœur et l'estomac en furent distraits, et renfermés dans des coupes d'esprit de vin. Après cette opération, le corps fut habillé de P'uniforme des chasseurs à cheval de la garde impériale, couvert de toutes les étoiles des ordres que Napoléon avait créés ou reçus pendant son règne. Dans cet état, il fut exposé sur son lit, qui lui servit de lit de parade, et son corps était étendu sur le manteau bleu de Marengo, devenu son drap mortuaire. Ces rapprochemens sont éloquens par eux- - mêmes. Le captif des rois allait descendre dans la tombe avec toutes les décorations de la royauté européenne, et le lit de fer sur lequel il se reposa pendant vingt ans des 49 batailles rangées, dans lesquelles il les avait tous vaincus, devenait un lit funèbre, autour duquel la religion et la vénération historique rassemblaient au sein des mers le respect d'un état-major britannique et les regrets d'une famille française!

Napoléon resta exposé le 6 et le 7 mai. La tyrannie du gouverneur Lowe avait expiré avec le patient. Il fut permis à tout Anglais de contempler mort l'hôte du Bellerophon! Le 8, il fut embaumé. Le corps fut revêtu de l'uniforme et des décorations qu'il avait sur le lit de parade, et renfermé ainsi dans un cercueil de plomb. Le 9 mai eut lieu la pompe funèbre dans l'ordre suivant : Napoléon Bertrand, fils aîné du grand maréchal; l'aumônier, revêtu de ses habits sacerdotaux; le docteur Arnolt, médecin de Napoléon. Le corps dans une voiture de

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deuil, attelée de quatre chevaux. Douze grenadiers anglais, pour descendre le cercueil au bas de la colline le cheval de Napoléon : les comtes Bertrand et Montholon portaient les coins du drap mortuaire, de ce manteau de Mareugo sur le cercueil était l'épée de Napoléon. La comtesse Bertrand suivait en voiture avec sa fille. Des deux côtés et derrière étaient les domestiques de Napoléon; là, finissait la famille française: venaient ensuite un groupe d'officiers de marine et d'état-major anglais; les membres du conseilde l'île; le général Coffin; le marquis de Montchenu, commissaire du roi de France et de l'empereur d'Autriche; l'amiral et le gouverneur sir Hudson Lowe, le héros de la pompe funebre de Napoléon. Lady Lowe et sa fille en grand deuil suivaient en voiture. Trois mille hommes reçurent le corps au sortir de Longwood. Arrivé au tombeau, le cercueil reçut la bénédiction du prêtre. Les coupes renfermant le cœur et l'estomac furent déposées dans le cercueil, lequel fut descendu dans une chambre pratiquée sous un caveau de pierre. Douze salves d'artille rie apprirent à l'Océan que Napoléon n'existait plus. Une garde d'officiers anglais est chargée de veiller sur le tombeau.

Le lieu où Napoléon repose est un site très-romantique, au fond d'une petite vallée, Geranium's vallée. Auprès, coule un filet d'eau limpide, qui descend du Pic de Diane; au-dessus est Huls Gate; la porte de la cabane, première habitation du grand-maréchal Bertrand. Dans le commencement

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de l'exil, cette vallée était un des repos favoris des promenades de Napoléon; ce lieu lui plaisait, et un sentiment élégiaque l'y attirait souvent. « Si je dois mourir sur ce >> rocher, dit-il un jour au général Bertrand, faites-moi enterrer près » de ce ruisseau au-dessous de ces »saules. » L'aspect tranquille d'un site de la nature, qui seule lui était hospitalière, devait après tant d'agitations répandre un charme puissant sur cette âme encore si peu connue. Cette petite scène du grand tableau de la vie de Napoléon n'en est pas moins intéressante. Après la mort de Napoléon, les généraux Bertrand et Montholon se ressouvinrent de la vallée du Geranium. Le testament porte, « je désire être enterré sur les bords de la Seine, au milieu des Fran»çais que j'ai tant aimés. » Mais au congrès d'Aix-la-Chapelle, où l'on avait tout prévu, il avait été décidé que Napoléon seTM rait enterré à Sainte-Hélène. Ni les réclamations des généraux Bertrand et Montholon, qui invoquèrent le traité de Paris, ni les instances de la famille Bonaparte, qui sollicita la permission de transporter à Rome le corps de son chef, ne purent rien changer à la décision du congrès, dont Hudson Lowe prescrivit impérieusement l'exécution. Ce fut alors que ce premier vou de Napoléon pour sa sépulture revint à la mémoire de ses amis, heureux encore de pouvoir tromper la rigueur de l'arrêt européen, en désignant la vallée du Geranium pour le dernier asile du patient de Sainte-Hélène !

