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nemi, et toutes ses positions, malgré la plus opiniâtre défense et l'avantage du terrain, furent bientôt enlevées par les conscrits de Lutzen: à 7 heures du soir, l'armée alliée fut rejetée sur sa seconde ligne retranchée, derrière laquelle devait se livrer la bataille du lendemain; celle-ci eût été décisive, si Napoléon avait eu de la cavalerie; le résultat de celle de Bautzen, ne fut que l'enlèvement des positions de l'ennemi, mais l'armée française était aguerrie par deux victoires.

raculeusement une armée de 45,000 hommes d'infanterie et de 2,000 chevaux, qui entra en campagne dans le mois d'août. L'armée d'Italie avait fourni dans l'espace de 11 mois 90,000 combattans, 40,000 au printemps de 1812, pour la campagne de Russie, 20,000 à la fin de la même année, qui arrivèrent à Berlin sous les ordres du général Grenier, et 28,000' à la fin de mars, que le général Bertrand fit arriver à la grandearmée, le jour même de la bataille de Lutzen. Le départ du prince Eugène pour l'Italie dut avertir ou menacer l'Autriche, qui, malgré son caractère d'alliée, venait de déclarer celui de médiatrice armée à l'Europe et à la France. Napoléon avait extérieurement accepté cette médiation en voulant conserver l'alliance, mais en secret il en était justement irrité, et le 18 mai, jour où il expédia M. de Bubna, envoyé près de lui à Dresde, et où il quittait cette ville pour se rendre à Harta, il fit demander aux avant-postes russes, l'admission du duc de Vicence, chargé d'une mission pour l'empereur Alexandre. Dans l'espoir du succès de cette contre-négociation, il dicta à Harta des instructions au duc de Vicence. Mais l'em-sitions, dut songer à la retraite, et pereur Alexandre, qui par l'arrivée de divers corps se trouvait à la tête de 180,000 combattans, et dans une position qu'il jugeait inexpugnable, fit retarder l'envoi de sa réponse jusqu'après l'issue de la bataille, qui eut lieu le 21 mai; ce fut celle de Bautzen. A midi tous les passages de la Sprée, furent forcés par les corps français, Bautzen fut évacuée par l'en

Le 21 mai, Napoléon jugea sa bataille des hauteurs en avant de Bautzen. L'attaque était générale depuis le matin, mais on se bornait depuis quelques heures à observer le centre pour donner à la gauche le temps de déboucher, et renouveler alors une attaque vigoureuse sur le centre. Napoléon renouvela la prédiction et la nianoeuvre de Lutzen, en annoncant à son armée que l'attaque générale aurait lieu à 1 heure, et que la bataille de Wurschen serait gagnée à 3. En effet la droite de l'ennemi fut tournée par le maréchal Ney, et son centre enfoncé par le maréchal Soult; à 3 heures, l'ennemi, forcé dans toutes ses po

il aurait été rejeté au de-là de la Vistule, si l'armée française avait eu quelques mille chevaux. Les alliés se retirèrent derrière l'Oder; mais la supériorité militaire de Napoléon. et des soldats qu'il commandait en personne, fut prouvée de nouveau et retint sous sa domination la confédération du Rhin, déjà ébranlée dans sa fidélité par l'exemple de la Prusse,‹

par les intrigues de l'Angleterre, par celles du cabinet de Vienne, et par l'attitude militaire de cette puissance.

