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plusieurs armées presque sans »coup férir; j'ai entamé hier l'ar>>mée de Schwarzenberg, que j'es» père détruire avant qu'elle ait »repassé nos frontières. Votre atti>>tude doit être la même; vous » devez tout faire pour la paix, >> mais mon intention est que vous »ne signiez rien sans mon ordre, » parce que seul je connais ma po»sition. En général je ne désire » qu'une paix solide et honorable, » et elle ne peut être telle, que » sur les bases proposées à Franc» fort... etc... » Le lendemain, tant la pensée de ses succès est uniquement dominante sur Napoléon, il écrit, de Nangis, au vice-roi, en lui renvoyant l'aide-de-camp Tascher.

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«Tascher vous fera connaître la » situation des choses. J'ai détruit >> l'armée de Silésie composée de >> Russes et de Prussiens. J'ai com» mencé hier à battre Schwarzenberg... Il est donc possible, si la » fortune continue à nous sourire, » que l'ennemi soit rejeté en grand » désordre hors de nos frontières »et que nous puissions alors conser ver l'Italie; dans cette supposition le roi de Naples changerait » probablement de parti, etc. »

Ainsi Napoléon rapportait dans la même journée les ordres qu'il avait donnés au duc de Vicence et au prince Eugène; il se croyait assez fort pour sauver la France à lui tout seul, et il disait après l'affaire de Nangis, « Je suis plus près de Vienne que mon beau-père ne l'est de Paris. »

Napoléon était pénétré de cette idée. Dans sa lettre à ce prince, il avait abordé ses anciennes récriminations contre l'Angleterre. Il

avait fait écrire aussi dans le même style le prince de Neuchâtel, au prince de Schwarzenberg. Ce fut ainsi que, par une démarche qui devait être conciliatrice et non hostile, il s'aliéna tout-à – fait l'Autriche, qui avait eu tant de peine à amener ses alliés à consentir à l'armistice proposé. L'Autriche ne vit dans son langage que l'intention de déplacer la négociation, le désir de gagner du temps, et la preuve que le malheur n'avait pas rendu Napoléon plus modéré. Ce fut dès ce moment qu'elle prit son parti, et qu'elle laissa un libre cours aux idées de bouleversement de ses alliés.

Cependant le maréchal Victorn'a pas exécuté, le 17 au soir, les ordres de Napoléon. Montereau a été occupé par les Wurtembergeois, qui' couvrent la retraite sur Sens du corps autrichien de Bianchi, dont la marche sur Fontainebleau est compromise par celle de l'avant-garde française. Le maréchal se présente devant Montereau le 18 au matin, et veut forcer cette importante position, où le brave général Château, son gendre, qui avait emporté les hauteurs de Brienne, est tué d'un coup de feu. L'affaire devient générale. Napoléon a été précédé du général Gérard, et la victoire est décidée en faveur des Français. Les gardes nationales bretonnes et la cavalerie du général Pajol achèvent la déroute du prince aujourd'hui roi de Wurtemberg, qui a perdu presque toutes ses troupes. Après cette bataille sanglante, que l'obéissance et l'activité du maréchal Victor auraient épar

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Le 19, l'armée reçoit l'ordre de chasser l'ennemi şur Troyes, et de nettoyer la rive droite de la Seine. Les Autrichiens, les souverains alliés, sont en pleine fuite. Paris reçoit les drapeaux des journées de Nangis et de Montereau: ils sont portés à l'impératrice par M. de Mortemart, officier d'ordonnance. Le 20, l'empereur Napoléon est à Bray, où l'empereur Alexandre a couché la veille; le soir, il est à Nogent, que le général Bourmont a si vaillamment défendu le 10, le 11 et le 12, contre toute l'armée de Schwarzenberg, et où il a gagné ses étoiles de lieutenantgénéral. Nogent est incendié. Le 22, Napoléon poursuit sa marche. La retraite des alliés n'est plus qu'une déroute: 100,000 hommes se précipitent vers nos frontières devant les 40,000 braves de Napoléon, qui n'a pu décider Schwarzenberg à une bataille rangée. Les équipages des alliés refluent

jusque sur les Vosges et sur les bords du Rhin! On se présente le 22 à Mery-sur-Seine; de l'autre côté, un corps ennemi en force le passage, et l'on apprend, avec la plus grande surprise, que ce corps est celui de Saken, de cette éternelle armée de Blücher, qui partout se reproduit, et semble renaitre de ses ruines. Le général Pierre Boyer engage avec les Russes une action vigoureuse dans leg rues de cette petite ville c'était le jour du mardi-gras. Nos conscrits ne veulent pas tout-à-fait en perdre la fête. Ils prennent des masques dans une boutique, vont masqués au feu, et mêlant ainsi la gaîté au courage, ils forcent les Russes de se retirer précipitamment de l'autre côté de l'Aube. Mery ayant été incendiée, le quartier impérial fut transporté au hameau de Châtres, où Napoléon passa la nuit du 22 au 23 dans la boutique d'un charron. Ce fut là que le 23 au matin se présente le prince Wentzel de Lichtenstein, aide-de-camp du prince de Schwarzenberg, porteur d'une réponse de l'empereur d'Autriche, à la lettre du 17, de l'empereur Napoléon. Une conversation secrète prolongea l'audience que Napoléon accorda au prince. On assura dans le temps que la réponse de l'empereur d'Autriche était dans les termes les plus pacifiques et les plus flatteurs pour la gloire de Napoléon, et qu'interrogé par ce souverain sur l'influence que trois princes de la maison de Bourbon, arrivés sur le sol français, semblaient avoir prise sur les intentions des souverains alliés, le prince de Lichtenstein avait répondu :

