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les développemens de son amendement; et il insista de nouveau sur les pertes que le projet de loi ferait subir aux rentiers et à l'État. Nous ne répèterons pas les raisonnemens et les calculs qu'il reproduisit. Mais nous ferons observer qu'à l'appui de ceux qu'il avait faits sur l'action de l'amortissement, l'illustre géomètre, marquis de La Place en offrit d'autres, dont les résultats étaient les mêmes que ceux du comte Roy, et qu'il en conclut que dans toutes les hypothèses de conversion à 5, à 4 et à 3, une réduction dans le fonds d'amortissement était nécessaire, et qu'elle produirait encore de plus grands avantages dans le système du projet que dans l'état actuel des choses.

Ici M. le ministre des finances ayant demandé à être entendu sur l'amendement, entra d'abord dans de grands détails, et pour démontrer que les calculs de M. Roy, sur l'effet comparatif de l'amortissement, dans le deuxième système, reposaient sur une base fausse, puisqu'il supposait que les 3 pour 100 s'élèveraient assez haut pour donner aux rachats le cours moyen de 87 fr. 50 c., tandis qu'il supposait les 5 pour 100 comme devant rester au pair. D'ailleurs, S. Ex. insistait sur l'inconvénient de multiplier l'opération; et sur l'avantage de faire en une seule fois, dans les circonstances les plus avantageuses, une opération dont les conséquences étaient d'une influence immense sur la prospérité de l'État. Après plusieurs réponses et répliques des deux antago nistes, tous deux si bien instruits sur cette matière, la Chambre ne se trouvant pas encore assez éclairée, s'ajourna au lendemain pour prononcer sur l'amendement.

( 2 juin.) Alors s'éleva la question de savoir si l'on voterait séparément sur les divers paragraphes de l'amendement de M. le comte Roy, et l'affirmative décidée recommença la discussion sur le premier paragraphe qui fut de nouveau défendu par son auteur, et combatta par M. le duc de Narbonne et par le ministre des finances. Mais enfin l'amendement entier, soumis au scrutin, fut rejeté par 114 suffrages contre 112, majorité bien faible, mais qu'on crut d'abord décisive en faveur du projet de loi. Jamais la chambre des pairs n'avait été si nombreuse.

Ensuite venait l'amendement de M. le duc de Crillon, qui le retira, et celui de M. le comte Mollien, qui défendit le sien comme ayant eu surtout pour objet de faire disparaître l'uniformité qui rend aujourd'hui si épineuse la liquidation de la dette publique, de varier les effets et d'offrir au moyen de la conversion ou du remboursement par séries plus de sécurité sur l'opération.

(3 juin.) Mais le ministre des finances, tout en avouant l'avantage d'avoir plusieurs espèces d'effets, n'admettait pas la conversion ou remboursement par séries, on a vu par quels motifs. L'amendement fut rejeté à une majorité plus forte que l'autre, par 120 suffrages contre 105.

Restait sur cet article un amendement de M. le duc de Crillon, qui reproduisait la substitution des rentes à 4 et demi pour 100, aux rentes à 3; il la retiré, sauf à reproduire les autres parties de son amendement.

Tous les amendemens proposés sur le paragraphe premier se trouvant ainsi écartés, il allait être voté sur le paragraphe lui-même lorsque le ministre des finances a demandé la parole pour exposer, avant que la Chambre procédât au scrutin qui pouvait décider de la loi, ce que le gouvernement se proposait de faire en faveur des rentiers au-dessous de 1000 francs, dont l'intérêt paraissait être un des motifs d'opposition au projet de loi. A cet égard, il déclara que l'intention du gouvernement était, sans admettre d'exception à la loi, de proposer plus tard la création d'un établissement dans lequel les rentiers de cette classe pourraient trouver un placement fixe à un intérêt suffisant.

Il indiqua la caisse des consignations comme pouvant recevoir cette destination, et annonça qu'il serait facile de faire consentir les banquiers réunis à abandonner la commission qui leur serait acquise sur ces portions de rentes; ce qui, en assurant aux rentiers de cette classe la jouissance de l'intégralité de leur rente jusqu'au 1er janvier 1826, leur donnerait le moyen d'attendre, sans aucune perte, le moment où pourrait être créé l'établissement destiné à recevoir leurs fonds. Cette concession inattendue, sollicitée vainement dans l'autre Chambre, étaitdéjà un indice de la disposition de

celle-ci. En effet, le paragraphe premier du projet de loi, soumis à l'épreuve du scrutin, fut rejeté à la majorité de 120 voix contre 105. Le principe de la loi étant rejeté avec le premier paragraphe, il semblait inutile de discuter les amendemens; et même, au sens de quelques orateurs, de voter sur les paragraphes qui n'étaient qu'une dépendance, ou que le mode d'exécution du premier. Mais dans la discussion qui s'établit à cet égard, le ministre des finances soutint qu'on devait suivre les formes établies, par respect dû à la proposition royale. Ainsi, les deux paragraphes successivement mis aux voix furent écartés, et l'ensemble du projet de loi soumis au scrutin. Encore abandonné de quelques partisans, dans cette épreuve, il fut rejeté à une majorité plus considérable que le premier paragraphe, en voici le résultat :

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(Nombre des votans 223. 1 bulletin nul. 128 contre.)

