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» elles seront partout où votre em» pereur les jugera nécessaires pour » la défense de son trône et de son » peuple. » L'année, la mémorable année 1804, se termine par l'ouverture du corps-législatif. On applaudit à ces mots du discours de l'empereur: «Je ne veux point ac» croître le territoire de l'empire, »mais en maintenir l'intégrité ! » Dans l'exposé de la situation de l'empire, le ministre de l'intérieur déclare que la France n'acceptera point d'autres conditions que celles du traité d'Amiens.

1805.

çais. Le cabinet de Londres avait habilement profité de ces circonstances pour engager celui de Pétersbourg à rompre avec la France, et pour signer avec lui un traité le 11 avril 1805. De son côté, la Russie avait décidé le divan à refuser de reconnaître Napoléon en qualité d'empereur, et le maréchal Brune avait dû quitter Constantinople, comme le général Hédouville avait quitté Pétersbourg. Des flottes russes avaient franchi les Dardanelles et le Sund; elles menaçaient l'Italie, avaient débarqué des troupes aux Iles Ioniennes, et semblaient marcher de concert avec les flottes britanniques. Celles-ci, dès le 5 octobre 1804, avaient, sans déclaration de guerre, attaqué l'Espagne, l'alliée de Napoléon, s'étaient violemment emparées des galions, incendiaient dans les ports de la péninsule les navires du commerce, et détruisaient ses convois. Cette piraterie de forbans avait lieu pendant que l'am

Les incorporations à l'empire français de la république de Gênes et de quelques petits états d'Italie, le meurtre du duc d'Enghien, et la violation du territoire badois, avaient tout-à-coup altéré la bonne intelligence de la Russie avec la France et de la France avec son empereur. Un échange de notes hostiles, une véritable guerre de récriminations, avaient eu lieu entre les cabinets de Pé-bassadeur d'Espagne, le chevalier tersbourg et de Paris. L'empereur d'Anduana, était encore à LonAlexandre avait fait prendre le dres. Le 14 décembre, don Cedeuil à sa cour pour la mort de vallos, ministre des affaires étranl'infortuné rejeton de la maison gères, avait publié un manifeste de Condé. Le chargé d'affaires de la plus grande énergie contre d'Oubril, resté à Paris après le le gouvernement anglais, et lui départ de l'ambassadeur Markoff, avait déclaré la guerre. Le 3 du avait pris ses passeports le 29 août même mois, la Grande-Bretagne de l'année précédente, et la diète s'était fortifiée d'un nouvel auxide Ratisbonne avait reçu les dé- liaire, et avait signé à Stokholm clarations de l'empereur Alexan- une convention de subsides avec dre, dont le roi de Suède soute- la Suède, pour agir de concert nait les griefs de toute son in- contre la France. D'un autre côfluence. La Russie était donc pu- té, Napoléon était entraîné, par bliquement engagée à ne pas sa propre politique, à croire qu'il reconnaître l'empereur des Fran- avait besoin de conquérir sur l'Eu

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rope le trône que vient de lui don ner la France, et l'Angleterre était allée au-devant de cette fatale nécessité en suscitant dans le Nord et en fomentant en Autriche la guerre que désire Napoléon. Cependant ce prince, dès les premiers jours de janvier 1805, veut donner à la France un gage authentique de ses dispositions pour la paix; car s'il sent qu'il a besoin de la victoire pour faire respecter sa couronne, il n'iguore pas que la paix avec l'Angleterre peut seule l'affermir sur sa tête. En conséquence, par un effet de cette confiance que la fortune lui donne le droit d'avoir en lui, il écrit directement, le 14 janvier, au roi d'Angleterre :

