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lieutenant, supposé que il y fussent présent, ne aussi le consentement dudit abbé, supposé que il y fust, ce que non, ne à li n'appartenoit du faire, se il n'estoit fait par l'autorité du roy ou de monseigneur le régent ou d'autre souverain; meesmement que, dedens si grant temps et si lonc, il peussent bien avoir trait par devers monseigneur le régent ou son lieutenant, par devers le bailli d'Amiens ou ses officiers, pour aux excuser des fais du temps passé et mettre provision ès choses dessusdites; mais il n'en avoient riens fait, ne il ne le proposoient, et par ce devoit-on présumer et supposer que ce que il avoient fait, c'estoit par hayne qu'il avoient auxdis religieux; concidéré aussi le manière du fait et l'énormité d'icelli, aveuc pluiseurs autres raisons. Lesdis Gille et ses complices disans au contraire. Et sur ce furent les parties apointiez à baillier leurs raisons par manière de mémore, et les baillèrent ad fin que nous leur feissons droit sur les choses proposéez, se boinement lez poions délivrer sans fait. Pourquoi nous, concidérans les raisons des parties bailléez par manière de memore, comme dit est, et ce qui faisoit à considérer, eu advis et delibéracion aveuc nostre conseil à pluiseurs autres saiges, avons dit et pronunchié, disons et pronunchons, et à droit, que le éleccion ou institution faite dudit capitaine, anchois que il fust instituez par notredit nepveu, et tout ce que il a fait et exercé comme capitaine pendant ledit temps, ne se puet ni doit soustenir, et le réputons et tenons pour fait dampnable, et l'amenderont les dessus nommez Gilles et ses complices; mais, pour ce que les fais que il proposent peuvent servir et valoir à la diminution des amendes ès cas dessusdit, nous y commetterons certains commissaires pour savoir et enquerre le vérité des fais dudit Gilles et ses complices et desdis religieux, quant ad ce et quant as fais proposez tant d'une part comme d'autre, advenus depuis ce que ledit Gilles fust député capitaine par notredit nepveu, nous ne le poons délivrer, sans savoir le vérité desdis fais; si feront les parties leurs fais et bailleront actes, et sur iceulx baillerons commissaires pour savoir et enquerre la vérité et l'enqueste faire et parfaire, et rapporter tant des fais fais et advenus anchois que lidis Gilles fust capitaine par nostredit nepveu, comme des fais que on dist estre advenus depuis qu'il fu capitaine par notredit nepveu; nous ferons droit entre les parties et réservons le question des despens en le diffinitive de ladite enqueste; et meemement nous avons donné congié asdites parties de eulx accorder se il leur plaist, et que, se lidit commissaire les pueent mettre à accord, il les y mettent, sauf le droit du roy et de monseigneur le régent, en rapportant l'accord par devers nous. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre notre seel à ces presentes lettres, qui furent faites et données le cinquiesme jour du mois de juing l'an mil ccc chienquante et noef, et estoient ainsi signées: par mon

1361.

aout.

1360.

octobre.

sieur le lieutenant en son conseil, ouquel estoient messire Pierre Lerache,
messire Estienne Dubos, maistre Guillaume de la Vaquerie, et plusieurs autres.
J. MERCHIER.
H. DE FILLAINS.

Biblioth. imp., cartul. noir de Corbie, fol. 3 ro.

XLVII.

LETTRES DE CHARLES, RÉGENT DU ROYAUME, AU SUJET DE LA
DERNIÈRE ÉMEUTE DES HABITANTS DE CORBIE.

Les lettres suivantes, données par Charles, régent de France, au mois d'octobre 1360, contiennent la décision solennelle de l'autorité royale dans l'affaire de l'an 1356. On y fait le récit de cette affaire tel que le présentaient les religieux, et on y rappelle les explications que donnaient les habitants de Corbie incriminés. Sur plusieurs des points en litige, la lettre du régent contient des transactions faites entre les habitants et les religieux; pour les autres, les parties sont renvoyées devant la justice compétente. Après avoir loué et approuvé l'accord conclu par les religieux d'une part et les habitants de l'autre, le régent déclare accorder à ces derniers un pardon absolu pour les excès et délits dont ils se sont rendus coupables, et leur faire remise entière des amendes ou peines corporelles qu'ils auraient pu encourir.

