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à Paris par suite de la mort de son maître. Uniquement occupé de son art, il n'avait pu songer à sa fortune, et dès son retour dans sa patrie, il fut en proie à toutes sortes de besoins. Il connut heureusement Lebas, graveur habile et homme excellent : celui-ci lui donna du travail, et les eaux fortes qu'il exécuta bientôt avec un rare talent lui procurèrent des ressources suffisantes. Lebas se conduisit avec le jeune Moreau en véritable père. Il lui confia une partie des planches du bel ouvrage du comte de Caylus, sur les antiquités grecques, romaines et étrusques. « Le »samedi de chaque semaine (dit M. Ponce, dans sa Notice sur >> Moreau, imprimée dans le Re»cueil de l'Athénée des arts, Paris, » 1822) Lebas lui donnait la besogne qu'il devait faire le diman»che, afin de ne pas le détourner des études de la semaine, et lui »payait assez son travail pour qu'il pût suffire à ses dépenses journa

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»lières. » Moreau avait cessé d'exereer la peinture; mais il cultivait avec soin son art comme dessinateur, et bientôt il fut chargé presque seul de dessiner et de composer les planches des éditions les plus remarquables de cette époque. Sa réputation devint telle que Cochin, dessinateur deş menusplaisirs du roi, le demanda pour successeur lorsqu'il se démit de sa place, en 1770. Le mariage du dauphin (depuis Louis XVI), qui eut lieu vers cette époque, fit confier à Moreau le jeune les dessins des fêtes données à cette occasion. Le dessin et la gravure du sacre de ce prince le firent admet tre à l'académie, nommer dessina,

teur du cabinet du roi, loger au Louvre, et lui valurent une pension. En 1785, il visita l'Italie, y épura son goût, et perfectionna son talent. La révolution, dont il embrassa avec chaleur les principes, ne le compta point parmi les hommes qui la déshonorèrent par leurs forfaits ou leurs folies. Il l'aima en véritable ami de la liberté, et lui resta fidèle. En 1793, en qualité de membre de la commission temporaire des arts, dont faisaient partie l'abbé Barthelemy, Brétigny, et plusieurs autres savans et artistes distingués, il rendit des services à ses confrères, et s'efforça de soustraire à la destruction nombre d'objets précieux. Il fut nommé, en 1797, professeur aux écoles centrales de Paris. Sous l'empire, il exposa au musée du Louvre deux grands dessins représentant les fêtes données par la ville de Paris en réjouissance de la paix de Vienne, en 1809, et du mariage de l'empereur Napoléon avec l'archiduchesse Marie-Louise, en 1810; dessins où, dit M. Ponce, on retrouve son talent tout entier. Après le rétablissement du gouvernement royal, en 1814, Louis XVIII lui rendit sa place de dessinateur de son cabinet, et sa pension, à peu près son unique ressource, et, en 1819, à la sollicitation de la fille de cet artiste, épouse de M. Carle Vernet, acquit pour ce même cabinet les 19 dessins originaux suivans: Deux vignettes in-4° pour les Satires de Juvenal; deux vignettes in - 4° pour les Pensées de Marc-Aurèle, deux vignettes in-4° pour les Entretiens de Phocion; cinq figures in-18 pour les OEuvres de Gresset;

