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La lecture de ces pièces excita quelques rires du côté droit. Plusieurs membres s'écrièrent qu'il n'y avait là rien de criminel, rien de blamable. Mais M. Méchin y voyait un abus de pouvoir très-punissable, d'après le Code pénal.

(Voix nombreuses à droite : Eh bien, qu'avez-vous à dire à cela? vous en faisiez bien d'autres... Il n'y a rien de blâmable.)

. Lorsque MM. de Villèle et de Châteaubriand se plaignaient de l'influence du ministère dans les élections, dit-il en terminant, ils n'ont jamais rien eu de pareil à citer, et s'ils avaient pu citer de pareilles manoeuvres aux yeux de la Chambre, ils en auraient obtenu justice complète. Quand il en sera temps, je déposerai ces pièces sur le bureau; je les déposerai si l'assemblée est assez juste pour ordonner une enquête. (Allons donc, c'est se moquer! s'écrient plusieurs voix à droite.) »

M. Bonnet qui avait demandé la parole avant M. Méchin, pour répondre à ce que M. Casimir Périer avait dit des élections de Paris, observant, comme le ministre, que de vagues déclamations ne présentent aucune prise à la discussion, certifia d'ailleurs

tenir pour votre ville le plus grand de tous les avantages, celui qui vous a été ravi lors de l'établissement du chef-lieu dans la ville de Laon.

Ce bienfait d'un gouvernement paternel, mais justement sévère s'il est outragé, peut être le prix de vos suffrages.

Électeurs de Château-Thierry, secondez vos frères, vos alliés naturels ; la proximité de Soissons vous offre le même intérêt dans cette mesure, et doit vous réunir dans les mêmes intentions.

Répondez à la voix de vos administrateurs ; ils n'ont jamais eu d'autre vue que votre bonheur. Il est dans vos mains. »

Dernier mot aux électeurs de l'arrondissement de Laon.

Le sort de l'arrondissement, celui du chef-lieu, sont entre vos mains. Du parti que vous allez prendre résultera votre salut ou votre perte. Faire un choix offensant pour la majesté royale, c'est renoncer à jamais aux grâces d'un gouvernement paternel, mais juste, et qui est nécessairement sévère lorsqu'il est outrage. Fonctionnaires publics de tous les rangs, vous qui veillez plus particulièrement aux intérêts de votre pays, dirigez vos concitoyens, éclairezles sur les dangers qui les menacent dans cette circonstance décisive; leur salut, celui de vos enfans, le vôtre même, dépendent de la résolution que vous allez prendre.

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Non, il n'est pas possible qu'aucun de vous préfère à un loyal serviteur de la patrie celui qui ne présenterait, pour justifier une nomination odieuse, qu'une funeste célébrité. »

qu'ayant fait des vérifications sur quinze ou vingt des faits particuliers dénoncés, les plaintes s'étaient trouvées complétement fausses; que dans les deux colléges où il avait assisté, tout s'était passé avec la plus grande régularité; et que s'il y avait eu quelqu'erreur dans l'immensité des pièces adressées à l'administration (plus de cent mille) ces erreurs seraient bien excusables.

« On a parlé de prétendues manœuvres de l'autorité pour influencer les élections, dit M. Bonnet; je pourrais répondre à cette accusation en vous faisant le tableau de mesures prises par nos adversaires, dans l'intérêt de leur opinion... On ne dira pas que les lumières out manqué aux électeurs libéraux : les placards ont été multipliés pour annoncer que l'insertion d'office ne les dispensait pas de faire leurs preuves; et il a même été établi un bureau de consultations, gratuites bien entendu, quai le Pelletier, n° 22. Cessez donc vos déclamations; vous avez usé de votre influence, le ministère n'a fait qu'user de son devoir en employant la sienne, et cela ne peut, dans aucun vous autoriser à prêter votre appui à des faits qui n'ont aucune réalité. »

cas,

M. Casimir Périer, remontant à la tribune, se plaint de ce que les ministres exigent des preuves positives, quand ils ont mis obstacle à ce qu'on pût les recueillir, en empêchant, par exemple, la vente des listes électorales. Il fait observer que ce qui s'est passé dans le collége présidé par M. Bonnet aurait pu, dans le collége de M. Sanlot-Baguenault, où le résultat a été décidé par deux voix seulement, changer l'issue des opérations de ce collége, si deux électeurs intrus eussent voté en faveur de son concurrent. « Au surplus, dit-il, quand vous me portez défi de citer des faits, je vous réponds, faites une enquête, et vous verrez se vérifier tout ce que j'ai avancé. »>