Johannes, Dei gratia Francorum rex, notum facimus universis tam presentibus quam futuris nos litteras infrascriptas carissimi primogeniti nostri ducis Normamie et Delphini Viennensis, tunc regnum nostrum regentis, vidisse, formam que sequitur continentes :

Charles, aisné fils du roy de Franche, régent du royaume, duc de Normandie et Delphin de Viennois, savoir faisons à tous présens et advenir que, oye l'umble supplication des religieux, abbé et couvent de Saint-Pierre de Corbie et des habitans d'icelle ville, contenant que, comme certains descors fussent meus ou espérés à mouvoir entre lesdits religieux d'une part et lesdits habitans d'autre, pour cause de ce que Gille de Blangi, soy portant lors capitaine desdites ville et habitans, ses adhérens et complices, par force et violences et à armes, du commandement desdits habitans, avoient en plusieurs lieus, fons et domaines d'iceux religieux et contre leur volenté, couppé et abbatus plusieurs arbres portans fruis et plusieurs saulx et autres arbres profitables auxdis reli

gieux; et aussi avoient esdis demaines et fons desdis religieux vuasté et dissipé plusieurs prés et aires, et abbatus et mis par terre leurs molins et osté les cours de l'eaue et fait certaine doudane, prins et emporté lesdits arbres et le merrien desdits molins et appliquié à eux et fait ce qu'il leur avoit pleu, et peschié en certains viviers et eaux d'iceux religieux et emporté les poissons, vendu et dispensé à leur singulier pourfit; et aussi muré la porte d'une certaine vigne appartenant auxdits religieux et plusieurs murs d'icelle vigne et qui faisoient closture à icelle, despeschiés et abbatu; et aveuc ce eussent effondré et prins fousseurs et autres instrumens à foussoier; et fait ou fait faire fosses ou fons ès demaines d'iceux religieux, et, non contens de ce, fussent allés lesdits capitaines et habitans en la maison de Saint-Ladre de ladite ville, et d'icelle maison eussent osté le maistre et le ministre de leur propre volenté, sans mandement ou commission avoir, mais par force et contre la volenté desdits religieux, qui ledit maistre et ministre ostent, mettent et instituent toutefois que il leur plaist, et mis et institué autre maistre et ministre en lieu de l'autre, et prins et osté les clefs d'icelle maison, par volenté baillés et livrés au maistre par eux mis, et aveuc ce eussent fait ou fait faire lesdits capitaine et habitans un seel nouvel de la jurisdiction temporelle de ladite église, laquelle appartient seule et pour le tout auxdits religieux, et d'icelui usé et prins les pourfis et émolumens et à eux appliqué par force et contre la volonté desdits religieux; et après lesdits capitaine et habitans, de leur autorité et volenté, sans la licence et assentement desdits religieux ne d'autre pour eux, eussent prins de fait et emporté les clefs des portes d'icelle ville et ostées à ceux qui de par lesdits religieux les gardoient, et baillés à autre tel qu'il leur a plu, et plusieurs autres exceps et délis contre lesdits religieux; pour lesquels exceps, injures et délis, lesdits religieux s'estoient complains et dolus, afin d'avoir leurs demaiges, intérests et injures, lesquels furent estimés par lesdits religieux et leur conseil à certaine somme d'argent; et disoient que lesditz excès, injures et délis avoient esté faits et perpétrés en leur grant griefs, préjudice et demaige, et en eulx troublant et empeschant en leur possession et saisine, tant de justice et seigneurie que ils ont tous seuls et pour le tout en la ville et lieu dessusdit, comme en saisine et possession qu'ils ont de leursdits fonds et demaine et en enfreignant la sauvegarde de mondit seigneur et la nostre, en laquelle lesdits religieux, leurs biens, possessions, et faculté ont de longtems passé esté, estoient pour le temps, et encores sont, si comme ils dient, et s'en estoient dolus et entendoient à doloir en cas de nouvelleté et saisine, en requérant que, avec ladite demande faite desdites injures, ils fussent tenus et gardés en saisine et possession des choses dessusdites, et que l'empeschement mis par lesdits Gilles

et habitans fust osté en plain. Lesdits Gilles et habitans disant au contraire que ce qu'ils avoient fait, ils l'avoient fait pour le bien, seureté et pourfit de ladite ville de Corbie et pour esquiver le péril qu'il s'en pouvoit ensuivre par les ennemis de monseigneur et de nous, pour contrester et résister à la malevolenté d'eux et d'aucunes gens du plat pays, qui pour le temps estoient mal meus, et aussi pour ladite ville garder et fortifier loyalement et en bonne foy; et ce que fait estoit dudit seel s'estoit pour le bien public des habitans d'icelle ville, et pour savoir qui partiroient d'icelle ne quels gens ne comment; et aussi de la maison de la maladerie de Saint-Ladre s'estoit pour le pourfit et utilité de ladite maison et pour obvier aux excès que on faisoit en icelle, aveuc plusieurs causes et raisons qu'ils disoient et proposoient à fin d'absolucion et délivrance. Item disoient et proposoient lesdits habitans contre lesdits religieux que, comme certaine porte d'icelle ville, nommée la porte du Gibet, que lesdits religieux avoient estoupée et pont qui y estoit et tenoit à ladite porte brisie et abbatue qui estoit nécessaire pour voie commune, que icelle porte et pons fussent refais et réparés et remis en estat deu par lesdits religieux, et à leur propre mission et despens, si comme faire le devoient; et aussi il est en ladite ville de Corbie prés, lieux et certains marés communs, pourffitables et nécessaires pour les habitants de ladite ville que lesdits religieux faisoient fauchier et tourber sans cause et contre raison; et aveucques ce du tonlieu des denrées et choses que l'on achate pour son user en icelle ville que lesdits religieux voloient prendre ou faire prendre et lever à leur pourffit de toutes manières de gens sans cause, jà soit ce que lesdits habitants aient usé et soient en possession et saisine du contraire.