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On nous pardonnera d'avoir donné tant d'étendue à cette discussion. Jamais projet ministériel n'avait excité plus d'intérêt et de curiosité, il absorbait celui de la septennalité. Indépendamment des intérêts matériels qu'il affectait, il s'y mêlait, quoiqu'en aient dit des orateurs (M. Casimir Périer dans la Chambre des députés, M. le baron Pasquier dans celle des pairs), l'espérance de voir tomber au moins une partie du ministère. Il courait depuis long-temps des bruits d'une scission entre M. de Châteaubriand et le président du conseil on attribuait au premier une opposition décidée au projet de conversion ou de réduction de rentes; on remarque en effet que tandis qu'il se montrait si ardent à défendre la loi de septennalité, regardé comme son projet favori, il n'était pas monté une seule fois à la tribune pour prêter l'appui de son talent au projet financier, que ses collègues avaient mis tant d'ardeur à défendre. Il ne s'était pas caché à ses amis, de l'opposition ou de la répugnance qu'il y avait inontrée dans le conseil; on répandait à ce sujet des anecdotes que l'histoire ne peut rapporter que sur des témoignages plausibles. On assurait même qu'il avait voté contre la loi, ce dont il s'est défendu et ce qu'il est difficile de décider. Quoiqu'il en soit, le dénoùment de cette lutte, où les

amours propres s'engagèrent aussi vivement que les intérêts, fut que M. de Châteaubriand reçut, le dimanche au matin, jour de la Pentecôte, au moment où il arrivait au château pour assister à la messe, l'avis qu'un paquet l'attendait au ministère : c'était l'ordonnance de son renvoi, en suite de laquelle le portefeuille des affaires étrangères fut remis par intérim à M. le comte de Villèle, et la direction des travaux politiques à M. le marquis de Moustier. Le président du conseil accompagna cette ordonnance d'une lettre d'envoi laconique, à laquelle M. de Châteaubriand repondit par un billet écrit du même style (1), et deux heures après il était sorti de l'hôtel des affaires étrangères, et retourné dans un modeste appartement où une foule de personnes distinguées de la cour et de la ville, dans les affaires et dans les lettres, allèrent tout de suite se faire inscrire. Nous dirons ailleurs les suites de cette affaire singulière; elle arrivait au moment où le sort de la loi de septennalité, regardée comme la conception du ministre disgracié, n'était pas encore décidée à la Chambre des députés. C'est là qu'il nous faut retourner.

(1) Voyez la Chronique, 6 juin.

CHAPITRE VIII.

Discussion et adoption du projet de loi pour le renouvellement intégral et septennal de la Chambre élective.

La publicité des débats, l'opposition toujours plus vive et plus animée des orateurs de la seconde Chambre, le talent reconnu de plusieurs d'entre eux, enfin la position particulière d'une assemblée qu'on regardait comme appelée à prononcer dans sa propre cause, tout semblait se réunir pour ajouter un nouvel intérêt à cette discussion déjà si grave par la matière qui en était l'objet. Le projet de loi fut présenté le 14 mai par le ministre de l'intérieur. Il en avait déjà déduit les motifs de manière à nous dispenser de les reproduire; mais il se présentait ici une objection particulière tirée de la position où la Chambre allait se trouver. S. Exc. y répondait ainsi en terminant son discours :

Messicars, ce que vous

devez au Roi, à l'État et à vous-mêmes, c'est de ne vous considérer en rien. Dans une telle délibération, votre position personnelle ne peut être ni un motif ni un obstacle. »

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Vous avez devant vous un grand exemple qu'il me sera permis de vous rappeler.

La Chambre de 1815 demeura convaincue que le renouvellement intégral était nécessaire; elle le demanda pour elle-même, comme pour les Chambres qui lui succèderaient. Le ministère ne se montra pas favorable à cette résolution; la chambre des pairs la rejeta: un projet de loi transitoire, sur les auciens colléges électoraux, fut la suite de ces débats. La chambre des députés, forte de la droiture de ses intentions, persista à demander, par un amendement, que son renouvellement ne pût être partiel. Toutes les passions furent soulevées contre elle; personne, que je sache, n'a osé dire que ses membres avaient été dirigés, dans ces grandes délibérations, par des vues personnelles : ils s'étaient placés au-dessus d'un pareil soupçon. »

(29 mai.) Quinze jours après, la Chambre se réunit pour en tendre le rapport de la commission spéciale chargée de l'examen du projet. M. de Martignac, organe de cette commission, expose qu'on peut et qu'on doit accepter la loi proposée. Il fonde cette double opinion sur les raisonnemens déjà présentés dans la première discussion. A ses yeux, «une législation fondamentale juste, sage,

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