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auxquelles fut confiée la conservation des libertés et des droits de la ville. Sous ce titre, les nouveaux magistrats municipaux se mirent en possession de la juridiction civile et criminelle, et suspendirent l'exercice des droits seigneuriaux du monastère de Corbie. Les religieux, n'ayant aucune force pour résister à cette révolution, adressèrent leurs plaintes au roi, en le priant d'apporter un remède convenable à la violence qui leur était faite. Par la lettre qu'on va lire, Jean II déclare nuls les faits indûment accomplis, et passibles d'amende les auteurs et complices de ces faits; la poursuite de l'affaire est remise à la diligence du bailli d'Amiens. On ne sait si les membres du nouveau corps de ville résistèrent à ces sommations; mais il paraît que l'ancien ordre de choses fut assez promptement rétabli.

Johannes, Dei gratia Francorum rex, baillivo Ambianensi aut ejus locum tenenti salutem. Tradita nobis querela religiosorum virorum abbatis et conventus cenobii ville Corbeiensis continebat quod, cum ipsi soli et in solidum in eadem villa omnimodam habeant juridicionem, sintque in possessione et saisina eam regendi et eligi faciendi certum numerum personarum dicte ville pro talliis et assietis super habitantibus dicte ville faciendis, necessitate urgente, pro factis honorabilibus, amfractibus, misiis et expensis dicte ville dum casus hoc exigit supportandis, nichilominus, hoc mense novembris ultimo preterito, quo rex Anglie cum omni exercitu suo regnum nostrum intravit, xx" persone, de voluntate et assensu dictorum conquerentium electe extitissent ad assidendum, levandum et exigendum certam pecunie summam super dictis habitantibus, pro expensis illorum dicte ville qui tunc in nostra comitiva armati fuerant et parati, quoque satis competentem summam pro dictis expensis exsolvendis levassent, Johannes Karierii, Reginaldus de Tillolio, major de Marcel et Colardus de Manta, ausu temerario, sua auctoritate propria, dictis religiosis et majori parte dictorum habitantium ad hoc minime vocatis, ultra assietam ob causam predictam factam, unam aliam taliam seu assietam fecerunt et inde certam pecunie summam, quam ubi eis placuit, ut dicitur, converterunt, receperunt et levaverunt; quod pejus est, mala malis accumulando, habitantes dicte ville coadunati, quanquam corpus et communiam non habeant, eorum motu proprio duodecim personas ad conservacionem libertatum et jurium dicte ville elegisse, et eis, in duorum auditorum regiorum presentia, quos per eos asseritur in dicta Corbeiensi villa hostiatim ductos fuisse, auctoritate et licencia eis prestitisse et per eos illa que facta forent rata et grata habere pro

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misisse dicuntur et per hoc nituntur dicti habitatores juridictionem et dominium ad usum eorum applicare, unde dicti religiosi exheredari possent, eorum grave, dispendium et prejudicium non modicum et gravamen, sicut dicitur, supplicantes eis super hoc provideri de remedio opportuno. Quocirca vobis mandamus committendo quatenus si, vocatis evocandis, vobis constiterit de premissis dictos habitantes ad annullandum omnia per eos indebite absque dictorum religiosorum consensu facta viritim, nec non emendam propter prestandan condignam secundum quod casus exigerit, attentis premissis, in hac parte compellatis. Si vero dicti habitatores seu aliquis ipsorum in contrarium se opponere voluerint, opponentes adjornetis ad dies ballivie Ambianensis, nostro proximo parlamento, super hujusmodi oppositione contra dictos conquerentes processuri ut sit rationis, quod sic fieri volumus et hoc dictis religiosis concessimus de gratia speciali per presentes litteras, subrepticiis in contrarium impetratis vel in posterum impetrandis non obstantibus quibuscumque. Datum apud Lupariam juxta Parisios, xx" die octobris anno Domini м° ccco quinquagesimo sexto.

Biblioth. imp., cartul. Esdras, fonds de Corbie, no 21, fol. 85 vo.

XLV.

SENTENCE DU LIEUTENANT DU ROI EN PICARDIE, AU SUJET D'UN APPEL FAIT A SON CONSEIL PAR LES HABITANTS DE CORBIE.

Les habitants de Corbie, condamnés par une sentence du prévôt des religieux, avaient voulu faire appel devant l'assise du bailli d'Amiens. En conséquence, ils s'étaient assemblés à la halle, avaient invité le prévôt à s'y rendre, et lui avaient demandé d'autoriser la procuration donnée par eux à un certain Jean Doure de suivre les affaires de la ville; mais l'officier de l'abbaye refusa cette autorisation, hors le cas où la procuration serait donnée non pas collectivement pour la ville, mais au nom des personnes présentes. Alors les habitants de Corbie passèrent outre et firent leur appel au conseil, où la valeur de la procuration donnée par eux fut discutée préjudiciellement.