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Que l'Autriche ne se prète>> rait à rien de semblable... Qu'on » n'en voulait ni à l'existence de Napoléon, ni à sa dynastie, et » que sa mission était la preuve » sans réplique qu'on ne voulait » faire que la paix. » Après cet entretien, dont une partie a transpiré dans des mémoires récens, Napoléon dit au prince qu'il serait le soir même à Troyes, d'où il enverrait aux avant-postes ennemis un général pour y traiter d'uò armistice. Mais, immédiatement après le départ de l'aide-de-camp du généralissime autrichien, le baron de Saint-Aignan, beau-frère du duc de Vicence, revenait d'une mission qu'il venait de remplir à Paris, et était admis chez l'empereur qu'il trouva entièrement rassuré sur la position des affaires. Deux ministres, que n'avaient éblouis aucuns des succès, bien que miraculeux, qui venaient d'illustrer le mois de février, avaient fait promettre à M. de Saint-Aignan, à son départ, de faire à l'empereur le tableau véritable de l'opinion, celui de la situation de la capitale, et des dangers qui le menaçaient Les paroles dont il s'était chargé étaient sévères, il les porta à Napoléon avec autant de courage que de fidélité, et le pressa vivement de répondre aux vœux unanimes que l'on formait à Paris pour la paix, et quelles que fussent les concessions auxquelles il fallut descendre. Napoléon, tout rempli des dernières paroles dú prince de Lichtenstein, repoussa avec violence les représentations du baron de Saint-Aignan. Mais la loyauté de ce plénipotentiaire de l'opinion publique

n'en fut point ébranlée. « Sire, >> dit-il en terminant, la paix sera >> assez bonne, si elle est assez »prompte. »« Elle arrivera as»sez tôt, répliqua vivement Napo»léon, si elle est honteuse. » Ces dernières paroles se répandent, et l'armée reprend aussi tristement la route de Troyes qu'elle avait repris de cette ville, le 5 du même mois, la route de la capitale. Alors elle disait: Où nous arrêterons-nous?

Le 23, dans l'après-midi, on est devant Troyes; les portes en sont fermées et barricadées. L'ennemi paraît vouloir la défendre ou plutôt la détruire avant de l'évacuer. Le combat s'est engagé; mais à la nuit l'ennemi fit demander une trêve pour évacuer et remettre les portes à la pointe du jour. Napoléon préfère le salut de la ville à un nouveau succès; c'était ce que le baron de Saint-Aignan lui avait demandé pour la France; l'empereur rentre à Troyes le 24. Fatigués de dix-huit jours de domination étrangère, les habitans font éclater des accusations de trahison et de connivence avec l'ancienne dynastie. Deux individus sont nommés pour avoir porté

publiquement la croix de SaintLouis et la cocarde blanche, pendant le séjour des alliés. Instruit depuis quelques jours de l'arrivée du duc de Berry à Jersey, de celle du duc d'Angoulême à SaintJean de Luz, avec l'armée anglaise, et de celle du comte d'Artois en Franche-Comté, Napoléon fulmine, le 24, un décret qui pro`nonce la peine des traîtres contre tous ceux qui auront porté les insignes de l'ancienne monarchie.

Un ancien émigré, l'un de ceux qui ont été dénoncés par les habitans, paye de sa tête cet empressement prématuré; l'autre est condamné par contumace. L'empire n'a plus qu'un mois à vivre; il n'y a plus pour Napoléon ni petit danger, ni petit ennemi. Le désespoir conduit le char de la guerre; malheur à l'imprudent qui se trouve sur son passage! quelques cocardes blanches affectent Napoléon, et doivent l'affecter plus vivement que les arrêts de Châtillon. Il sent, en grand politique, que l'intervention des Bourbons, , que les alliés n'appellent qu'un moyen, un accessoire, peut devenir un but pour la France, et est un péril pour sa dynastie; il sait de plus, que les proclamations d'Hartwell circulent dans Paris, et que des lettres émanées de Louis XVIII sont mystérieu`sement arrivées aux principaux personnages de l'empire.

Cependant à Troyes, l'empereur Alexandre avait déclaré à M. de Vitrolles, envoyé de Paris, que les alliés n'épousaient pas la cause de la maison de Bourbon, qu'il venait plaider; les souverains répondaient la même chose aux ouvertures de quelques habitans. A Châtillon on affirmait au plénipotentiaire français, que monseigneur le comte d'Artois était arrivé à Vesoul, sans en prévenir les puissances, sans leur assentiment, et qu'il allait repartir.