Il y a peut-être un beau livre à écrire sur les 6 années de Sain

te-Hélène. Le comte de Las-Ca-
ses a publié d'utiles matériaux à
cet égard dans les huit volumes
qu'il a livrés à l'impatience et à
l'avidité de l'Europe. Mais n'ayant
séjourné que 10 mois à Sainte-
Hélène, ses mémoires ne présen
tent pour la partie anecdotique,
qui seule est du ressort de l'his-
toire, que des souvenirs incom-
plets. Les deux volumes de l'ho-
norable docteur O'Meara, écrits
en grande partie sous la dictée
de Napoléon, renferment égale-
ment les matériaux les plus pré-
cieux, et ont obtenu un grand
crédit en Europe. Toutefois on a
le droit ou au moins le désir, d'at-
tendre un ouvrage plus complète
ment et plus éminemment histori-`
que sur la période de Sainte-Hé-
lène. Les mémoires publiés par le
général Montholon, ceux publiés
par le général Gourgaud, malgré
leur immense et universel intérêt,
ne suffisent pas pour combler la
lacune qui reste encore. Ils ne fi-
gurent dans un séjour de près de 6
années que comme une partie de
l'emploi du temps de Napoléon.
Leur objet jusqu'à présent est tout
en dehors de sa captivité, et ne pré-
sente que d'importantes incursions
ou sur le passé, ou sur ce que le
présent pouvait lui offrir de digne
de ses méditations dans le mon-
de européen. Les jugemens de
Napoléon sur les hommes et sur
les choses dans les quatre ouvra-
ges que nous venons de citer peu-
vent se ressentir ou de la tyran-
nie sous laquelle il gémissait, ou
de quelques passions privées, ou
de quelques intérêts futurs, ou
enfin de l'absence des matériaux
nécessaires pour leur donner la lé

galisation historique. Ils portent, et notamment les recueils des généraux Montholon et Gourgaud, le cachet de l'homme supérieur qui les a dictés, et jettent sur les époques politiques et les événemens militaires de sa vie, un grand éclat et une juste recommandation. Mais ce qui manque pour compléter les matériaux d'une histoire de Napoléon, c'est un journal de Sainte-Hélène pendant six ans, c'est la confession du PATIENT, écrite non par un philosophe, encore moins par un courtisan, mais par un témoin assidu, par un esclave, si on peut le dire, de la pensée de cet homme extraordinaire. Lui-même a essayé quelques révélations sur sa vie d'Europe; mais comme sur le rocher de Sainte-Hélène, il ne cessa jamais un seul moment d'être empereur et de se croire toujours en présence de l'histoire, le lecteur se trouve quelquefois partagé entre le respect qu'il porte à Napoléon et sa propre conscience. Il voit dans ces importantes pages sur certains événemens de la révolution, sur certaines opérations ou militaires, ou politiques, ou administratives, plutôt le reflet d'une grande pensée sur l'avenir que les aveux de la mémoire. Le souvenir était trop paresseux pour l'action perpétuelle de l'esprit de Napoléon, et quand il croyait se rappeler, il inventait. A Sainte-Hélène surtout, il se pressait de vivre, et il espéra toujours en sortir, non par la force ou par un complot d'évasion (il refusa constamment de prendre un semblable parti), mais par une délibération des rois de l'Europe. Une telle illusion le caracté

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rise particulièrement. « Je pense, >> disait-il au docteur O'Méara, que » dès que les affaires de France >> seront réglées, et que tout sera > tranquille, le gouvernement anglais une permettra de retourner en Europe et de finir mes jours »en Angleterre. » L'hospitalité anglaise dans la Grande-Bretagne était devenue une idée fixe pour Napoléon depuis l'embarquement de Rochefort. Sa passion était de devenir le citoyen de la terre la plus ennemie de sa gloire. Ce genre de torture avait échappé au Dante dans son infernale comédie. Dans la persuasion que Napoléon nourrissait de son rappel infaillible en Europe, il se tenait toujours en haleine dans sa captivité pour le rôle qu'une modification quelconque dans son infortune pouvait lui permettre. I n'a jamais eu de lacune à cet égard vis-à-vis de lui-même, et les compagnons de sa captivité en sont les témoins irrécusables. L'étiquette, qui probablement avait fait refuser l'embarquement furtif du Hâvre et celui de la Gironde, l'avait suivi sur le Bellerophon, avait passé avec lui sur le Northumberland, et le palais s'exila avec lui à Longwood. Honneur à ces Français généreux qui ont chéri pendant 6 ans sous le climat pestilentiel de Sainte-Hélène, la condition de leur servitude domestique! Honneur à eux! L'histoire les remercie d'avoir respecté jusqu'au dernier moment cette faiblesse du roi de leur captivité! Le testament par lequel Napoléon reconnaît leur devouement, la disposition si religieusement suivie par eux, par laquelle il a

placé la fidélité du valet-de-chambre Marchand à côté de la leur, celle aussi, quelque étrange quelle puisse être de la part d'un captif, par laquelle il donne à cet homme excellent le titre de comte et l'engage à épouser la fille d'un des généraux de sa garde; ces volontés donnent la preuve singulière que jamais le caractère de Napoléon n'a varié un seul instant jusqu'au dernier de sa vie, ni vis-à-vis de ses compagnons, qui furent toujours pour lui des sujets, ni vis-à-vis de luimême, qui régnait à Longwood.