« Je n'attache pas de déshon»neur à faire les premiers pas.... »J'ai assez, je pense, prouvé au » monde que je ne redoute aucune » des chances de la guerre.... La » paix est le vœu de mon cœur, mais » la guerre n'a jamais été contraire » à ma gloire..... Je conjure V. M. nde ne pas se refuser au bonheur » de donner la paix au monde.... » Une coalition ne fera jamais qu'ac» croitre la prépondérance et la » grandeur continentale de la Fran

»ce. »

Mais Napoléon empereur s'est trompé comme l'avait fait Bonaparte consul (voyez BONAPARTE), et c'est une lettre vague de lord Mulgrave à M. de Talleyrand, qui répond à cette importante démarche et prononce sur le sort du monde. Jamais la politique respective de l'Angleterre et de la France n'avait été réduite à une plus simple expression. Ces deux

T. XIV.

puissances étaient également convaincues que la paix générale assurait la domination de Napoléon. Aussi l'une avait la même raison de demander sans cesse cette paix, que l'autre avait de la refuser. Cependant les propositions de Napoléon avaient trouvé sur les bancs. de l'opposition anglaise un énergique protecteur dans la personne du célèbre Fox. Aussi furent-ellespar l'ordre de l'empereur communiquées, ainsi que la réponse de lord Mulgrave, aux trois corps de la législature. La franchise de cette communication excita au plus haut degré l'enthousiasme public déjà exalté par la générosité de la démarche faite auprès du prince-régent. La guerre ainsi sanctionnée par l'opinion, la guerre devint, par ce nouveau refus de l'Angleterre, depuis la rupture du traité d'Amiens, la seule, la véritable, la légitime politique de Napoléon. Aussi toutes les guerres continentales, qui vont ensanglanter l'Europe, n'aurontelles d'autre but que celui d'obtenir à force de triomphes la paix générale. Elle sera refusée constamment par l'invincible machiavélisme d'un gouvernement dont la splendeur ne date cependant que de l'occupation du trône par la maison de Hanôvre. Ainsi l'Europe est destinée, par le cabinet de Saint-James, à s'immoler périodiquement à la haine qu'il porte, non à l'élévation de Napoléon, mais aux prospérités de la France; et dix années après, afin que la postérité ne se méprenne jamais sur l'auteur de ces prospérités, cette mê-me Angleterre proclamera dans

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toute l'Europe soulevée et soldée par elle, que c'est contre Napoléon seul que la vengeance du inonde est armée, et la France sera la proie de la jalousie britannique!

Dans l'incertitude où le prudent Napoléon était du succès de la démarche qu'il méditait auprès du prince-régent d'Angleterre, il avait habilement profité de la juste exaspération du cabinet de Madrid contre la violation britannique, et, le 12 janvier, une convention fut signée à Aranjuez entre la France et l'Espagne. Cette convention, par laquelle l'Espagne s'engageait à tenir à la disposition de son alliée 30 vaisseaux et 5,000 hommes de débarquement, renfermait aussi le détail des forces de terre et de mer rassemblées dans les principaux ports de l'empire au Texel, 50,000 hommes sous le général Marmont, avec les bâtimens de transport nécessaires; à Ostende, Dunkerque, Calais, Boulogne, au Hâvre, des flottilles propres à embarquer 120,000 hommes et 25,000 chevaux; à Brest, 21 vaisseaux de ligne et des transperts pour un camp de 25,000 hommes; à Rochefort, 6 vaisseaux, 4 frégates avec 4,000 hommes de troupes; enfin à Toulon, 11 vaisseaux, 8 frégates et des transports pour 9,000 hommes. Ainsi au inoment où Napoléon demandait la paix à l'Angleterre, il avait prêts à être embarqués 193,000 hommes sur 69 vaisseaux de ligne, et plus de 2,000 bâtimens de transport et de guerre, frégates, corvettes, bateaux de flottilles, tous armés et n'attendant que son or

