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accepta volontiers leur alliance, quoiqu'il eût eu occasion de voir, dans le dernier combat combien ils étaient inférieurs aux Ashantées pour le courage et pour le maniement des armes à feu. TootooQuamina, furieux de la défection de ses vassaux, dissimulant ses projets de vengeance, feignit un moment de vouloir la paix, et fit des ouvertures par l'entremise du commandant hollandais d'Elmina, en rejetant l'assassinat du sergent anglais sur les Fantées. Mais les conférences furent rompues (les récits anglais n'en expliquent pas bien la cause), et les deux partis se préparèrent à une guerre à outrance. Le roi des Ashantées, avouant alors hautement le meurtre du sergent anglais, fit dire à sir Charles Maccarthy que sa chevelure servirait bientôt de panache au grand tambour de guerre des Ashantées, et rentra dans ses états pour y faire une levée nouvelle. Sir Charles Maccarthy riant alors de ces menaces, qui ne furent que trop bien accomplies, forcé de retourner à Sierra-Leone, courut pour y chercher des secours, ordonna à ses officiers de cultiver soigneusement l'amitié des Fantées et de les préparer à se mettre en campagne à son retour. Plusieurs mois de l'année 1823 s'étaient ainsi passés en préparatifs... Les Fantées, dirigés par des officiers anglais, avaient formé des camps à YancooMassie, à Jooquah, chacun d'environ dix mille hommes, et avaient même osé aller, sous le capitaine Laing, au nombre de 6,300 hommes, au devant d'un corps d'Ashantées, qui, après avoir obtenu quelques succès et brûlé plusieurs grands villages, avaient pourtant été forcés de repasser le Boossom-Pra.

Les deux partis en étaient là lorsqu'il arriva d'Angleterre au cap Coast un détachement de troupes régulières, et peu de jours. après, sir Ch. Maccarthy lui-même y débarqua de sa personne. Les Fantées, qui s'étaient imaginé que le grand gouverneur allait revenir avec une flotte chargée d'artillerie et de soldats blancs, ne purent dissimuler leur désappointement, et se moquèrent de le voir débarquer d'un petit canot avec deux ou trois officiers, sept fusils et un pistolet! Mais la confiance des habitans du cap Coast n'en fut point ébranlée. On était en possession de tout le territoire à cinquante milles à la ronde; les Ashantées n'osaient plus se montrer,

disait-on; on allait marcher sur Coomassie, où déjà le tyran, saisi d'effroi, immolait tous les jours dix jeunes vierges à son Fétiche pour le salut de son empire, et sir Charles Maccarthy, se laissant entrainer à ces illusions, résolut de faire l'expédition qu'on lui représentait comme si facile.

Les forces dont il pouvait disposer au commencement de 1824 ne s'élevaient pas au delà de goo hommes de troupes européennes, ou du régiment d'Afrique; il avait 15 à 20,000 Fantées mal armés, indisciplinés, et déjà découragés. Sir Maccarthy en laissa une partie pour garder le cap Coast, et se mit en marche avec le reste dans la direction de Coomassie, capitale des Ashantées, éloignée du cap Coast d'environ 180 milles. Cette armée était déjà bien faible pour entreprendre une pareille expédition dans un pays inconnu, chez un peuple barbare, mais plein de courage, et déjà plus instruit qu'on ne le supposait dans l'art de la guerre. Sir Ch. Maccarthy fit une faute en détachant de son corps d'armée deux colonnes, l'une sous les ordres du major Chisholm, qui devait aller du côté d'Accra pour combattre les Ashantées qui pouvaient se montrer, ou pour tenir les alliés en respect; l'autre, sous le capitaine Blankearne, pour lui servir de réserve. Les trois divisions devaient se réunir en entrant dans les provinces des Ashantées; mais l'ennemi ne leur en laissa pas le temps. Sir Charles Maccarthy n'était en marche que depuis peu de jours, avec un corps d'armée de 14 à 1500 hommes, lorsqu'il se trouva, sans s'y attendre, en face des Ashantées qui s'avançaient en bon ordre, et qui se préparaient à traverser la rivière de Boosom-Pra, large de 20 à 30 pieds. Il s'engagea des deux côtés un feu bien nourri; mais les munitions venant à manquer aux Anglais, et les Fantées épouvantés s'ébranlant déjà, sir Ch. M. ordonna la retraite. Les Anglais, forcés de céder le passage de la rivière, faisaient leur retraite en bon ordre, lorsqu'ils furent attaqués par un corps de 2,000 hommes envoyé sur sur leurs derrières; alors les Fantées se dispersèrent; les Anglais entourés, enfoncés de toutes parts, se défendirent à la bayonnette en désespérés et succombèrent presque tous. A peine s'en sauvat-il quelques-uns pour porter au cap Coast la nouvelle de leur

