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les capitaux ; ils n'iront pas immoler à des espérances presque chimériques le bénéfice certain que leur présentent les 3 pour 100 qui leur sont offerts.

Au surplus, nous chercherons à donner la mesure de la valeur réelle des 3 pour 100, en émettant, avant les délais donués pour l'option, des effets nouveaux pour la partie des 3 pour 100 que les compagnies chargées du remboursement, ou les rentiers eux-mêmes, présenteront à la conversion. Ce nouvel eitet, nous n'en doutons pas, n'étant pas contenu comme les 5 par la crainte da remboursement, s'elevera de toute la différence qui existe entre le taux actuel des 5 pour 100 et le taux auquel ils seraient montés sans cette circonstance, et il trouvera des acheteurs solides.

Cependant les porteurs actuels d'inscriptions peuvent, en plus ou moins grand nombre, refuser les avantages que nous leur proposons. La prudence meine vous commande, comme à nous, avant d'adopter le projet de loi, de supposer que plusieurs demanderont le remboursement.

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Cette chance invraisemblable, mais possible, a nécessité le sacrifice que nous avons fait aux compagnies avec lesquelles nous avons traité éventuellement; elles se sont engagées à opérer tous les remboursemens demandés, et nous pouvons vous donner l'assurance qu'elles réunissent les moyens suffisans d'exécuter leur contrat,

« Je sais qu'on a affecté de concevoir des craintes sur le passage d'une partie de nos rentes dans les mains des étrangers. Je demanderai d'abord si vous refuserez des capitaux à 4 pour 100, plutôt que de les recevoir des étrangers. Mais nous allons voir combien peu ces inquiétudes sont fondées. On estime en ce moment à 25 millions les rentes qu'ils possèdent. Si vous conserviez des 5 pour 100 au pair, ce genre de placement ne leur convenant pas, ils réaliseraient au plus haut prix les bénéfices qu'ils ont faits depuis qu'ils nous ont fourni leurs capitaux; et s'ils trouvent des acheteurs chez nous, il en résultera que nous aurons encore engouffré dans nos fonds publics la masse de numéraire que les achats enleveraient à une destination plus utile. Mais, si nous substituons à nos 5 des 3 pour 100, les capitaux étrangers ne seront pas reúrés de nos fonds publics; ils y afflueront au contraire, et nos propres capi❤ taux, ceux que nous supposions tout à l'heure devoir les remplacer, seront conservés aux besoins de notre prospérité intérieure. Je vais plus loin, et je pense que la conversion doit amener ce résultat: que tout rentier qui pourra obtenir de ses fonds au delà d'un intérêt de 4 pour 100, demandera son remboursement, ou négociera les rentes dont il est porteur.

L'importance des capitaux sortis ainsi de nos fonds publics sera nécessairement en proportion de l'emploi qu'ils trouveront dans l'agriculture, le commerce ou l'industrie : l'effet immédiat de la mesure que nous vous proposons sera donc de féconder notre sol, d'accroître les produits de nos fabriques, et d'étendre nos relations. Déjà les départemens en éprouvent les heureux effets: la propriété reçoit plus de valeur; les négocians et les arma. teurs conçoivent des espérances et se livrent à des combinaisons plus vastes; les manufactures reprennent une vie nouvelle.

Pourrait-on reproduire sérieusement la crainte de voir les étrangers se rendre maître du cours de nos rentes? Mais, s'ils faisaient baisser le cours de nos fonds, en nous rendant à 60 ce qu'ils auraient payé 75, ils enrichiraient notre amortissement et nos capitalistes. Craindriez-vous de les voir fortifier notre crédit, multiplier nos capitaux, et nous mettre à même de vouloir et de poavoir racheter un jour à 100 fr. ce que nous ne voudrions ou ne pourrions conserver aujourd'hui à 75? De pareilles craintes ne sauraient nous arrêter, Messieurs la richesse publique ne s'affecte point, elle s'augmente par de

semblables résultats ; et ce qui s'est passé sous nos yeux depuis que nous sommes entrés dans la voie du crédit, a suffisamment prémuni contre ces pré

ventions surannées...

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Il ne me reste plus à vous démontrer que l'impossibilité d'obtenir ces avantages sans convertir nos rentes et sans l'intervention des compaguies.

« J'ai déjà remarqué qu'un des obstacles principaux était l'embarras jeté dans le cours de nos effets par la crainte du remboursement. Comment croyezvous le combattre et le détruire? Est-ce en renonçant solennellement à la faculté de rembourser? Mais vous allez ainsi vous exposer à tous les inconvéniens pour l'amortissement de l'accroissement du capital, sans y trouver un dédommagement dans la réduction des intérêts. Serait-ce en graduant la concession, en créant, comme cela s'est pratiqué en Angleterre, d'abord des quatre et demi, ensuite des quatre, plus tard des trois et demi, enfin des trois pour cent?