dre, ou l'espérance de 5 heures de calme, pour voguer vers la Tamise. C'était pendant son séjour à Mayence que Napoléon avait arrêté les dispositions de ses forces navales, qu'il avait divisées en trois expéditions,: la première aux Antilles, sous les ordres du général La Grange et du contre-amiral Misssiessy; la seconde contre Surinam, commandée par le général Lauriston; la troisième était confiée au général Reille, qui était chargé de s'emparer de SAINTEHELENE!! Ce fut peu de jours après que Napoléon fut.couronné! Peu de jours aussi après son avé- . nement au consulat à vie, l'ile d'Elbe avait été réunie à la république! Une destinée mystérieuse semblait avoir voulu désigner aux deux élévations de Napoléon, les apanages de ses deux infortunes.

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Les mouvemens de l'amiral Gantheaume hors de Brest, et l'expédition aux Antilles de l'amiral Villeneuve avec les flottes de Toulon et d'Espagne, avaient pour objet d'entraîner loin de la Manche les forces navales de l'Angleterre, et de faciliter la réunion et le départ de la flottille expéditionnaire. Pour atteindre ce but si important, les flottes de Villeneuve et de Gravina devaient franchir le détroit, faire route à l'ouest, et à leur retour des Antilles, se réunir aux flottes de l'Océan à Rochefort et à Brest. Cette réunion devait présenter uhe force de 56 vaisseaux de haut bord, avec lesquels l'amiral Villeneuve entrerait dans le canal. Ce plan, dont le succès eût fait réussir l'incroyable projet de la

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descente en Angleterre, fut une conception de Napoléon, qui de Lyon, où il s'arrêta en allant à Milan, en transmit de sa main toute l'instruction au ministre de la marine.

Mais au milieu des immenses préparatifs que Napoléon multipliait dans tous les ports de la France, de l'Espagne, de la Hollande et de la Belgique, pour triompher de l'Angleterre à Londres, on pour la forcer à la paix, une nouvelle couronne était vemue se poser sur son front. C'est celle de sa gloire républicaine. C'est la couronne de Fer d'Italie. Le 16 mars, l'empereur vient déclarer au sénat qu'il accepte le vœu de la nation italienne, qu'une députation solennelle de la consulta de Milan est venue lui offrir. Cette députation, composée des grands corps du nouveau royaume, est présente au sénat. C'est celle qui, conduite par M. de Melzi, président de la consulta, a assisté au couronnement à Paris. Le 2 avril, l'empereur et l'impératrice quittent leur capitale de France pour leur capitale d'Italie. Trois jours après, moins heureux, le pape repart pour celle de l'église. Il avait espéré, en reconnaissance du sacre de Napoléon, recouvrer les légations cédées à la France par le traité de Tolentino; mais si le saint-père a quitté Rome avec les idées d'un souverain teinporel, il n'a été appelé et reçu à Paris que comme souverain spirituel. Napoléon, devenu roi d'Italie, est, par cela seul, encore plus assuré de la dépendance du saintsiége. Mais avant d'aller prendre la couronne de Fer, il s'arrête sur

le champ de bataille où il a conquis l'Italie pour la seconde fois. Là, au milieu de 30,000 hommes, dont il appelle les plus braves à la décoration de la légion d'honneur, il pose solennellement la pierre du monument que sa reconnaissance élève aux héros moissonnés à Marengo. C'était rentrer dans Milan par un arc de triomphe. Le 8 mai, il y fait une entrée magnifique. Le 26, le couronnement a lieu. Cette cérémonie efface celle de Paris par sa splendeur historique. Le nouveau roi était à-la-fois Charlemagne et Napoléon. Au bout de dix siècles, la couronne des Lombards, placée sur la tête d'un empereur des Français, apprenait au monde que Charlemagne avait un successeur. Comme à Paris, Napoléon se couronne lui-même, et en prenant la couronne sur l'autel: DIEU ME LA DONNE, dit-il à haute voix, GARE A QUI LA TOUCHE. Il créa l'ordre de la couronne de Fer, et ces mots en furent la devise. Le 8 juin, le prince Eugène, son fils adoptif, fut proclamé viceroi d'Italie. Napoléon ne croit pas et avec raison donner à ses nouveaux sujets un gage plus certain de son affection, que de choisir, pour le représenter comme souverain, le fils de son adoption et l'élève de sa gloire.