défaite et de la mort du malheureux sir Charles Maccarthy, qui fut tué dans la mêlée, et sur qui le féroce Tootoo-Quamina a en effet réalisé sa menace.

Après ce désastre, les Ashantées se répandirent comme un torrent sur le territoire des Fantées, où ils mirent tout à feu et à sang. Les alliés des Anglais disparurent; quelques débris de leurs corps et la colonne restée au major Chisholm, composant 5 à 6,000 hommes, se retirèrent sous le fort du cap Coast.

On venait de recevoir une leçon terrible des ennemis qu'on avait bravés. Ce n'étaient plus des hordes indisciplinées s'avançant sans ordre et se dispersant après avoir fait une décharge au hasard. Les Ashantées avaient appris, on ne sait de qui, des manœuvres européennes. Leur infanterie, munie de fusils, s'avançait en colonnes serrées et au grand pas jusqu'à portée de fusils, alors le premier peloton faisait feu et se repliait à droite et à gauche, où il chargeait de nouveau, tandis qu'un deuxième peloton s'avançait, faisait feu à son tour et se repliait de même jusqu'à ce que toute la colonne eût répété la même manœuvre. S'ils étaient battus, ils se reformaient sur un point convenu d'avance, et choisissaient judicieusement leur position.

Aussi les Anglais, ayant appris à connaître la force de leurs ennemis et la faiblesse de leurs alliés, furent quelque temps sans hasarder d'actions considérables. L'arrivée du lieutenant colonel Sutherland, envoyé de Sierra-Léone (mai) avec quelques compagnies et de l'artillerie de marine, rendit un peu de courage aux Fantées ; d'ailleurs on était dans la saison des pluies qui permettait de refaire la petite armée, et on en profita.

Cependant le roi des Ashantées arrivait lui-même à son armée avec des renforts qui la portèrent à 18,000 hommes qui prirent position à cinq milles du Cap. Comme ils n'avaient pas d'artillerie de siége, ils se contentèrent de former une espèce de blocus. Il y eut au mois de juin plusieurs engagemens, à la suite desquels les Anglais furent réduits à se renfermer dans le fort. Mais enfin il arriva de nouveaux renforts sur le vaisseau la Thétis (4 juillet), et deux jours après des auxiliaires, 2 à 3,000 Fantées d'Accra, avec les

quels les Anglais purent reprendre l'offensive et se montrer hors de la ville.

De son côté le roi des Ashantées, ayant rappelé ses petits corps employés au pillage, s'apprêtait à livrer une bataille qui devait décider du sort de l'établissement. Elle eut lieu le 11 juillet à un demimille de la ville, et se termina pár la défaite entière des Ashantées, qui furent forcés sur tous les points et chassés de deux camps qu'ils avaient sur la droite de leur position. Le lieutenant colonel Sutherland avait été obligé de faire sortir les alliés de la ville à la pointe des bayonnettes; une fois sur le terrain, ils se battirent avec courage pendant quatre heures; mais une fois qu'on eut forcé les deux camps de l'ennemi, ils se mirent à piller et il fut impossible de les déterminer à poursuivre l'armée des Ashantées, qui opéra sa retraite en assez bon ordre pour pouvoir encore faire le lendemain une démonstration d'attaque.