Le lendemain 22, les alliés furent poursuivis sans relâche par l'avant-garde française à la tête de laquelle marcha constamment Napoléon. L'affaire de Reichenbach ne servit qu'à ralentir la poursuite des Français et à proté ger la retraite des alliés. Cette journée ne trouverait place dans aucun souvenir, si Napoléon et l'armée n'avaient eu à regretter le grand-maréchal Duroc, qui fut tué par un boulet à l'entrée du village de Markersdorf. Ses adieux furent déchirans, et l'on peut dire qu'en raison de la confiance et de l'amitié que Napoléon accordait depuis tant d'années au général Duroc, sa fortune venait d'être frappée au cœur. Il sentait que personne ne pourrait remplacer Duroc dans son intimité, et, dès ce moment, l'isolement commença pour lui. En perdant le maréchal Lannes, il avait perdu son camarade, son compagnon d'armes; en perdant le maréchal Bessières, il pouvait regretter le témoin assidu de ses victoires, mais la mort de Duroc lui enlevait le confident de ses prospérités et de ses infortunes. En trois journées, la Saxe venait d'être délivrée. Ce grand résultat pouvait seul distraire Napoléon du chagrin profond qu'il éprouvait, mais jamais il n'oublia son ami. Il s'en souvint deux ans après, quand, détrôné pour la seconde fois, il voulait, sous le nom de Duroc, aller se réfugier dans une hospitalité étrangère. Huit ans plus tard, au lit de la mort, il

se rappela les adieux de Markersdorf, en plaçant la fille de Duroc

sur son testament.

Cependant, la démarche que Napoléon avait fait faire de Dresde aux avant-postes russes, n'était pas restée sans réponse; datée dur matin de la bataille de Bautzen, que l'empereur Alexandre croyait gagner, cette réponse ne parvint que le lendemain à Napoléon. Le duc de Vicence fut chargé d'y douner suite, et, après quelques difficultés d'usage entre ceux qui négocient les armes à la main, l'armistice de Plesswitz fut conclu le 4 juin. Napoléon l'avait demandé entre deux victoires, et, si sa proposition eût été admise, le sang, inutilement versé de part et d'autre aux journées meurtrières de Bautzen et de Würschen, eût été épargné. Ce grand homme de guerre sentait que par la vietoire de Lutzen elle-même sa jeune armée avait besoin de repos. Il espérait aussi, en grand politique, gagner du temps et profiter de ce repos des armes, pour détacher la Russie de la coalition et traiter à part avec elle; ou s'il ne pouvait parvenir à la détacher de ses nouveaux engagemens avec la Prusse, il comptait se servir de toute l'influence de l'Autriche ralliée à lui plus étroitement par le succès inattendu de Lutzen, pour dominer la négociation dans le congrès qu'il proposait d'ouvrir. Et en effet, celte victoire si imprévue, si éclatante, avait changé la face des affaires, et M. de Bubna avait été expédié de Vienne à Napoléon pour être au nom de l'Autriche, auprès de ce prince, ce que M. de Stadion

était auprès des souverains de la Russie et de la Prusse. Les commissaires autrichiens, conformé ment aux ordres de leur cour, avaient agi aux quartiers-généraux respectifs dans l'intérêt des propositions de Napoléon. Mais ce prince avait été forcé de vaincre le 20 et le 21 mai. Enfin, l'armistice avait été conclu. Si Napoléon l'avait jugé indispensable pour le repos de son armée, et pour laisser le temps d'arriver à la tête de sa cavalerie, ce manque de cavalerie était cause que Bautzen avait été comme Lutzen sans résultat. Cet armistice était également d'une haute importance non-seulement pour l'empereur de Russie, qui attendait l'armée de Saken, celle de Bernadotte et celle de Pologne, mais aussi pour l'empereur d'Autriche, à qui il donnait le temps de completter les forces nécessaires, soit au maintien de son alliance avec la France, si celle-ci continuait d'être victorieuse, soit à son admission avec avantage dans la confédération du Nord, soit enfin à la prépondérance qu'elle voudrait exercer dans les négociations du congrès, en y suivant plus hautement son rôle de médiateur armé. C'était précisément aussi pour ne pas rester dans une telle incertitude que l'empereur Napoléon demandait la discussion d'une paix générale dans un congrès, ou, à défaut de celle-ci, d'une paix continentale avec ou sans la médiation de l'Autriche. Mais l'Autriche intervint avec succès pour la médiation, qui, après plusieurs conférences, fut agréée par la France. M. de Metternich