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Mais, dans ce cas, il faudrait de même recourir à des ressources étrangères à ces combinaisons, pour opérer les remboursemens dont vous devez toujours laisser l'option, si vous voulez être justes et conserver votre crédit. Ces remboursemens, quelque modique que soit la réduction d'intérêts, on vous les demandera, n'en doutez pas, si on sait que vous ne pouvez pas les faire. Pour les opérer, émettrez-vous des effets au pair, avec garantie que vous ne les rembourserez pas de cinq ans, comme le fait aujourd'hui l'Angleterre ? Y ajouterez-vous une remise sur le taux, comme elle l'a fait dans ses précédentes conversions? Mais vous serez obligés de reconnaître que tous ces moyens conduisent aux mêmes résultats, entraînent les mêmes inconvéniens, et de plus graves que ceux qui sont reprochés à notre système. Le lendemain du jour de l'émission de vos effets, l'amortissement les paiera au-dessus du cours où vous les aurez émis, et vous supporterez le sacrifice de la remise que vous aurez accordée, et de toute la hausse que produira sur le cours de ces effets la certitude qu'ils ne peuvent être remboursés. Vous procéderez après cinq ans à une nouvelle opération dont les résultats seront encore les mêmes pendant la période que vous lui aurez fixée; et quand vous arriverez comme nous par cette voie à la conversion en 3 pour 100, je ne sais pas apprécier ce que nous aurons éprouvé du côté de l'action de l'amortissement dans notre système, que vous n'ayez pas à éprouver dans le vôtre.

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Je comprends que, dans un pays dout la dette n'est pas compacte, dont les valeurs sont de diverses espèces, qui a des cinq, des quatre, des trois, on puisse, dans certaines circonstances, vendre des unes avec profit pour rembourser ou forcer à la conversion des autres ; mais pour opérer sur 140 mil lions de rentes 5 pour 100, sans autres fonds publics acclimatés et connus, je n'y vois de possibilité que dans les moyens que nous avons réunis et que nous vous présentons.

Dira-t-on encore qu'il eût fallu agir partiellement sur notre dette, faire goûter nos 3 pour 100 par un essai de quelques millions, et puis opérer suc cessivement la conversion de nos 5 pour 100? Je demanderai si on pense que, par ce moyen, on eût pu éviter les concessions qu'on nous reproche; et si on les retrouve dans cette voie lente et chanceuse, pourquoi la préférer, pourquoi confier aux dangers d'un avenir incertain ce que nous pouvons faire dès aujourd'hui à l'abri de toute éventualité contraire ?

«Dans ce système, comme dans le nôtre, on a besoin de l'intervention des compagnies à chaque réduction partielle.

"

Nous dira-t-on qu'en opérant partiellement, on négocierait les 3 pour 100 à un plus baut taux, et qu'on traiterait avec les compagnies à meilleur marché?

Cela dépend de l'avenir, et des circonstances qu'il amènera. Il est difficile de les supposer plus favorables que celles d'aujourd'hui. Mais, en admettant ces hypotheses incertaines comme des réalités, il est une vérité incontestable à leur opposer; c'est qu'en retardant l'opération dans l'espoir d'en améliorer les conditions, vous reculez aussi la jouissance des profits qu'elle peut immédiatement vous apporter. Enfin, pendant le temps que vous emploierez à courir après de meilleurs marchés, nous jouirons des bénéfices de celui que nous aurons fait: vous, avec toutes les chances des événemens; nous, saus eventualité.

Une dernière objection me reste à réfuter : c'est celle de la cherté du secours que nous offrent les compagnies.

Leur concours nous était indispensable; tout le monde le sent. Il était nécessaire qu'elles offrissent la réunion du plus grand nombre possible des capitalistes de l'Europe; on en convient encore: on nous accuse même d'entreprendre une opération supérieure à leurs moyens. On trouve toutefois que, dans cette situation, qui ne permettait pas d'établir des concurrences, et nous imposait au contraire la nécessité de former un faisceau de toutes les forces financières qui consentiraient à nous seconder, nous avons obtenu de manvaises conditions. C'est, dit-on, sacrifier une trop forte partie des bénéfices que nous acquérous à toujours, que de les abandonner, la première année, à ceux qui supporteront tous les frais de l'opération. Ces bénéfices, ajoute-t-on, sont énormes; ils s'élèvent à 28 millions par année : les compagnies peuvent en jouir quinze mois, c'est 35 millions dont nous allons enrichir les banquiers aux dépens des porteurs de nos rentes ou des contribuables. Sans doute que, si nous pouvions convaincre les rentiers qu'ils doivent se résigner à la réduction de leurs intérêts à 4, nous serions trop heureux de voir tourner à leur profit la jouissance du bénéfice auquel nous renoncons jusqu'au 1er janvier 1826. Mais, Messieurs, comment auraient-ils accueilli une semblable proposition? Ce que vous entendez depuis la présentation de la loi vous le fait assez connaitre. La possibilité de rembourser le capital nominal, tel est le seul moyen d'opérer la conversion; pour obtenir cette possibilité, il faut le secours des compagnies financières; pour vous prêter ce secours, elles calculent leurs avances, leurs risques, et y mettent un prix; cela est dans l'ordre. C'est à vous de voir si le prix est en rapport avec le service, ou si les conditions sont trop disproportionnées avec les avantages qui en sont la suite.