M. le ministre de l'intérieur rappelant à la fois les faits dénoncés par MM. Méchin et Casimir Périer, essaie encore de les justifier:

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On a parlé, dit-il, de circulaires de préfets et de sous-préfets qui recommandent aux électeurs de ne pas faire de choix outrageans pour le souverain. Quoi, Messieurs, l'on ose se plaindre que de pareils conseils soient donnés aux électeurs à une époque encore si peu éloignée de celle où un grand scandale a été donné à la Chambre, et où la Chambre elle-même a déclaré la personne indigne de siéger dans son sein! Eh bien, des administrateurs affligés encore par de pareils souvenirs, disent aux électeurs : « Méfiez-vous de ceux qui vous donneraient le terrible conseil de faire des choix qutrageans pour la majesté royale, » et l'on ose traiter de pareils conseils, de conseils imprudens! Ces conseils, la Chambre les avait donnés en 1819, d'une manière bien autrement énergique (allusion à l'annulation de l'élection de M. Grégoire). Lorsque

forcé de répondre, dans cette occasion, à un orateur de ce côté, je lui disais : - Le crime ne doit pas être représenté dans cette enceinte, devais-je m'attendre qu'un jour ou reprocherait à mon administration de chercher à prodaire un si déplorable scandale ?... »

En parlant de circulaires, d'ailleurs, le ministre de l'intérieur fait observer que M. Méchin en a bien fait une aux électeurs de son opinion; quant à ce qu'on n'a pas fait vendre les listes électorales de Paris, que la loi porte qu'elles seront affichées, mais non qu'elles seront mises en vente: sur la question de l'enquête, enfin, Son Exc. dit qu'on ne procède point par voie d'enquête à la vérification des pouvoirs. On a toujours procédé comme on le fait aujourd'hui, et on n'a pas le droit de demander autre chose.

Ce que le ministre de l'intérieur venait de dire de choix outrageans pour la majesté royale, donne lieu à M. Méchin de demander à quel titre le choix de sa personne (il est député de l'arrondissement de Soissons) pourrait être offensant pour la majesté royale; mais le ministre répondit qu'il n'avait pu être dans son intention de désigner le préopinant, et qu'il se rendait trop de justice à lui-même pour penser autrement. Le ministre avait sans doute voulu désigner le candidat que les libéraux avaient présenté à Laon (M. le Carlier, député sortant, fils d'un conventionnel qui avait voté la mort dans le procès de Louis XVI.) M. Méchin n'en eut pas moins le courage de faire l'éloge de son ancien collègue; ce qui mit fin à la discussion.

On ne rappelera point ici d'autres difficultés faites sur diverses élections, comme celle de l'arrondissement de Brest (département du Finistère) et surtout du collége du département de la Creuse, ou M. Bourdeau assura comme un fait de notoriété publique, que sept électeurs avaient été maintenus sur la liste du département, quoiqu'ils ne payassent pas le taxe de contributions exigée, qui était de 763 fr.; mais le fait fut contesté par le rapporteur, et l'adoption de M. Augier du Chezeau qui avait été ajournée (séance du 17 avril) fut décidée. Quelques autres ajournemens ordonnés faute de productions de pièces nécessaires, furent successivement levés; une scule élection ajournée fut annulée, c'est celle de M. de Annuaire hist. pour 1824.

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Marchangy, élu député dans l'arrondissement d'Alskirch (HautRhin); attendu que par suite de mutations opérées dans ses biens ou d'évaluations fautives, il ne payait pas aux rôles de 1824 le cens voulu par la loi. Cette décision de la Chambre ( du 17 avril) fit quelque sensation dans le public. Rapprochée de celle prise depuis, à l'égard de M. Benjamin Constant, elle semblait élever la Chambre au-dessus des préventions de partis...