Mais malgré cet empire exclusif que l'amour de la domination exerça sur lui-même, Napoléon était homme au moins en secret, et de touchans souvenirs, gravés profondément dans son cœur, honorent aussi ses dernières volontés. Personne ne fut oublié dans ce testament, que quelques bizarreries semblent déparer. Il se souvint non-seulement de ceux qui l'avaient suivi, mais aussi de ceux qu'il avait laissés en France, qui l'avaient servi, qui avaient souffert pour lui, et pour qui ce souvenirétait un bienfait. Il se souvint aussi des soldats de Waterloo. Avec quelle tendresse, dans ce testament, il parle de sa femme,de son fils! de ce fils à qui, pour dernière volonté, il recommande de ne jamais oublier qu'il est né Français!

Nous l'avons déjà dit, il n'y a pas de place pour la philosophie, ni au 18 brumaire, ni au couronnement de Paris, ni à celui de Milan, ni aux triomphes d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland, de Wagram, ni au désastre de Moskou, ni à l'abdication de Fontai

nebleau, ni à l'irruption de l'île d'Elbe, ni à la ruine de Waterloo, ni au passage spontané sur le Bellerophon, ni au lit de mort de Sainte-Hélène. L'histoire seule a le droit de réclamer les qualités et les défauts de Napoléon, ses prospérités et ses revers, ses gran des actions et ses grandes injustices, son courage et ses faiblesses, parce qu'ils n'ont eu qu'elle pour objet, et que Napoléon n'a voulu qu'elle pour témoin. Ainsi la tombe, près de sa source, sous les deux saules, cette sépulture d'un pasteur ou d'un sage, était pour lui le monument sépulcral du maître du monde. C'est un empereur, c'est Napoléon tout entier qu'a reçu le rocher de Huts Gate. Il l'a compris ainsi, et sa pensée est remplie. Pour qui aussi écrivait-il ce testament, où une partie de la France est sa légataire, où il stipule des intérêts qui doivent après lui occuper deux empires, où il lègue à son fils les annales de son règne?.. Jamais homme ne fut plus avide de la postérité. Sa cendre, placée sous la garde des tempêtes, au sein de l'Océan africain, lui prophétisait peut-être dans les siècles le pélerinage de l'univers ? Il a pu se dire: Où sont les restes de Cyrus, Alexandre, de César, de Charlemagne? Les miens seront impéris sables: ils ne sont pas placés sur le chemin des conquérans.—«Quoi! >> disait-il un jour à M. de Fer>mont, vous pensez que je n'ai rien » à désirer en fait de gloire! Voyez >> Alexandre-le-Grand : il a voulu » être le fils de Jupiter, et il l'a >>été. Sa bonne femme de mère >>ent beau crier que cela n'était

» pas vrai, ainsi que le précepteur »Aristote, et l'institut d'Athènes, il fut pour tous les peuples le di» vin Alexandre. »

Dors en paix, homme de la guerre et de la puissance; dors en paix. Sois heureux! ta mémoire est immortelle !

Il résulte de tous les ouvrages qui ont été publiés sur le séjour de Napoléon à Sainte-Hélène, que jamais tyrannie plus basse, plus odieuse, plus mesquine n'a été exercée sur aucun homme, depuis le retour de la civilisation en Europe. A chaque instant on s'aperçoit que la scène se passe en Afrique, dans une île qui semble une fraction repoussée par la grande terre pour servir d'asile aux forbans, et de sépulcre aux maheureux. Napoléon avait été chercher l'hospitalité du peuple anglais dans le plus grand port de sa patrie; il y fut comdamné à aller porter à une extrémité du monde les fers de la Grande-Bretagne. A l'aspect de cette grande infortune, qui venait noblement lui demander une place à son foyer, cette puissance, toute-puissante alors, improvisa une loi extraordinaire. Elle fit de son hôte désarmé un prisonnier de guerre, d'un voyageur un captif, nomma un geolier, et lui abandonna Napoléon. La grande majorité du peuple anglais a sans doute 'pris: pour lui l'injure que son gouver➜ nement crut devoir faire légaliser par l'Europe. Si ce gouvernement ne se crut pas assez fort pour supporter le poids d'une telle hospitalité sur le sol britannique, il se crut aussi trop faible pour suppor ter à lui seul celui de la captivité de

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