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bornage de sa propriété, quand le propriétaire voisin l'exige, me semble de même avoir été mise mal à propos au rang des servitudes; c'est tout simplement un moyen de prévenir les usurpations, et de garantir à chacun ce qui lui appartient.

Le Code civil ne reconnaît à un propriétaire le droit d'user de la source qu'il a dans son fond, que sauf le droit que le propriétaire inférieur pourrait avoir acquis par titre ou par prescription. Il ajoute que la prescription, dans ce cas, ne peut s'acquérir que par uue jouissance non interrompue pendant l'espace de trente années, à compter du moment où le propriétaire du fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages apparens destinés à faciliter la chute et le cours de l'eau dans sa propriété. Une servitude qui ne peut s'acquérir qu'au moyen d'une possession de trente ans, et d'ouvrages apparens constatant qu'on a possédé à titre de propriétaire, ne dérive pas essentiellement de la situation des lieux. La disposition législative qui l'établit aurait dû, par conséquent, être placée dans un autre chapitre.

Les auteurs du Code civil ont mis dans le chapitre relatif aux servitudes établies par la loi, une multitude de dispositions qui n'ont rien de commun avec les servitudes, et qui n'ont pas d'autre objet que de résoudre des questions de propriétés. J'en ai fait l'observation ailleurs, en parlant des limites

qui résultent pour chaque propriété, des propriétés qui l'environnent.

Ils déclarent d'abord que les servitudes établies par la loi ont pour objet l'utilité publique ou l'utilité communale, ou l'utilité particulière, comme si ce caractère n'était pas commun à tous les genres de servitudes qu'on a établis; comme s'il était plus licite de dégrader une grande route ou un canal, en donnant aux eaux qui descendent des lieux supérieurs, une force inaccoutumée, que de dégrader une propriété particulière; comme si les propriétaires inférieurs, qui sont tenus de laisser couler les eaux des fonds supérieurs, quand ces fonds appartiennent à des particuliers, avaient le droit de les inonder au moyen de digues, quand ils appartiennent à des communes ou à l'Etat !

Les servitudes établies par la loi pour l'utilité publique ou communale, ont pour objet, suivant le Code civil, le marchepied le long des rivières navigables ou flottables, la construction ou réparation des chemins et autres ouvrages publics ou communaux. On a pu voir dans les chapitres relatifs à la propriété des cours d'eau, à la propriété des chemins publics, et aux lois rendues à différentes époques sur ces matières, en quoi consistent les servitudes de cette espèce.

J'ai précédemment fait observer que toutes les propriétés immobilières sont limitées les unes par

les autres, et j'ai démontré que les limites qu'elles se donnent réciproquement, n'ont rien de commun avec les servitudes proprement dites. Chacun ne peut, en effet, jouir et disposer des choses qui lui appartiennent, que sous la condition de respecter dans les autres des droits qui sont égaux aux siens : mon voisin a le droit de jouir et de disposer de son champ, comme j'ai le droit de jouir et de disposer du mien. Si donc une loi nous interdit de nous nuire mutuellement par l'usage ou la disposition de nos héritages, elle n'a ni pour objet, ni pour effet, de consacrer une propriété à l'usage ou à l'utilité d'une autre. Les deux propriétés restant égales, quant aux droits et aux obligations des propriétaires, il n'y a ni héritage servant, ni héritage dominant; on ne peut pas dire, par conséquent, qu'il y a servitude de l'un au profit de l'autre. Les auteurs du Code civil, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer en parlant des limites qu'imposent à chaque propriété les propriétés dont elle est environnée (1), ont donc commis une grave erreur, quand ils ont classé parmi les servitudes établies par la loi, les obligations ayant pour objet d'empêcher que des propriétaires dont les héritages se touchent, ne se nuisent mutuellement, au moyen de plantations, de constructions ou de fouilles.

(1) Tome I, chap. XXVI, page 467.

Il existe souvent, entre deux héritages limitrophes, des choses qui sont utiles à l'un et à l'autre, telles que des haies, des fossés, des murs. Si ces choses sont communes, il en résulte pour les propriétaires des droits et des obligations réciproques; mais cette communauté n'engendre aucune servitude. Toutes les fois, en effet, qu'il y a égalité de droits et d'obligations, et qu'un des deux héritages n'est pas en partie consacré à l'usage et à l'utilité de l'autre, il n'existe de servitude pour aucun. Il n'y a pas, non plus, de servitude, par le seul fait qu'une haie, un fossé, un mur de séparation, appartient à un des deux propriétaires. C'est done sans aucun fondement que les auteurs du Code civil ont placé dans le chapitre relatif aux servitudes établies par la loi, une multitude de dispositions relatives à la mitoyenneté des haies, des murs ou des fossés de séparation.

Il n'y a de véritables servitudes établies par les lois, que celles qui pèsent sur les propriétés situées aux environs des places de guerre, des postes militaires, des forêts nationales, et de quelques villes closes pour la perception des droits d'octroi, et celles qui sont accordées aux propriétaires de fonds enclavés, pour arriver jusqu'à la voie publique.

Toute personne qui peut aliéner une propriété immobilière, peut la soumettre à une charge, dans

l'intérêt d'une propriété appartenant à un maître différent, pourvu que les services auxquels il la soumet, n'aient rien de contraire à l'ordre public. Lorsqu'une propriété est ainsi assujétie à une autre par la volonté du propriétaire, les droits et les obligations qui résultent de cet assujétissement, sont déterminés par l'acte même qui les établit. Le Code civil ne les règle que dans les cas qui n'ont pas été prévus par le titre constitutif.

On a divisé les servitudes en plusieurs classes: celles qui sont établies pour le service ou l'utilité d'un bâtiment sont dites urbaines, même quand le bâtiment est situé à la campagne; celles qui sont établies pour le service ou l'utilité d'un fonds de terre, sont dites rurales, même quand le fonds de terre auquel elles sont dues est situé dans l'intérieur d'une ville.

On a aussi distingué les servitudes continues des servitudes discontinues; on a mis dans la classe des premières, celles dont l'usage est ou peut être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme, comme les conduites d'eau, les égouts, les vues; on a placé dans la seconde, celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées, comme les droits de passage, de puisage, de

pacage et autres semblables.

Enfin, on a distingué les servitudes apparentes des servitudes non apparentes; on a mis parmi les

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