Au surplus, cette bataille qui n'avait coûté aux Anglais que cinq ou six hommes, et à leurs alliés une centaine, avait causé aux Ashantées une perte considérable, occasionée par la supériorité de l'artillerie anglaise. Plusieurs de leurs généraux y avaient été tués, et quatre de ceux qui survécurent à cette défaite eurent la tête tranchée par les ordres du roi. Enfin le défaut de vivres s'étant fait sentir, une grande partie de l'armée se débanda. Les Fantées rentrèrent dans leurs tribus, et la guerre fut, sinon terminée, du moins suspendue par l'impuissance des deux parties; car la mortalité se mit bientôt dans les troupes anglaises du Cap, de façon à ôter toute idée d'entreprendre une nouvelle expédition.

On voit, par une proclamation publiée au mois d'avril suivant par le major général Turner, capitaine général et commandant en chef des établissemens anglais sur la côte occidentale d'Afrique, proclamation adressée aux Anglais et à leurs alliés, que cette guerre était principalement attribuée aux Hollandais d'Elmina, contre lesquels le gouverneur n'avait rien voulu entreprendre «< parce que les deux nations étaient en paix, mais dont il avait dénoncé la conduite au gouvernement anglais. »

L'Angleterre ne veut point la guerre, disait encore le capitaine général

Turner; mais que l'Afrique soit libre, heureuse et riche; elle n'y prétend que le droit d'un commerce légal.

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Que le roi des Ashantées se contente de gouverner son peuple, et ne veuille ni empêcher le commerce avec la côte, ni opprimer ses voisins; on traitera avec lui sur ces bases, mais on ne fera point de paix avec lui qu'il n'abandonne tout droit de tribut ou de suzeraineté sur les nations circonvoisines. »

Ce paragraphe révèle la véritable cause et le but de la guerre. Il y a entre cette guerre et celle des Birmans des points d'analogie très-remarquables. Là aussi elle s'était engagée par suite de l'arrestation d'un sujet anglais (le lieutenant Chew) et des violences essayées sur des alliés ou protégés de la compagnie anglaise de l'Inde orientale, et elle fut suspendue ou terminée par une bataille livrée sous les murs de la place occupée par les Anglais.

Guerre des Birmans. Il faut, avant de se faire une juste idée de cette guerre, jeter un coup d'œil sur la puissance avec laquelle allait lutter le gouvernement de l'Inde britannique.

Quoique le nom des Birmans ne soit pas inconnu des anciens géographes, il semble qu'il n'ait été que le nom générique d'une race guerrière qui s'était répandue du golfe oriental du Bengale` aux montagnes du Tungkin, et aux frontières de la Chine, et qu'il s'en soit formé plusieurs royaumes, tels que ceux de Siam, de Pegu, d'Ava et d'Arrakan, et d'autres états.

Vers le milieu du dernier siècle, un soldat, le Napoléon de la péninsule indo-chinoise, Alompra s'étant élevé d'un rang obscur, à la faveur des troubles qui déchiraient ce pays, jusque sur le trône d'Ava, avait réuni à sa domination le territoire du Pegu et quelques provinces du royaume de Siam. Les successeurs d'Alompra, toujours en état de guerre avec leurs voisins, avaient subjugué le royaume d'Arrakan sur la côte occidentale du golfe, et au nord les provinces de Mumnipore et de Cassay.

Avec ces conquêtes, l'empire birman situé du 9o au 26° degré de latitude nord, et du 92° au 104° de longitude occidentale, offrait un territoire de 194 milles anglais carrés, couvert d'une population estimée de 12 à 17 millions d'habitans (1) fort supérieurs par l'ac

(1) Voyages du major Symes et du capit. Cox, Hamilton's East indian Ga

zetteer.

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