Nous nous sommes arrêtés plus que de coutume aux plaintes élevées cette année sur les élections. Tous nos lecteurs en apprécieront la cause. La durée que la Chambre actuelle devait avoir, ajoute encore à l'importance de la question. Une fois constituée, elle avait, sans s'arrêter aux décisions à prendre sur les élections ajournées, procédé à la composition du bureau.

(29 mars.) Sur 267 votans dont l'assemblée se composait, M. Ravez obtint 248 voix; M. Chilhaud de la Rigaudie 192; M. le prince de Montmorency 185; M. Cardonnel 162; M. Olivier 173; M. de La Bourdonnaye, le chef de la contre-opposition, seulement 67. Entre les cinq premiers candidats qui avaient réuni la majorité absolue, le Roi nomma encore cette année M. Ravez (ordonnance du 31 mars); la chambre élut ensuite pour vice-présidens MM. de Martignac, le vicomte de Vaublanc, M. de Bouville et M. le comte de La Bourdonnaye; pour secrétaires, MM. Sirieys de Mayrinhac, de Berbis, de Blangy et de Coupigny; et pour candidats à la questure, MM. Garnier du Fongeray, Dubruel, de la Pasture, Barthe-Labastide et Dugas de Varennes, entre lesquels S. M. fit choix des deux premiers désignés.

(5-6 avril.) L'adresse au Roi votée dans les deux Chambres, comme nous l'avons exposé, le gouvernement fit présenter en même-temps à chacune d'elles divers projets de lois politiques et financières, dont la délibération simultanée se partagea long-temps l'attention publique.

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CHAPITRE II.

Présentation et discussion du projet de loi sur le remboursement ou la rédaction de l'intérêt des rentes, 5 pour 100, à la chambre des députés.

(5 avril.) LES 5 pour 100 consolidés en hausse progressive, depuis la fin de l'expédition d'Espagne, étaient restés au dernier cours du 3 avril à 102 fr. 65 c.; mais, bien que cette hausse se fit sentir à la fois sur toutes les places et sur tous les effets publics, excepté sur ceux de l'Espagne; l'opinion d'un parti l'attribuait aux efforts des capitalistes étrangers, attirés à Paris dans l'espoir de faciliter la grande opération financière attendue, c'est à dire la conversion ou le remboursement des 5 pour 100, dont le ministre des finances porta le projet à la chambre des députés, le 5 avril, à la suite de la proposition du budget pour 1825.

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Messieurs, dit Son Exc., dans l'exposé qu'il fit de ce projet, plusieurs causes favorables ont porté nos rentes au taux élevé où nous les voyons aujourd'hui.

« Parmi ces causes, quelques-unes, tel que l'état de nos finances, les garanties que donnent nos institutions, notre ponctualité à satisfaire à nos engagemens, l'action continue et croissante de notre amortissement, nous appartiennent, et nous en conserverons les avantages.

« D'autres nous sont étrangères en partie, et dépendent des événemens.

Notre crédit éprouve encore en ce moment les effets sensibles de circonstances transitoires, qui, lors même qu'elles auront cessé, laisseront des traces utiles, mais dont il importe de profiter quand elles sont dans toute leur force, ainsi que la prudence vent qu'on use de tont ce qui est accidentel et passager.

Au nombre de ces dernières circonstances, je ne citerai que l'élan donné à l'élévation du cours de nos fonds publics par la réussite de notre dernier emprunt, les opérations qui se font dans un état voisin pour réduire l'intérêt d'ane partie de sa dette (voyez au chapitre de l'Angleterre), l'espèce de fièvre à la hausse qui s'est emparée de toutes les places où se négocient les fonds pnblics de l'Europe, et enfin la manie des prêts qui a fourni, depuis quelque temps, à qui l'a vonlu, la facilité de remplir des emprunts.

« Quoi qu'il en soit des causes, voici les faits: notre rente a dépassé le pair; elle se vend au-dessus, avec la connaissance d'un prochain remboursement ou d'une réduction des intérêts à 4. Elle serait à cent dix et cent quinze, si la loyauté da gouvernement ne l'eût porté à laisser pénétrer ses intentions à mesure qu'il a conen l'espérance de les réaliser.

Deux dommages notables résulteraient pour la fortune publique de la con tinuation d'un tel état de choses: le premier est celui du rachat journalier des

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