quatre figures in-18 pour le roman de chevalerie, Gérard de Nevers, et quatre vignettes in-4° pour l'Eneide de Virgile. L'OEuvre de Moreau le jeune est de plus de deux mille pièces gravées sur ses dessins. Les plus remarquables de ces compositions, dessins ou gravures, sont: deux suites pour les OEuvres de Voltaire, contenant plus de deux cents estampes; la suite pour l'édition in-4° de J. B. Rousseau, imprimée à Bruxelles; pour l'Histoire de France, cent soixante figures; cent estampes pour les Evangiles et les Actes des apôtres; deux dessins représentant l'un la Peinture moderne et l'autre la Gravure, pour le Musée francais de Laurent et Robillard; les figures pour des éditions des Métamorphoses d'Ovide, de P. et Th. Corneille, Molière, La Fontaine, Racine, Regnard, Montesquieu, Raynal, Marmontel, Gessner, Barthelemy, Delille, etc., etc.; les dessins du roman de Wer erther, la célèbre estampe du sacre de Louis XVI, les quatre estampes des fêtes du mariage du dauphin, dont il a gravé lui-même les eaux fortes; vingt-cinq sujets pour les Chansons de Laborde, etc. Les dessins de Moreau le jeune ont presque tous figuré aux expositions publiques du musée du Louvre. Cet artiste était très-instruit et avait un génie varié, une heureuse fécondité. Il évitait avec un soin extrême de se répéter dans la pose de ses figures et dans les airs de ses têtes. Ce fut peu de temps après la première restauration qu'il mourut (le 30 novembre 1814). Son Eloge a été fait par M. Feuillet, bibliothécaire de l'ins

titut, et imprimé, tant dans le Moniteur de cette année que séparément. Son confrère et son ami, M. Ponce, graveur distingué, a également donné son Eloge, qui a paru dans le Mercure de France du 15 juin 1816. Moreau le jeune a formé un très-grand nombre d'élèves, dont la plupart sont des hommes du premier mérite.

MOREAU (Louis), dit Moreau aîné, peintre, frère du précédent, mourut à Paris quelques années avant lui. Louis Moreau, l'un des élèves les plus distingués de M. Machy, est plus particulièrement connu par ses peintures à la gouache, lesquelles sont très-recherchées des amateurs, et méritent bien de l'être par leur touche spirituelle, et en général par leur effet agréable et pittoresque. Moreau a plusieurs fois exposé au musée du Louvre. En l'an 9 (1800), il a fourni un paysage, et en l'an 12 (1803), une Vue prise dans le parc de Saint-Cloud, les Ruines du monastère de Montmartre, une vue de la maison indienne de Petit-Bourg, et une Vue de Paris, prise de l'entrée des ChampsElysées, etc.

MOREAU DE JONNÈS (LE CHEVALIER ALEXANDRE), chef d'escadron, membre de la légiond'honneur, chevalier de SaintLouis, associé-correspondant de l'Institut, est né en 1778, dans la ci-devant province de Bretagne. A peine avait-il terminé ses études, qu'il embrassa la profession des armes, et fit plusieurs campagnes sur mer, comme artilleur. Nommé bientôt officier dans le corps de l'artillerie, il devint aidede-camp du général Perrigny, et

se rendit avec lui à la Martinique, en i802. Quoiqu'il consacrât à ses devoirs militaires la plus grande partie de son temps, il trouvait encore les moyens de se livrer à l'étude des sciences géographiques et de l'histoire naturelle. La fièvre jaune qui se déclara dans l'armée, vint encore offrir un nouveau sujet à ses méditations. Bravant les atteintes de cette terrible maladie, il en étudia tous les effets dans les hôpitaux et au lit des malades, et fut bientôt à même de seconder, par ses conseils, les efforts des hommes de l'art, et d'avertir les soldats euxmêmes, sur les précautions qu'ils avaient à prendre. M. Moreau de Jonnès fit un séjour de près de quinze ans à la Martinique, et y exécuta des travaux très-importans en géographie, topographie et histoire naturelle. De retour à Paris, il s'occupa de mettre en ordre ses nombreux matériaux, les communiqua aux sociétés savantes, et les fit imprimer, soit dans leurs mémoires, bulletins ou joursoit séparément. Il devint membre de la plupart des sociétés nationales et étrangères, et fut nommé, au mois de novembre 1816, correspondant de l'institut, section de géographie. Les principaux Mémoires qu'il a mis au jour sont: 1° Minéralogie des volcans éteints de la Martinique, destinée à être insérée dans la collection des Mémoires des savans étrangers, publiée par l'académie des sciences; 2° Monographie du trigonocéphale des Antilles, ou grande vipère, fer-de-lance de la Martinique, ouvrage curieux, et qui contient des détails entièrement neufs