Le 4 juin, Le doge Durazzo, l'archevêque de Gênes, et une députation du sénat de cette république, étaient venus à Milan demander la réunion de l'état de Gênes à l'empire français. Le 9, M. de Champagny, ministre de l'intérieur, proclamait à Gênes cette incorporation et la division du territoire en trois départemens,

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Gênes, Montenotte et les Apennins. Le même jour, l'empereur fit à Milan l'ouverture solennelle du corps-législatif du royaume d'Italie, et y reçut le serment du vice-roi. Il termina son discours par ces mots, qui devaient faire trembler la maison d'Autriche « J'espère qu'à leur tour mes peuples d'Italie voudront occuper la place que je leur destine dans » ma pensée. Ils n'y parviendront » qu'en se persuadant bien que la force des armes est le principal » soutien des états. Il est temps » enfin que cette jeunesse, qui vit » dans l'oisiveté des grandes villes, » cesse de craindre les fatigues et les » dangers de la guerre. »

L'Italie releva noblement sous son vice-roi le gant que venait de jeter Napoléon. Sa gloire militaire débuta par étendre celle de la France, vécut son égale et mourut avec elle du même supplice, par l'invasion étrangère et la trahison.

Deux ambassades spéciales é taient arrivées à Milan. L'une apportait à Napoléon la décoration du Portugal, l'autre une lettre de félicitation du saint-père. Sa sainteté terminait sa lettre par une sorte de madrigal. «La réciprocité » de notre amour, et cette tendresse » paternelle que nous éprouvons » pour vous, nous rendent très-cher » ce qui vous est glorieux. »

Le 10 juin, l'empereur partit de Milan pour continuer la revue de ses trophées d'Italie. Quarante mille hommes, commandés par les maréchaux Jourdan et Bessières, l'attendaient au camp de Castiglione, où il fit, comme à celui de Marengo, une distribution so

lennelle de la croix-d'honneur. De là, il visita Peschiera, Véronne, et l'imprenable Mantoue, où il arriva le 17 juin et séjourna jusqu'au 21. A Bologne, il reçut le marquis de Gallo, envoyé par le roi de Naples pour solliciter et garantir la neutralité de ce prince, ainsi qu'une députation du sénat de Lucques, qui lui demandait un souverain. Peu de temps après, cette petite république fut érigée en principauté, et devint l'apanage de la princesse Elisa, depuis grandeduchesse de Toscane. Un mois après le 21 juillet, l'état de Parme obtenait aussi l'honneur de l'incorporation au grand empire. Enfin, le 30 juin, Napoléon fait son entrée à Gênes, suivi des ambassadeurs de Naples et de Portugal. Le plus grand éclat fut donné à la cérémonie de prise de possession de l'ancienne rivale de Venise. Elle eut lien dans la cathédrale, où l'empereur, dans toute la pompe d'un troisième couronnement, reçut les sermens, et distribua les décorations. Le 8 juillet, il arriva à Turin, d'où il sortit au milieu d'une manoeuvre de la garnison : le 11 il était à Fontainebleau.

Ce fut dans cette résidence que Napoléon apprit le second combat de la flottille batave, qui, sous les ordres de l'amiral Verhuel, triompha, les 17 et 18 juillet, des efforts de la croisière anglaise, réunie le premier jour au nombre de 15 vaisseaux, et le second, forte de 45. La flottille parvint à sa destination au port d'Ambleteuse. Cette action audacieuse, qui plaça l'amiral Verhuel au rang des premiers hommes de guerre de l'Europe, fut encore remarquable par

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