Robert de Fiennes, lieutenant de Charles, régent du royaume, en Picardie, prononça que leur mandataire n'était pas muni de pouvoirs suffisants, les renvoya devant la cour de l'abbaye pour se faire mieux autoriser, et les condamna aux dépens de la procédure.

Robers, sire de Fiennes, connestable de France, lieutenant du roy nostre sire et de monseigneur le régent le royaume de France, ès païs de Picardie, de Vermandois et de Biauvoisis, à tous ceulz qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons à tous présens et advenir, que, suz ce que les habitans de la ville de Corbie se disoient nagaires appellé, à l'assise d'Amiens du prévost religieux de la ville et église de Corbie, d'un jugement, sentence, ordenance, deffaut ou reffus de droit faict par icelli prévost contre ychiaux habitans; et pour ce que la cause dudit appel qui estoit en ladite assise fust en brief terminée ad fin deue, ordenasmes que, en le présence de nostre conseil, la cause fust plaidie. Si fu proposé de la partie de Jehan de Dours, lui disant procureur desdits habitans, que à boine cause avoit esté appellé, et devoit estre receux comme bien appellans, parce que en temps passé et au jour que ledite appellacion fu faite, iceux habitans avoient fait requerre audit prévost que il venist en hale pour oïr ce que il li vaulroient dire; li quelz y ala, et lors que venus y fu, le requirent que il leur passast et scellast une procuration ou nom d'iceulx et des habitans de ladite ville, liquel y estoient à grant nombre, pour demener les causes de ledite ville. A lequelle requeste il leur avoit respondu que il meissent ou feissent mettre par escript leurs noms et surnoms, pour savoir se il estoient le plus grande et le plus saine partie desdis habitans, et lesdis habitans disans que il estoient le plus grande et le plus saine partie desdis habitans, et que il leur devoit accorder ledite procuration, sans dénominacion faire, et que il estoient si grant nombre de personnes si notables que il faisoient le plus grande et le plus sainne partie de la ville, si comme il pooit apparoir, et que en telle manière l'avoit passé et ses devanciers, par pluiseurs fois, passé avoit quarante ans. Et sur ce, ledit prévost leur avoit reffusé à faire ladite procuracion, et pour ce avoient lidit habitant de li appellé. Si disoit lidis procureur que il avoit esté mal jugié ou pronunchié par ledit prévost, et bien appellé par lesdis habitans, et leur devoient lesdis religieus rendre coux et frais; le procureur desdis religieux disans et proposans que, à poursieure ladite cause d'appel, ledit Jehans de Dours estoit moins que souffissament fondés pour lesdis habitans; et li devoit estre congiez de court donnez, parce que li lettre qu'il disoit estre procuracion n'estoit mie souffissament faite, ne pardevant juge aians pooir de ce recepvoir, car ladite procuration estoit faite. devant Tassart de le Vigne, qui se disoit garde de le justice de la ville de Corbie, liquels estoit juges de petite auctorité, ne n'avoit seel autentique, mais estoit seellée d'un seel privé, si comme il disoit. Et il avoit à Corbie auditeurs ou tabellions de la baillie d'Amiens, qui passoient telz manières de obligations et de procurations et tous autres contraux, et à leur relacion comme autentique et