naux,

T. XIV.

sur ce dangereux reptile, Paris, in-8°, 1816. Dans une séance de l'académie des sciences, en 1817, M. Moreau de Jonnès a lu un nouveau Mémoire, où il ajoute des renseignemens inédits à l'histoire de cette vipère. On lui doit encore un Mémoire sur une grosse araignée de la Martinique, qui attaque et tue les petits oiseaux. 3° Carte physique, minéralogique, statistique et militaire de l'île de la Martinique; 4° Tableau du climat des Antilles et des phénomènes de son influence sur les plantes, les animaux et l'espèce humaine; 5• Essai sur l'hygiène militaire des Antilles. Cet excellent ouvrage, que les ministres de la marine et de la guerre ont fait distribuer dans les hôpitaux et aux chefs du service de santé des armées de mer et de terre, a été inséré dans le 8me volume des Mémoires de la société médicale d'émulation, et imprimé séparément, in-8°, Paris, 1817. 6° Précis historique sur l'irruption de la fièvre jaune à la Martinique, en 1802 (inséré dans le bulletin de la société médicale d'émulation, 1816), et imprimé séparément, in-8°; 7° Observations sur les géophages des Antilles(également insérées dans le bulletin de la société médicale d'émulation, 1816), et tirées à part, in-8°; 8° Observations pour servir à l'histoire de la fièvre jaune, suivies de Tables nécrologiques indiquant la proportion de la mortalité des troupes françaises et anglaises dans les Indes-Occidentales, accompagnées d'une carte nécro· métrique, exprimant le rapport arithmétique par des projections géométriques (elles ont été insé

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rées dans le bulletin de la société d'émulation, septembre 1817), in-8°; 9° Précis topographique et géologique sur l'île de la Martinique (imprimé dans les annales maritimes et coloniales, 1817), à part, in-8°; 10° Carte orthographique et botanique du volcan éteint du Piton du Carbet à la Martinique, pour servir à la connaissance de l'habitation des plantes de la flore de cette ile; 11° Mémoire qui a remporté (septembre 1823) le prix de 2000 francs, proposé par l'académie de Lyon, sur cette question importante: « Quels se»raient les moyens à employer, >> soit dans le régime actuel des co»lonies, soit dans la fondation de >> colonies nouvelles, pour rendre >> ces établissemens les plus utiles >> à eux-mêmes et aux métropoles?» On espère que le suffrage que l'académie de Lyon a accordé au travail de M. Moreau de Jonnès, le déterminera à le publier.

MOREAU DE LA ROCHETTE (FRANÇOIS-THOMAS), célèbre agriculteur, inspecteur-général des pépinières royales de France, chevalier de Saint-Michel, naquit, le 4 novembre 1720, à Aigny-le-Ferou, près de Villeneuve-l'Archevê que, département de l'Aube. Tout entier aux devoirs de sa place, qu'il occupait à Melun en qualité de directeur des fermes du roi, il lui consacrait tous les instans de la journée; mais le soir et pendant une partie des nuits, il s'occupait des moyens de rendre fertile une terre appelée La Rochette, dont le sol était si pauvre, que l'on disait dans le pays «qu'une poule n'y >> trouvait point à vivre en août.» İl l'avait acquise en 1751; mais ce