Item, se plaignoient et disoient lesdits habitans que lesdits religieux voloient prendre ou faire prendre, recevoir et lever par eulx ou leurs députés bassinage de sel qu'on amenoit et amène à cheval ou à brouette et par tele manière que de celui qu'on amenoit en ladite ville à nef ou à navel.

Item, requéroient et disoient lesdits habitants que certaines maisons qui sont sur le froc de la ville et voient devant l'hostellerie par laquelle chascun d'ancienneté devoit avoir son usaige d'aller et venir, lesdits religieux ont baillé à rente, cens ou autrement, et pour ce que leur usaige d'aler et venir estoit empeschiez, qu'ils fussent restituez et restablis par lesdits religieux ou autres pour eulx à leurdit usaige, premier et deu.

Item, requéroient lesdits habitans que, comme il ait d'ancienneté et de coustume en ladite ville de Corbie certains eschevins qui mettent pris et feur aux vins et si doivent visiter et regarder l'estat du vin vendu et acheté en ladite ville; et aucunes fois, quant ils mettent feur ausdits vins, selon le pays dont

ilz sont creus, selon le prix qu'ils coûtent, on défend et fait deffendre que nuls ne mette ou face mettre vin d'un pays aveuc autre d'autre pays, afin que aucun ne soit déceus ou fraudé, à peine de certaine amende, et il avient et eschiet aucune fois que lesdits religieux, par faveur ou autrement, donnent ou font donner congié et licences à aucuns de faire le contraire ou au moins leur pardonnent ou font pardonner, remettre et quittier les amendes, s'ils les fourfont, sans mettre la chose en estat dû, pour quoi les bonnes gens de la ville en sont fraudés, grevés et dommagiés; et avecques ce lesdits religieux ou aultres pour eulx se fussent efforchiés et voulu demander, avoir et recevoir, de ceulx qui trespassent en ladite ville de cest siècle en l'autre, luminaire, selon la grandeur ou linage des trespassez, ou selon leur faculté et richesse, et non mie selon la voulenté, ordennance et dévotion desdits trespassés, de leurs amis charnels ou exécuteurs, et que on mist sur le corps des trespassez draps d'or ou autre noble draps, et s'aucun en y avoit ou estoit mis, ils voloient avoir et recevoir des amis ou exécuteurs desdits trespassés grands et excessives sommes d'argent, contre droit et raison et l'ancienne coustume et observance de ladite ville; lesquels choses dessusdites et chacune d'icelles estoient au grant grief, préjudice et dommaige de ladite ville et desdits habitans, si comme ils disoient, requérans que sur ce leur fust par mondit seigneur et nous pourveu de remède convenable. Et comme nous, saichans et véans les périls qui pour les causes s'en pooient ensuir, veillions pourveoir à la seureté de la ville et du pays, et tenir en garde lesdits religieux et habitans et tous les autres bons, loyaulx et vrais subjects obéissants de monseigneur et de nous et du royaume en bonne union, paix et tranquillité, avons commis et députés de par mondit seigneur et nous, à la requeste desdits religieux et habitans, nos amés et féaulx conseillers, Jacque la Vache, Fauvel de Vaudencourt, Tristan du Bos, chevaliers, et maistre Guillaume de la Bergerie, les trois ou les deulx d'iceulx, pour eulx enformer et enquérir la vérité des choses dessusdites, et iceulx accorder et mettre en bonne pais et union; lesquels, par vertu et auctorité de nos lettres sur ce faites, oïes les causes et raisons desdites parties, et de l'assentement, consentement et accord d'eulx, faites premier sur icelles informations, veus par inspection lesdits lieux et lesdits faits et cogneus d'iceulz diligement, ont traitié, disposé et ordené desdits descords et discensions ou cas qu'il nous plaisoit, en le manière qui s'ensuit :

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Ch'est assavoir que, pour les choses et complaintes dont lesdits religieux se sont complaincts desdits habitans par les sergents exécuteurs d'icelles, jours sera donnés et assignés estre sur les lieux auxdits religieux et ausdits habitants, auquel jour lesdis habitans, ou leur procureur suffisamment fondés, remettront 67

T. III.

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