s'était rendu à Dresde, où une convention fut signée par lui et le duc de Bassano, le 30 juin. Ce fut après la signature de ce traité, et au moment où le comte de Metternich prenait congé de Napoléon dans les jardins du palais Marcolini, que ce prince, par une de ces improvisations hostiles auxquelles il n'était que trop su jet, lui dit, en lui frappant sur l'épaule : "Eh bien, Metternich, » dites-moi à présent combien l'An»gleterre vous avait promis pour » me faire la guerre. » On doit dire à la louange de ce ministre, qu'il oublia noblement à Prague l'injure reçue à Dresde, et qu'il ne cessa de tenir au duc de Vicence et au comte de Narbonne, plénipotentiaires de France au congrès, le langage qu'il avait tenu à Dresde à Napoléon lui-même. En effet, et la vérité nous commande de le déclarer, le comte de Metternich avait dit à Dresde, à l'empereur et à son ministre, qu'il y avait trois points irrévocablement arrêtés par son souverain. 1° Que l'Autriche ne pouvait rester neutre, si la paix n'avait pas lieu; 2° que dans ce cas elle marcherait avec la coalition; 3o que le 10 août était le terme irrémissible de l'armistice qui, en raison du traité de médiation, avait été prolongé de 15 jours.

Les souverains résidaient, l'empereur des Français à Dresde, l'empereur Alexandre et le roi de Prusse à Schweidnitz, et l'emperear François au château de Gittschin. Un motif alors inconnu des alliés avait décidé tout-à-coup Napoléon à accepter la médiation de Autriche au congrès, ce fut

la nouvelle de la perte de la bataille de Vittoria. Cette bataille détrônait le roi Joseph le 21 juin, et Napoléon se vit forcé de renvoyer en Espagne le maréchal Soult, en qualité de généralissime, pour retenir encore dans la péninsule le drapeau français.

Cependant, les traités de Reichenbach, des 14 et 15 juin, l'un entre l'Angleterre et la Prusse, l'autre entre l'Angleterre et la Russie, et celui de Petersvaldau entre ces dernières puissances, venaient d'assurer à la coalition

Ja solde d'une armée de 250,000 hommes aux frais de l'Angleterre. Au commencement de la campagne, l'Angleterre était dans un tel état de détresse, qu'elle n'avait pu donner de subsides. Mais la défection de la Prusse, l'attitude de l'Autriche, son intention déclarée d'agir comme médiateur armé, décidèrent le cabinet de Londres. L'Autriche était aussi incognito à Reichenbach, et y confondait déjà ses intérêts avec ceux des quatre couronnes du Nord, en partageant avec elles les subsides britanniques pour solder une armée de 200,000 hommes. Elle stipulait aussi pour son état politique, et demandait et obtenait les dépouilles de la France et de la Bavière, l'Italie, enfin, le statu quo de 1803. On pensa, dans le temps, que M. de Stadion, envoyé au quartiergénéral des armées belligérantes, ne fut pas étranger aux intrigues et aux mesures prises pour décider son maître à agir contre son gendre. Toutefois, la convention de Reichenbach demeurait secrète, et, pour ne pas offenser la loyauté de l'empereur François,

re,

et obtenir la signature de ce prince qui la donna le 27 juillet, elle ne lui fut présentée que comme une mesure éventuelle et de précaution. Enfin, ce fut sous les auspices de toutes ces opérations, que la conspiration de l'Angleterde la Russie, de la Prusse, et de l'Autriche médiatrice, ouvrit le congrès de Prague le 29 juillet. La difficulté prévue ou plutôt préparée par ces puissances, fut de voir un arbitre dans le médiateur, tandis que la France ne devait et ne voulait voir qu'un conciliateur. Cependant, lié par les engage