Quant à nous, nous n'avons pas jugé que les propositions des compagnies dussent être refusées, parce que nous sommes entrés, plus que je ne puis le faire avec vous en ce moment, dans le calcul des frais, des avances et des risques auxquels les obstacles que devait rencontrer une semblable entreprise les entraîneraient inévitablement. Alors même que l'opération serait, comme nous devons l'espérer, suivie d'un succès complet, les frais indispensables à sa préparation absorberaient les bénéfices des trois premiers mois de la jouissance: reste donc celle des douze autres mois, atténuée de tous les intérêts qui profiteront aux rentiers eux-mêmes jusqu'au jour de leur remboursement, et soumis d'ailleurs à toutes les chances d'une négociation d'effets qui n'arriveront à la disposition des compagnies qu'avec la défaveur d'un refus préalablement éprouvé.

« J'ai plaidé trop long-temps, dans mes débats avec les chefs de ces compagnies, la cause opposée à celle que je défends devant vous pour ne pas ramener, sans plus de retard, la question à ses véritables termes. Ce n'est qu'avec une peine infinie que je suis parvenu à ce point, de faire consentir les banquiers à se charger de tous les frais, de toutes les éventualités des remboursemens qui nous seront demandés, en échange de l'abandon des bénéfices qui

nous seraient acquis sur la conversion jusqu'au 1er janvier 1826. Nous n'avons pu obtenir mieux; il a fallu accepter, ou refuser d'accomplir à ce prix une des opérations les plus propres à assurer le crédit, la richesse et la prospérité de notre pays. Nous avons cru qu'il ne nous était pas permis d'hésiter. Si vous en jugiez autrement, Messieurs, il nous resterait la triste conviction que c'est faute par nous d'avoir su vous présenter ces avantages dans tout leur jour, et de manière à vous en faire apprécier les immenses résultats. »

Nous avons rapporté ce discours presqu'en entier, parce qu'il offre des révélations historiques à recueillir, et à peu près tout ce que le ministère avait à dire pour la défense du projet.

CHAPITRE III.

Suite de la discussion du projet de loi pour la conversion ou réduction des rentes.

La discussion ne faisait que commencer, et déjà il semble au lecteur que la matière soit épuisée. Pour ceux qui lisaient chaque jour séparément les discours profonds et lumineux qui se succédaient, elle était toujours nouvelle; l'intérêt de la question, et l'esprit de faction ou de parti qui s'y mêlaient, y rendaient tout le monde attentif; mais, maintenant que cette question s'offre à nous dégagée des passions du temps, on retrouverait dans tous ces discours, malgré les ressources du talent dont les orateurs ont fait preuve, une répétition fastidieuse des mêmes raisonnemens sous des formes et des expressions différentes, entremêlés de calculs dont le lecteur le plus intrépide ne pourrait soutenir l'aridité dans cet ouvrage; il faut donc nous arrêter aux traits les plus saillans du tableau.

(26 avril.) Entre les orateurs qui parlèrent après le ministre contre le projet, M. Bourdeau, M. Sanlot Baguenault, M. le général de Thiars, M. Leclerc de Beaulieu, s'accordèrent à regarder la hausse comme fictive, comme étant l'effet de l'agiotage et des opérations des banquiers étrangers intéressés au succès de l'opération projetée par le ministre. L'opération ministérielle est fondée, selon eux, sur une fausse idée, sur l'élévation actuelle de la rente. Mais cette hausse est illusoire; elle n'est due ni aux opérations de la caisse d'amortissement, ni à l'abondance des capitaux, mais à l'infame agiotage et au jeu honteux qui se résout chaque mois en solde de différence qui dénature le cours de la rente, et qui, par le report, a élevé l'intérêt de l'argent pour les bailleurs de fonds à 18 ou 20 pour 100. La création d'un effet qui est encore loin d'avoir atteint le pair ne fera qu'accroître la maladie morale de l'Etat; elle n'est imaginaire qu'au profit des capitalistes, qui ne Annuaire hist. pour 1824.

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