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solempnele y estoit mis li seaulz royaux de le baillie d'Amiens, par devant lesquels, se il eussent volut, il eussent fait et constitué leurs procureurs et le peussent et deussent avoir fait, et aussi pour ce que en ladite lettre de procuration n'avoit aucuns noms ne surnoms desdis habitans, ne nommez n'y estoient ne tesmoingné, n'estoit en ladite lettre qu'il disoient procuration, que il fussent le plus grande ne le plus sainne partie, mais n'estoit contenu en général que li habitant de la ville, sans aucun nommer, qui faisoient le plus grande et le plus sainne partie, si comme il sanloit audit juge et garde de ladite justice, faisoient et constituoient leurs procureurs, laquelle chose ne devoit valoir par droit, car il appartenoit et estoit nécessaire de droit que li constituant procureurs fussent nommé déterminéement, ou au moins tesmoingnié souffissament et adcertenéement que il fussent le plus grande et le plus saine partie, et aucuns et nul se obligaissent esdites lettres de procuration de avoir ferme et agréable le fait de leurs procureurs et de paier le jugié, se il estoit contre eulz; par quoy lesdis religieus leurs adversaires peussent avoir droit d'action ou exécucion certainne et déterminée contre lesdis constituans. Et supposé que il fust bien fondés, si disoit li procureurs desdis religieux qu'il estoit mal présentez; car lidis procureurs desdis habitans, quant il fist le présentacion au jour de Foulloy de l'assise d'Amiens, ne bailla aucune procuration viese ou nouvelle de par lesdis habitans, laquelle chose fust nécessaire par le stille et usaige nottoire de la court de la baillie d'Amiens en l'assise d'icelle ; mais bailla sa procuration après le jour de la présentacion, c'est assavoir après ce que son advocat eut proposé sa demande; et supposé sans préjudice que il fust bien présentés, si disoit-il, l'adjournement est mains souffissant, veu la commission sur ce donnée, et la relacion d'icelle. Et se ledit adjournement estoit souffissant, si disoit li procureur desdis religieux que li procureurs desdis habitans ne faisoit à recepvoir comme appellans de sentence ou pronunciacion, supposé sans préjudice que le fait que il propose fust voir, car il ne proposoit mie, qu'il y eust eu aucune sentence ou jugement, laquelle cose il convenoit nécessairement. Et supposé sans préjudice que lidis procureurs eust dit qu'il reffusoit à faire ledite procuration, si ne proposoit mie li procureurs desdis habitans que il l'eust dit par droit, ne que lidit habitant eussent sommé ne requis ledit prévost de faire droit, ne qu'il eussent demandé droit à avoir, par les hommes ou eschevins de la court desdis religieux; par lesquelz hommez ou eschevins li jugement se font au conjurement dudit prévost; et se il faisoit à recepvoir comme appellans, si disoit li procureur desdis religieux que il avoit esté bien dit ou pronunchié par ledit prévost et mal appellé par lesdis habitans, car, quant lidis prevoz fu requis de faire ladite procuration, il requist

que

auxdis habitans il baillassent leurs noms et surnoms par escript, par quoy il peust savoir si c'estoit le plus grande et le plus saine partie, et dist que on le devoit faire, et offri à plus faire se faire le devoit; de laquelle cose lidit habitant avoient appellé contre raison, et meesmement qu'il n'avoient corps ne colége, ne ne pooient faire ne ordener procureurs, sans le liscence ou congié desdis religieux, asquelz il estoient subget, ou se par droit lidis procureurs ne l'avoit reffusé à faire, ou que deffaillans eust esté de faire droit souffissant, sommé et requis, ce qui n'avoit mie esté, pour quoy concluoit li procureurs desdis religieux ad fins dessusdites; et en ouitre devoit avoir congié li procureurs desdis religieus contre lesdis habitans, pour ce que, veu l'adjournement qu'il apportoit, que lesdis habitans se disoient avoir appellé de sentense, et aussi de deffaut ou reffus de droit dudit prévost desdis religieux, et il ne poursuioit que appellacion de sentense, et non de deffaut ou reffus de droit, et pour ce devoit avoir congié en tant qu'il se disoit avoir appellé de deffaus ou reffus de droit et avoit dudit congié tel pourfit que le coustume donnoit, et aussi le requéroit li procureur du roy nostre sire pour l'amende de ladite appellacion; le procureur desdis habitans disans au contraire que le juge devant lequel il avoient constitué procureurs estoit jugez autentiques et représentans le personne des religieux de Corbie, pour cause de l'exécucion que lesdis habitans avoient par vertu dudit appel; et se il n'y eust eu point d'exécucion, et il eussent fait procureurs devant le juge desdis religieux, il souffesist ladite procuration, et aveucq ce estoit tesmoingnié par ledit juge estre le plus grande et le plus sainne partie, et ainssi li sanloit; laquelle chose devoit souffire, ne il n'y convenoit autre expresion de noms ne de surnoms de . .

valoir ladite présentacion. Car supposé sans préjudice que stille fust telz que on bailast nouvelle procuration quant on se présentoit, si n'estoit-ce une necessitez de le bailler fors à le plaidoirie, pour ce que l'ordenance faite sur ce ne contenoit mie le contraire, si comme il disoit, et aveuc ce ladite cause avoit esté anticipée par nous et nostre conseil, qui aviesmes volut que ladite cause feust par devant nostredit conseil, et pour ce souffissoit que, quant ladite cause fu plaidié par devant nostre conseil, que la procuration fu baillié et non paravant. Et aveucq ce, disoit ledit adjournement estre bon, veu le fourme d'icelli. Et en oultre disoit lidis procureurs qu'il souffissoit par droit pour appeller, que lisdis prévoz eust en li prins autorité de jugement, sans lesdis hommes ou eschevins, ce que il fist, combien que il y eust des hommes présens à ladite response faire, et fu reffusans lidis prévoz expressément de accorder ladite procuration, sans dire ni faire mencion de avoir autre advis, pour quoy concluoit lidis procureurs desdis habitans, qu'il estoit bien

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