mens de son cabinet à Reichenbach, l'empereur François n'était et ne pouvait plus être un médiateur. D'un autre côté, l'empereur Napoléon avait d'autant moins de confiance dans les opérations de ce congrès, qu'il n'avait pas l'intention d'y faire la paix, de sorte qu'il paraissait avoir été ouvert plutôt pour y combiner les chances de la guerre que les conditions d'un traité. Effectivement, dès le début et jusqu'au dernier moment, il y eut difficultés sur difficultés apportées par le cabinet de France, et guerre ouverte entre ses plénipotentiaires et ceux des allies. Enfin, le 6 août, quatre jours avant la dénonciation finale de l'armistice, Napoléon ordonna à son premier plénipotentiaire, le duc de Vicence, d'entamer avec le comte de Metternich, ministre du médiateur, une négociation secrète pour connaître les conditions de paix que l'Autriche serait prête à soutenir de son influence, et qui assureraient ainsi à la France le maintien de l'alliance. Le comte de Metternich s'empressa de faire

part à son maître de cette communication faite sous le sceau du secret le plus inviolable, et qui devait être même ignorée du comte de Narbonne, ambassadeur de France. L'empereur François répondit à cette démarche par des propositions complettement honorables pour la France. Le temps pressait : il n'y avait plus que deux jours jusqu'au terme de l'armistice. Napoléon discuta les propositions de son beau-père, en envoya d'autres, et, le 10 août, les alliés signifièrent à l'Autriche et à la France la rupture de l'armistice et de la négociation. Il fut bien prouvé alors que Napoléon n'avait voulu que gagner du temps pour sacrifier encore au démon de la guerre. Il avait écrit, dès le principe, à son négociateur: « Qu'il préférait la guerre de l' Au» triche à sa neutralité. » Ainsi fut brisée cette paix qui, garantie et proposée par l'Autriche sur la demande de Napoléon, ne demandait à ce prince que la dissolution du duché de Varsovie, Fémanci pation de Hambourg et de Lubeck, la renonciation au protectorat du Rhin, le rétablissement de la Prusse avec une frontière sur l'Elbe, et la cession de l'Illyrie à l'Autriche. L'empire français restait intact avec toutes les conquêtes de la république. L'état de l'Europe était fixé. La fatigue universelle assurait une longue paix au monde, et la France, reposée de 30 années de gloire militaire, devenue l'équilibre de FEurope au lieu d'en être le fléau, riche de ses ports, de ceux de la Hollande, de la Belgique, de l'Italie, rentrait enfin avec son an

cienne rivale en partage de la sou-, veraineté des mers. Mais, descendre de l'autocratie de l'Europe au rang de son plus grand souverain, paraître y être forcé par l'Autriche en présence des vaincus de Lutzen, de Bautzen et de Wurschen, renoncer enfin à ce droit public de la guerre qu'il avait créé, une telle extrémité souleva l'orgueil de Napoléon. Il refusa la paix de l'Autriche, qui avait cru à sa bonne foi. Il disait à son ministre, il faisait dire à celui de son beau-père, que la lutte dure-. rait plusieurs années. Il l'espérait. Il ne vit que son projet d'abaisser l'Angleterre. Il ne compta pas ses ennemis i oublia Moskou. I n'entendit point la France: il lui préféra la guerre.

Après de telles iuimitiés, chacun sauta sur ses armes, et la reprise des hostilités fut une satisfaction individuelle pour chacune des armées belligérantes. En refusant la paix, Napoléon avait servi la haine et la vengeance de tous ses ennemis anciens et nouveaux; il donnait carrière à de redoutables trahisons sous son propre drapeau, Les exemples en étaient récens cette contagion, colorée de l'intérêt de la patrie allemande, était menaçante; tout le passé,

tout l'avenir se réunirent sur le champ de bataille que venaient de rouvrir l'imprudence et l'opiniâtreté de Napoléon. Toutes les hostilités de la mémoire se conjurèrent avec toutes les passions de la vengeance. Bernadotte, à qui fnt donné le commandement en chef de l'armée du nord de l'Allemagne, déclara dans sa proclamamation du 15 août, jour de la fête

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