ne fut qu'en 1760 qu'il put essayer de la défricher. Le succès répondit à ses espérances, et en 1767, il proposa au gouvernement d'établir à La Rochette une école d'agriculture, à laquelle cinquante, puis cent enfans trouvés furent attachés. Sous sa direction, on vit bientôt cet établissement jouir d'une prospérité que celui qui l'avait créé n'avait pas osé lui-même se promettre. Un terrain défriché, nivelé et planté, de belles forêts, des champs féconds, une maison élégante, commode et spacieuse, élevée sur les dessins de Louis, architecte distingué, des bâtimens nécessaires à l'exploitation, de longues terrasses, de vastes jardins, de riches pépinières prirent insensiblement la place de bruyères arides, de montagnes de sable. Le sol le plus disgracié de la nature devint fécond et riche de tout le luxe de la végétation. Dans l'espace de treize années, on retira de ce domaine (de la contenance d'en、 viron 200 hectares) un million d'arbres de tige et trente-un millions de plants forestiers. Quatre cents élèves tirés des hôpitaux, et formés dans l'établissement pendant à peu près quatre années, revinrent, à leur sortie, d'excellens jardiniers ou pépiniéristes. Quelques-uns d'entre eux furent de très-bons dessinateurs et planteurs de jardins d'agrément. En 1780, lorsque, par suite des réformes de Necker, la pépinière de La Rochette cessa d'être au compte du gouvernement, on y comptait plus de sept millions de plants d'arbres de toute espèce. Les premiers succès de Moreau de La Rochette avaient été appréciés du gouvernement

précédent, naquit, le 17 novembre 1750, à La Rochette. Il reçut une éducation distinguée, et soutint la célébrité du nom qu'il por◄ tait, par ses soins et son zèle à seconder les utiles et honorables occupations de son père. C'est lui qui, malgré sa jeunesse, était char

tablissement et de la culture des domaines, enfin, de la direction des ouvriers employés aux travaux de tous genres de La Rochette. Malgré les troubles de la révolution, il continua l'amélioration et la culture des pépinières et les semis d'arbres soins constans et précieux dont nos écoles forestières ont receuilli tant d'avantages. Il mourut à La Rochette, le 8 mars 1804.

et récompensés. En 1766, il fut nommé inspecteur-général des fa milles acadiennes restées sur les ports de mer; en 1767, inspecteurgénéral des pépinières royales, et en 1769, honoré de lettres de noblesse et décoré du cordon de Saint-Michel. En 1785, en qualité de commissaire du roi, il fut chargé de l'exécution des plans, de l'égé de l'aménagement des bois, destinés à l'approvisionnement de la capitale. Par ses soins, plusieurs ruisseaux furent rendus flottables; il créa à Urcel, près de Laon, département de l'Aisne, la première manufacture de sulfate de fer (couperose verte), dont la France ait été enrichie; enfin, il donna des projets et des plans, pour les défrichemens des landes de Bordeaux qu'il croyait susceptibles de bonne culture et de productions fertiles. Voltaire avait conçu beaucoup d'estime pour Moreau de La Rochette, et il existe, entre ce grand homme et cet utile et excellent citoyen, une correspondance sous le rapport agricole. Elle se compose, de la part de Voltaire, de six lettres, et de quatre de Moreau de La Rochette, qui toutes ont été publiées dans les Mémoires de la société d'agriculture du département de la Seine (tom. IV, pag. 264 et suiv.). Cette publication est due à M. François de Neufchateau, ainsi qu'une Notice sur les pépinières de La Rochette. Moreau de La Rochetté mourut dans le lieu même qu'il a immortalisé par ses créations et ses soins, le 20 juillet 1791, à l'âge de 71 ans. MOREAU DE LA ROCHETTE (JEAN-ETIENNE), membre de la Société d'agriculture du départe ment de Seine-et-Marne, fils du

MOREAU DE LA ROCHETTE (LE BARON ARMAND-BERNARD), mem. bre de la légion-d'honneur, ex-* préfet des départemens de la Vienne et du Jura, fils et petit-fils des précédens, naquit le 12 avril 1787, à La Rochette. Il fut confié dans son enfance aux soins de l'abbé L'Ecuy, et devint l'un des élèves les plus distingués du professeur Luce de Lancival. Auditeur au conseil-d'état le 9 janvier 1810, commissaire spécial de police le 28 juillet 1811, et sous-préfet de Provins le 18 juillet 1814, il a montré le zèle le plus éclairé pour les détails de l'administration. M. Moreau de La Rochette fut chargé, en 1815, d'un travail sur l'organisation de la garde nationale, et la manière dont il s'en acquitta lui valut, dans le mois de janvier de la même année, la décoration de la légion-d'honneur. De la souspréfecture de Provins, il passa, le

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