Dans l'espoir de tirer un grand parti de sa nouvelle situation, Napoléon s'occupe de la suspension d'armes. Les alliés se sont retirés sur Bar-sur-Aube, d'où le prince de Schwarzenberg fait proposer

le village de Lusigny pour traiter de l'armistice. Le général Flahaut, aide-de-camp de Napoléon, est nommé commissaire pour la France; le général Schwaloff pour la Russie; le général Rauch pour la Prusse; et le général Duca pour l'Autriche. Pour les alliés l'armistice n'est qu'une simple suspension d'armes, mais pour Napoléon Lusigny est plus que Châtillon. Il veut, comme à Plesswitz, éluder le congrès et négocier; et de plus il ne veut rien perdre militairement des avantages que lui donnent ses succès et la retraite des alliés. Il continue donc de les pousser vivement sur Langres, sur Dijon; il occupait même Lusigny à force ouverte, au moment où arrivaient les commissaires. La grande difficulté toutefois était la ligne d'armistice. Suivant l'usage de Napoléon, la diplomatie rentra dans une simple convention militaire. Ce n'était pas seulement alors pour gagner du temps comme à Plesswitz, c'était aussi pour obtenir d'autres bases pour un traité définitif, et faire une bonne paix au milieu et sous l'empire de ses victoires. Ce secret fut bientôt révélé par les propositions du général Flahaut, qui demandait que la ligne d'armistice s'étendît depuis Anvers jusqu'à Lyon. C'était réclamer les armes à la main la Belgique et Anvers, oublier tout à la fois Paris et Châtillon, la mission du baron de Saint-Aignan, et les dépêches si émineminent patriotiques du duc de Vicence.

Napoléon était livré tout entier aux espérances qu'il attachait aux conférences de Lusigny, lorsque,

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dans la nuit du 26 au 27, il apprend l'énigme de cette attaque de Méry, où les ennemis ont disparu devant ses troupes et se sont jetés de l'autre côté de l'Aube. Cette affaire avait été engagée par l'avant-garde d'une nouvelle armée de Blücher, recrutée des corps descendus de la Belgique et portée à 100,000 combattans. Blücher lui-même était au pont de Méry, où il avait été blessé. Son projet était pour la seconde fois de se rallier au prince de Schwarzenberg; mais le mouvement de retraite, imprimé à ce général par les affaires de Nangis et de Montereau, ne permet pas à Blücher d'exécuter cette grande conception militaire; il l'avait abandonnée pour un projet plus brillant à-la-fois et plus audacieux, celui d'arriver seul à Paris par les deux rives de la Marne. Devant lui, le maréchal Marmont avait dû évacuer Sézanne le 24; le maréchal Mortier se retirait également de Soissons, où il avait une garnison, et tous deux se trouvaient reployés sur la Fertésous-Jouarre. Napoléon, loin de se laisser abattre un seul moment par un événement si inattendu, se retrouve au contraire dans son é lément naturel. Il a à mener de front plusieurs difficultés, dont les moindres sont à ses yeux les deux négociations. La plus grave et la plus importante à surmonter était la difficulté de masquer son départ et celui de son armée, pour courir après Blücher, afin que Schwarzenberg ne pût, dans sa retraite, avoir le moindre soupçon de cette troisième expédition. Les maréchaux Oudinot et Macdonald

sont chargés de contenir les Autrichiens. Le premier se bat déjà à Bar-sur-Aube. Le second, avec le général Gérard, fait faire sur toule la ligne les acclamations qui annoncent la présence de Napoléon. Cette ruse réussit, et à miði l'empereur est déjà arrivé à Arcis. Il se trouve pour la première fois dans cette étrange position, d'avoir deux opérations militaires et deux négociations à soutenir dans le même temps.

Il marche vers Sézanne, où il apprend la marche sur Meaux des maréchaux Mortier et Marinont, qui ont dû quitter la Ferté-sousJouarre. Il faut sauver Meaux. C'est un faubourg de la capitale. Napoléon quitte Sézanne et va coucher près de la Ferté-Gaucher. C'est là qu'il est informé que les Autrichiens, instruits qu'ils n'ont plus devant eux qu'Oudinot et Gérard, ont repris vigoureusement l'offensive à Bar-sur-Aube; que Witsgenstein et Schwarzenberg, blessés dans l'action, ont refoulé sur Troyes, par la masse de leurs troupes, les faibles corps français qui les poursuivaient; que Macdonald, qui devait fournir la garde - d'honneur au congrès de Châtillon, a dû également suivre le mouvement rétrograde sur la ville de Troyes, et enfin, que le maréchal Augereau, qui a reçu à Lyon des ordres de coopération avec l'armée, va avoir à combattre, outre l'armée de Bubna, le corps de Bianchi et de Hesse-Hombourg, que le généralissime Schwarzenberg, embarrassé du nombre de ses troupes, vient d'envoyer contre lui.

Mais les ides de mars sont arri

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